FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le fondateur du Mouvement pour la France raconte
au Figaro son récent rendez-vous avec le chef du Kremlin, répond aux
critiques de ceux qui l'accusent de faire le jeu de la propagande russe et
dénonce l'Union Européenne, soumise selon lui à l'OTAN.
Philippe de Villiers est un homme politique français. Il est le
fondateur du Mouvement pour la France et le créateur du Puy du Fou.
LE FIGARO. - Alors que le Puy du Fou va être décliné en Russie,
Vladimir Poutine vous a accordé jeudi un long tête-à-tête au Palais des
tsars. Quel était l'objet de l'entretien?
Philippe de VILLIERS. - L'objet de notre rencontre était la signature
du protocole portant sur la création du Puy du Fou Tsargrad en Russie. Le
choix de la Russie s'est orienté vers le Puy du Fou pour mettre en valeur
le patrimoine historique de la Russie et l'âme russe. Vladimir Poutine
souhaitait, en me recevant, souligner le grand intérêt qu'il porte à cette
déclinaison de plusieurs parcs historiques en Russie. J'ai été frappé par
le charisme de l'homme d'État, sa hauteur de vue, son attention pour les
échanges culturels. J'ai été très impressionné par sa détermination à
garder la Russie ouverte au reste du monde. C'est sans doute pour cette
raison que cet entretien a pris, à ses yeux, une valeur symbolique. Il m'a
répété que la Russie était accueillante aux investisseurs étrangers et
français. Pour le Puy du Fou, le projet russe est d'une grande importance
car il va agréger à cette œuvre commune les plus grands artistes russes.
Tout le monde en France connaît le Bolchoï ou le théâtre Mariinsky. Nous
allons avoir les plus grands pianistes, danseurs, architectes de ce pays
de haute culture et de grande sensibilité.
Avez-vous parlé de la guerre en Ukraine et des sanctions européennes
qui frappent la Russie?
J'ai dit à Vladimir Poutine que le Puy du Fou venait poser devant lui
un acte de paix. En effet, ai-je ajouté, les sanctions sont des actes de
guerre, les coopérations sont des actes de paix. Tous les esprits
pacifiques qui aiment l'Europe et la Russie veulent secrètement sortir de
l'engrenage car ils savent que les sanctions sont des humiliations qui
provoquent les peuples qui ont encore une fierté. C'est le cas de la
Russie. Poutine a répondu: «J'accueille votre arrivée en Russie comme un
signe de la nécessaire désescalade.» J'ai souligné auprès de lui que,
selon moi, l'avenir de l'Europe ne doit pas s'écrire sur le continent
américain, mais sur le continent européen. L'Europe ne peut pas se
faire sans la Russie. Il a cité l'expression du général de Gaulle,
«l'Europe de l'Atlantique à l'Oural», une Europe de forme confédérale qui
respecte les souverainetés.
Vous avez déclaré sur Europe 1 «ce qui manque à la France, c'est un
Vladimir Poutine». Qu'entendiez-vous par là?
Je n'ai fait que répéter ce que j'entends tous les jours autour de moi
en France dans les milieux populaires, cette phrase qui revient dans la
bouche des gens de bon sens: «Il faudrait aujourd'hui en France un gars
comme Poutine à la place de Hollande!». C'est-à-dire un chef d'État
patriote, visionnaire et qui prend des décisions.
Quel regard portez-vous sur sa conception de la démocratie et des
droits de l'homme?
Vladimir Poutine est un chef d'État élu avec 63 % des suffrages, de
manière démocratique. Et j'ai pu mesurer son immense popularité, que ce
soit à Moscou ou en Crimée durant les jours passés là-bas. Quant à la
question des droits de l'homme, Vladimir Poutine a exprimé des réticences
devant les excentricités des Femen et la propagande de l'homosexualité.
C'est la raison pour laquelle tous les chefs d'État occidentaux ont refusé
d'aller aux Jeux olympiques de Sotchi, et c'est absurde! Le président
Poutine ne veut pas donner la Russie aux Femen et à l'Otan, on le
comprend. L'Amérique ne se comporte pas d'une manière raisonnable. Elle
veut «otaniser» le monde entier et met le feu partout. Ce qu'elle désire,
ce n'est pas seulement l'Ukraine dans l'Otan, c'est aussi abattre Poutine
pour prendre la Russie et y installer son idéologie multiculturaliste,
mondialiste et consumériste. Elle veut imposer son modèle de société, en
particulier aux pays enracinés qui lui résistent.
Que répondez-vous à ceux qui estiment que vous jouez le jeu de la
propagande russe?
Une députée socialiste a dit que j'agissais contre l'Europe. Je lui
réponds que j'agis pour la paix et l'amitié franco-russe, mais que hélas
l'Europe aujourd'hui n'agit pas pour elle-même, mais pour la politique
américaine sous l'impulsion de José Manuel Barroso, Herman Van Rompuy et
François Hollande. L'Europe est devenue la cinquante et unième étoile
du drapeau américain. J'accuse l'Amérique de chercher la guerre partout
dans le monde parce qu'elle y voit la seule solution d'écluser sa dette
monstrueuse due au mondialisme de ses dirigeants.
Konstantin Malofeev, votre partenaire dans la création des
déclinaisons russes du Puy du Fou, est visé par des sanctions de l'Union
européenne, notamment parce que Kiev le considère comme le banquier de la
rébellion séparatiste qui a pris le pouvoir à Donetsk…
Je connais Konstantin Malofeev depuis plusieurs années. Il est devenu
pour moi un ami. J'ai une totale confiance en lui et je sais parfaitement
quel genre d'homme il est. C'est un chef d'entreprise de haute réputation
en Russie et qui consacre aujourd'hui sa fortune à des œuvres humanitaires
et caritatives. J'ai visité sa fondation et ses écoles. Certains partis
néonazis ukrainiens qui, aujourd'hui, mènent la danse, l'accusent sans
aucun élément de preuve de financer la rébellion prorusse à Donetsk. C'est
absolument faux. Konstantin Malofeev dépense son argent à créer une chaîne
humanitaire en Russie pour distribuer des médicaments et préparer des
hôpitaux de campagne pour les nombreux Russes réfugiés qui ont fui
l'Ukraine. C'est cet acte de solidarité que les dirigeants européens
appellent soutien aux séparatistes. Konstantin est très connu en Russie
pour sa générosité en faveur des familles réfugiées, mais aussi des
enfants orphelins. On lui reproche aussi d'aimer les tsars et de préférer
Nicolas II à Staline. Décidément, il y a encore des nostalgiques de la
terreur soviétique!
Vous êtes officiellement retiré de la politique et vous vous
consacrez à l'écriture de votre prochain livre sur Jeanne d'Arc. Vos
propos sont néanmoins très politiques. La tentation du retour vous
titille-t-elle?
Tout ce que je vous dis relève de la survie de notre civilisation. Il
n'y a pas besoin pour mener ce combat d'aller quémander un picotin
électoral. Ma notoriété me permet de dire ce que j'ai le devoir de dire.
Mais la politique active aujourd'hui me donne la nausée comme à beaucoup
de Français. Le milieu politique, qui a perdu le goût et le sens des
idées, le goût et le sens de la France, est devenu un cloaque
irrespirable. C'est un combat de petits coqs sur un tas de fumier. Je
n'ai pas envie de retourner dans cette basse-cour. Laissons les coqs
chanter. Vive l'amitié franco-russe!