Et si nos scénarios amoureux étaient écrits depuis notre enfance ?
La quête de sécurité affective et la manière d'exprimer notre
besoin d’attachement conditionnent les rapports dans le couple…
Pour
le meilleur ou pour le pire !
La raison impose que le choix amoureux se conforme aux choix de son
milieu social, culturel ou familial. Dans notre société actuelle, les
règles déterminant le partenaire amoureux semblent s’être assouplies
quant à ces pressions extérieures, et prônent désormais un modèle
d’épanouissement personnel. Ainsi, nombre d’entre nous définirions le
conjoint idéal comme quelqu’un d’attentif, sensible, qui nous
comprend, qui veille à nous rendre heureux ; bref, quelqu’un qui
contribue à notre bonheur.
Alors que certains considèrent effectivement leur partenaire comme
« la bonne personne », d’autres observent un certain écart entre cette
description et ce qui caractérise celui ou celle avec qui ils
partagent ou ont partagé leur vie. Certaines personnes s’étonnent même
de toujours être attirées par les « mauvaises personnes ». Des
histoires sans lendemain, des déceptions qui se succèdent, un
quotidien pesant, voire insupportable.
Comment se fait-il que certains semblent avoir la « recette »,
tandis que d’autres sont dans l’incapacité de trouver en l’autre une
source d’épanouissement alors que, pourtant, c’est ce à quoi ils
aspirent ? Le cœur a-t-il une logique, ou subit-il des aléas qui lui
échappent ? Si les histoires s’enchaînent et se ressemblent, la part
du hasard se réduit d’autant, et les raisons du cœur y sont sans doute
pour quelque chose. Serions-nous finalement à l’origine de notre
réussite ou de nos déboires sentimentaux ?
Première raison du cœur : la survie
La thèse défendue ici soutient que le cœur a bien une raison,
raison qui est régie par l’instinct de survie, y compris dans les cas
apparemment pathologiques. Loin de s’appuyer sur une image
fantasmée et décalée de l’autre, le cœur aurait (dans un premier
temps) un sens des réalités bien ancré, qui lui permettrait
d’augmenter ses chances de rester en vie, avant de pouvoir
s’épanouir…
Dès les premiers jours de la vie, l’être humain fait tout pour
créer autour de lui un climat favorable à la relation. À peine né, il
réagit de telle sorte qu’il mobilise, voire immobilise, ceux qui se
trouvent autour de lui. Il appelle à la relation. C’est
instinctivement qu’il interpelle ses parents pour les amener à
s’occuper de lui (1).
Ces petits experts en réactions parentales vont progressivement
appliquer les mêmes règles que celles observées au sein de la famille
à l’extérieur de celle-ci. Ainsi s’explique le fait que la qualité de
la relation avec l’enseignant, avec les pairs, est le plus souvent
comparable à celle qu’ils entretiennent depuis tout-petits avec leur
mère (2). Tout au long de la vie, ces modèles du passé orientent la
mise en place des nouvelles relations.
Comme l’enfant, l’adulte va utiliser ses modèles internes pour
interpréter sa relation avec les autres. En particulier, ses
expériences de couple vont passer à travers ce filtre pour qu’un sens
leur soit donné. C’est alors que des points sensibles sont réactivés
au contact de l’autre et donnent lieu aux mêmes réactions que par le
passé. Joris, étouffé par sa mère, trouve sa partenaire envahissante
dès qu’elle exprime des envies qui l’impliquent. Sibylle, qui a
toujours été jalouse de la préférence que son père a manifestée à
l’égard de sa petite sœur, se sent vite menacée quand son conjoint
fréquente des personnes en dehors du couple. Aurore, dont la famille a
éclaté brusquement et dont les liens ont aussitôt été brisés, n’arrive
pas à croire que l’amour puisse durer ; elle prend la fuite à
l’arrivée des premiers émois. Les expériences du passé viennent
teinter le présent de telle sorte que les scénarios d’avant sont
supposés recommencer.
Les cicatrices du passé
Mais chat échaudé craint l’eau froide ! Au lieu de souffrir comme
ce fut le cas au temps de l’innocence, l’adulte averti se protège
contre ce qui « va arriver ». Pour celui ou celle dont l’enfance n’a
pas posé de problème, nul besoin de se protéger ; l’horizon n’est
obscurci par aucune crainte. On se sent libre et tout devient
possible. Mais lorsque des réactions épidermiques compulsives
entraînent la répétition d’un scénario amoureux malheureux, on peut
s’interroger sur la pertinence des modèles issus de notre enfance sur
lesquels on se repose. Il arrive que l’adulte attribue à l’autre des
intentions qui ne sont pas les siennes. Contrairement au jeune enfant,
qui ajuste ses modèles en fonction de ce qu’il vit au quotidien,
l’adulte a tendance à se laisser guider par ce que ses expériences lui
ont appris. C’est ainsi qu’il catalogue les gens, leurs actes, selon
des schémas passés. Pour Joris, les projets d’avenir émanant de sa
compagne apparaissent comme une tentative d’emprise. Pour Sibylle,
tout intérêt porté à l’extérieur du couple est perçu comme un
empiètement de celui-ci et comme comportant le risque de s’en
détourner. Pour Aurore, l’émergence d’un sentiment amoureux annonce la
rupture du couple. En revanche, ceux dont les besoins affectifs ont
été comblés peuvent s’épanouir dans la relation, sans avoir à
s’inquiéter sur son devenir. En amour, l’adulte tente bien de faire
les bons choix et ne cherche en rien à se faire du mal ; mais
lorsqu’il s’agit de l’autre, son raisonnement peut être biaisé si
d’anciennes cicatrices n’ont pas encore guéri.
À cela s’ajoute la mise en œuvre de stratégies d’attachement elles
aussi périmées. Car comme l’enfant, l’adulte veut qu’on l’aime et
qu’on s’occupe de lui. Comme l’enfant, il va tenter d’agir sur son
partenaire pour que celui-ci saisisse ses besoins et y réponde. Pour
ce faire, il va là encore se reposer sur ses anciens schémas. À partir
de ce qui « a marché » dans le passé, il va user de certaines
techniques, plus ou moins évidentes, pour obtenir l’affection de
l’autre.
Signaux opaques et attentes inassouvies
Les stratégies d’attachement, si elles émanent des relations
précoces et se sont alors avérées efficaces, ne sont pas forcément
adaptées dans le cadre des relations de couple. Sans s’en rendre
compte, on s’attend à ce que les autres, quels qu’ils soient,
réagissent comme le faisaient ses proches pendant l’enfance. Sauf que
le fonctionnement que l’on a mis en place s’est calqué sur les cordes
sensibles des parents et non celles du conjoint. Ce qui les a fait
réagir eux, ne provoque par forcément le même effet chez le partenaire
amoureux. Ainsi, l’adulte qui n’a pu s’exprimer de manière spontanée
durant l’enfance persiste souvent dans ses signaux opaques, trouvant
cela suffisamment évident de comprendre où il veut en venir. Il
considère alors que si l’autre ne saisit pas, c’est qu’il n’est pas
attentif, pas désireux de lui faire plaisir. Les doutes sur l’amour
s’installent…
Prenons un exemple : Capucine est la sœur aînée d’un garçon
handicapé. Du fait de sa condition, son frère accaparait l’attention
de leurs parents. Les problèmes de Capucine paraissaient dérisoires à
côté des siens. Elle ne se sentait pas le droit de rajouter des ennuis
à ses parents et a donc grandi en s’effaçant et en gérant seule ses
difficultés. N’assumant pas de pouvoir être en demande, elle passait
par des moyens détournés pour que ses parents s’intéressent un tant
soit peu à elle.
À l’âge adulte, Capucine ne parvient toujours pas à faire valoir
ses envies et désirs. Elle trouve son fiancé un peu trop froid. Pour
le mettre dans de bonnes dispositions vis-à-vis d’elle, elle le
bichonne, lui prépare de bons petits repas. Amoureuse, elle le fait de
bon cœur. Mais quand elle voit que ses efforts ne sont pas récompensés
par l’élan fougueux qu’elle espérait, elle rumine, en veut à son
compagnon. C’est à son tour de se montrer froide. Son conjoint ne
comprend pas pourquoi elle boude. Capucine n’arrive pas à dire ce qui
la contrarie.
Ces « petites choses » paraissent tellement insignifiantes qu’il
est difficile d’en parler, d’avouer que c’est à cause de cela que la
colère monte. Comme dans l’enfance, les besoins affectifs de Capucine
ne lui semblent pas mériter que l’on s’y penche. Et pourtant, ils
existent et elle n’espère qu’une chose, qu’on y réponde. Capucine
elle-même ne se rend pas compte qu’en faisant la cuisine, ainsi que
tout une série de gestes au quotidien, ce qu’elle cherche, c’est
l’affection de son compagnon. Les manques de son passé, le sentiment
de ne pas être entendue viennent prendre appui sur l’introversion de
celui qui partage sa vie. Cette introversion rend légitime un ressenti
qui l’accompagne, en fait, depuis bien longtemps.
Aimer comme ça nous arrange…
Que faire lorsque son scénario amoureux atteste sans cesse de
l’échec sentimental ? Faut-il faire table rase de son enfance et
porter un regard neuf sur ses relations ?
Ce serait impossible. Et même, ce ne serait pas forcément
souhaitable. Bien que certaines de nos habitudes nous empoisonnent la
vie, il ne faut pas perdre de vue que d’autres peuvent, au contraire,
nous apporter satisfaction. Il convient de reconnaître les bénéfices
que l’on peut avoir à ne pas changer, à céder à des comportements qui
seraient « plus forts que soi ». Si véritablement nos situations
amoureuses étaient insupportables, il y a fort à parier que l’on
ferait en sorte de ne plus s’y retrouver. Si l’histoire se répète,
c’est peut-être aussi que, quelque part, on y trouve son compte ou du
moins, une forme de sécurité (3). Certes, notre passé influence notre
présent, mais le présent est aussi à envisager dans sa complexité,
aussi bien avec ses bons que ses mauvais côtés.
Par exemple, se mettre à l’abri d’une déception amoureuse est un
moindre mal pour quelqu’un d’échaudé. Certains peuvent préférer
enchaîner les histoires sans lendemain et trouver grisant de faire des
expériences sexuelles multiples, de n’être aux prises avec personne.
Le célibat peut sembler regrettable aux yeux de certains, mais
permettre d’éviter le ressentiment lorsque l’on arrive mal à gérer les
différends. Se complaire dans une relation ennuyeuse peut permettre de
s’épanouir à l’extérieur, de laisser libre cours à son imagination,
grâce à la sécurité retrouvée une fois rentré chez soi. Se contenter
d’un conjoint qui ne nous plaît que moyennement constitue un rempart
contre la jalousie, les complexes, et tous les tourments qui les
accompagnent. Se satisfaire de relations virtuelles permet de changer
de vie en un simple clic, dès que les échanges prennent une tournure
déplaisante. Vivre des histoires douloureuses permet de ne pas se
laisser envahir par des angoisses sur l’avenir, tellement on est
focalisé sur la manière de sortir du présent.
Bref, en y regardant de plus près, chaque situation présente des
avantages. Car les raisons du cœur se fondent aussi sur le passé et
non sur le seul présent. Dans l’absolu, un certain mode de vie peut
paraître désirable ; mais si l’on tient compte des blessures subies,
des fragilités de l’individu, on comprend davantage ce qui le pousse à
rester dans un schéma amoureux moins idéal… en apparence. Ceux qui
gardent du passé une vision positive sauront s’exposer à l’amour, car
dénués de craintes quant à son destin.
En définitive, les stratégies relationnelles que l’on met en place
s’élaborent, au départ, dans un objectif de survie, survie qui passe
par les soins procurés par l’autre. C’est là que résident les raisons
du cœur. Très rationnellement, on intègre et utilise ce qui capte
l’attention sur soi. Pour certains privilégiés, les premiers appels
ont été compris et entendus. Ils ont grandi dans un contexte
sécurisant leur permettant de garder une certaine fraîcheur dans leurs
échanges, y compris amoureux. Mais le problème qui se pose à d’autres,
c’est que les stratégies et modèles pessimistes élaborés durant
l’enfance perdurent, quitte à ce que le présent soit déformé pour se
conformer aux schémas passés. Ce décalage obstrue la communication,
entraînant quiproquos et malentendus au sein du couple. Malgré tout,
quel qu’ait été son passé, l’adulte continue de veiller à ses intérêts
et reste apte au changement lorsqu’il se heurte à l’insupportable. En
attendant, la facilité l’amène à se complaire dans ses
dysfonctionnements tolérables. Finalement, n’est-il pas très
raisonnable de se satisfaire d’un confort relatif ?
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Quel amoureux êtes-vous ?
♦ Vous êtes plutôt spontané ?
Pour vous, tout est simple : quelque chose vous pose problème, vous
le dites et le malaise est aussitôt dissipé. Vous n’avez aucune
crainte quant à l’effet que vous faites. La relation coule de source.
Vous n’avez pas à user de stratégies, à louvoyer, pour vous faire
aimer.
♦ Vous êtes évitant ?
Selon vous, pour être accepté ou convoité, il ne faut surtout pas
témoigner trop d’intérêt à l’autre. Vous le/la laissez venir,
réclamer. Mais vous, même si vous aimeriez aussi parfois vous
rapprocher, vous préférez vous investir dans autre chose que de
formuler une quelconque demande. Rien de tel pour attirer l’autre !
Vous avancez masqué ? Vous tournez sept fois votre langue dans votre
bouche avant de parler. Vous êtes attentif à vos moindres faits et
gestes pour véhiculer une certaine image de vous-même. Vous calculez
ce que vous faites pour influencer l’autre, pour qu’il réponde à vos
attentes. Vous n’imaginez pas de lui dire directement ce que vous
aimeriez ou ce qui vous tracasse. Vous émettez des signaux, en
espérant qu’il comprenne…
♦ Vous êtes demandeur ?
Qui ne réclame rien, n’a rien ! Telle est votre devise. Pour garder
la flamme, vous considérez qu’il ne faut jamais baisser la garde et
surtout, ne pas se faire oublier. Par conséquent, vous préférez
harceler votre partenaire que de l’imaginer avec un(e) autre ou, plus
généralement, bien se porter sans vous. Vous devez être au centre et
pour ce faire, vous lui rappelez régulièrement ses obligations
vis-à-vis de vous et exigez de lui qu’il comble tous vos manques.
♦ Vous êtes contrôlant ?
Un pas en avant, un pas en arrière. Face à l’amour, vos sentiments
se mêlent. D’un côté, l’idée vous séduit, d’un autre, elle vous
effraie. Ainsi, quand vous vous lancez dans une histoire, il faut que
vous teniez les rênes. Même si dans les faits, vous vous laissez mener
par le bout du nez, vous avec besoin de croire que c’est vous qui
décidez de l’avenir de la relation, que c’est vous qui avez le
contrôle de la situation. L’autre a besoin de vous ? Il/elle ne peut
pas vous quitter ? C’est à cet espoir que vous vous raccrochez.
Raphaële Miljkovitch
Professeure de psychologie du développement à l’université
Paris‑VIII, elle a publié L’Attachement au cours de la vie, Puf, 2001,
Les Fondations du lien amoureux, Puf, 2009, et L’Amour malin. Réussir
sa vie amoureuse, Philippe Duval, 2012.
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