Il y a ainsi des formes d'accélération de l'histoire qui se
perpétuent. On a l'impression que le terrorisme actuel est un peu
l'héritier des totalitarismes, qu'il y a des formes de pensées communes,
des habitudes prises. Nous avons suivi l'un des fils possibles de cette
continuité, avec la construction du modèle napoléonien par un général
prussien. Ce modèle a été repris ensuite par Lénine et Mao Tsé-Toung,
auquel se réfère, dit-on, Al Qaida. Le génie de Clausewitz est d'avoir
anticipé à son insu une loi devenue planétaire. (
Nous
ne sommes plus dans la Guerre froide, mais dans une guerre très chaude,
étant donné les centaines, voire demain les milliers de victimes
quotidiennes en Orient.
Le réchauffement de la planète et cette montée de la violence sont
deux phénomènes absolument liés. J'ai beaucoup insisté sur cette
confusion du naturel et de l'artificiel, qui est ce que les textes
apocalyptiques apportent peut-être de plus fort. L'amour s'est en
effet "refroidi ». Certes, on ne peut pas nier qu'il travaille comme
il n'a jamais travaillé dans le monde, que la conscience de l'innocence
de toutes les victimes a progressé. Mais la charité fait face à
l'empire aujourd'hui planétaire de la violence. Contrairement à
beaucoup, je persiste à penser que l'histoire a un sens, qui est
précisément celui dont nous n'avons cessé de parler. Cette montée
vers l'apocalypse est la réalisation supérieure de l'humanité. Or plus
cette fin devient probable, et moins on en parle.
J'en suis venu à un point décisif : celui d'une profession de foi,
plus que d'un traité stratégique, à moins que les deux mystérieusement
s'équivalent, dans cette guerre essentielle que la vérité livre à la
violence. J'ai toujours eu l'intime conviction que cette dernière
participe d'une sacralité dégradée, redoublée par l'intervention du
Christ venu se placer au cœur du système sacrificiel. Satan est l'autre
nom de la montée aux extrêmes. Mais ce que Hölderlin a entrevu, c'est
aussi que la Passion a radicalement transformé l'univers archaïque. La
violence satanique a longtemps réagi contre cette sainteté qui est une
mue essentielle du religieux ancien.
C'est donc que Dieu même s'était révélé en son Fils, que le religieux
avait été confirmé une fois pour toutes dans l'histoire des hommes, au
point d'en modifier le cours. La montée aux extrêmes révèle, à rebours,
la puissance de cette intervention divine. Du divin est apparu, plus
fiable que dans toutes les théophanies précédentes, et les hommes ne
veulent pas le voir. Ils sont plus que jamais les artisans de leur
chute, puisqu'ils sont devenus capables de détruire leur univers. Il ne
s'agit pas seulement, de la part du christianisme, d'une condamnation
morale exemplaire, mais d'un constat anthropologique inéluctable. Il
faut donc réveiller les consciences endormies. Vouloir rassurer, c'est
toujours contribuer au pire.
juillet 2007