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Homme &  femme ... l'altérité fondatrice

François de Muizon

 

 

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INTER f-h MON corps
INTER corps-esprit-âme MON esprit

 

La dialectique de l'homme et de la femme, alliant dès l'origine l'altérité de sexes, se révèle puissamment unifiante pour la société tout entière, lui donnant d'advenir, de s'ouvrir à un avenir.

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Les deux dialectiques développées par Fessard * peuvent être synthétisées par le tableau ci-contre.

Ces deux dialectiques ainsi schématisées n'opèrent pas indépendamment l'une de l'autre. Elles ne sont jamais chimiquement pures. Elles interfèrent constamment et travaillent l'une et l'autre, en profondeur, la société. La question se pose de savoir quelle est la plus fondamentale, la plus structurelle, à l'origine de la société, selon le critère énoncé par Fessard, à la suite de Marx « L'unité de la société humaine et son progrès ne sont possibles que dans la mesure où politique et économique se mettent en interaction réciproque, chacun se faisant alternativement moyen et fin par rapport à l'autre 2. » A première vue historique, la dialectique maître-esclave, instaurant un violent rapport de forces semble triompher, et même venir à bout de la dialectique de l'homme et de la femme. Ne faisons-nous pas le constat historique affligeant de la domination violente de l'homme sur la femme ? Le sexe dit fort profitant de sa supériorité physique, ne manifeste-t-il pas une tendance récurrente à réduire le sexe dit faible à un rôle d'esclave ? La guerre des sexes tout au long de l'histoire semble montrer que c'est bien la lutte violente qui a le dernier mot. Et ce n'est pas le féminisme quand il est compris comme une revanche du sexe faible sur le sexe fort qui aidera à sortir de la violence, puisqu'il ne fait que retourner la situation. Le féminisme historique semble se présenter comme un interminable règlement de compte des femmes à l'égard des hommes3. Fessard ira jusqu'à dire que même si historiquement ce constat est indéniable, il n'empêche qu'on n'a déjà plus à faire à une pure relation maître-esclave.

Le rapport des sexes, fût-il violent, est comme travaillé de l'intérieur par une autre logique, qui intègre de fait l'altérité, et qui la convertit en rapport de don et de reconnaissance d'amour. Malgré l'opacité de l'histoire, ce serait donc bien la dialectique homme-femme qui serait première. En effet, la dialectique maître-esclave est radicalement insuffisante pour penser l'engendrement du corps social. D'ailleurs, comment justifier que l'affrontement violent initial ne s'achève pas par la mort du plus faible, auquel cas «la lutte n'aurait été qu'un fait divers de la jungle t » ? D'où vient cette retenue, ce scrupule devant la suppression de l'autre? Et si l'esclave demande grâce, c'est qu'il espère encore, lui aussi, quelque chose de son vainqueur.

Cela nous conduit à penser que la dialectique maître-esclave n'est intelligible comme puissance d'engendrement social qu'interprétée à la lumière de la dialectique homme-femme. La dialectique homme-femme serait plus originaire que la dialectique maître-esclave. « La relation homme-femme est, on le voit, à la fois "base établie" à toute autre relation sociale et promesse de réunification ou réconciliation par-delà les concurrences et luttes diverses qui tissent aussi l'histoire2. » Sans elle, aucun lien social n'est pensable. Pour qu'un rapport de forces s'instaure, encore faut-il qu'un lien d'humanité existe au préalable, qu'une unité plus originaire le rende possible. « La générosité et la fécondité de la dialectique homme-femme est'l'horizon de tout déchirement et de toute lutte. Elle est aussi la condition d'actualité de toute réconciliation puisqu'elle révèle en acte la communion originaire 3. » La dialectique homme-femme serait donc plus originaire que le rapport de forces, la recherche du pouvoir, ce qui s'oppose à la thèse de Michel Foucault. L'horizon de la communion n'est pas un voeu pieux, simplement idéaliste, puisque celleci est révélée comme étant plus originaire que le conflit.

* G. FESSARD, L'Actualité historique, t. I, « Le mystère de la société. Recherche sur le sens de l'histoire », Paris, Éd. Culture et vérité, 1960, p. 169.

1. Le tableau s'appuie sur le texte central dans lequel Fessard expose ces dialectiques : L'Actualité historique, t. I, « Le mystère de la société. Recherche sur le sens de l'histoire », Paris, Culture et vérité, 1960, p. 163-170, notamment page 166. Pour plus de détails, outre le texte de Fessard, nous renvoyons aux synthèses anciennes mais très éclairantes d'Édouard Pousset, notamment l'article « homme » du Dictionnaire de spiritualité, Vlvl, Paris, Beauchesne, III. « Réflexions actuelles sur l'homme », col. 637-646, ou encore l'article « Luttes des classes et société », Cahiers de l'actualité religieuse et sociale, 44, 15 octobre 1972. On peut enfin consulter dans la collection «Que-sais Que-sais-je ? », n° 363, chez PUF, la synthèse de C. BRUAIRE, La Dialectique, 1985, p. 109-114.

2. Cité par E. PoussET, s. j., Un chemin de la foi et de la liberté, polycopié de la faculté de théologie de Fourvière, 1971, p. 25.

3. À ce sujet, le moment est peut-être venu de poser des actes solennels de repentance. L'homme pourrait demander pardon à la femme, pour les siècles de misogynie, de rapports de forces, de domination qu'il a imposés à la femme, comme l'a suggéré Jean-Paul II dans sa Lettre aux femmes, 1995, § 5.

 

 

  

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