....la relation d'amour ... vitale ...!-!...

Dossiers :

Auteur:Raphaële Miljkovitch

Source: Grands Dossiers des Sciences Humaines  N°32 sept/oct 2013

http://www.scienceshumaines.com/les-raisons-du-coeur_fr_31202.html

Date : 2.oct 2013 

      

Et si nos scénarios amoureux étaient écrits depuis notre enfance ? 


La quête de sécurité affective et la manière d'exprimer notre besoin d’attachement conditionnent les rapports dans le couple… 
Pour le meilleur ou pour le pire !

La raison impose que le choix amoureux se conforme aux choix de son milieu social, culturel ou familial. Dans notre société actuelle, les règles déterminant le partenaire amoureux semblent s’être assouplies quant à ces pressions extérieures, et prônent désormais un modèle d’épanouissement personnel. Ainsi, nombre d’entre nous définirions le conjoint idéal comme quelqu’un d’attentif, sensible, qui nous comprend, qui veille à nous rendre heureux ; bref, quelqu’un qui contribue à notre bonheur. 


Alors que certains considèrent effectivement leur partenaire comme « la bonne personne », d’autres observent un certain écart entre cette description et ce qui caractérise celui ou celle avec qui ils partagent ou ont partagé leur vie. Certaines personnes s’étonnent même de toujours être attirées par les « mauvaises personnes ». Des histoires sans lendemain, des déceptions qui se succèdent, un quotidien pesant, voire insupportable.


Comment se fait-il que certains semblent avoir la « recette », tandis que d’autres sont dans l’incapacité de trouver en l’autre une source d’épanouissement alors que, pourtant, c’est ce à quoi ils aspirent ? Le cœur a-t-il une logique, ou subit-il des aléas qui lui échappent ? Si les histoires s’enchaînent et se ressemblent, la part du hasard se réduit d’autant, et les raisons du cœur y sont sans doute pour quelque chose. Serions-nous finalement à l’origine de notre réussite ou de nos déboires sentimentaux ?


Première raison du cœur : la survie


La thèse défendue ici soutient que le cœur a bien une raison, raison qui est régie par l’instinct de survie, y compris dans les cas apparemment pathologiques. Loin de s’appuyer sur une image fantasmée et décalée de l’autre, le cœur aurait (dans un premier temps) un sens des réalités bien ancré, qui lui permettrait d’augmenter ses chances de rester en vie, avant de pouvoir s’épanouir…


Dès les premiers jours de la vie, l’être humain fait tout pour créer autour de lui un climat favorable à la relation. À peine né, il réagit de telle sorte qu’il mobilise, voire immobilise, ceux qui se trouvent autour de lui. Il appelle à la relation. C’est instinctivement qu’il interpelle ses parents pour les amener à s’occuper de lui (1). 


Ces petits experts en réactions parentales vont progressivement appliquer les mêmes règles que celles observées au sein de la famille à l’extérieur de celle-ci. Ainsi s’explique le fait que la qualité de la relation avec l’enseignant, avec les pairs, est le plus souvent comparable à celle qu’ils entretiennent depuis tout-petits avec leur mère (2). Tout au long de la vie, ces modèles du passé orientent la mise en place des nouvelles relations.


Comme l’enfant, l’adulte va utiliser ses modèles internes pour interpréter sa relation avec les autres. En particulier, ses expériences de couple vont passer à travers ce filtre pour qu’un sens leur soit donné. C’est alors que des points sensibles sont réactivés au contact de l’autre et donnent lieu aux mêmes réactions que par le passé. Joris, étouffé par sa mère, trouve sa partenaire envahissante dès qu’elle exprime des envies qui l’impliquent. Sibylle, qui a toujours été jalouse de la préférence que son père a manifestée à l’égard de sa petite sœur, se sent vite menacée quand son conjoint fréquente des personnes en dehors du couple. Aurore, dont la famille a éclaté brusquement et dont les liens ont aussitôt été brisés, n’arrive pas à croire que l’amour puisse durer ; elle prend la fuite à l’arrivée des premiers émois. Les expériences du passé viennent teinter le présent de telle sorte que les scénarios d’avant sont supposés recommencer. 


Les cicatrices du passé


Mais chat échaudé craint l’eau froide ! Au lieu de souffrir comme ce fut le cas au temps de l’innocence, l’adulte averti se protège contre ce qui « va arriver ». Pour celui ou celle dont l’enfance n’a pas posé de problème, nul besoin de se protéger ; l’horizon n’est obscurci par aucune crainte. On se sent libre et tout devient possible. Mais lorsque des réactions épidermiques compulsives entraînent la répétition d’un scénario amoureux malheureux, on peut s’interroger sur la pertinence des modèles issus de notre enfance sur lesquels on se repose. Il arrive que l’adulte attribue à l’autre des intentions qui ne sont pas les siennes. Contrairement au jeune enfant, qui ajuste ses modèles en fonction de ce qu’il vit au quotidien, l’adulte a tendance à se laisser guider par ce que ses expériences lui ont appris. C’est ainsi qu’il catalogue les gens, leurs actes, selon des schémas passés. Pour Joris, les projets d’avenir émanant de sa compagne apparaissent comme une tentative d’emprise. Pour Sibylle, tout intérêt porté à l’extérieur du couple est perçu comme un empiètement de celui-ci et comme comportant le risque de s’en détourner. Pour Aurore, l’émergence d’un sentiment amoureux annonce la rupture du couple. En revanche, ceux dont les besoins affectifs ont été comblés peuvent s’épanouir dans la relation, sans avoir à s’inquiéter sur son devenir. En amour, l’adulte tente bien de faire les bons choix et ne cherche en rien à se faire du mal ; mais lorsqu’il s’agit de l’autre, son raisonnement peut être biaisé si d’anciennes cicatrices n’ont pas encore guéri.


À cela s’ajoute la mise en œuvre de stratégies d’attachement elles aussi périmées. Car comme l’enfant, l’adulte veut qu’on l’aime et qu’on s’occupe de lui. Comme l’enfant, il va tenter d’agir sur son partenaire pour que celui-ci saisisse ses besoins et y réponde. Pour ce faire, il va là encore se reposer sur ses anciens schémas. À partir de ce qui « a marché » dans le passé, il va user de certaines techniques, plus ou moins évidentes, pour obtenir l’affection de l’autre.


Signaux opaques et attentes inassouvies


Les stratégies d’attachement, si elles émanent des relations précoces et se sont alors avérées efficaces, ne sont pas forcément adaptées dans le cadre des relations de couple. Sans s’en rendre compte, on s’attend à ce que les autres, quels qu’ils soient, réagissent comme le faisaient ses proches pendant l’enfance. Sauf que le fonctionnement que l’on a mis en place s’est calqué sur les cordes sensibles des parents et non celles du conjoint. Ce qui les a fait réagir eux, ne provoque par forcément le même effet chez le partenaire amoureux. Ainsi, l’adulte qui n’a pu s’exprimer de manière spontanée durant l’enfance persiste souvent dans ses signaux opaques, trouvant cela suffisamment évident de comprendre où il veut en venir. Il considère alors que si l’autre ne saisit pas, c’est qu’il n’est pas attentif, pas désireux de lui faire plaisir. Les doutes sur l’amour s’installent…


Prenons un exemple : Capucine est la sœur aînée d’un garçon handicapé. Du fait de sa condition, son frère accaparait l’attention de leurs parents. Les problèmes de Capucine paraissaient dérisoires à côté des siens. Elle ne se sentait pas le droit de rajouter des ennuis à ses parents et a donc grandi en s’effaçant et en gérant seule ses difficultés. N’assumant pas de pouvoir être en demande, elle passait par des moyens détournés pour que ses parents s’intéressent un tant soit peu à elle. 


À l’âge adulte, Capucine ne parvient toujours pas à faire valoir ses envies et désirs. Elle trouve son fiancé un peu trop froid. Pour le mettre dans de bonnes dispositions vis-à-vis d’elle, elle le bichonne, lui prépare de bons petits repas. Amoureuse, elle le fait de bon cœur. Mais quand elle voit que ses efforts ne sont pas récompensés par l’élan fougueux qu’elle espérait, elle rumine, en veut à son compagnon. C’est à son tour de se montrer froide. Son conjoint ne comprend pas pourquoi elle boude. Capucine n’arrive pas à dire ce qui la contrarie. 


Ces « petites choses » paraissent tellement insignifiantes qu’il est difficile d’en parler, d’avouer que c’est à cause de cela que la colère monte. Comme dans l’enfance, les besoins affectifs de Capucine ne lui semblent pas mériter que l’on s’y penche. Et pourtant, ils existent et elle n’espère qu’une chose, qu’on y réponde. Capucine elle-même ne se rend pas compte qu’en faisant la cuisine, ainsi que tout une série de gestes au quotidien, ce qu’elle cherche, c’est l’affection de son compagnon. Les manques de son passé, le sentiment de ne pas être entendue viennent prendre appui sur l’introversion de celui qui partage sa vie. Cette introversion rend légitime un ressenti qui l’accompagne, en fait, depuis bien longtemps.


Aimer comme ça nous arrange…


Que faire lorsque son scénario amoureux atteste sans cesse de l’échec sentimental ? Faut-il faire table rase de son enfance et porter un regard neuf sur ses relations ? 


Ce serait impossible. Et même, ce ne serait pas forcément souhaitable. Bien que certaines de nos habitudes nous empoisonnent la vie, il ne faut pas perdre de vue que d’autres peuvent, au contraire, nous apporter satisfaction. Il convient de reconnaître les bénéfices que l’on peut avoir à ne pas changer, à céder à des comportements qui seraient « plus forts que soi ». Si véritablement nos situations amoureuses étaient insupportables, il y a fort à parier que l’on ferait en sorte de ne plus s’y retrouver. Si l’histoire se répète, c’est peut-être aussi que, quelque part, on y trouve son compte ou du moins, une forme de sécurité (3). Certes, notre passé influence notre présent, mais le présent est aussi à envisager dans sa complexité, aussi bien avec ses bons que ses mauvais côtés. 


Par exemple, se mettre à l’abri d’une déception amoureuse est un moindre mal pour quelqu’un d’échaudé. Certains peuvent préférer enchaîner les histoires sans lendemain et trouver grisant de faire des expériences sexuelles multiples, de n’être aux prises avec personne. Le célibat peut sembler regrettable aux yeux de certains, mais permettre d’éviter le ressentiment lorsque l’on arrive mal à gérer les différends. Se complaire dans une relation ennuyeuse peut permettre de s’épanouir à l’extérieur, de laisser libre cours à son imagination, grâce à la sécurité retrouvée une fois rentré chez soi. Se contenter d’un conjoint qui ne nous plaît que moyennement constitue un rempart contre la jalousie, les complexes, et tous les tourments qui les accompagnent. Se satisfaire de relations virtuelles permet de changer de vie en un simple clic, dès que les échanges prennent une tournure déplaisante. Vivre des histoires douloureuses permet de ne pas se laisser envahir par des angoisses sur l’avenir, tellement on est focalisé sur la manière de sortir du présent. 


Bref, en y regardant de plus près, chaque situation présente des avantages. Car les raisons du cœur se fondent aussi sur le passé et non sur le seul présent. Dans l’absolu, un certain mode de vie peut paraître désirable ; mais si l’on tient compte des blessures subies, des fragilités de l’individu, on comprend davantage ce qui le pousse à rester dans un schéma amoureux moins idéal… en apparence. Ceux qui gardent du passé une vision positive sauront s’exposer à l’amour, car dénués de craintes quant à son destin.


En définitive, les stratégies relationnelles que l’on met en place s’élaborent, au départ, dans un objectif de survie, survie qui passe par les soins procurés par l’autre. C’est là que résident les raisons du cœur. Très rationnellement, on intègre et utilise ce qui capte l’attention sur soi. Pour certains privilégiés, les premiers appels ont été compris et entendus. Ils ont grandi dans un contexte sécurisant leur permettant de garder une certaine fraîcheur dans leurs échanges, y compris amoureux. Mais le problème qui se pose à d’autres, c’est que les stratégies et modèles pessimistes élaborés durant l’enfance perdurent, quitte à ce que le présent soit déformé pour se conformer aux schémas passés. Ce décalage obstrue la communication, entraînant quiproquos et malentendus au sein du couple. Malgré tout, quel qu’ait été son passé, l’adulte continue de veiller à ses intérêts et reste apte au changement lorsqu’il se heurte à l’insupportable. En attendant, la facilité l’amène à se complaire dans ses dysfonctionnements tolérables. Finalement, n’est-il pas très raisonnable de se satisfaire d’un confort relatif ?

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Quel amoureux êtes-vous ?

♦ Vous êtes plutôt spontané ? 


Pour vous, tout est simple : quelque chose vous pose problème, vous le dites et le malaise est aussitôt dissipé. Vous n’avez aucune crainte quant à l’effet que vous faites. La relation coule de source. Vous n’avez pas à user de stratégies, à louvoyer, pour vous faire aimer.


♦ Vous êtes évitant ?


Selon vous, pour être accepté ou convoité, il ne faut surtout pas témoigner trop d’intérêt à l’autre. Vous le/la laissez venir, réclamer. Mais vous, même si vous aimeriez aussi parfois vous rapprocher, vous préférez vous investir dans autre chose que de formuler une quelconque demande. Rien de tel pour attirer l’autre ! 
Vous avancez masqué ? Vous tournez sept fois votre langue dans votre bouche avant de parler. Vous êtes attentif à vos moindres faits et gestes pour véhiculer une certaine image de vous-même. Vous calculez ce que vous faites pour influencer l’autre, pour qu’il réponde à vos attentes. Vous n’imaginez pas de lui dire directement ce que vous aimeriez ou ce qui vous tracasse. Vous émettez des signaux, en espérant qu’il comprenne…


♦ Vous êtes demandeur ? 


Qui ne réclame rien, n’a rien ! Telle est votre devise. Pour garder la flamme, vous considérez qu’il ne faut jamais baisser la garde et surtout, ne pas se faire oublier. Par conséquent, vous préférez harceler votre partenaire que de l’imaginer avec un(e) autre ou, plus généralement, bien se porter sans vous. Vous devez être au centre et pour ce faire, vous lui rappelez régulièrement ses obligations vis-à-vis de vous et exigez de lui qu’il comble tous vos manques.


♦ Vous êtes contrôlant ? 


Un pas en avant, un pas en arrière. Face à l’amour, vos sentiments se mêlent. D’un côté, l’idée vous séduit, d’un autre, elle vous effraie. Ainsi, quand vous vous lancez dans une histoire, il faut que vous teniez les rênes. Même si dans les faits, vous vous laissez mener par le bout du nez, vous avec besoin de croire que c’est vous qui décidez de l’avenir de la relation, que c’est vous qui avez le contrôle de la situation. L’autre a besoin de vous ? Il/elle ne peut pas vous quitter ? C’est à cet espoir que vous vous raccrochez.

Raphaële Miljkovitch

Professeure de psychologie du développement à l’université Paris‑VIII, elle a publié L’Attachement au cours de la vie, Puf, 2001, Les Fondations du lien amoureux, Puf, 2009, et L’Amour malin. Réussir sa vie amoureuse, Philippe Duval, 2012.

 

 

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Cette montée vers l'apocalypse est la réalisation supérieure de l'humanité. Or plus cette fin devient probable, et moins on en parle.

Il faut donc réveiller les consciences endormies.

Vouloir rassurer, c'est toujours contribuer au pire.

René Girard.

  

 

  "L'esprit constitue un champ de relations tourné vers la totalité de ce qui existe "  Joseph Pieper

Loin que ce soit être qui illustre la relation , c'est la relation qui illumine l'être.     Gaston Bachelard

Les composantes de la société ne sont pas les êtres humains, mais les relations qui existent entre eux.   Toynbee

 

 

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