Pour que cette guerre ne soit pas civile
Ce n'est pas l'État islamique qui veut instaurer la guerre
civile chez nous entre les «communautés», c'est nous qui courons à la guerre
civile si nous fabriquons artificiellement ces communautés.
Ne pas nous diviser. Ne pas céder à la haine. Car le risque est là, bien
sûr, de fracturer un peu plus une société malade. De nourrir les colères et
les ressentiments. Ces préventions sont nobles, et surtout nécessaires,
quand elles marquent une volonté de rassembler le peuple contre ceux qui
l'attaquent, mais elles sont criminelles si elles ne sont qu'un prétexte
pour réduire au silence ceux qui auraient le tort de ne pas se contenter des
lénifiants appels à «continuer à vivre comme avant» pour «ne pas donner
raison aux terroristes». Une expression tourne dans les conversations, une
expression terrible, qui résume l'angoisse latente: guerre civile. Et plutôt
que de s'en prendre aux Cassandre qui ont le mauvais goût de prononcer tout
haut ces mots que chacun chuchote, l'urgence est de se demander comment la
France, après la leçon de ces siècles de drames, des bûchers cathares et des
dragonnades aux colonnes infernales de Vendée, des cloches de Saint-Germain
l'Auxerrois sonnant la Saint-Barthélemy au massacre de Sétif, en 1945,
comment cette France peut encore aujourd'hui craindre de réveiller ce
spectre.
Faut-il le rappeler, il n'y a, en République, qu'une
communauté, la communauté nationale.
Guerre civile? Entre qui et qui? Nul, bien évidemment, ne sait définir de
quelconques belligérants. Et tout le monde remarque la façon dont les médias
tentent maladroitement de rappeler certaines vérités, comme le fait que les
islamistes tuent aussi bien des musulmans que des non-musulmans (
...sans compter les femmes et les enfants...,). Maladroitement, en effet,
quand une journaliste affirme sur une radio que «la communauté musulmane
condamne ces actes atroces, elle qui a perdu trente de ses membres dans
l'attentat de Nice». Faut-il le rappeler, il n'y a, en République, qu'une
communauté, la communauté nationale. Ce sont trente Français ( ...et
françaises ...et enfants français ...) de confession musulmane qui ont
été tués dans cet attentat. Et l'on aimerait que cesse cette façon de
constituer par paresse de langage des entités fictives, pour s'étonner
ensuite que les gens fassent «des amalgames» en percevant «les musulmans»
comme un tout.
Guerre civile? Sans doute, puisque certains pactisent avec l'ennemi
ou se réjouissent de ses abominables faits d'armes. Parmi ceux-là, les uns
sont étrangers, comme l'assassin de Nice, mais d'autres sont français. Et
l'on sent bien l'impuissance qui est la nôtre face à ces phénomènes de
basculement. «Radicalisation», «ralliement à Daech»… Des experts s'écharpent
pour savoir si l'on peut considérer qu'un homme qui n'a jamais été un
musulman fervent, qui n'a jamais mis les pieds dans une mosquée, doit être
catalogué comme «islamiste». Des tels débats sur le sexe des anges
(...?...) ont quelque chose d'absurde et de pathétique. Ces gens
nous haïssent et c'est là leur point commun. Qu'ils soient français,
tunisiens, algériens, afghans ou tchétchènes, ils ont trouvé dans l'État
islamique une entité qui défie cet Occident qu'ils détestent et auquel ils
attribuent leurs malheurs. L'islam simpliste des islamistes fonctionne à la
fois comme un principe sectaire ( ....binaire ..des Êtres ...) de
séparation du pur et de l'impur - «nous» contre le reste du monde, inférieur
car «faible» - et comme marqueur identitaire. De sorte qu'il n'est nul
besoin pour les nouveaux adeptes de la moindre étape, de la moindre
conversion. L'État islamique agit comme un catalyseur (jusqu'à servir
d'étendard au moindre cas psychiatrique en mal de vengeance ou de
notoriété), de sorte que son anéantissement total est, certes, un préalable,
mais il ne suffira pas à répondre, chez nous, au défi que constitue cette
masse de haine et de frustration accumulées par des jeunes à qui l'on a
expliqué depuis trente ans que tous leurs malheurs venaient de l'Occident en
général et de la France, «coloniale et raciste», en particulier.
Que ne leur a-t-on transmis, à eux comme à tous les
autres, la fierté d'être français ?
Ce n'est pas l'État islamique qui veut instaurer la guerre civile chez
nous entre les «communautés», c'est nous qui courons à la guerre civile si
nous fabriquons artificiellement ces communautés, si nous continuons à nous
excuser de ce que nous sommes et à renvoyer les enfants d'immigrés à leur
statut de descendants de martyrs. Il n'est besoin que de voir comment
l'islam, même modéré, agit désormais comme une identité de substitution pour
nombre de jeunes gens en mal de visibilité (d'où le voile et le halal: il
faut montrer, se montrer, en contradiction totale avec le principe
d'humilité affirmé par le Coran). Que ne leur a-t-on transmis, à eux comme à
tous les autres, la fierté d'être français? Non pas une fierté bête et
chauvine, mais ce sens de la responsabilité pour qui doit se montrer digne
de l'héritage de Montaigne, de Voltaire ou d'Hugo.
Le monde est vaste pour tous ceux qui trouveraient que
la France est mauvaise mère ; bon vent.
La réponse est donc double: d'un côté, s'opposer à tout ce qui, dans le
monde, nourrit le ressentiment contre l'Occident (ce que furent les guerres
d'Irak et de Libye, ce que demeurent la poursuite de la colonisation des
Territoires palestiniens ou les ambiguïtés diplomatiques avec les monarchies
pétrolières) et de l'autre, rappeler à quiconque vit en France que son mode
de vie et son modèle social sont le fruit d'une histoire et sont adossés à
des valeurs. On ne saurait vouloir bénéficier des avantages de ce modèle
sans adhérer à ce qui en a permis l'existence. On ne saurait profiter de ce
qu'on prétend haïr. Le monde est vaste pour tous ceux qui trouveraient que
la France est mauvaise mère ; bon vent.
La réponse, notre réponse de peuple uni, refusant la guerre civile, ce ne
sont pas de nouvelles lois ou l'épuisement de nos forces de sécurité dans
des multiples «opérations Sentinelle», ce n'est surtout pas un silence gêné
pour éviter les sujets qui fâchent et permettre la poursuite gentillette de
notre divertissement généralisé, c'est avant tout le réarmement de nos
consciences et la reconstruction pour les décennies à venir d'une communauté
nationale, partageant des valeurs, des références littéraires,
philosophiques et culturelles, une histoire faite d'ombres et de lumière.
Notre réponse, c'est d'être la France.
.... Cette montée
vers l'apocalypse est la réalisation supérieure de l'humanité. Or plus
cette fin devient probable, et moins on en parle.
J'en suis venu à un point décisif : celui d'une profession de foi,
plus que d'un traité stratégique, à moins que les deux mystérieusement
s'équivalent, dans cette guerre essentielle que la vérité livre à la
violence. J'ai toujours eu l'intime conviction que cette dernière
participe d'une sacralité dégradée, redoublée par l'intervention du
Christ venu se placer au cœur du système sacrificiel. Satan est l'autre
nom de la montée aux extrêmes. Mais ce que Hölderlin a entrevu, c'est
aussi que la Passion a radicalement transformé l'univers archaïque. La
violence satanique a longtemps réagi contre cette sainteté qui est une
mue essentielle du religieux ancien.
C'est donc que Dieu même s'était révélé en son Fils, que le religieux
avait été confirmé une fois pour toutes dans l'histoire des hommes, au
point d'en modifier le cours. La montée aux extrêmes révèle, à rebours,
la puissance de cette intervention divine. Du divin est apparu, plus
fiable que dans toutes les théophanies précédentes, et les hommes
"C'est pour expulser la vérité au sujet de la violence qu'on se
confie à la violence." René Girard
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