Sommes-nous voués à disparaître ?
Auteur:
Par Alexandre Devecchio
Source:
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN
http://premium.lefigaro.fr/vox/societe/2014/12/19/31003-20141219ARTFIG00416-crise-economique-pourquoi-le-monde-est-au-bord-du-gouffre.php
Date de
l'original:
Publié le
19/12/2014 à 19h25
Date de création de
cette page :
23.07.16 à partir de la page :>>>>>>...
C'est la thèse que défend l'écrivain François
Meyronnis dans son dernier livre, Proclamation sur la vraie crise
mondiale.
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Vous parlez de
«capitalisme intégré». En quoi diffère-t-il du capitalisme libéral?
Le capitalisme intégré n'a plus de libéral que l'idéologie de surface. Il
est à mes yeux davantage un tour de la cybernétique qu'une modalité de
l'économie politique, et doit plus à Norbert Wiener, le premier
cybernéticien, qu'à Adam Smith, le grand prêtre de l'économie libérale
anglo-saxonne. Il a comme base un système réticulaire ne s'alignant sur
aucun lieu ni sur aucune place, sans état-major ni directoire. Par lui,
il a accès à tout, n'importe où, et se rend disponibles tous les êtres.
L'argent opère ainsi comme une
antimatière: aucun territoire ne le fixe, aucune loi ne le contrôle.
N'est réputé exister que ce que les réseaux agencent. Toute réalité se
transforme en donnée, et devient fluide, échangeable. Tant pis pour le
reste.
Aucune des réponses politiques actuelles ne semblent trouver grâce à
vos yeux. Vous rejetez à la fois les solutions libérales et la décroissance.
Pourquoi?
Les solutions politiques participent toutes d'un monde révolu, ayant ses
racines dans l'ère moderne. Elles postulent que l'«Homme» demeure «maître et
possesseur» de son destin. Or dans le monde du capitalisme intégré la
politique n'est plus qu'un rouage subalterne, ou alors un simple jeu
d'illusion médiatique. Car le rêve qu'ont eu les sociétés humaines,
d'acquérir une toute-puissance sur elles-mêmes a été débordé par les réseaux
numériques. Elles sont aujourd'hui assignées à rattraper le flux, avec la
certitude d'échouer. L'instantanéité des réseaux a ainsi circonvenu par
avance toute volonté prométhéenne, donc toute «politique» au sens moderne.
Avez-vous réfléchi à une troisième voie? D'où le salut peut-il venir?
Il n'y a pas de «troisième voie» possible, précisément parce qu'elle
reposerait sur une volonté prométhéenne, comme si on pouvait résorber la
crise par un surcroît de volonté (ce qui constituait l'hypothèse
«révolutionnaire» au sens moderne). D'où le salut peut-il venir? Dans son
entretien testamentaire au Spiegel de 1966, le philosophe Martin Heidegger
propose cette formule énigmatique: «Seul un dieu peut
encore nous sauver».