....L'univers : du Big Bang au " réglage fin" ...

Dossiers :   des visions du monde

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Présentation :...

La cosmologie moderne fait le constat du « réglage fin » des constantes physiques de l'univers, qui ont permis l'existence de l'être humain. Certains scientifiques, tels Trinh Xuan Thuan, professeur d'astronomie,dernier ouvrage publié : Dictionnaire amoureux du ciel et de la terre, défendent l'idée qu'une intention serait à l'origine de la vie sur Terre, car ses conditions d'apparition sont si précises qu'elles ne sauraient être le fruit du seul hasard.

 

Extraits : ...  L'invariance des lois physiques participe de l'harmonie et de la beauté de l'univers, car on aurait pu avoir un univers chaotique où chaque endroit aurait des lois différentes. Il nous serait alors impossible de comprendre quoi que ce soit. De plus, à mesure que la connaissance progresse, une extraordinaire unité se manifeste.

 

 

en relations .....   PO au 18

 

 

n L'univers : du Big Bang au " réglage fin"

 

Auteur:   Trnh Xuan Thuan

Astrophysicien, professeur d'astronomie à l'université de Virginie.

Dernier ouvrage publié: Dictionnaire amoureux du ciel et des étoiles (Plon/Fayard, 2009).

Source:   Le Monde des RELIGIONS

Date : Janvier/février 2010 

 

La cosmologie moderne naît suite à la découverte de la relativité générale par Albert Einstein en 1915. Mais celui-ci croit à un univers statique et introduit dans ses équations une « constante cosmologique » pour justifier cet état. Lorsqu'en 1929, Edwin Hubble démontre que l'univers est en expansion, Einstein revient sur sa proposition qu'il qualifie de «plus grande bêtise de sa vie ». Les modèles expansionnistes développés au début des années 1920 sont alors adoptés. On les doit au Russe Alexandre Friedmann et au prêtre catholique belge Georges Lemaître. Mais si l'univers est en expansion, l'inversion du processus conduit naturellement à un état initial extrêmement dense et chaud de l'univers, qui remonte à environ 13,7 milliards d'années. Cette époque et cet état de l'univers vont prendre le nom de Big Bang, une expression proposée par le Britannique Fred Hoyle, qui se voulait péjorative car il ne croyait pas à ce modèle. Hoyle est également le premier à parler en 1953 de « réglage » ou « ajustement fin » des conditions initiales et des constantes physiques de l'univers. En 1961, Robert Dicke souligne que l'apparition de la vie nécessite la présence de carbone, laquelle semble le fruit d'une heureuse coïncidence, puisqu'il ne peut être synthétisé qu'au coeur des étoiles, et dans des conditions très spécifiques. Ce constat du « réglage fin » va conduire le Britannique Brandon Carter à formuler en 1974 le « principe anthropique » (du grec anthropos, « homme »), qui fait l'objet de plusieurs interprétations. Dans sa version « forte », il prend la forme d'un pari métaphysique voulant qu'une intention soit à l'origine de l'univers et de la vie, car leurs conditions d'apparition sont réglées si finement qu'elles ne sauraient être le fruit du seul hasard. Astrophysicien d'origine vietnamienne, Trinh Xuan Thuan est aujourd'hui l'un des plus fervents avocats du principe anthropique. Il vient de se voir décerner par l'Unesco le prix Kalinga, qui récompense des scientifiques ayant contribué à l'information scientifique du grand public.

Le principe anthropique repose sur la notion de réglage fin de l'univers. Qu'est-ce que cela signifie?

Je préfère l'appeler principe de complexité, pour ne pas être anthropomorphique. La version forte de ce principe dit que l'évolution de l'univers mène inévitablement à une forme de vie et de conscience. Pas nécessairement à l'homme, car si ce principe est correct, il y a inévitablement d'autres formes de conscience dans l'univers. On peut dire que l'univers était en quelque sorte gros de la vie et de la conscience, car il a été réglé de façon extrêmement fine, dès le début, pour permettre la formation des étoiles et la fabrication des éléments lourds qui conduisent à la vie. Mais le réglage ne semble fin que par rapport à nos capacités de calcul et d'observation. N'y a-t-il pas un risque de s'illusionner sur la finesse de ce réglage?

Le réglage fin est un fait reconnu par la communauté scientifique: on ne peut faire varier la valeur des constantes physiques ou des conditions initiales de création de l'univers, même de façon infime, sans compromettre l'existence des étoiles, des éléments lourds et donc de la vie. Le principe anthropique n'est pas un dogme religieux, car la science est en perpétuelle évolution, mais la physique telle que nous la connaissons dépend d'une quinzaine de constantes, et aucune théorie n'explique pour l'instant pourquoi elles ont ces valeurs là. Le principe anthropique faible dit: « Les constantes physiques doivent avoir la valeur qui nous permet d'exister », ce qui est une tautologie. Mais dire que l'univers tend vers la conscience dès l'origine relève d'une position métaphysique beaucoup plus forte. C'est un pari.

Comment passe-t-on du réglage fin à l'alternative voulant qu'il y ait soit des univers multiples, soit un principe créateur?

On peut choisir le hasard ou la nécessité. Le hasard est parfaitement compatible avec les théories scientifiques: en jouant à la loterie une infinité de fois, on achète un jour un billet gagnant. De même, parmi une infinité d'univers parallèles avec toutes les combinaisons possibles de constantes physiques et de conditions initiales, un univers a exactement la combinaison « gagnante », et nous serions en quelque sorte le gros lot de cet univers-là, une forme de conscience capable de comprendre et d'appréhender la beauté et l'harmonie de l'univers. La science permet l'hypothèse d'un « multivers ». Par exemple, Andrei Linde a proposé la théorie de la mousse quantique: chaque fluctuation quantique donne naissance à un univers-bulle indépendant, d'où une infinité d'univers-bulles dans un méta-univers. Notre univers aurait la combinaison gagnante et les autres seraient vides et stériles. Beaucoup de physiciens adoptent l'hypothèse du « multivers » car elle évacue la question d'un principe créateur et elle sauve en quelque sorte le hasard. Tout cela est plausible, mais mon problème est que l'on ne pourra jamais vérifier expérimentalement l'existence d'autres univers. Quand on applique le Rasoir d'Ockham ~'), on se demande pourquoi créer une infinité d'univers tous vides et stériles juste pour en avoir un qui soit conscient de luimême.

Vous avez d'autres arguments d'ordre plus émotionnel et esthétique.

En effet. Quand je contemple l'organisation de l'univers, c'est difficile pour moi de penser que tout est hasard et que rien n'a de sens. L'invariance des lois physiques participe de l'harmonie et de la beauté de l'univers, car on aurait pu avoir un univers chaotique où chaque endroit aurait des lois différentes. Il nous serait alors impossible de comprendre quoi que ce soit. De plus, à mesure que la connaissance progresse, une extraordinaire unité se manifeste. Ainsi, Aristote pensait que le ciel et la Terre étaient régis par des lois complètement différentes. Isaac Newton a fait table rase de cette vision en montrant que la même force de gravité dicte la chute d'une pomme aussi bien que le mouvement des planètes autour du soleil. Au XIX' siècle, on pensait que l'électricité et le magnétisme étaient deux phénomènes totalement distincts. James Clerk Maxwell et Michael Faraday ont montré que les deux phénomènes sont reliés, unifiant l'électricité, le magnétisme et l'optique. Au XX' siècle, Albert Einstein unifie le temps et l'espace, et au XXI' siècle, les physiciens travaillent dur pour unifier les quatre forces fondamentales de la nature.

Finalement, votre adhésion à un principe créateur est en contradiction avec le bouddhisme.

C'est vrai, et dans mon dialogue avec Matthieu Ricard `2l, c'est le point où nous achoppons. Je suis un bouddhiste non-orthodoxe de ce point de vue. Pour le bouddhisme, tout est interdépendant. La vie est interdépendante avec la matière, qui est un support. Il n'y a donc pas besoin d'un principe créateur qui règle l'univers pour l'émergence de la vie et de la conscience. Mais cela ne résout pas la question de Gottfried Leibniz pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? Et pourquoi avons-nous un univers régi par la mécanique quantique et la relativité générale, alors que nous pourrions très bien vivre dans un univers régi par la physique de Newton? Cela m'amène à invoquer une sorte de principe

Driginel, qui décide de l'existence de L'univers, avec ses lois physiques. Le Bouddhisme répond aux questions l'harmonie et d'unité, parce que tout est interdépendant, mais il n'explique pas l'existence même de l'univers.

Que représente alors le Big Bang jour vous?

C'est la manifestation du début de ..l'univers. Selon moi, les constantes Physiques et les conditions initiales sont réglées à l'origine, ensuite l'univers évolue de lui-même sans intervention divine. Je ne conçois donc pas un Dieu Créateur qui intervient constamment dans le fonctionnement de l'univers. J'adhère plutôt à un principe panthéiste à la Spinoza et Einstein. Pour moi, le Principe créateur se manifeste dans les Lois de la nature et fait que le monde est rationnel et intelligible. Ceci dit, j'adhère pleinement aux autres concepts fondamentaux du bouddhisme, tels l'impermanence, l'interdépendance et la vacuité.

La non-séparabilité (ou nonocalité) en mécanique quantique (lire en p. 22) vous évoque-t-elle 'interdépendance des phénomènes at la non-dualité?

Oui, on l'observe au niveau subatomique. Deux photons qui ont interagi (ils sont « intriqués ») maintiennent le contact, même s'ils sont séparés par de très grandes distances. La mesure de l'un modifie instantanément l'état de l'autre, sans aucune transmission d'information. La seule explication est de concevoir l'espace non pas comme morcelé et local, mais comme global et interdépendant. Ce concept de non-séparabilité de L'espace ressemble de façon frappante au concept d'interdépendance du bouddhisme. Le bouddhisme dit que rien ne peut exister de façon autonome et être sa propre cause. Un objet ne peut être défini qu'en termes d'autres objets et n'exister qu'en relation avec d'autres entités. Autrement dit, ceci surgit parce que cela est. L'interdépendance est essentielle à la manifestation de tout phénomène.

Vous avez écrit que la particule-onde n'a finalement pas d'existence intrinsèque.

Oui, la lumière ou la matière peut être, soit particule soit onde, selon les circonstances. Si l'observateur n'active pas son appareil de mesure, la lumière ne peut être décrite que par une onde de probabilité. S'il l'active, elle devient particule. Parce que sa nature dépend de l'observateur, elle n'a pas d'existence intrinsèque. Ce qui rejoint la notion de vacuité du bouddhisme, ainsi que celle de l'interdépendance, en mettant en valeur le lien fondamental entre le réel observé et l'observateur.

Parlez-nous de l'expérience du pendule de Foucault.

Elle manifeste aussi l'interdépendance, mais cette fois sur le plan cosmique. Pour démontrer la rotation de la Terre, Léon Foucault suspend un poids au bout d'une corde au sommet de la voûte du Panthéon en 1851. Au fil du temps, le plan d'oscillation du pendule pivote. Foucault explique qu'en fait, le plan reste fixe et que c'est la Terre « au-dessous qui tourne. Mais fixe par rapport à quoi? La Lune, le soleil, Proxima du Centaure, l'étoile la plus proche? Non, c'est par rapport aux amas de galaxies les plus lointains que le plan d'oscillation du pendule reste fixe, comme s'il ajustait son comportement non pas en fonction de son environnement local, mais en fonction de l'univers dans son ensemble. Ernst Mach pensait que cela résultait de l'influence d'une force mystérieuse qui imprègne tout l'univers, mais on n'a jamais pu l'expliciter.

Propos recueillis par Jocelin Morisson

 

Un principe de raisonnement attribué au frère franciscain et philosophe Guillaume d'Ockham (XIVe siècle): « Pluralitas non est ponenda sine necessitate », soit » Les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité"

(z, L'Infini dans la paume de la main (Pocket, 2002).

 

 

 

 

 

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