...Au nom de la Civilisation,
Auteur:
Patrick Tierney,
Comment les anthropologues
et journalistes ont ravagé l'Amazonie.
Source:
Le Figaro littéraire de jeudi 6 février
Il s'appelle Napoléon. On ironiserait
volontiers si le sujet n'était. pas si grave. Anthropologue à
l'Université de Californie Santa Barbara, devenu célèbre grâce à sa
description de la société des Indiens yanomami dans son livre Le
Peuple féroce (1977), Napoléon Chanon a été violemment prie à partie
par son collègue Patrick Tierney dans Darkness inEldorado (2000). Il
n'est pas la seule victime de ce brûlot. Les travaux et la démarche
d'autres anthropologues, comme James' Neel, Timothy Asch et Jacques
Lizot, s'y trouvent plusieurs fois mis, en cause.
Mais Chagnon est la cible principale
de Patrick Tierney qui lui reproche de s'être comporté comme les
explorateurs anglais et espagnols partis en quête de l'Eldorado.
Aujourd'hui traduit en français,
Darkness in Eldorado accuse Napoléon Chagnon d'avoir été à l'origine
d'un génocide des Yanomami du Venezuela et recense des comportements
relevant de la criminalité et de la corruption.
Au-delà de l'évocation d'un destin
individuel plein de contrariétés et de zones d'ombre, Patrick Tierney
a eu l'ambition d'écrire un grand livre d'ethnologie, une magistrale
contre-enquête dénonçant « l'honneur perdu des anthropologues».
Les thèses de Napoléon Chagnon, telles
que les présente Patrick Tierney, donnent froid dans le dos.
Violemment antihumanistes et antichrétiennes, inspirée par le
darwinisme et la sociobiologie, elles tendent à démontrer que, la
férocité des Yânomami est justifiée par le fait que les guerriers
ayant tué plusieurs ennemis ont plus, de femmes, font plus d'enfants
et augmentent leur potentiel reproduction la multiplication de leur
ADN...
Une hypothèse que tout le monde ne
considère pas avec horreur. « Je pense qu'il pourrait bien y avoir une
base génétique à la domination », assure James Neel.
....
L'ambition de ce dernier, eugéniste
convaincu, et de' Chagnon, aurait été de démontrer que la sélection
génique par la violence ( ...rs ...tiens un darwiniste....) était
également efficace dans le domaine de la résistance aux maladies. « A
l'instar des premiers missionnaires jésuites cherchant à créer des
communautés chrétiennes parfaites parmi les indigènes préservés, Neel
pensait que le salut ne pouvait venir que des gènes non contaminés des
Yanomami. De son point de vue, leur société « extrêmement violente »
n'a rien de pathologique: Contrairement à la société américaine, avec
ses interventions médicales coûteuses, ses exemptions aux bénéfices
des handicapés et autres bontés bien intentionnées qui souillent le
pool génétique. En un mot, une culture « dysgénique ».
D'où une expérience étrange, qui, sous
couvert de vaccination, aurait causé une épidémie de rougeole en 1968,
entraînant la mort de milliers de Yanomami... Chagnon et Neel se
seraient refusés à toute aide médicale pour mieux observer l'expansion
naturelle de l'épidémie. Quelques années plus tard, d'autres
expérimentations diaboliques auraient eu lieu. Il se serait agi
d'utiliser les Indiens yanomami comme cobayes, dans le cadre de
recherchés mettant en évidence les effets biologiques consécutifs aux
bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki.
..Ce que conteste' Patrick Tierney, ce ne sont pas seulement les
conclusions de Napoléon Chagnon et de ses disciples, c'est le
bien-fondé scientifique de leur démarche. Selon lui, ils n'ont pas
hésité a susciter des conflits en fournissant des armes à certaines
tribus yanomami et à susciter l'épidémie «Les germes, l'acier et les
fusils furent les trois Cavaliers de l Apocalypse amazonienne".....
Dans des revues d'anthropologie, des
experts avaient déjà énoncé de tels griefs..
"De nombreux spécialistes des Yanomami
s'en prenaient à Chagnon. Ils l'accusaient d'inventer des citations,
de créer des pillages inexistants, de fabriquer d'horribles histoires
de violence que les partisans de l'exploitation minière se faisaient
un plaisir de diffuser à l'étranger afin de justifier la conquête du
pays yanomami. »
Selon Patrick Tierney,, les
descriptions de la férocité et de la violence des Yanomaini ont donc
été principalement utilisées par les colons et les chercheurs d'or.
Avec Timothy Asch, auteur de plusieurs
films consacrés aux Yanomami, Napoléon Chagnon aurait littéralement «
scénarisé » des épisodes de violence concordant avec ses thèses,
incitant les indigènes à se montrer tels qu'ils les avait rêvés. Selon
Darkness in Eldorado; Chagnon aurait même fait construire un, village
artificiel pour les tournages. Argent, mensonge,
manipulation,corruption....
Il ne manque que le sexe, pour donner
au réquisitoire de Tierney des allures de roman noir. Justement.
Tierney accuse Chagnon d'avoir eu une, voire plusieurs maîtresses
yanomamies
D'autres anthropologues auraient
préféré des garçons, entretenant autour d'eux un véritable harem. Au
nom de la civilisation, l'édition française de, Darkness in Eldorado;
cache derrière les lettres « XX » celui que l'édition, originale
désigne sous son nom.
......
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"
Au nom de la science"
Auteur:
Jean-Marie Rouart, de l'Académie française.
Source:
l'éditorial du Le Figaro littéraire de jeudi 6 février
rs....Voilà un homme du sérail ....de la tranche d'en haut .... qui ne voit naturellement pas la poutre
qu'il a dans l'œil....
......C'est précisément le titre d'un
ouvrage écrit par un universitaire américain qui évoque les "dégâts
collatéraux'' commis par un petit nombre d'ethnologues américains
parmi lesquels Napoléon Chagnon, auteur d'ouvrages remarqués, mais qui
aurait diversement abusé de son ascendant sur les Indiens. Les
accusations portées contre lui et quelques `autres' ethnologues
européens sont très graves. Mais on ne peut les reprendre sans
précaution. Non seulement on ignore si les faits dénoncés ont bien eu
lieu mais on ne. peut en apprécier le contexte. L'ethnologue, au
milieu de la forêt vierge, jouit d'un prestige; d'une force; de moyens
qui lui donnent un pouvoir sur les populations indigènes dont il
dépend, mais dont cependant il ne peut enfreindre les règles sans
prendre de grands risques pour sa vie. Que certains ethnologues aient
abusé de ce pouvoir, cela ne semble pas, hélas, improbable. Qu'ils
aient commis au nom de la science les délits qui sont dénoncés dans ce
livre, seule une commission adéquate peut en juger.
Mais c'est là que commence la
difficulté : de la même manière les juges sont juges des juges, les
médecins des médecins, les militaires des militaires, c'est la caste
des ethnologues qui paraît la seule compétente pour juger les
errements qui sont écrits dans ce livre. Car dans ce domaine il est
difficile à un non-initié de mesurer ce qui est fait dans les règles
de l'art, pour ne pas dire dans l'intérêt de la science. ( .rs..voila
la justice typique de l'HOMENTRANCHE ...et de la science moderne)
et ce qui est ressortit à des pratiques déviantes. L'argument
scientifique est cependant difficilement justifiable concernant les
actes de pédophilie. Bien sûr, il ne faudrait pas faire de cette
enquête de combat une critique, globale de l'ethnologie et des
ethnologues, dont les plus grands, Malinovski, Margaret Mead,
Lévi-Strauss, ont apporté dans, leurs études des scrupules et un grand
respect des peuplades dont ils ont analysé les mœurs et les coutumes.
Ce sont eux qui les ont sauvés de l'anéantissement et qui continuent
de se battre contre ceux qui veulent les détruire. Le risque de ce
livre est d'accorder trop d'importance à des comportements marginaux,
zone d'ombre infime par rapport à tous les véritables dangers qui
pèsent sur les Indiens: maladies importées, exploitation forestière
intensive, et ceux qui viennent des chercheurs d'or- des seringeros et
autres aventuriers qui menacent, eux, beaucoup plus gravement
l'existence des Indiens.( rs... vraiment c'est toujours l'affaire
de quelques voyous...) Ce livre reste cependant troublant car il
touche à un abus de pouvoir sur des populations désarmées par ceux-là
mêmes qui, par déontologie professionnelle, agiraient dû être les
premiers à avoir à coeur de respecter leur Intégrité. ( rs ... les
missionnaires n'étaient-ils pas les ethnologues d'aujourd'hui..?.)
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L' ethnologue est un médiateur
Auteur:
Patrick Deshayes,
professeur d'ethnologie à l'université
Paris-VII.
Source:
Le Figaro littéraire de jeudi 6 février
..... Patrick Tierney évoque l'honnêté
perdue des anthropologues, le discrédit de l'anthropologie.
A la compromission des anthropologues,
notamment auprès des compagnies pétrolières, s'est ajouté le silence
des journalistes. Mais ce n'est pas la discipline qui est en cause,
c'est un certain type, d'anthropologues, Travaillant sur des sociétés
humaines délicates, l'anthropologue est nécessairement toujours
engagé. Certains sont à la frontière..., Il s'agit, selon moi, d'un
problème éthique personnel. il m'est arrivé d'être contacté par des
compagnies pétrolières dont l'objectif était de pratiquer des
déforestations ou bien de déplacer des populations d'autochtones pour
assouvir leurs intérêts. J'ai' immédiatement refusé, malgré les sommes
énormes qu'ils me proposaient.
N'y a t-il pas un moment où la science
entre en conflit avec l'éthique ?
Les scientifiques, qu'il s'agisse des
physiciens avec la ,bombe atomique ou des médecins sur les questions
de bioéthique, n'ont jamais été à l'aise avec l'éthique. Ils
voudraient qu'il n'y ait aucune entrave à la recherche. ....
Quel est le rôle de l'ethnologue
aujourd'hui ?
Défendant I'idée de la relativité des
cultures contre l'universalisme de la civilisation colonisatrice
occidentale, l'ethnologue est devenu un médiateur qui promeut le point
de vue du dominé. Entre différents types d'interventions possibles, il
tâche de choisir la meilleure, ou la moins pire. Un exemple au moment
de la mise en place des communautés indiennes dans les années 80, on
a essayé de définir la chasse comme « élevage sylvestre » afin
d'inclure les territoires « chasse » dans les territoires indiens.
L'activité de l'ethnologue n'est. jamais neutre, elle a toujours une
implication politique.
03/03
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