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Présentation :...Les
professeurs ont choisi , pour l’épreuve de version latine du
baccalauréat 2010, L’art d’aimer. d'Ovide .... des remous
... une belle " épître réparatrice " de Jacques Trémolet de
Villers ... sous la rubrique "Nouvelles de la France qui
vient" du quotidien Présent.
Extraits :
« Ce n’est pas assez que mes vers aient
amené à toi celle que tu aimes : mon art te l’a fait prendre, mon art
doit te la conserver. Et il ne te faut pas moins de talent pour garder
les conquêtes que pour les faire ; dans l’un, il y a du hasard, l’autre
sera l’œuvre de l’art. »
Que nos
éducateurs sourcilleux ou inquiets s’apaisent ! Qu’ils relisent
attentivement ces vers et qu’ils les comparent à ce qui pullule dans
notre culture en décomposition ! Ils ne tarderont pas à convenir que si,
par miracle, quelques adolescents venaient à s’y intéresser, leur
conduite amoureuse trancherait, d’une telle façon, sur celle de leurs
contemporains que certains, ou plutôt certaines, admiratives, voudraient
en faire un nouveau style, un genre, une mode. Alors, on verrait, au
cinéma, au théâtre, dans la rue, sur les places et dans les parcs, dans
les trams et les métros, dans les salles de classe, sur les bancs des
facultés, les jeunes hommes rivaliser de prévenances, de soins et
d’attentions délicates à l’égard des jeunes filles qui, elles,
s’efforceraient d’être toujours souriantes, affables, parlant bien et
sentant bon. Si, par miracle encore, les parents de ces adolescents,
stupéfaits de la conduite de leur progéniture, venaient à étudier, eux
aussi, ce poète qui inspire à leurs enfants une telle conduite, nous les
verrions, ces vieux mariés, s’attacher à redoubler, elles, d’attention à
plaire à leurs époux, eux, de redécouverte de ce qui peut les faire
sourire, rire, ou les séduire. Les familles ne seraient plus « les
cellules de base de la société » – « le régime cellulaire, disait André
Gide, très peu pour moi » – mais les foyers où se cultive, de génération
en génération, « l’art d’aimer ».
Avant toutes les réformes sur
lesquelles se disputent nos députés et s’engueulent nos ministres,
il faudrait commencer par celle-ci, qui n’est dans aucune loi,
aucune constitution, mais qui les commande toutes : se préoccuper de
savoir aimer, et bien aimer. Donner à l’amour – l’amour de Dieu,
l’amour des êtres, l’amour des choses, la première place. Lui donner
tout le temps, tous les efforts, tous les sacrifices qu’il appelle.
C’est un autre rythme, un autre regard, une
autre disposition du cœur.
C’est la seule vraie révolution.
en
relations '
( septembre 09
>>>:
)
La genèse du féminin
...Fécondité de l'esprit et pensée biblique" ....La
naïve déclaration d'amour que Ish fait à Isha est le véritable
point de départ de la grande aventure de l'espèce humaine
d'Alain Monestier
Jacqueline de Romilly : un texte bien opposé aux
valeurs fondamentales de la civilisation.
Faut-il que notre culture devienne
un vecteur de tout ce qui mena à la déliquescence de l'empire
romain ...
L'art d'aimer d'OVIDE..... "un
bréviaire de drageur ..Alain Monestier
le 25.09.09.
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n
Auteur:
JACQUES
TREMOLET DE VILLERS
Source:
Présent
Article extrait du
n° 6926
du Mercredi 16 septembre 2009
L’art d’aimer ou épître réparatrice à Ovide
Ainsi mon cher Ovide, le poète choisi de mon
adolescence, l’initiateur aux drames de Pyrame et Thisbée, jeunes
inventeurs – par amour – du téléphone, avant d’être, par amour, la
préfiguration de Roméo et Juliette, ainsi vous êtes attaqué par mes
amis, mes lecteurs, mes proches, parce que l’Education nationale, en
mal d’auteur latin, vous a désigné, cette année, pour l’épreuve du
baccalauréat.
Les professeurs ont choisi, pour l’épreuve de
version latine, L’art d’aimer.
On s’est ému, on pétitionne, dans les meilleurs
milieux, et on vous accuse, cher poète exilé, du péché de luxure ;
je vous fais grâce des autres. Je pense que, là où vous devez être,
dans les champs élyséens où, en bon païen que vous fûtes, vous
attendez la venue de celui que vous n’avez pas connu, mais pour qui,
sans le savoir, vous avez travaillé, l’affront vous est indifférent.
Si je le relève, pour vous défendre, ce n’est pas davantage pour
vous que pour moi, ou plutôt c’est par piété envers vous, envers
votre art, envers votre œuvre, envers ce que nous vous devons.
Laissons Les Métamorphoses que mon ami et
confrère Olivier Sers vient de traduire – vers pour vers, onze mille
vers latins, onze mille alexandrins français qui se répondent mot
pour mot – nous en parlerons un autre jour, de cette gigantesque
Histoire universelle du paganisme, monument dressé pour la mémoire
de ce qui fut avant. Avant quoi ? Avant la Révélation que vous ne
pouviez pas connaître, mais dont le souffle qui passe dans votre
épopée est comme une attente en haleine, où l’on voit, à l’état de
germe ou d’accomplissement, les espérances, les absurdités, les
monstruosités et aussi les beautés d’un univers qui, pour ne pas
connaître le vrai Dieu, vit au rythme d’un désir qui ne peut être
que la face cachée de son amour.
Ovide, c’est certain, poète de l’amour, connaît
mieux le petit dieu Eros que la douce, pure et chaste Agapé. Mais il
en parle avec une telle expérience, une telle sagesse, un tel amour
de l’amour humain que, face à la bestialité, à la brutalité, à
l’inhumanité toujours renaissante et menaçante, son Art d’aimer
sonne comme une proclamation de l’honneur de l’homme. Son préambule
le dit : « S’il est quelqu’un de notre peuple à qui l’art d’aimer
soit inconnu, qu’il lise ce poème, et, instruit par sa lecture,
qu’il aime. » L’œuvre est trop importante, trop complète pour
qu’ici j’en dise tout. Mais comment ne pas voir, en comparaison de
l’immense majorité de films, de romans, d’émissions de radio ou de
télévision où ce qui n’est plus que la caricature de l’amour humain
est ramené à une brève pulsion, à quelques borborygmes et à la
violence – machinale –, cinématographique, décalquée de soi-disant
modèles – de quelques gestes, toujours les mêmes – le trésor, je dis
bien le trésor, qu’est l’art d’aimer ?
Dans notre époque où les liaisons sont si brèves,
si intermittentes, que ce terme même de « liaison » n’est plus
employé, où, au gré des humeurs, des envies, des dégoûts ou des
illusions, au gré des modes, les couples, mariés ou non, se défont
pour se refaire ailleurs, et encore se défaire, dans une inconstance
vraiment mortifère, quelle leçon donne mon poète quand il écrit :
« Ce n’est pas assez que mes vers aient amené à toi celle que tu
aimes : mon art te l’a fait prendre, mon art doit te la conserver.
Et il ne te faut pas moins de talent pour garder les conquêtes que
pour les faire ; dans l’un, il y a du hasard, l’autre sera l’œuvre
de l’art. »
L’art d’aimer, pour lui, est plus exigeant encore
que l’art de la guerre. Il demande plus de constance et plus de
sacrifices. J’ai envie de recommander à tous les couples ébranlés
par la lassitude, de suivre le conseil d’Ovide : les hommes pour la
patience, la bienveillance, l’admiration infatigable, la
disponibilité absolue, l’oubli de soi, de ses goûts, de ses
préférences, de ses habitudes, de son confort, des satisfactions,
jusqu’au détachement suprême qui est de tenter de contenter un être
qui ne se contente pas. Les femmes, pour le travail incessant que
demande l’entretien de leur esprit et le soin de leur corps : les
cheveux, le regard, le visage, le teint, les habits, la démarche, la
voix, les intonations, les rires et le sourire, le soin des dents,
le parfum du souffle, bref une attention à elle-même dont le seul
but est de retenir l’amour – toujours volage – de celui qu’elles
aiment.
La masse énorme et ennuyeuse de toute une
littérature, soi-disant pieuse et en même temps pédante, sur le
couple et le mariage vole en éclats à la lecture de ces vers
enlevés. Evidemment, Ovide ne fait pas la morale. Ce n’est pas un
Père de l’Eglise. Comment l’aurait-il été puisqu’il ne connaissait
que certaines réunions, le septième jour de la semaine, « des juifs
de Syrie », à Rome, où il observa que les jeunes filles étaient
nombreuses et belles ?
Mais parce qu’il est poète, poète romain, poète de
haute civilisation, et comme pour parler de l’amour il faut être
poète, il a écrit cette œuvre unique : L’art d’aimer.
L’art d’aimer ! On dit qu’Héloïse, celle qu’aima
Abelard, lequel « châtré fut et puis moine / pour son amour eut
cette essoine », quand elle était supérieure de son couvent,
donnait à étudier ces vers – au moins certains – à ses moniales qui,
par fraîcheur de cœur et d’esprit, les appliquaient spontanément à
l’amour de Jésus-Christ. Je pense qu’elle voulait leur apprendre
que le véritable amour ne se paie pas de sensations, de sentiments,
d’illusions et de rêveries mais veut des actes, des sacrifices, des
souffrances, des efforts, la mise en œuvre de tout un art dont il
est le seul but et la raison d’être.
L’expérience chrétienne, le Moyen-Age avec ses
cours d’amour, les grands moralistes que l’Eglise a donnés au monde
ont accru, anobli et porté à la perfection cet art d’aimer, qui est
la seule justification et le vrai sens de la morale. Mais ces
transfigurations postérieures ne doivent pas faire oublier ceux qui,
marchant dans l’ombre et les ténèbres ont cependant jeté la lumière
de leur talent et de leur raison sur cette seule occupation, seule
passion, seule raison de vivre des hommes : aimer.
Comment aimer ? Comment bien aimer ? Comment mieux
aimer ? Ovide, un peu rusé, un peu malin, un peu cynique, mais aussi
vrai connaisseur de psychologie, et vrai poète, le premier a donné à
l’univers, cette œuvre vraiment humaine : l’art d’aimer.
Que nos éducateurs sourcilleux ou inquiets
s’apaisent ! Qu’ils relisent attentivement ces vers et qu’ils les
comparent à ce qui pullule dans notre culture en décomposition ! Ils
ne tarderont pas à convenir que si, par miracle, quelques
adolescents venaient à s’y intéresser, leur conduite amoureuse
trancherait, d’une telle façon, sur celle de leurs contemporains que
certains, ou plutôt certaines, admiratives, voudraient en faire un
nouveau style, un genre, une mode. Alors, on verrait, au cinéma, au
théâtre, dans la rue, sur les places et dans les parcs, dans les
trams et les métros, dans les salles de classe, sur les bancs des
facultés, les jeunes hommes rivaliser de prévenances, de soins et
d’attentions délicates à l’égard des jeunes filles qui, elles,
s’efforceraient d’être toujours souriantes, affables, parlant bien
et sentant bon. Si, par miracle encore, les parents de ces
adolescents, stupéfaits de la conduite de leur progéniture, venaient
à étudier, eux aussi, ce poète qui inspire à leurs enfants une telle
conduite, nous les verrions, ces vieux mariés, s’attacher à
redoubler, elles, d’attention à plaire à leurs époux, eux, de
redécouverte de ce qui peut les faire sourire, rire, ou les séduire.
Les familles ne seraient plus « les cellules de base de la
société » – « le régime cellulaire, disait André Gide, très peu
pour moi » – mais les foyers où se cultive, de génération en
génération, « l’art d’aimer ».
JACQUES TREMOLET DE VILLERS

L’art d’aimer (suite)
Présent N° 6936 du 30.09.09
Ce matin, au contraire de mes habitudes
d’automobiliste pollueur de CO2, invétéré et fier de l’être, j’ai
pris le train, enfin le RER. A côté de
moi, une dame, d’environ cinquante ans, brosse sans complexes, ses
cheveux un peu longs. Elle retire de sa brosse une poignée de
cheveux morts qu’elle jette négligemment par terre. Je pense qu’elle
n’a pas eu le temps de terminer, chez elle, ses travaux de coiffure.
Devant moi, deux autres dames, que je ne vois que de dos, elles,
n’ont manifestement pas commencé à se coiffer. Les boucles
blondasses filassent n’importe comment. Une quatrième, aussi peu
soignée, téléphone à haute voix en racontant la soirée d’hier. Une
autre, enfin, a sorti un petit miroir de poche et tente, à coups de
fards, « de réparer des ans l’irréparable outrage ». Ovide, mon cher
Ovide, où es-tu ?
Depuis quelque temps, mes lecteurs le savent,
l’art d’aimer ne me quitte plus. Qu’ils se rassurent ! Ce n’est pas
l’Evangile, ni les Pensées de Pascal. Ce n’est même pas La
Rochefoucauld, et encore moins le grand Bossuet. C’est, comme il le
dit lui-même, dans ses derniers vers, un « léger badinage » et cela
ne doit pas être considéré autrement. Le problème, c’est qu’Ovide
écrit en latin, et pour nous, qui n’avons plus la pratique du latin
– une imbécile révolution cléricale nous ayant privés de ce latin
d’Eglise qui continuait à faire de la langue de Rome, une langue
vivante – tout ce qui est écrit en latin – et de surcroit en vers –
prend une dimension de sacré. Un effort est nécessaire pour se dire
qu’il y a là plus d’humour que de morale, plus de plaisanteries que
de règles de vie. Ce qui n’empêche pas qu’Ovide dit aussi des
vérités, que nous aurions intérêt à méditer. Ainsi, mes compagnes
d’un instant, dans le wagon des banlieusards, auraient été bien
inspirées de réfléchir à ceci : « Tu paraîtras avec plus
d’avantages, quand tu y auras mis la dernière main. Pourquoi
saurais-je à quoi est due la blancheur éclatante de ton visage ?
Ferme la porte de ta chambre à coucher. Pourquoi montrer un visage
imparfait ? Il y a bien des choses qu’il convient que l’homme
ignore. Presque tous les dehors nous déplairaient, si nous voyions
ce qu’il y a dessous… »
Et encore : « Cependant, je ne vous défends pas de
faire peigner vos cheveux en leur présence, pour qu’ils les voient
flotter sur vos épaules (…) mais surtout – et je recopie cela pour
ma voisine, qui, la pauvre, n’avait certainement pas les moyens de
se faire peigner en notre présence – gardez?vous de toute mauvaise
humeur et ne vous faites pas, à plusieurs reprises recoiffer et
décoiffer. » Ce qu’elle a fait, d’un air excédé qui ne la mettait
pas en valeur.
Les femmes d’Ovide se promenaient sous les
Portiques, allant au Forum, au théâtre et au cirque ; quand elles
étaient « juives de Syrie », elles se rendaient à la cérémonie du
« septième jour », mais elles ne prenaient pas le
RER. En réalité, plus encore que les hommes à qui sont
destinés les deux premiers livres, l’amour est leur grande
occupation. Pourtant, ce ne sont pas des courtisanes. Par nécessité
morale et par peur de mécontenter l’Empereur, ce ne sont pas des
femmes mariées, des matrones. Ce sont donc des femmes libres, pour
des hommes libres, mais que l’art d’aimer fera prisonniers l’un de
l’autre.
Ces femmes-là, manifestement, ne sont pas
encombrées par des obligations professionnelles. Elles ont le temps
qu’il faut pour cet art qui, selon Ovide, est plus exigeant que
l’art militaire. Car si les hommes sont comme des soldats à l’assaut
d’une citadelle, les femmes, elles, sont des citadelles assiégées,
l’assaillant devant avoir au cœur la certitude de l’emporter, et
l’assiégée le désir d’être prise, tout en sachant que « des faveurs
accordées facilement auront du mal à conserver longtemps l’amour : à
toutes douces joies, il faut mêler quelques refus. Laissez votre
amant à la porte, qu’il l’appelle porte cruelle et qu’il ait à
employer beaucoup et la prière et la menace. Nous ne supportons pas
ce qui est fade ; un breuvage amer révolte notre appétit ». Et ceci,
qu’on devrait inscrire dans tous les manuels de préparation au
mariage : « La raison qui empêche les femmes légitimes d’être
aimées, c’est que leurs maris les voient quand ils veulent ! »
Que reste-t-il, dans notre vie, dite moderne, de
temps pour aimer ? Pour cette attente ? Pour ces lettres, « étudiez
les arts littéraires, je vous le conseille, jeunes Romains, mais pas
seulement pour défendre un accusé tremblant ; aussi bien que le
peuple, que le juge sévère, que le sénat choisi entre tous les
citoyens, la femme, vaincue, rendra les armes à votre éloquence »…
Seulement, pas n’importe quelle éloquence. « Cachez vos forces et
n’étalez pas votre érudition. Supprimez de vos paroles toute
expression pédantesque. Peut-on, à moins d’avoir perdu l’esprit,
adresser toute une déclamation à sa tendre amie ? Souvent une lettre
a puissamment contribué à en faire détester l’auteur. » Et puis
encore, ce qui ne vaut pas seulement pour les lettres d’amour :
« Que ton style soit naturel, tes mots usuels, mais tendres, si bien
que l’on croie t’entendre parler. »
Il n’y a pas loin de l’art d’aimer, à l’art
poétique, et au vrai traité de bel usage de l’écriture. Evidemment
tout cela veut du temps et de l’attention, des efforts. Il faut,
dans tous les sens des mots « payer de sa personne ». Car mon poète
le dit aussi. Il ne parle pas pour des gens riches. Les riches n’ont
pas besoin de ses conseils. Les riches achètent tout. Ils peuvent
aussi acheter l’amour, ou l’illusion de l’amour. « C’est pour les
pauvres gens que je compose ce poème, parce que, pauvre, j’ai aimé »
– « quia, pauper, amavi » : « Le pauvre doit être craintif
dans son amour : il écarte toute parole déplacée ; il doit supporter
bien des choses que ne souffrirait pas un amant riche… » Ovide était
d’une famille assez noble – la condition équestre – mais sans
fortune. Il avait renoncé à l’armée, au barreau, et puis au
cursus honorum, pour être poète. Et du coup, il avait perdu
beaucoup d’atouts.
Donc il ne s’agit pas de moyens matériels. Il
s’agit du temps, de la disposition d’esprit et de cœur. « L’amour
n’est pas aimé », disait Sainte Thérèse d’Avila, qui est une
référence plus sûre que mon poète libertin. Elle parlait, bien sûr,
de l’amour de Dieu. « Mon Jésus n’est pas aimé parce que mon Jésus
n’est pas connu. » Mais encore, faut-il, comme dans l’amour humain,
s’en préoccuper, s’y attarder, le pratiquer à l’égal d’un art dans
lequel on ne peut progresser qu’en s’y attachant.
Je regarde à nouveau mes voisines du
RER. A quelle heure vont-elles retourner
dans leur chambre ? En quel état ? Combien de temps auront-elles
pour se « refaire une beauté » ? Et les hommes, qui, toute la
journée, au bureau, à l’atelier, à la cantine les auront côtoyées,
que leur restera-t-il du désir d’en trouver une – s’ils ne l’ont
déjà trouvée – à qui ils pourront dire « Tu sola
places ! » : « Toi seul me plais ! » Et pour qui ils vont
commencer les travaux qui l’amènera, elle aussi, à répondre « Tu
solus places ! » : « Toi seul me plais ! »
Musset, qui est celui de nos poètes qui ressemble
le plus à Ovide, avait raison, « on ne badine pas avec l’amour », et
le badinage apparent de l’apparent libertin de Rome est beaucoup
plus sérieux qu’on ne pense. Avant toutes les réformes sur
lesquelles se disputent nos députés et s’engueulent nos ministres,
il faudrait commencer par celle-ci, qui n’est dans aucune loi,
aucune constitution, mais qui les commande toutes : se préoccuper de
savoir aimer, et bien aimer. Donner à l’amour – l’amour de Dieu,
l’amour des êtres, l’amour des choses, la première place. Lui donner
tout le temps, tous les efforts, tous les sacrifices qu’il appelle.
C’est un autre rythme, un autre regard, une
autre disposition du cœur.
C’est la seule vraie révolution.
JACQUES TREMOLET
DE VILLERS

SUITE et FIN
Chronique de la France qui vient
L’art d’aimer
Encore et toujours !
Une semaine pleine devant une cour d’assises dans
une belle préfecture proche de Paris m’a écarté de l’actualité, de
ses débats, de ses querelles.
Pour l’avocat que je suis, de telles audiences,
qui commencent à neuf heures du matin pour se terminer tard dans la
soirée, voire dans la nuit, constituent une forme de retraite. Plus
de téléphone, plus de conversations annexes, plus d’autres
sollicitations, une quasi-impossibilité physique de lire autre chose
que ce qui touche à la question posée : coupable ou non coupable ?
charges suffisantes ou fantasmes, avec la nécessité de ruminer en
soi, pour la synthèse finale, ce qui doit être dit… puis l’attente,
le verdict tard dans la nuit, l’audience civile qui suit, l’accusé
devenu condamné dans le box, en partance pour la maison d’arrêt, et
le retour au rivage quotidien.
L’actualité m’assaille et m’aveugle, comme l’est
le plongeur qui revient à la surface après un long séjour au monde
du silence. On parle beaucoup en cour d’assises, puisque c’est le
débat oral qui forme la conviction des jurés, mais ces paroles qui
ne sont jamais inutiles – quand le Président sait mener le débat,
une chasse impitoyable est faite à toute parole inutile – ne
heurtent pas le silence intérieur. Au contraire, comme disait
Gustave Thibon, elles le sculptent. Parole utile et silence vont
ensemble. Après, évidemment, les diarrhées de la radio et de la
télévision ont une odeur insupportable. En rentrant, sur la route,
je n’ai pu écouter que des chansons et des poèmes… et pas n’importe
lesquels.
Dois-je revenir sur le sort de mon poète maudit ?
Je ne voulais pas ajouter aux divisions de notre petite famille, une
cause supplémentaire de guerre picrocholine livrée à grands coups de
plume et de langue, entre les partisans et les adversaires de
L’art d’aimer. Tel n’était pas le but de ma modeste « épître
réparatrice »… mais comment oublier une classe de quatrième, à
l’Enclos Saint-François-Pierre-Rouge, à Montpellier, où le jeune
abbé Tedenac – vit-il toujours ? Si quelque part, par hasard, il me
lit, qu’il soit assuré de ma reconnaissance – nous fit aimer le
latin, les poèmes, en apprenant, récitant, et mettant en scène
Pyrame et Thisbée ? Certes, c’est l’Ovide des Métamorphoses
et non celui de L’art d’aimer, mais c’est la même plume, le
même art, et, de l’un à l’autre, il n’y a aucune contradiction.
Etait-il raisonnable de faire vibrer des adolescents – méridionaux,
de surcroît – à la passion amoureuse et malheureuse de ces jeunes
gens, qui s’aiment contre la double volonté paternelle ? « Quand
j’ai connu Mireille, disait André Chanson, elle avait quinze ans et
moi aussi. J’en ai soixante aujourd’hui, Mireille a toujours quinze
ans. » Est-il raisonnable de mettre, dans les mains d’un jeune homme
ou d’une jeune fille de quinze ans, les vers enflammés de la
déclaration d’amour de ces trop jeunes gens ? Est-il raisonnable de
nous faire goûter, à l’âge de la puberté, la violence de la passion
incestueuse que Phèdre voue au jeune fils de son mari ? Et Musset
sera-t-il toujours, et encore, condamné, « nous étions seuls pensifs
et nous avions quinze ans. Je regardais Lucile, elle était pâle et
blonde… »
Avons-nous assez couru, dans nos rêves nocturnes,
vers les naïades et les nymphes ? Avons-nous assez rêvé de ces
déesses qui prenaient corps de femmes et ne révélaient leur vraie
nature divine qu’au sortir des bras de leur amant d’une nuit ? Et
que valait-il mieux, je vous le demande, à vous tous les censeurs de
mon malheureux poète, que nos fantasmes d’adolescents aient pris
ces figures quasi éternelles, tellement elles sont liées au désir
qui nous point, ou bien qu’ils se nourrissent des saletés, des
vulgarités, des bassesses, des ordures que transportent les manuels
scolaires, les cours d’éducation sexuelle, l’immense majorité des
émissions de radios et de télévision, sans compter internet ?
Nos enfants, me répondra-t-on, ne regardent pas la
télévision. Ils n’utilisent pas internet. Ils ne vont pas au cinéma
et n’écoutent pas la radio. Ils n’achètent jamais dans une
librairie, dans un supermarché, ne feuillètent aucune des bandes
dessinées qui y sont exposées, nous les avons préservés.
Lisez Térence, mes chers amis, ce qui reste de sa
pièce intitulée Les deux pères, et, sans faire suivre vos
enfants, écoutez?les parler entre eux, s’ils parlent. De quoi
parlent les garçons ? de la guerre, des exploits sportifs, parfois
de la nature, et toujours, des filles. De quoi parlent les filles ?
à quoi rêvent-elles ? elles parlent de leurs études, de leurs
habits, et des garçons. Quand les uns et les autres élèvent un peu
le sujet de leurs chants, ils parlent de littérature, de politique
et de religion mais au travers de ces hautes questions, quel est le
centre de préoccupations, sinon l’amour.
Il y a tant de façon d’aimer. Auguste a censuré
Ovide, pour la police des mœurs et le nécessaire rétablissement du
mariage. Nous sommes beaucoup, beaucoup, beaucoup plus bas que la
Rome du temps d’Auguste. Heureux ces Romains que L’art d’aimer
pouvait choquer ! Napoléon III, aussi, par
ses procureurs impériaux, a poursuivi et fait condamner Les
fleurs du mal du malheureux et génial Baudelaire. Dois-je les
citer tous ?
Où est le danger de Ronsard, de Malherbe, de
Villon, de Rutebeuf, sans parler, bien sûr, de Molière ? « Molière
était-il chrétien ? » se demandait, dans son admirable histoire
littéraire de la France, Monseigneur Calvet. Et nous répondions,
oui, Molière est chrétien. Molière, comme Racine, comme Mistral,
comme Musset, comme Baudelaire, Verlaine, Villon, Ronsard et
Malherbe, et comme Ovide, ne sont aucunement un péril pour la foi.
Il ne faut pas craindre ces bons païens. Ils ont fait beaucoup moins
de mal – ils n’ont fait aucun mal – que les moralisateurs à
outrance, les Calvin, Jansénius, Port-Royal, et toute sa clique des
parlementaires à la mine triste et à l’orgueil féroce, qui
déblatéraient contre les mœurs dissolues de nos rois et nous
fabriquèrent la Révolution – mélange de pharisaïsme moral et
d’extrême dépravation. Je ne voudrais pas citer de trop grands
exemples, mais ce n’est ni Lucrèce, ni Virgile, ni Ovide, qui ont
ébranlé ou obscurci la foi de l’enfant Maurras. Ce serait, plutôt, à
l’évidence de ses correspondances, un moralisme à fausses couleurs
d’Evangile que ne pouvait supporter son « amour de l’amour ».
Il y a plus de danger dans le tremblement mystique
de l’immense Pascal que dans la badinerie de ce coquin d’Ovide. Ne
mélangeons pas les genres. Je comprends très bien que Madame de
Romilly ait protesté de voir réduire les humanités à cet essai en
vers qui n’est une œuvre majeure que par l’extraordinaire virtuosité
de son art poétique. Il y a beaucoup plus dans le trésor des Lettres
latines. Mais je persiste et signe un disant que, dans l’état de nos
mœurs, ce qui, il y a deux mille ans, a paru justifier la censure
impériale, devient, aujourd’hui, dans l’état de délabrement de nos
mœurs, une introduction à L’art d’aimer.
JACQUES
TREMOLET DE VILLERS

Nouvelles de la France qui vient
Ce dont il devrait être question entre chrétiens
Article extrait du n° 6956 de Présent, du Mercredi 28 octobre
2009
Courriers,
appels téléphoniques, questions et conversations… Je n’imaginais
pas qu’Ovide, ainsi, me collerait à la peau. Serait-ce, à mon
âge avancé, un érotisme sénile ? Pourtant, ils prouvent ainsi
que rien n’est plus urgent, aujourd’hui, que de parler de
« l’art d’aimer ». Devrons-nous en rester aux protestations
nécessaires ? Aux clameurs utiles ! Aux dénonciations
justifiées ? L’important est d’éduquer, et, pour cela, ma
modeste – mais maintenant longue – expérience me dit qu’il faut
reprendre les choses, au commencement. Rien ne peut être réputé
acquis. Il n’y a plus de milieu préservé – si jamais il y en
eût. Et ceux qui croient l’être sont, parfois, les plus
insidieusement contaminés !
« Ces choses, dont il ne devrait même pas
être question, entre chrétiens… », il
faut précisément, au rebours de l’observation de Saint Paul,
qu’il en soit question. Sinon, leur exposition brutale, à la fin
d’une enfance protégée, ou pire, leur lent cheminement
clandestin dans cette même enfance, ou dans l’adolescence – par
honte, par peur, par timidité – finissent, dans une explosion où
tout disparaît, la foi avec les mœurs, la raison avec les
sentiments. Je me souviens d’une conversation avec Gustave
Thibon qui racontait l’histoire de « ce jeune homme, fervent,
pieux, admirable, et qui avait rencontré, subitement, la pire
objection à sa foi, la plus terrible et la plus désarmante, une
objection qui avait les yeux bleus et les cheveux blonds »,
et, ajoutait Thibon, en enflant la voix, d’une colère
contenue, « et il ne s’est pas trouvé un prêtre pour lui
expliquer que cela n’avait aucun rapport ».
Nous n’en sommes plus là, et les images qui
courent sur nos médias de toute nature, sont plus précises, plus
crues et, pour dire le mot, plus sexuelles que les cheveux
blonds et les yeux bleus. Raison de plus, me semble-t-il, pour
aborder encore plus nettement, plus tôt, et plus crûment, si
nécessaire, ces choses, dont il est devenu nécessaire qu’il soit
question, entre chrétiens.
Car, nous autres chrétiens, avons reçu la
grâce du bel amour humain. Ce dont nos poètes et nos
littérateurs, nos maîtres spirituels aussi – et toute la
prodigieuse et inégalée science des confesseurs et des
directeurs de conscience – qui ont appris, à force de crainte
salutaire et de délicatesse charitable, de miséricorde, surtout,
à bien parler de ce qu’il est si difficile de dire. Devons-nous
garder, pour nous, ce trésor, sans le distribuer à ceux qui en
ont le plus grand besoin ? et qui sont, rigoureusement, toute
l’humanité ? Car toute l’humanité, sans exception, est non
seulement intéressée à la question de l’amour humain, mais
obsédée par elle. Plus que l’argent, plus que le pouvoir, la
passion amoureuse passionne les hommes, et les systèmes qui ont
prétendu la supprimer, la domestiquer – je pense au système
communiste – n’ont pas pu la détruire. L’amour est resté
vainqueur.
Notre culture ne commence pas avec Ovide. Elle
commence, plus haut, plus avant, plus divinement avec le
Cantique des cantiques :
« Qu’il me baise des baisers de sa bouche…
entraîne-moi sur tes pas, courons…
J’entends mon bien-aimé. Voici qu’il
arrive, sautant sur les montagnes… Voici qu’il se tient derrière
le mur. Il guette par la fenêtre…
Mon bien-aimé a passé la main par le trou
de la porte ; du coup mes entrailles ont frémi… Son bras gauche
est sous ma tête et sa droite m’étreint…
Mon bien-aimé est un sachet de myrrhe qui
repose entre mes seins…
Que tu es belle, ma bien-aimée, que tu es
belle ! Tes yeux sont des colombes derrière ton voile… Tes
dents, un troupeau de brebis tondues qui reviennent du bain… Tes
lèvres un fil d’écarlate… Tes joues, des moitiés de grenade… Tes
lèvres distillent le miel vierge.
Que tes pieds sont beaux dans tes sandales,
fille de prince… La courbe de tes flancs est comme un collier,
œuvre des mains d’un artiste. Ton nombril forme une coupe où le
vin ne manque pas… Ton ventre, un monceau de froment de lys
environné… Ton cou, une tour d’ivoire.
Dans ton élan, Tu ressembles au palmier.
Tes seins en sont les grappes…
Le parfum de ton souffle est celui des
pommes et tes discours un vin exquis… »
La Bible de Jérusalem commente ainsi, en note
de ce texte : « Quelle que soit l’interprétation littérale
qu’on donne au Cantique, il reste légitime de l’appliquer soit
aux relations du Christ avec son Eglise, soit à l’union des âmes
individuelles avec le Dieu d’amour, et cela justifie l’usage
admirable qu’en firent les mystiques comme Saint Jean de la
Croix. »
D’où il se déduit que, dans les deux cas –
union de l’Eglise et du Christ, union des âmes à Dieu, le
langage sacré de ces hautes et insurpassables réalités mystiques
est celui de l’amour humain. Les images sont les images de ce
même amour humain.
Et, s’il n’est pas « permis de l’invoquer
pour une exaltation indue et quasi-exclusive des choses de la
chair, il permet de croire que si ces choses de la chair étaient
illégitimes, impures en elles-mêmes, Dieu ne les aurait
certainement pas choisies pour servir à la description d’un
amour tout spirituel et surnaturel », écrivait Jean Ousset.
Certes, on peut se demander quels sont les
amants de la terre qui peuvent, en toute vérité, dire qu’ils ont
vécu, dans leur amour terrestre, le Cantique des cantiques ? Ni
Ulysse et Pénélope, ni Tristan et Yseult, ni Dante et Béatrice,
ni Roméo et Juliette, ni Paris et Hélène, ni Hector et
Andromaque, ni Mireille et Vincent. Cette grâce ailée et divine,
qui prend l’image de nos élans, les abandonne vite sur nos
rivages. Elle s’élance où nous rêvons d’être sans pouvoir y
parvenir, signe quand même que nous sommes faits pour cet état
« de langage absolu », selon les mots d’Alain.
Langage absolu et, plus encore, caresses
absolues. « Qui ne sait, écrivait Bossuet dans ses
Elévations Eucharistiques, qui ne sait que dans ses
transports on se mange, qu’on se dévore, qu’on voudrait
s’incorporer en toutes manières, enlever jusqu’avec les dents
l’objet de son amour, pour le posséder, pour s’en nourrir, pour
s’y unir, pour en vivre ! »
« Qui ne sait ? » Donc, en ce temps, pour
Bossuet, sans le secours d’aucun traité d’éducation sexuelle,
tout le monde savait, et un prédicateur aussi sévère pouvait
prendre ces images pour décrire les transports de l’âme lors de
la communion au Corps et au Sang du Fils de Dieu.
« Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le
sépare pas ! »
L’amour est un, et si les images ne peuvent
être que les images de l’amour que nous connaissons, elles sont
la figure du seul amour dont l’amour humain est le pâle reflet,
l’amour de Dieu. Il faut donc les traiter avec d’infinies
précautions, non parce qu’elles seraient dangereuses ou impures,
mais au contraire parce qu’elles sont la figuration de l’amour
divin.
Et c’est là qu’Ovide, qui ne sait pas la
grandeur de ce mystère mais qui l’effleure sans le connaître,
est à la fois, infirme et précieux. Il est infirme, parce que
son art d’aimer, limité aux amours de la terre, risque, à tout
moment quand il en décrit les gestes, de sombrer dans la
profanation, qui est le commencement de la pornographie, mais il
est précieux parce que, précisément, son art poétique, le soin
donné à son expression, le travail du poète purgent ses
expressions de ce qu’elles pouvaient avoir de libidineux, et que
cette poésie, par elle-même, comme toute vraie poésie, renvoie
l’objet terrestre qu’elle chante à son origine, qui est divine.
Aristote n’est pas Saint Thomas d’Aquin.
Platon n’est pas Saint Augustin, mais les doux docteurs de
l’Eglise, appuyés sur le socle infirme de ces auteurs païens ont
ouvert des voies à la pédagogie du royaume des cieux. Le Moyen
Age a presque canonisé Socrate et Virgile, et le temps des
troubadours, des trouvères et des cours d’amour, le temps de
l’amour courtois, a été appelé l’ « aetas ovidiana »,
l’âge ovidien.
Ces anciens, je présume, avaient, aussi bien
que nos contemporains, jugé les limites, les infirmités, les
faiblesses de cet « art d’aimer », païen, mais mûs par leur
désir d’affiner, de policer les mœurs brutales de leur temps,
ils n’hésitaient pas utiliser sa force poétique pour enseigner à
ces guerriers que « l’art d’aimer est plus exigeant encore
que l’art militaire », et faire ainsi de ces soudards, des
chevaliers.
Aujourd’hui, quand j’entends, à la sortie des
lycées, à la terrasse des bistrots ou dans les facultés, des
jeunes filles aussi belles que celles qui hantaient les
portiques de Rome ou les jardins du Palatin parler de leurs
expériences d’une façon qui aurait choqué un mercenaire des
Carpathes, je me dis que l’étude du troisième chapitre de L’Art
d’Aimer, celui destiné aux femmes, leur ferait découvrir des
horizons dont elles ne semblent même pas soupçonner l’existence.
Saint Paul qui a si bien parlé de l’amour que
son épître est lue à la quasi-totalité des messes de mariage n’a
pas pu penser aux images de l’amour – divin ou humain – quand il
parlait de « ces choses dont il ne devrait même pas être
question entre chrétiens ». Il ne pouvait s’agir que de
« cette exploitation de la dépersonnalisation du sexe, au point
que les êtres humains y sont traités comme des choses et les
femmes particulièrement, comme des objets sexuels » comme
l’écrivait Lord Langford dans son rapport sur la pornographie.
Tout ce qui nous ravale vers ce sexualisme est
à fuir, à proscrire, à condamner, à rejeter. Tout ce qui nous
extirpe de ce sexualisme pour nous ouvrir à l’art d’aimer,
fut-il aussi infirme que le badinage d’Ovide est à l’honneur de
l’homme, le rend plus humain, et donc, plus digne de sa seule
vraie vocation, qui est d’aimer.
JACQUES TREMOLET
DE VILLERS
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