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la fin de la civilisation occidentale européenne..... par Marcel de Corte    

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Toute civilisation qui déserte le rapport fondamental, toujours concret, de l'homme au monde, pour se complaire dans les prestiges de l'abstraction, est marquée du sceau de la mort.

....le prochain sensible a disparu, dilué dans la conscience de l'humanité

Plus la vie authentique s'écoule, plus la conscience imagine une vie nouvelle dans un monde nouveau et dévitalisé.

 Au lieu de vivre la relation, l'homme la rêve.

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Toute civilisation qui s'universalise et franchit les limites que lui impose l'expression, toujours définie et circonscrite, de la vie et des échanges organiques, abandonne ses racines et sa profondeur.

...la relation de l'homme au monde ne peut être vécue et pensée par une collectivité : elle est l'apanage de la personne. Mon rapport organique à ma famille, à mon groupe social, à toutes formes de la civilisation qui l'expriment, est irréductiblement personnel : un autre est incapable de le saisir, de l'éprouver, de le comprendre, sauf de l'extérieur et d'une manière purement abstraite. Nul ne peut prendre ma place dans l'univers. Nul n'est interchangeable, à moins que tous ne soient réduits à l'état de robots.

 

 

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 Au lieu de vivre la relation, l'homme la rêve.

Le premier signe visible, mais aussi le plus inaperçu du déclin de la civilisation est la conscience que nous en avons. Avec la lucidité parfaite du malade qui connaît son mal, nous en suivons le cheminement. Nous voyons l'une après l'autre les fonctions de la vie civilisée : les moeurs, l'art, la science, la philosophie, la politique, la société, la religion, atteintes par un implacable processus de décadence. Notre conscience s'élargit à la mesure du mouvement qui les décompose et qui la libère. Notre esprit se dilate en proportion du néant qui nous envahit, qu'il domine et qu'il peuple désormais de ses créations autonomes, sans être asservi par rien. Nous en éprouvons une jouissance secrète : nous savons que le mal est là, présent, méthodique, dédoublant en quelque sorte notre être en deux parties, dont l'une se dissout et dont l'autre, projetant sa conscience jusqu'aux plus subtils méandres du désordre, les canalise par ses artifices. Nous sommes capables aujourd'hui d'organiser la désorganisation dans une vue d'ensemble, analogue au plan de l'architecte, qui en recompose les éléments épars. Mais nous ne sommes capables que de cela. La conscience de l'unité de la civilisation croît avec son effritement, et l'action qui la rassemble ne s'opère qu'au niveau de l esprit, lui-même aidé par ce qui lui est proche : le langage abondant et stérile, la ruse insidieuse, la force qui violente. Car la vie, elle, est silencieuse, franche et désarmée.

S'il est vrai qu'un organisme meurt lorsque sa cohérence interne disparaît, la civilisation moderne en est arrivée à ce stade. ....

Marxisme, capitalisme et un certain christianisme convergent à l'envi vers la domination du monde par l'esprit humain. Mais ce monde n'est plus qu'une terre abstraite, grise, uniforme : on y cherche en vain la terre des hommes en chair et en os. C'est une expression algébrique où nous ne rencontrons personne, où le prochain sensible a disparu, dilué dans la conscience de l'humanité. Pour ces systèmes, les hommes ne sont plus organiquement reliés entre eux par un je ne sais quoi, impossible à décrire, qui les contraint, à travers bien des heurts et des vicissitudes, à s'articuler dans la chaude présence de petites communautés où chacun comprend chacun sans effort. Tout se passe comme si dans les divers organes de ce vaste corps qu'est l'humanité, le cerveau, les reins, le coeur, les entrailles - mais à qui feriez vous croire que vous avez des entrailles ? -, les diverses espèces de cellules avaient perdu leurs parois protectrices et s'étaient transformées en atomes similaires, sans liens, juxtaposées par la froide présence - entrecoupée de quelques sursauts « mystiques » - de « l'esprit  qui les surplombe. La civilisation n'a plus devant elle que des atomes humains qu'elle désintègre et dont elle espère tirer des énergies psychiques inconnues qui renouvelleront la face de la terre sous la direction de l'esprit : que celui-ci soit spirituel ou matériel, politique ou économique, gnostique ou scientifique, peu importe, il est là, dirigeant la pauvre humanité saignante vers son « bien ». Après chaque désastre, après chaque descente d'un degré des valeurs humaines concrètes, cette civilisation proclame par la bouche de ses interprètes les plus qualifiés, qu'un « esprit » de justice, de charité, d'accession de tous aux biens terrestres diffusés par une technique grandiose, superorganisant la matière, travaille invinciblement le monde pulvérisé. Plus la vie authentique s'écoule, plus la conscience imagine une vie nouvelle dans un monde nouveau et dévitalisé.

Voici donc le drame de l'esprit dans les moments de crise profonde de la civilisation : le rapport fondamental de l'homme au monde n'a plus d'autre existence que pensée, en fait imaginée, étant donné la rareté effective de la pensée proprement dite dans l'espèce humaine. La sympathie réciproque de l'homme et du monde abolie, le monde ne parle plus

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silencieusement à l'homme par mille voix qui se glissent dans son inconscient et l'informent de ses secrets ; l'homme ne lui répond plus par la même affection silencieuse. Une distance s'insinue entre la conscience humaine et sa situation dans l'univers, qui les rend incommunicables l'un à l'autre sur un plan fraternel. Par la prise de conscience qui colore d'une manière plus ou moins nette les fins de civilisation, l'homme s'avoue incapable de participer au réel et à inscrire son action dans un ensemble organique limité : il fuit tout ce qui est, il fuit son être pour se concentrer dans l'idée ou dans l'image qu'il se fait de soi-même et de la réalité. Au lieu de vivre la relation, l'homme la rêve. Le religieux dans sa cellule qui disserte du mariage, des rapports conjugaux, des réformes de structure,... sans en avoir la moindre expérience concrète, le politicien qui reconstruit la société, le savant de laboratoire qui trace les plans de la cité future, l'ingénieur qui traite l'homme comme une machine, l'artiste qui oeuvre selon une théorie de l'art, chacun de nous qui portons en tête une idée préconçue de tel ou tel aspect de la vie, nous sommes emportés par ce courant qui nous sépare de l'être, d'une manière insidieuse ou brutale. La plupart des hommes d'aujourd'hui s'avèrent incapables de vivre leur vie : la civilisation moribonde leur trace sans se lasser d'innombrables itinéraires de fuite.( rs  .... tiens les 1000 projet pour les jenes .. de Ferry ) L'homme actuel se réfugie dans l'abstraction qui siège dans l'esprit parce qu'il a brisé le pacte nuptial que la civilisation avait conclu avec la nature et qui l'insérait dans la présence concrète d'un monde adapté à sa taille et à sa puissance d'incarnation.

 

 

L'UNIVERSALISME ... signe de fin 

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Le second signe qui marque toute fin de civilisation en dérive est la tendance à s'universaliser. Toute abstraction est en effet universelle : transcendant l'espace et le temps, elle est toujours et partout semblable à elle-même. Déjà, le capitalisme, le marxisme et le christianisme qui se partagent l'orbis terrarum, atténuent sur bien des points leurs oppositions factices, sympathisent obscurément et se préparent à une sorte de fusion cosmique sous l'effet d'un courant unique, à haute tension, de « spiritualité collective ». Sans doute les systèmes et les dogmes se heurtent-ils encore avec violence, sans doute aussi le christianisme se défend-t-il, par la voix des garants de l'orthodoxie, de pactiser avec les idées que condamne la foi, mais le moraliste qui se penche sur les moeurs et la mentalité

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des hommes d'aujourd'hui ne peut pas ne pas remarquer, dans les élites comme dans la masse, une orientation marquée vers le syncrétisme (1) : pour autant d'ailleurs que le christianisme se désincarne et qu'il n'est plus qu'une transe religieuse analogue à celle que procurent les théosophies, ou un code superficiel dont l'influence ne descend pas plus bas que le cer­veau, il n'échappe pas à l'irrésistible fascination qu'exercent sur lui les formes désincarnées de la conscience contemporaine. Bref, l'humanité expérimente son affinité planétaire et change de dimension, par une prise de conscience plus intense de sa promotion à l'universel : un brassage gigantesque est en train d'effacer toute différence entre les hommes.

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Car la relation de l'homme au monde ne peut être vécue et pensée par une collectivité : elle est l'apanage de la personne. Mon rapport organique à ma famille, à mon groupe social, à toutes formes de la civilisation qui l'expriment, est irréductiblement personnel : un autre est incapable de le saisir, de l'éprouver, de le comprendre, sauf de l'extérieur et d'une manière purement abstraite. Nul ne peut prendre ma place dans l'univers. Nul n'est interchangeable, à moins que tous ne soient réduits à l'état de robots.

 

 

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Ainsi que le montre trop bien la colonisation, la civilisation moderne ne s'adapte pas aux autres formes qu'elle rencontre, elle n'établit avec elles aucun échange hybride, tel que le tenta jadis l'Espagne dans son empire d'outre-mer. La civilisation moderne s'impose du dehors à tous les milieux où elle s'incruste, comme si elle méprisait les modalités de l'existence terrestre à la façon de l'esprit pur. Nul obstacle spatial ne l'arrête. Elle se répand et elle enveloppe, mais elle ne prend pas racine parce qu'elle en est incapable. Elle forme une croûte qui entoure les latitudes et les longitudes, et qui vampirise les réserves organiques çà et là encore subsistantes. Elle transcende l'espace pour n'être qu'elle-même et pour absorber les pays, les races et les âmes dans une sorte d'âme mécanique du monde. Pareillement, elle nie le temps. Il est inutile d'insister sur son mépris du facteur essentiel de toute civilisation vivante : la tradition. Elle n'a aucun souvenir : l'expérience des siècles et celle même du passé immédiat est refoulée dans l'oubli quotidien qui est sa mesure. Elle vit dans l'instant présent en dilapidant l'avenir.

La civilisation moderne étend ainsi son ordre nouveau hors du temps concret qui rythme les battements du coeur de l'homme. Placée en face d'un monde et d'une humanité dont les affinités réciproques sont actuellement épuisées - elles se refont invariablement dans le secret de l'histoire pour organiser une autre civilisation - elle tente néanmoins une entreprise qui n'a jamais eu d'exemple : rapprocher le monde et les hommes dispersés, en fonction de leur dispersion même, sans se soucier de renouer sur des espaces restreints les liens concrets et affectifs qui les assemblaient naguère encore. Il s'agit pour elle de trouver un commun dénominateur aussi vague et aussi vide que possible, capable de rassembler cette multiplicité chaotique et de construire, degré par degré, de haut en bas, les moules échelonnés qui lui conféreront une cohésion. Œuvre d'un « esprit » projetant ses schèmes dans une humanité sans substance, elle diffuse partout l'artifice. Ce n'est plus l'homme et le monde qui s'organisent dans une interaction mutuelle et qui produisent au cours de l'histoire les cadres sociaux, économiques, politiques, esthétiques et religieux, correspondant à leur croissance.

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L'homme qui a laissé pourrir ses racines et sa faculté de pénétration concrète dans le monde, est désormais voué à « organiser » l'univers dans l'intemporel, à partir de théories et de plans abstraits, situés eux-mêmes hors du temps. Il est mis en face d'un monde qui a perdu son visage humain.

 

Or c'est là que la civilisation moderne trouve son commun dénominateur : dans un monde qui n'est plus que matière et dont tous les éléments concrets : la beauté, la grandeur, la noblesse, la profondeur ontologique, le mystère, le reflet de Dieu, ont été effacés. Car la matière, comme le montrent les plus hautes philosophies, est par essence indétermination, vacuité, potentialité indéfinie, aptitude à prendre toutes les figures : la forme séparée qu'est la civilisation moderne ne pouvait pas ne pas être attirée par la matière, son « esprit » devait être matérialiste, dès qu'elle voulait surseoir à son inévitable expulsion hors de la scène du monde, et proposer à tous les hommes un terme de même nature que son universa­lité abstraite, anonyme, inorganique. La matière qui attire toutes les convoitises, et pourvue d'une infinie divisibilité, répond à son voeu inné de dissolution.

Nous assistons ainsi au paradoxe le plus déconcertant de la situation actuelle : le rapport de l'homme au monde n'est plus guère que matériel, tandis que l'esprit humain, de plus en plus artificiel, exigeant de lui-même un nombre croissant de subterfuges, progressivement glorieux de la science et de la technique qui lui permettent de dominer et d'« organiser » le chaos, élabore sans trêve les cadres nouveaux, aujourd'hui à l'échelle mondiale, qu'il lance en cette poussière volca­nique afin de l'amalgamer. Toujours en éveil, « l'esprit » de la civilisation actuelle est acculé à une prise de conscience redoublée. À la moindre défaillance, c'est l'écroulement dont tant de guerres et de révolutions nous ont donné le sinistre présage. Sans cette prise de conscience accessible à quelques initiés qui règnent sur « le gros animal », privés de vie et de pensées authentiques et qui réalisent le vieux rêve méphisto­phélique : « un seul cerveau suffit pour mille bras » , sans les princes de ce monde qui établissent malgré eux, poussés par la nature des événements, leur domination sur l'univers princes de la finance ou de la politique, auprès desquels les princes de l'art et de la science ne sont que des subalternes la civilisation moderne se serait déjà écroulée. Leur prise de conscience n'est que son ultime raidissement. Tout recommencera par quelques petits groupes d'hommes qui s'aimeront et qui referont une 'civilisation terrestre sous le regard de Dieu.

 

 

 

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Ces deux indices se retrouvent incontestablement dans la civilisation antique agonisante.

Toute civilisation qui déserte le rapport fondamental, toujours concret, de l'homme au monde, pour se complaire dans les prestiges de l'abstraction, est marquée du sceau de la mort.

Toute civilisation qui s'universalise et franchit les limites que lui impose l'expression, toujours définie et circonscrite, de la vie et des échanges orga­niques, abandonne ses racines et sa profondeur.

 

 

 

(1) syncrétisme :combinaison de doctrines, de systèmes initialement incompatibles .... ( rs ... exemple nos évêques communistes ..ou francs-maçons ...ou droits de l'homistes ..)

 

 

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... en France ..en Europe ...

...L'amour s'est en effet "refroidi »  ... la charité fait face à l'empire aujourd'hui planétaire de la violence....

Cette montée vers l'apocalypse est la réalisation supérieure de l'humanité. Or plus cette fin devient probable, et moins on en parle.

Il faut donc réveiller les consciences endormies.

Vouloir rassurer, c'est toujours contribuer au pire.

René Girard.

  

 

  "L'esprit constitue un champ de relations tourné vers la totalité de ce qui existe "  Joseph Pieper

Loin que ce soit être qui illustre la relation , c'est la relation qui illumine l'être.     Gaston Bachelard

Les composantes de la société ne sont pas les êtres humains, mais les relations qui existent entre eux.   Toynbee

 

 

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