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Présentation :...
vous trouverez
un résumé de ce chemin initiatique sous
http://philippe-plet.org/
Ce livre
...une merveille ...à lire
Le chemin
de la vie commence par les Noces de Cana .... l'amour face à la haine .... de l'
amour à la "'résurrection ici et maintenant"....EN l' amour
comm-union d'époux
ENfant-PAIRE-Nts ....EN la Vie IN-FINIE..
a rapprocher
aussi , sur ce point du livre,
d' Alain Monestier La genèse du féminin ...Fécondité de l'esprit et
pensée biblique
de
la relationnalité :
...Toute crise de
l'intelligence a pour fondement l'abandon de la recherche du vrai
( vi-à le couple d'époux h-f ..).
Tant qu'elle est en recherche, l'âme est tournée vers la lumière.
L'intelligence, parce que création de Dieu, est finalisée par la vérité.
Le propre de l'intelligence humaine, c'est donc de rechercher la vérité
|
.Lorsqu'elle
y renonce, elle tombe immédiatement sous l'emprise des ténèbres. La
manière la plus habituelle de pratiquer un tel renoncement consiste
à arrêter le mouvement de sa pensée aux êtres et aux choses qui
peuplent le monde. L'intelligence qui ne cherche pas à aller au-delà
de la matière, en posant la question du «pourquoi» de la création,
est une intelligence qui a renoncé à la vérité. Or, renoncer même à
une partie de la vérité, c'est renoncer à la vérité tout court!
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...La famille est le milieu vital et naturel de
l'amour en ce monde. 'Une âme ne découvre pas d'abord l'amour dans
!'Église ou dans la société; elle le découvre dans la famille.
..Nous avons été créés par amour, et pour l'amour.
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en
relations '
( juillet 09
>>>:
)
....
multENunENUN ....
le NOUS à la rencontre de l'A TOTALITE
Metanoia
...conversion ..changement et le renouvellement intime.
L'esprit d'amour dans la vérité ......de Simone Weil
....Eloge de l'amour
....par Alain Badiou
Caritas in veritate
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n

EXTRAITS :
Le premier
signe
page 27 à
36
Qu'est-ce qu'un signe? Jean utilise un mot grec
particulier, que l'on traduit généralement par «signe» et qui renvoie à
deux facettes d'une même réalité. Il s'agit d'un événement
extraordinaire, d'un miracle. Cet événement est porteur de sens : il est
donc un « signe». Nous voilà d'emblée dans la perspective johannique du
double niveau de compréhension
d'un même événement. Les signes mentionnés par jean dans son évangile ne
sont pas seulement des miracles témoignant de la toute-puissance de
jésus. Bien sûr, ils sont cela d'abord: Jésus les accomplit justement
pour permettre aux gens de comprendre qu'il est bien l'envoyé du Père.
Mais la richesse divine a le pouvoir d'associer à un acte de sa
toute-puissance une véritable sagesse et un parfait enseignement-. C'est
bien là ce que jean veut nous faire comprendre tout au long de son récit
évangélique!
Cana est la première étape du cheminement spirituel auquel
nous convie le Seigneur. Elle est la mise en route. Ce premier signe
inclut l'appel des premiers disciples et nous relate la première
manifestation publique du Christ.
Le premier signe est constitué de
plusieurs épisodes Un i,19 - 3,36). le témoignage de Jean-Baptiste, le
choix des premiers disciples, les noces de Cana, la purification du
temple, l'entretien avec Nicodème et enfin le second témoignage de Jean-Baptiste. Ces épisodes, si différents les uns des autres, ont
pourtant une unité thématique réelle et une atmosphère identique. Les
noces de Cana représentent un mystère particulièrement joyeux. Elles
sont le prolongement de la joie de Jean-Baptiste et de son annonce :
«Voici l'Agneau de Dieu.,, C'est bien là le premier signe qui introduit
les disciples dans la foi : « Il manifesta sa gloire, et ses disciples
crurent en lui" C'est ce que je voudrais mettre en relief dans ce
chapitre.
De Nazareth à Cana
À Cana, nous assistons à la manifestation publique de jésus. Elle
commence discrètement avec Jean-Baptiste au bord du Jourdain, et se
poursuit, aussi discrètement, à Cana, petit village de Galilée situé
tout près de Nazareth. La Galilée, région située dans le nord de la
Palestine, était réputée pour être très hellénisée. On trouvait donc
dans ce territoire beaucoup de juifs pratiquant peu leur foi ou, pire,
des juifs ayant adopté les coutumes religieuses des Romains. Les
Galiléens étaient donc mal vus des juifs fervents. Leur dénomination
était utilisée comme une dérision en matière religieuse. A Nicodème, un
pharisien qui tentera de défendre jésus devant ses confrères, on
répondra ironiquement : « Es-tu de la Galilée, toi aussi? »
Du point de
vue religieux, la Galilée est donc le lieu du parfait anonymat. Aucune
personnalité religieuse de renom n'y habite. Ce n'est pas là qu'un rabbi
aurait eu l'idée de fonder une école de spiritualité. Jean-Baptiste
lui-même baptisait les foules à la frontière de la Judée, au bord du
Jourdain. Dieu seul a eu l'idée de venir s'établir en Galilée! Pas de
meilleur endroit pour y cacher jésus! C'est ce que dira Jean-Baptiste
aux pharisiens venus l'interroger: «Au milieu de vous se tient quelqu'un
que vous ne connaissez pas» (Jn 1,26). Voilà bien pour Dieu la meilleure
façon de se cacher : il vient au milieu des hommes qui ne le connaissent
pas.
Le thème du secret apparaît tout au long du premier signe. Il
s'agit du secret relatif à l'identité réelle de jésus, messie prêt à se
montrer au grand jour. C'est Jean-Baptiste d'abord, le cousin de jésus,
qui le proclame ouvertement : « Et moi, je ne le connaissais pas, mais
celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, celui-là m'avait dit: <Celui
sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est lui qui baptise
dans l'Esprit Saint' » (in 1,33). Jean-Baptiste connaissait parfaitement
son cousin, mais il ne connaissait pas son identité messianique ! C'est
seulement au bord du Jourdain qu'il la découvre. A Nazareth, jésus n'a
rien laissé transparaître sur lui-même. Il n'y a pas fait de miracles
durant sa vie cachée ni prononcé de grands discours; au point que,
lorsqu'il y retournera, personne ne voudra croire en lui. C'est le
fameux épisode que nous relate Marc (6,1-6): les gens de Nazareth
s'étonnent certes de sa sagesse et des grands miracles qu'il accomplit
ailleurs, mais sans parvenir à le regarder autrement que comme l'un
d'entre eux. A leurs yeux, il ne pouvait pas être l'envoyé de Dieu! Leur
incapacité à dépasser l'apparence des choses était si forte que Jésus Iui-même
s'en étonna !
De même, à Cana, ce n'est pas jésus qui est directement
invité à cette noce; c'est sa mère, ainsi que le souligne saint Jean
Et le troisième jour, il se fit des noces à Cana en
Galilée; et la mère de Jésus y était. Jésus fut aussi convié aux noces
avec ses disciples. Le vin étant venu à manquer, la mère de jésus lui
dit: «Ils n'ont plus de vin. » Jésus lui répondit: «Femme, qu'y a-t-il
entre toi et moi? Mon heure n'est pas encore venue. » Sa mère dit aux
servants: «Tout ce qu'il vous dira, faites-le» (In 2,1-5).
Il existe indubitablement une continuité entre Nazareth et Cana.
Nazareth, c'est la vie cachée de jésus. Jean ne nous parle pas de
Nazareth dans son évangile. Mais l'entrée de jésus dans la phase
publique de sa mission est l'occasion d'en apercevoir les tout derniers
moments. La place de Marie y est centrale. C'est elle qui est invitée;
Jésus ne l'est que par sa filiation.
Ce détail du récit nous dit quelque
chose de la spiritualité de Nazareth. Il s'agit d'une expérience de Dieu
vécue dans le quotidien. Les gestes de tous les jours, les rencontres,
les problèmes à résoudre et les joies simples forment la traîne, t
générale où la foi doit se développer. Marie représente le sommet de cette vie spirituelle, jésus incarnant la présence divine
silencieuse. Une présence divine qui prend peu à peu de l'importance, au
point de se manifester finalement au grand jour! Ainsi, Nazareth nous
offre un bel enseignement: la vie humaine ordinaire est le point initial
d'où commence l'oeuvre de Dieu. Cana, qui en est le prolongement
immédiat, ne nous dit pas autre chose. Les noces célèbrent l'amour d'un
homme et d'une femme. La capacité pour une personne d'aimer une autre
personne est pour Dieu l'occasion, ordinaire et première, de se rendre
présent en notre monde, ce que signifie exactement la présence de jésus
aux noces.
Le secret de la spiritualité de Nazareth est un secret de
Polichinelle. La vie cachée de Jésus est une vie de famille ! Certes,
c'est .la vie de "là sainte Famille », mais il s'agit précisément d'une
«famille ». Il est étonnant de songer que, pour «seulement» trois années
de manifestation publique, jésus ait gardé le silence durant trente ans,
à l'ombre de la famille de Nazareth. Dieu veut ainsi nous montrer que
l'expérience des limites humaines est d'une très haute importance pour le
développement de la foi.
La famille est le milieu vital et naturel de
l'amour en ce monde. 'Une âme ne découvre pas d'abord l'amour dans
!'Église ou dans la société; elle le découvre dans la famille. C'est
pourquoi Dieu s'y tient systématiquement, même si les hommes ne s'en
rendent généralement pas compte, tout occupés qu'ils sont à jouir de
leur propre bonheur. Une grâce particulière est accordée d'en haut à
toutes les familles. Une grâce qui permet à la famille de s'édifier sur
la base de l'amour réciproque de ses membres.
A Nazareth; la soumission d'amour de jésus à ses parents est une « revitalisation »
de cette grâce. De même, le miracle de jésus x noces de Cana est aussi
un geste de revitalisation: «Ils n'ont plus de vin ! » Ce miracle
devient le signe prophétique d'une promesse d'effusion d'amour divin
dans les coeurs des membres de la famille humaine en général; et cette
grâce est obtenue par l'intercession de Marie.
A Nazareth, c'est Marie qui prend les
initiatives, comme elle le fait à Cana! On est frappé d'ailleurs de
l'aisance de Marie lors de ces noces, de son attention maternelle et de
son autorité tranquille. Cette attitude reflète celle de Nazareth sans
aucun -doute. Pour commander aux serviteurs comme elle le fait, il est
clair qu'elle est « chez elle » à Cana. De plus, elle demande à jésus un
« miracle», apparemment de la même manière qu'elle lui aurait demandé un
petit service! Ce comportement est l'image de la relation simple et
naturelle de l'âme avec Dieu, quand on associe Dieu à tous les
événements de la vie quotidienne, sans autre perspective que de vivre en
sa présence.
Dieu est au centre de la Sainte Famille ! De façon unique,
il est la sou e et il est aussi le sommet de l'amour de Marie et de
Joseph C'est ce témoignage qu'apporte Marie à Cana. Joseph -West plus
là. Cet humble- serviteur.' est effacé devant son fils et son Dieu. IJ
était « l' ombre » du Père celui qui, en se faisant l'époux de Marie et
le père de jésus, servit à cacher l'identité véritable_ de l'enfant et
de sa mère aux yeux des homme . Mais au jour de la manifestation de
jésus au monde, sa mission prenait fin. Sa mort demeure le secret de
jésus et de marie. Il est, dans son silence même, l'icône de la
spiritualité de la vie cachée. Son départ marquait forcément un tournant
dans l'histoire de la Sainte Famille. Il ne pouvait que manifester la
volonté du Père !
«Ils n'ont plus de vin»
Comment comprendre le mystère
de cette pénurie soudaine de vin en pleine fête? Il s'agit de la fête de.-l'amour humain. Or, nous savons que le vin est le symbole de la
joie. Pour beaucoup d'hommes, en effet, la vie quotidienne finit tôt ou
tard par perdre sa dimension de « mystère ». On n'attend plus rien de
nouveau! Et même si cette vie n'est pas l'enfer, elle n'a plus assez
d'intensité en elle-même pour être vécue avec passion. Le quotidien
devient le symbole d'A e grisaille existentielle sans relief, d'un monde
sans vocation! Cette pénurie, à sa manière, nous parle encore de
Nazareth, mais d'un point de vue négatif: Nazareth sans la
présence de jésus, c'est le monde privé de vin. Or, Bethléem se
distingue de Nazareth pour ce motif même. C'est en effet à Bethléem que
devait naître le Messie, tandis que, s'exclama Nathanaêl, « de Nazareth,
peut-il sortir quelque chose de bon?» (in 1,46). De Bethléem pouvait
sortir quelque chose de bon, à savoir le Messie; mais de Nazareth, on
n'attendait personne. Pourquoi ce pessimisme?
Normalement, c'est «le vin qui réjouit le
coeur de l'homme» (Ps 104,14). Il existe en effet, dans l'Écriture
sainte, une relation étroite entre le vin et le coeur. Or,
spirituellement, ce qui réjouit notre coeur n'est autre que l'amour.
Nous avons été créés ( hcq ... femme et homme ..)
par amour, et pour l'amour. Telle est la condition
humaine dans sa dimension radicale. Manquer de vin, dans cette
perspective, ne signifie pas autre chose que manquer d'amour! Et il nous
faut aussi lier ce fait au contexte de la noce où il advient. Le mariage
est la célébration de l'amour humain dans sa fraîcheur printanière. Mais
les époux auront ils toujours assez de coeur pour demeurer dans l'amour
tout au long de leur vie? Ne se lasseront-ils pas un jour l'un de
l'autre? Alors, en ces jours-là, le vin viendra à manquer!
N'est-ce pas
cette fragilité humaine que vient souligner l'incident de Cana? Marie en
prend toute la mesure à cet instant. Il y a, dans sa requête, une
certaine angoisse maternelle. Le prophète Isaïe avait dramatiquement
souligné les effets d'un durcissement du coeur du peuple d'Israël:
« Le
moût est triste, la vigne est flétrie;
Tous ceux qui avaient le
cœur
joyeux soupirent.
La joie des tambourins a cessé, la gaîté bruyante a
pris fin,
La joie de la harpe a cessé.
On ne boit plus de vin en
chantant;
Les liqueurs fortes sont amères au buveur.
La ville déserte
est en ruines ;
Toutes les maisons sont fermées, on n'y entre plus.
On
crie dans les rues, parce que le vin manque;
Toute réjouissance a
disparu,
L'allégresse est bannie du pays» (Is
24,7-11).
Voilà donc que l'amour humain, sorti tout droit du
coeur de Dieu lors de la création du monde, vient à manquer! Le cœur de l'homme vieillit s'il ne se
renouvelle pas! La nouvelle alliance prend ainsi tout son sens : il faut
un vin nouveau pour les hommes, c'est-à-dire un renouvellement de leur
capacité à aimer. L'humanité n'a pas su conserver le premier vin, celui
du premier jour, et ce vin s'est éventé par l'action du péché originel.
Il a perdu pour l'homme sa force et sa saveur, sans perdre totalement
ses qualités cependant. Mais il s'est affadi, comme «usé» par le temps.
Sans doute les hommes ont-ils en eux la capacité de s'adapter
progressivement à la baisse de leur enthousiasme intérieur, selon cette
même loi qui préside au vieillissement des corps. On considère comme
«naturel» de voir s'enfuir, ainsi que le sable entre les doigts,
l'énergie de sa jeunesse. La fraîcheur généreuse d'un regard neuf sur le
monde s'atténue. Les idéaux s'érodent peu à peu, sans que l'on trouve
anormale ou tragique cette évolution. La recherche de la vérité fait
place à une adaptation nécessaire au milieu ambiant. Bref, le vin vient
à manquer peu à peu ! On soupire quelquefois encore avec nostalgie, en
se mettant à désirer un vin nouveau capable de rendre cet état d'âme
d'un âge désormais révolu: «Qu'il sera beau! Qu'il sera splendide! Le
blé fera s'épanouir les jeunes gens, et le vin nouveau les vierges» (Za
9,17).
Lorsque saint Paul évoque la venue de jésus Christ dans notre
monde, il déclare qu'elle se réalisa «à la plénitude des temps» (Ga
4,4), c'est-à-dire lorsque les temps furent accomplis. L'histoire qui
avait précédé la venue du Sauveur était arrivée à maturité. Il s'agit là
du temps de Cana, un temps parvenu à son achèvement et qui est
humainement un temps de pénurie spirituelle. Il s'agir d'une «
plénitude» de besoin à comble Pour bien comprendre le climat existentiel
exprimé par Cana, il faut revenir à l'expérience des Hébreux en Égypte.
En effet, le livre de l'Exode nous fait bien comprendre cette attente
diffuse, en même temps que passive, de l'amour divin. Les Hébreux vivaient
alors
un quotidien très dur : ils étaient esclaves ! La vie quotidienne était
saturée par le travail à accomplir. Aussi, « les Israélites, gémissant
de leur servitude, crièrent, et leur appel à l'aide monta vers Dieu, du
fond de leur servitude. Dieu entendit leur gémissement» (Ex 2,23-24). Il
faut lire avec attention ce texte qui dépeint dramatiquement la
situation d'une humanité prisonnière de ses propres limites, le
livre de l'Exode nous dit que les Hébreux «crièrent». Mais ce cri n'a pas de
destinataire. C'est un cri qui se perdrait dans le néànt si Dieu ne
l'entendait de lui-même. Les Hébreux ne crièrent pas vers Dieu.
Pourtant, Dieu entendit la plainte de leur coeur. La situation de manque
d'amour des hommes du temps de Jésus était certes moins extrême que
celle des Hébreux en Égypte, mais elle était fondamentalement de même
nature. Les limites de la condition humaine semblaient infranchissables
!
Marie connaît le secret de son Fils. Elle sait que son Coeur est
rempli d'un vin nouveau destiné à enivrer les hommes par un amour
au-delà d'eux-mêmes. Le secret du bonheur n'est il pas dans le
dépassement de soi ? Marie voudrait ouvrir tout W ~ grand le Coeur de
Dieu. Elle ignore seulement les modalités de cette ouverture : le coup
de lance sur la croix.
Manquer de vin est donc la caractéristique de
Cana. Dans la vie spirituelle, ce manque indique un état de préparation
à la révélation de l'évidence de Dieu.
Lorsqu'on dit aujourd'hui que les
gens sont en attente du sacré, sans être encore engagés activement dans
sa recherche, on dit simplement qu'ils vivent spirituellement à Cana de
Galilée ! Cana est un état de manque, et donc un désir, qui creuse
lentement le coeur des hommes, afin de les disposer un jour à entendre
l'appel divin.
«Mon heure n'est pas encore venue»
Jésus est descendu du
Ciel pour apporter ce vin nouveau aux hommes. C'est bien le sens global
du signe qu'il accomplit à Cana. Mais, en même temps, il le relativise.
Telle est la signification de sa réponse à Marie : « Femme, qu'y a-t-il
entre toi et moi? Mon heure n'est pas encore venue.» Cette phrase
énigmatique renvoie à l'idée d'un «itinéraire;> à parcourir. Dès ce
premier signé, Marie demande à jésus une transformation radicale du
coeur du croyant. Mais une telle transfiguration de l'âme ne peut
s'opérer en une fois. Marie peut faire cette demande à son Fils, parce
qu'elle ne s'occupe pas de la manière dont Dieu réalisera cette divine
transformation. Elle demande seulement la grâce. C'est pourquoi le
décalage entre Marie et jésus n'est en réalité qu'apparent. Par son
exclamation : « Mon heure n'est pas encore venue », jésus sous-entend
cependant un processus plus ample de préparation à recevoir la grâce,
c'est-à-dire la nécessité d'un long cheminement ; mais, du même coup, sa
mention de « l'heure » marque aussi la mise en route de ce processus.
Jésus -se refuse à tout donner immédiatement. Mais il répond' quand même
favorablement à la prière de sa mère : il commence à donner un peu de ce
vin nouveau, seul capable de rendre la vie au coeur anémié des hommes.
Jésus ne s'adresse pas à sa mère en l'appelant « maman » ni «Marie»; il
l'appelle «femme », terme générique qui implique l'idée d'une prise de
distance. Jésus prend ici ses distances vis-à-vis de la mère et de la
femme. Mais cette distance n'est pas refus, tout au contraire ! Il veut
seulement lui faire comprendre que ce qu'elle demande exige
impérativement de prendre de l'altitude vis-à-vis des situations
particulières. Jean met ainsi en relief un élément essentiel de
l'enseignement du Christ : il faut dépasser le plan purement
psychologique pour comprendre l'oeuvre de Dieu. Ç'est une distance de
sagesse dans la foi. Aussi Marie devient-elle' « la Femme y, dont la
Bible commente la mission d'écraser la tête du serpent 1. Marie est la «
nouvelle Ève », et son rôle est de seconder jésus, le « nouvel Adam
».
Dans la vie spirituelle, le Seigneur nous demande souvent de savoir
prendre patience. Notre être aspire tant à la perfection ! Jésus aussi
désire ardemment transfigurer notre âme ! Mais il ne veut pas
compromettre cette opération délicate par trop de hâte. Il commence donc
par nous demander d'avoir progressivement un peu de recul envers les
êtres et les choses, afin de dépasser le plan strictement terrestre.
Jésus est «d'en haut», et nous sommes «d'en bas». L'heure de jésus en
notre vie viendra en son temps.
1. Gn 3,15: « Et je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre
ta postérité et sa postérité; elle t'écrasera la tête, et tu la
meurtriras au talon.
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Page 169 à 174
Le sixième sens
La lumière luit dans les ténébres
.....Jésus sauve la vie de la femme, puis il prophétise de façon
voilée son retour vers le Père. Plus tard, devant les Juifs «qui avaient
cru en lui», Jésus ne tarde pas à provoquer de nouveau la colère de son
auditoire. Ils l'injurient, l'accusant d'être un possédé ; puis, après
que Jésus eut proclamé sa divinité, ils tentent de le lapider: «Ils
ramassèrent alors des pierres pour les lui jeter, mais Jésus se déroba
et sortit du temple» (8,59). On apprend ensuite qu'une sanction
d'excommunication sera appliquée aux personnes qui reconnaîtraient Jésus
comme le Messie {cf. 9,22). Après la guérison de l'aveugle-né, Jésus
tient alors un long discours sur le thème du bon Pasteur, à la fin
duquel une grande scission advient parmi les Juifs à son propos (
10,19). Jésus quitte alors Jérusalem. Il revient en hiver, tenant dans
le temple un autre vaste discours qui confirme ses précédents
enseignements. Les Juifs tentent alors de le lapider (io,3i), mais ils
ne parviennent pas à s'emparer de lui.
Ce regard d'ensemble suffit à démontrer l'intensité du conflit qui
oppose désormais Jésus aux Juifs. Quel grand mystère que celui du combat
spirituel! Lorsque saint Jean, dans le Prologue, nous montre «la lumière
brillant au milieu des ténèbres», on pourrait croire à une évocation
poétique, saluant un roi cosmique venant prendre pacifiquement
possession de son royaume. La suite de l'évangile nous fait comprendre
qu'il n'en est rien. En ce sixième signe, la contemplation du mystère
d'iniquité devient un thème central qui prélude à la contemplation de la
divinité du Christ. Jean avertit le croyant qu'à l'instar de
l'ex-aveugle il lui faut accepter d'entrer dans cette contemplation de
«l'obscur».
Quel est donc finalement le motif du refus des Juifs? Il porte
explicitement sur la reconnaissance de Jésus en tant que «Messie divin».
Si Jésus s'était présenté seulement comme un homme, et non pas comme
Dieu lui-même, les Juifs auraient pu s'accommoder de lui. Il aurait été
un rabbi de renom, dépassant certes en autorité ceux de son temps, mais
ne remettant pas en cause fondamentalement le judaïsme. Car c'est de
cela qu'il s'agit: l'enseignement de Jésus fait éclater tous les cadres
de la religion juive . II est ou bien la plus grande menace jamais
advenue, ou bien une véritable révélation divine .
On pourrait objecter qu'admettre l'identité divine de Jésus, sur sa
seule parole, et malgré ses miracles impressionnants, n'était pas en soi
une chose aisée pour ses contemporains.
Croire de but en blanc à la divinité du Christ n'est effectivement
pas concevable sans une préparation préalable. Mais le cheminement des
sept signes constitue justement un dévoilement progressif de l'identité
divine du Seigneur! Or, le propre des Juifs qui s'opposent à Jésus,
c'est de ne pas évoluer, de ne pas cheminer! Et c'est pourquoi ils
deviennent les prototypes du refus de la foi. Dans leur monde, Dieu ne
peut pas se faire I entendre, par principe !
C'est ce qu'explique admirablement Jésus à ceux qui avaient cru en
lui: «Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples;
et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous libérera» (jn 8,31-32).
Le problème est de «demeurer» dans l'enseignement de Jésus. Il faut
l'habiter! Quand on emménage dans une nouvelle maison, on ne la connaît
pas et on ne «l'habite» que petit à petit. C'est progressivement qu'on s'habitue à
sa tonalité propre, à ses particularités. Alors seulement, on commence à
goûter ce qui en fait le charme profond.
Il en va de même de la parole de Dieu. Il faut faire cet effort de
l'habiter progressivement, de la laisser agir en nous pas à pas.
La vérité, même explicitement proclamée, n'est pas d'emblée connue
profondément. Lorsqu'on la connaît, c'est alors qu'elle peut porter du
fruit dans l'âme et nous libérer.
Il faut donc accepter de poser un regard de vérité sur les ténèbres
elles-mêmes. Les Juifs se considéraient comme les descendants d'Abraham,
qui avait quitté son pays d'origine pour marcher à la suite de Dieu. Il
était devenu un nomade sillonnant librement les chemins du monde. Ces
hommes, héritiers d'Abraham, «n'ont été esclaves de personne». Leur
liberté leur tient à cœur. Ils en oublient que leurs ancêtres furent
esclaves en Egypte et qu'ils subirent le joug de fer du pharaon î Jésus
ne leur parle pas du pouvoir des Romains qui maintenant pèse sur leurs
épaules. Il voudrait ici leur faire comprendre que c'est spirituellement
qu'il faut regarder sa condition, afin de saisir en quoi elle consiste
vraiment: «Qui commet le péché est esclave du péché.» Or, quand Jésus
annonce à ceux qui l'écoutent que la vérité les rendra libres ils se
raidissent. C'est là un langage nouveau pour les auditeurs de Jésus; et
ce langage, ils le jugent inacceptable.
Le propre des ténèbres est d'enchaîner
ceux qu'elles tiennent en leur
pouvoir. L'obscurité spirituelle ( hcq ...l'amour de soi ...? ..), c'est le péché Le croyant du sixième
signe est ainsi invité à remonter à la source de la «puissance de refus»
qui l'habite. Ce refus de la lumière est aussi une puissance
d'asservissement, car elle s'oppose au bien de l'âme, qui a été créée
pour la lumière ! Cette dénonciation du péché correspond à l'expérience
de foi de l'aveugle de naissance: quand ses yeux s'ouvrent il découvre
que le monde dans lequel il a vécu jusqu'alors gît en réalité dans les
ténèbres. Et ces ténèbres sont comme un air empoisonné que seule la foi
en Jésus peut nous permettre d'éviter de respirer. Le péché est un
poison diffus qui aveugle irrémédiablement les esprits. C'est la
fidélité à la vérité qui conduit pas à pas l'aveugle jusqu'à la liberté.
Une liberté de regarder le réel pour ce qu'il est, sans être esclave des
pressions des juifs; bref, de se trouver loin du joug du pouvoir des
hommes. Telle est la véritable liberté. Elle dépasse la simple
possibilité matérielle d'agir librement: elle permet d'user de cette
possibilité de liberté et d'en vivre! Il ne s'agit pas seulement
d'avoir le «droit d'être libre»; il faut l'être effectivement!
C'est alors que Jésus peut entraîner son auditoire au cœur même des
ténèbres, en l'invitant à considérer Celui qui les habite au plus
profond: «Pourquoi ne reconnaissez-vous pas mon langage? C'est que vous
ne pouvez pas entendre ma parole. Vous êtes du diable, votre père, et ce
sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. Il était
homicide dès le commencement et n'était pas établi dans la vérité, parce
qu'il n'y a pas de vérité en lui: quand il profère le mensonge, il parle
de son propre fonds, parce qu'il est menteur et père du mensonge. Mais
parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas» (jn 8,43-45). C'est
la première fois dans le quatrième évangile que Jésus parle de façon
aussi claire du démon. Fondamentalement, le diable est homicide et
menteur. Il exerce une forme de «paternité», sur le plan spirituel, mais
qui est totalement négative.
Tandis que Dieu est la source de la vie, le diable, lui, est
«homicide dès le commencement». Le mot «commencement» en grec a deux
sens : celui d'un début chronologique, et celui de «principe». Jésus
joue ici sur les deux aspects du mot: le démon est chronologiquement la
première créature de Dieu à s'être révoltée contre lui, et donc à s'être
éloignée de la vie; mais il est aussi l'apôtre de la mort, c'est-à-dire
le principe (le prince) de la rébellion contre Dieu. Il aurait pu, bien
sûr, se contenter de refuser le pouvoir divin, sans entrer en conflit
avec Dieu. Mais cette hypothèse relève seulement d'une possibilité
purement logique. Dans le réel, les choses sont plus « simples » : on ne
peut pas se tenir hors de Dieu de manière purement indifférente! C'est
un fait d'expérience de foi, confirmé par la révélation. L'aveugle-né en
fait intensément l'expérience au cours de ses trois témoignages. La vie
étant la propriété de Dieu lui-même, il est impossible de s'éloigner de
lui sans trouver la mort. Mais la révélation ne définit pas la mort
comme un anéantissement de l'être. Par volonté divine, cet
anéantissement de ceux que Dieu a créés n'est pas possible sans son
intervention. La résurrection des morts est promise au juste comme à
l'injuste; mais le premier ressuscite pour la vie, et le deuxième pour
«la seconde mort» (Ap 20,1 i-i5). Le démon ne peut pas fuir Dieu et
rester en même temps dans l'amour. S'éloignant de Dieu, c'est la haine
qui devient sa compagne. La haine, c'est tout le contraire de
l'indifférence philosophique. La haine n'a de cesse d'entraîner le monde
entier derrière elle et de vouloir l'embraser !
Apôtre de la mort, le diable est aussi «menteur et père du mensonge».
En grec, le mot diabolos (diable) signifie tout à la y fois «tromper»,
«accuser» et «diviser», C'est pourquoi l'Église '• salue le démon du
titre de «séducteur des âmes», en le comparant au serpent. Or, sa
séduction repose sur le mensonge. Comment pourrait-il faire autrement,
puisque la vérité habite le royaume de la lumière? Nous avons vu qu'au
cours de son témoignage devant les Juifs l'aveugle-né se heurte à cette
puissance de mensonge. Ses interlocuteurs ne sont intéressés qu'à
découvrir ce qui leur permettra de confondre Jésus. Totalement
indifférents à la grâce immense faite à l'ex-aveugle, ils paraissent
même ne pas réaliser ce que signifie une telle faveur. Au lieu de
s'interroger sur l'origine du pouvoir de Jésus, ils ne considèrent que
le problème juridique de la violation du sabbat. Pour eux, accomplir une
guérison le jour du sabbat représente une transgression religieuse! Le
mensonge, c'est cela: un aveuglement si radical qu'il ne permet plus de
voir la lumière !
Toute crise de
l'intelligence a pour fondement l'abandon de la recherche du vrai.
Tant qu'elle est en recherche, l'âme est tournée vers la lumière.
L'intelligence, parce que création de Dieu, est finalisée par la vérité.
Le propre de l'intelligence humaine, c'est donc de rechercher la vérité.
Lorsqu'elle y renonce, elle tombe immédiatement sous l'emprise des
ténèbres. La manière la plus habituelle de pratiquer un tel renoncement
consiste à arrêter le mouvement de sa pensée aux êtres et aux choses qui
peuplent le monde. L'intelligence qui ne cherche pas à aller au-delà de
la matière, en posant la question du «pourquoi» de la création, est une
intelligence qui a renoncé à la vérité. Or, renoncer même à une partie
de la vérité, c'est renoncer à la vérité tout court!
Nous rejoignons ici le problème de la nature du mal. Le mal est une
privation de bien. Comme un fruit qui s'abîme, le mal rend insipides,
voire repoussantes, les choses bonnes. Mais le mal n'est pas un être en
soi. Il est seulement une puissance de refus qui n'a d'autres
perspectives que sa propre révolte. Le mal n'est jamais constructif De
même que l'erreur ampute la vérité, et donc la dénature, le mensonge pur
et simple rend la vérité méconnaissable, la défigure, et ainsi la fait
disparaître du champ de l'intelligence. Le mensonge est un semeur de
doute et de confusion, un «esprit de vertige».
L'objet de contemplation proposé au croyant du sixième signe est la
divinité du Christ. C'est autour de cette question que se cristallise
l'affrontement entre Jésus et les Juifs. Le disciple de Jésus est invité
à un discernement radical des esprits. L'esprit des Juifs est-il ouvert
à la vérité? Jean nous démontre que non, puisque l'auditoire de Jésus,
qui prétend avoir cru en lui (jn 8,31), refuse par principe la leçon
essentielle: «En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham
existât, JE suis» (8,58). Rejeter la possibilité de la divinité du
Christ, c'est rejeter tout son enseignement. Alors, pourquoi venir
encore l'écouter? Sans doute reconnaissent-ils au fond d'eux-mêmes une
voix qui n'est pas ce monde...
Conclusion
Le sixième signe achève de faire du croyant un véritable disciple de
Jésus. Cette étape de la foi est une nuit spirituelle intense, dont le
but est de purifier en profondeur l'intelligence du croyant. Elle lui
communique le discernement des esprits, c'est-à-dire le discernement
entre le mensonge et la vérité. Le témoignage du disciple devient alors
un véritable combat spirituel qui l'oppose à la puissance de refus du
péché et le stimule par là même à confesser résolument son attachement à
Jésus.
L'accès à la foi en la divinité de Jésus est l'étape ultime de cette
longue nuit. Elle est aussi sa récompense. Le septième signe en sera le
développement plénier.
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