les idéologies ...les religions des temps modernes

Idéologies

Présentation:  dans la vision de homocoques, les idéologies sont l'équivalent des religions du temps passé... Elles répondent aux besoins de sens qu'éprouve tout humain... Ce qui permet à René Girard de dire qu'homme et homme religieux c'est la même chose... L'idéologie est la religion de l'HOMENTRANCHE ...

Extraits:  L’idéologie est pour une part la continuation des gnoses antiques et médiévales , qui prétendaient sauver l’humanité par le recours à un savoir occulte , réservé à des initiés et fondant ceux-ci à jouer un rôle dirigeant à l’égard de la masse ignorante.

Reflets:ensemble-HOMENTRANCHEs, laïcisme, francs-maçons, trilatérale...la pensée unique ...France d'en haut - d'en bas ....totalitarisme ...   

les francs-macs à l'Elysée

La franc-maçonnerie .... nouvelle religion universelle ...La Connaissance maçonnique, transmise laïquement, est l'autre voie d'espérance pour homme et pour notre civilisation....Cette méthode de perfectionnement, d'achèvement de homme, peut être appliquée dans l'éducation des jeunes enfants dès la 6e et poursuivie jusqu'en terminale. Elle répondrait à la crise du sens.  Grand Maître de la Grande Loge de France

la laïcité ...

 

 

 

L’IDEOLOGIE CONTRE LES SCIENCES HUMAINES

Auteur: Roland HUREAUX
Source: http://perso.wanadoo.fr/claude.rochet/philo/philoart/Sciendem.html

 

Que l’on puisse, sans risquer la disqualification immédiate, étiqueter politiquement telle ou telle science humaine , dire par exemple que l’économie politique est bourgeoise, la sociologie marxiste, la psychanalyse juive ou la démographie fasciste , tient sans doute à l’ambiguïté intrinsèque du rapport du pouvoir et de la science à l’époque moderne.

Rien ne caractérise mieux la modernité que le prestige incomparable qu ’y a acquise celle-ci . Prestige légitime fondé sur le progrès incommensurable des connaissances en tout domaine depuis trois ou quatre siècles . Que ce prestige s’attache à la science en tant que pur objet de connaissance ou bien en tant que fondement d’une technique de plus en plus efficace , qu’importe : il est dans l’ordre des choses .

Mais à partir de ces prémisses raisonnables, certains n’ont pas résisté à la tentation de croire que la science pouvait aussi fonder, désormais, l’exercice du pouvoir. Pour Auguste Comte , après l’âge théologique, puis l’âge métaphysique , vient l’âge scientifique où le pouvoir sera confié non plus aux prêtres ou aux philosophes mais aux savants. Après la grande tentation d’unir le trône et l’autel vient donc celle de conjoindre la République et le laboratoire, et même , comme on le verra, de transformer la République en laboratoire !

Ces risques de collusion d’une science ainsi ouverte au jeu des partis , justifie le procès en objectivité qui ne manque pas de lui être fait ici ou là dès lors qu’elle est susceptible d’intéresser de près ou de loin l’exercice du pouvoir.

D’autant que les sciences susceptibles d’être les plus utiles au gouvernement des hommes , les sciences humaines, sont aussi les plus incertaines . Incertaines dans leur principe : est-il légitime d’assimiler l’homme , être libre , à la matière inerte , de le réduire à un mécanisme ? Incertaines aussi dans leur pratique : trop souvent conjecturales, objet de controverses entre les spécialistes eux-mêmes , la plupart des sciences humaines semblent reposer sur des données aléatoires , des expériences historiques difficilement vérifiables et en tous les cas rarement répétables " toutes choses égales par ailleurs " comme il en va dans les sciences dites " dures ".

La tentation idéologique

Mais tout cela ne serait rien si une circonstance considérablement aggravante n’était encore venue obscurcir la question : l’idéologie , au sens technique du terme tel que les critiques des régimes totalitaires (Arendt, Aron, Besançon etc.) l’ont mis au jour.

L’idéologie est pour une part la continuation des gnoses antiques et médiévales , qui prétendaient sauver l’humanité par le recours à un savoir occulte , réservé à des initiés et fondant ceux-ci à jouer un rôle dirigeant à l’égard de la masse ignorante.

Mais alors que les gnoses antiques se greffaient sur les religions révélées , judaïsme et christianisme principalement , l’idéologie, réalité moderne, se greffe, elle, sur le savoir scientifique . Alors que la gnose se présentait comme une révélation, l’idéologie se présente comme une science. Mais il s’agit d’une fausse science .

Les caractères de l’idéologie sont assez bien connus aujourd’hui pour qu’on s’y attarde : outre la prétention scientifique et la hiérarchie d’initiation , elle se présente aussi comme un savoir total sur l’homme , souvent assorti d’une vision eschatologique ( le Robert : étude des fins dernières de homme et du monde) de la fin de l’histoire (l’homme se possédant enfin lui-même au travers d’une pleine connaissance de soi, l’histoire s’accomplit ), d’une langue de bois et d’une vision manichéenne du monde , celui qui résiste à l’idéologie étant assimilé au mal absolu.

Les idéologies les plus perverses du XXe siècle , le marxisme-léninisme et le nazisme ont prétendu se fonder sur une science de l’homme . Le premier sur l’économie et la sociologie , le second sur la biologie .Plus nettement dans le cas du marxisme, s’y manifestait un projet de savoir total , dit matérialisme dialectique, ambitionnant de recouvrir tous les ordres de réalité.

L’ère du soupçon

Le fait qu’à peine quelques décennies après avoir fait leurs premiers pas , les sciences humaines aient donné lieu à des contrefaçons aux conséquences criminelles a , on n’en sera pas étonné , jeté la soupçon sur toute recherche à prétention scientifique visant l’homme en général.

Que dans le projet totalitaire à caractère idéologique , l’homme, défini comme sujet par la philosophie classique , se prenne lui même pour objet , même si le projet est animé de l’excellente intention d’améliorer la nature humaine ou la société , constitue à soi seul un danger . Que l’homme cherche à faire usage d’un savoir pour en faire une application technique à lui-même implique le risque d’oublier l’impératif kantien selon lequel l’homme ne saurait être considéré comme un moyen mais comme une fin . Mais , à partir du moment où l’idéologie pose que les uns disposent du savoir et les autres pas , un risque encore plus grand est que certains hommes soient sujets et d’autres objets. Longtemps préservée par la forte déontologie du serment d’Hippocrate, la médecine elle-même , science de l’homme à vocation pratique s’il en est , se heurte aujourd’hui , à mesure que progresse la connaissance du vivant , à la difficulté de définir une bioéthique .

Risquée en elle-même , l’idée que l’homme s’applique à lui-même la connaissance qu’il croit avoir acquise , se trouve grosse de catastrophes quand cette ambition prométhéenne se fonde , non point sur un savoir authentifié mais sur science fausse , sur une idéologie aux concepts outrageusement simplifiées . Si le chirurgien est inexpert , il finit en charcutier .L’ingénierie sociale à fondement idéologique s’est , en conséquence, presque partout terminée en massacre.

Que la prétention , plus naïve que perverse à vrai dire , d’un Alexis Carrel (1), dont les thèses eurent un si grand succès avant, pendant mais aussi après la dernière guerre, d’améliorer l’humanité à partir d’un savoir pluridisciplinaire sur l’homme , suscite aujourd’hui la plus grande méfiance est ainsi parfaitement compréhensible .

Au demeurant , nul ne prétend plus aujourd’hui à une science totale de l’homme . Michel Foucault (2) a montré il y a déjà quelque temps , comment les sciences humaines , tout en abolissant l’homme en tant que tel du fait de leur démarche objectivante , ne constituaient qu’un savoir éclaté entre différentes disciplines suivant chacune sa logique propre et qu’il serait vain de vouloir les réunir en une science de l’homme . " On ne peut connaître quelque chose des hommes qu’à la condition de réduire en cendres le mythe philosophique de l’homme " dit , au même moment, Louis Althusser (3).

Aux préventions grandissantes , particulièrement marquées à gauche , contre toutes les démarches biologisantes (qu’ un mouvement comme le Grèce a cherché un temps à remettre à l’honneur) , répondent les préventions non moins grandes d’une certaine droite vis à vis de tout ce qui touche à la sociologie (pas seulement marxiste) ou à la psychologie, et a fortiori à la psychanalyse. Pour maints esprits conservateurs , qui se replient volontiers vers le droit ou la philosophie , disciplines normatives et non empiriques , toute science sociale se trouve soupçonnée d’être plus ou moins contaminée de marxisme.

La seule science admise par les libéraux fut longtemps l’économie politique . Mais on sait combien elle était en revanche, dès le siècle dernier, suspecte aux théoriciens socialistes . L’échec des expériences communistes, qui s’assignaient ouvertement pour but de transgresser les lois du marché n’a qu’en partie levé ces préventions.

Des développements plus récents ont conduit une certaine gauche à remettre en cause , non seulement l’économie politique mais encore la géopolitique , dont les débuts , avec notamment l’écossais Mackinder et l’allemand Ratzel , furent contemporains de la montée des nationalismes dans la seconde moitié du XIXe siècle , et même la démographie dont l’essor serait , au gré de certains, liée aux fantasmes de puissance de l’époque fasciste . De ce fait la démographie entrerait elle aussi dans le périmètre des sciences suspectes.

Le cas de la démographie

Cette mise à l’index est d’autant plus surprenante , s’agissant de la démographie, que son objectif étant le dénombrement des hommes , elle paraît à première vue la plus égalitaire qui soit . Quoi de plus respectueux de la dignité humaine que la stricte arithmétique du démographe pour qui un américain égale un chinois ou un indien. Quel racisme inavoué ne recèle pas en revanche l’idée , aujourd’hui répandue, que le nombre n’est plus qu’un critère secondaire de la puissance !

Un autre motif d’étonnement est que cette science est , au moins dans ses origines, relativement ancienne : ni Quesnay ni Malthus , que l’on sache, n’évoluèrent dans un climat de nationalisme déchaîné.

Mais ce qui rend le procès encore plus surprenant est que la démographie est aujourd’hui une des sciences sociales les plus rigoureuses - dans la mesure au moins où les recensements sur lesquels elle se fonde sont eux-mêmes faits sérieusement (4). Une rigueur qui ne tient pas tant à une avance particulière de cette discipline qu’au fait que les mécanismes qu’elle étudie : la natalité, la mortalité, la fécondité, la pyramide des âges sont relativement simples , à caractère universel, même s’ils demeurent souvent méconnus. Il est difficile de tricher avec le nombre des hommes : sachant que 150 millions d’enfants sont nés dans le monde en 1998 , on peut dire de manière certaine qu’il n’y aura pas plus de 150 millions d’hommes et de femmes de 50 ans en 2048 : quelle science humaine peut se targuer de jugements aussi apodictiques ?

Cette rigueur de la science démographique , qui dans le champ des sciences humaines n’a sans doute d’égale que certains chapitres de l’économie politique, se trouve curieusement ignorée par nombre de nos contemporains, ce qui facilite bien évidemment les soupçons que l’on peut jeter sur elle.

Récuser le relativisme

Cette atmosphère de soupçon , dont on a vu qu’elle n’était pas au départ dépourvue de bons motifs, répandue tout uniment sur l’ensemble des sciences de l’homme , tantôt à droite, tantôt à gauche, aucune n’y échappant , pourrait conduire à une sorte de relativisme généralisé . Puisque aucun discours sur l’homme, dira-t-on, pour scientifique qu’il se prétende , n’est exempt d’arrière-pensées idéologiques, c’est que les sciences humaines dans leur ensemble sont aléatoires , conjecturales et le plus sage est dès lors de ne pas trop s’y fier . La recherche fera bien de se cantonner aux sciences dures . La politique ne se laissera pas influencer par les avertissements ou les prédictions jugées exagérément pessimistes des démographes , des économistes ou des sociologues (quand par exemple ils rappellent les risques de la dénatalité, de taux d’intérêts réels trop élevés ou de la désintégration de la cellule familiale ). Concentrons nous, dira-t-on, sur l’affirmation de quelques valeurs fondamentales - les droits de l’homme -, sur l’urgence - l’humanitaire - et point n’est besoin que les décideurs politiques en sachent trop , que surtout ils ne cherchent plus à résoudre les problèmes à partir d’une analyse approfondie : puisque toute analyse sera de quelque manière idéologique, c’est là une ambition vaine !

Le discrédit des sciences humaines dans nos sociétés complexes, devient ainsi l’alibi des politiques les plus irresponsables . La politique n’a plus à se préoccuper des conséquences des décisions qu’elle prend . Elle peut se libérer du principe de réalité puisque il n’y a pas , croit-on, de réalité en dehors de l’idéologie !

Il faut récuser un tel relativisme . C’est une chose , pour une science , d’être conditionnée dans son développement par un environnement culturel ou social donné, peut-être même par certains intérêts particuliers (mais en va-t-il autrement dans les sciences de la matière ?) . C’en est une autre de virer à l’idéologie ouverte , avec tous les caractères que nous avons relevés plus haut . Personne ne niera par exemple que Quesnay, Smith ou, à sa manière, Durkheim , furent conditionnés par la philosophie des Lumières , voire par la mentalité d’une bourgeoisie en plein essor ou que Lévy-Brühl ait été quelque part tributaire de l’expansion coloniale . Cela n’ôte rien à l’honnêteté de leur démarche scientifique .

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Vraie et fausse science

La ligne de démarcation entre la vraie science , fut elle encore balbutiante comme le sont la plupart des sciences humaines, et la fausse science idéologique existe . Cette ligne de démarcation a été bien mise en relief par Karl Popper ou Alain Besançon .

La distinction la plus fondamentale est que l’idéologie prétend , au moins dans ses formes extrêmes , à un savoir total sur la réalité alors que la vraie science est ,elle, partielle et lacunaire ; l’idéologie se présente comme un savoir achevé et définitif alors que la vraie science procède par hypothèses toujours provisoires et toujours révisables.

Si l’idéologie peut prétendre, du moins en apparence, à un degré de certitude plus fort que la vraie science, c’est que de manière pas toujours évidente au premier abord, elle est en fait une immense tautologie , une équation qui se vérifie quel que soit x , une théorie qui fonctionne (c’est en cela qu’elle paraît merveilleuse aux esprits simples ) quel que soit le réel .

Le propre de la vérité scientifique dit Karl Popper (5) est de pouvoir être fausse , de pouvoir être démentie par l’expérience , bref d’être soumise aux faits . C’est précisément ce qui manque à l’idéologie.

On pourrait sauver quelque chose de celle-ci en disant qu’elle part la plupart du temps d’un noyau de vérité . Même s’il n’est pas certain ( ou trop certain puisque personne ne pourra le démentir) que l’histoire du monde est l’histoire de la lutte des classes, la lutte des classes n’en existe pas moins . Oubliés les fantasmes sur la supériorité de la race aryenne, il existe bien un fond culturel commun indo-européen, comme Georges Dumézil l’a montré.

Pourtant même cet apparent noyau de vérité ne saurait faire illusion . L’idéologie corrompt tout , y compris ce qu’il pouvait y avoir de légitime à son point de départ. Pour le marxisme soviétique, la lutte des classes est devenue , comme Engels lui-même l’avait prédit, une " Vierge Marie " (6) . Les vérités qu’elle emprunte à la science sont coupées de la chaîne de la logique expérimentale où elles s’insèrent dans la vraie science, pour n’être plus que le maillon d’un dogme rigide où elles perdent leur sens.

Alain Besançon a montré comment l’idéologie, à la suite de la gnose, fonctionne sur le mode du parasitisme. De même que la gnose parasitait la théologie, l’idéologie parasite la science . Comme un parasite, elle corrompt son support . L’idéologie ne laisse rien d’intact de ce qu’elle touche.

C’est pourquoi l’idéologie se distingue aussi de la vraie science par sa stérilité radicale . On aurait pu s’attendre à ce que le national-socialisme apporte quelque contribution , même sulfureuse, à la science des races humaines : il n’en est rien ! Quant aux nombreux savants qui se sont laborieusement dédiés à ajouter leur pierre à l’édifice grandiose de la " science marxiste " , hélas pour eux , il n’en reste rien , notamment dans le champ de l’économie et de la sociologie où on les aurait attendus . Le seul marxiste qui soit encore souvent cité, en dehors de Marx lui-même , Gramsci, l’est pour avoir montré le rôle primordial de la culture , c’est à dire pour ce qu’il y avait de moins marxiste en lui.

Il est ainsi facile de distinguer l’idéologie de la vraie science. Il suffit que celle-ci témoigne d’une certaine fécondité pour échapper au soupçon d’être de l’idéologie.

Un dernier discriminant de l’idéologie et de la vraie science est le rapport au pouvoir lui-même . L’idéologie se distingue par sa soumission absolue à une logique de pouvoir . Elle interprète le monde en fonction d’une logique politique , à partir du placage sur le réel de critères purement extrinsèques . Quand il s’agit d’interpréter les autres savoirs, l’idéologie ne tient nullement compte de leur logique interne et, le cas échéant, de leur vérité objective : elle se contente d’en mesurer l’utilité politique. Il y a deux sortes de science disait Joseph Staline : la science bourgeoise et la science prolétarienne. Et encore le Petit Père des peuples , occasionnellement soucieux de nuances , se payait-il le luxe de dire que certaines sciences humaines , comme la linguistique, n’avaient pas de caractère de classe. Cela ne l’a pas empêché , au travers de la lamentable affaire Lyssenko, de vouloir plier la biologie elle-même, au mépris des faits les plus avérés , à la logique idéologique. On sait comment toute une génération d’intellectuels marxistes se trouva engluée dans cette démarche perverse . Une logique analogue , encore plus grossière, se trouvait à l’oeuvre quand les théoriciens du nazisme récusaient la relativité comme une théorie juive.

L’idéologie est toujours terroriste

Cette lecture politique, que fait l’idéologie , des savoirs différents d’elle n’est pas une lecture neutre. Même s’ils prétendent demeurer dans le registre scientifique, ceux qui qualifient l’économie politique de science bourgeoise ou la relativité de théorie juive, formulent , de leur point de vue, une insulte. Les idéologies totalitaires eurent le chic de prononcer les injures les plus grossières en les couvrant de l’alibi scientifique. L’invasion de la sphère de la science par l’idéologie aboutit nécessairement à des comportements terroristes.

C’est ce qui doit nous rendre prudents face à la philosophie dite critique qui , au motif d’une critique radicale des systèmes en place , sociaux ou institutionnels, se contente le plus souvent d’appliquer à son objet une grille univoque , non susceptible d’être démentie par l’expérience et donc en réalité non scientifique. Que cette grille soit celle de la volonté de puissance , de la classe ou du sexe, elle a l’effet d’un verre coloré au travers duquel on est d’avance assuré de voir la réalité d’une certaine couleur . C’est pourquoi les analyses qui partent du présupposé que tout est marqué par la lutte des classes ou des races ou que tout est sexuel sont en réalité des idéologies. Les différentes herméneutiques ( marxiste, nietzschéenne ou freudienne) qui composent la " philosophie critique " (qui la plupart du temps se prétendent scientifiques) se trouvent ainsi en concurrence sur un marché d’affirmations non vérifiables . La seule stratégie qui permette à l’une ou à l’autre d’assurer sa suprématie est dès lors un surcroît d’intimidation terroriste . Manger ou être mangé est , dit-on, la loi de la jungle . Interpréter ou être interprété est la loi d’une certaine jungle à prétention intellectuelle . Pour y survivre, il ne faut qu’un peu plus de culot que les autres . L’idéologie se reconnaît à ces pratiques terroristes . Les vrais scientifiques n’ ont , est-il nécessaire de le dire, point besoin de recourir à de tels procédés.

 

La vraie science respecte l’autre

Récusant la logique du tout-politique, la véritable attitude scientifique consiste à rechercher en tout discours le noyau de vérité - jamais facile à délimiter - qui échappe aux logiques de pouvoir et à se livrer non point à une herméneutique extrinsèque, artificiellement plaquée et nécessairement irrespectueuse mais à une tentative de compréhension de l’intérieur , partant de la logique intrinsèque de ce discours .L’attitude scientifique est par définition respectueuse et non terroriste. Elle regarde l’autre en face et lui répond sur le même plan . Elle ne flaire pas, cyniquement , le ventre et le bas-ventre .

En résumé, il y a science ou il y a idéologie mais les deux ne se confondent guère . Dès lors qu’un discours scientifique contient une information authentique , donc vérifiable, sur le réel, il échappe aux pures logiques de pouvoir .

C’est pourquoi , pour revenir à un débat d’actualité, cette science humaine par excellence qu’est la démographie , du fait de sa rigueur, de sa fécondité jamais démentie , du fait aussi qu’elle touche à un sujet essentiel , ne saurait sérieusement être qualifiée d’idéologique , surtout si cette accusation s’inscrit dans une démarche terroriste qui est, elle, typiquement idéologique.

 

 

Roland HUREAUX

 

1. Alexis Carrel, L’homme, cet inconnu, Plon, 1935 ; Livre de , 1965

2. Michel Foucault, Les mots et les choses, Gallimard , 1966

3. Lois Althusser , Pour Marx , Maspero, 1966 , page 236.

4. Il est pourtant encore possible de trouver dans des quotidiens qui se veulent sérieux des affirmations aussi ahurissantes que celle-ci : " La démographie a un avantage sur l’économie : on s’y ennuie peu tant la part du rêve est importante ! " (Le Monde , 7 avril 1998, supplément Economie , page II)

5. Karl Popper, La logique de la découverte scientifique, Payot, 1973

6.Friedrich Engels , Littérature des émigrés, III, 1874

 

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