Auteur:
Yves Chiron
Source:
Présent 28.08.04
La revue Histoire & Patrimoine (
N°8, 130 pages) consacre son numéro d'été à une « Histoire des
francs-maçons », avec en sous-titre : « Les éminences grises de la
République ». En fait, comme d'habitude, il n'y a pas de révélations
sensationnelles à attendre des , grand format et abondamment illustrées,
de ce numéro. La bibliographie finale, sur une page, donne les références
d'ouvrages historiques quasiment tous écrits par des francs-maçons et ne
cite pas un seul auteur hostile à la franc-maçonnerie.
Ce numéro spécial donne très largement
la parole aux dirigeants, anciens ou actuels, de la francmaçonnerie,
toutes obédiences confondues. Michel Barat, ancien Grand Maître de la
Grande Loge de France, reconnaît que les francsmaçons, en France, n'ont
jamais été aussi nombreux (plus de 130 000) et il précise : « Ce progrès
n'est pas un phénomène européen mais uniquement belge et français.
» On ne sera pas étonné qu'il fasse l'apologie de ce que les papes ont
condamné sous le nom « d'indifférentisme » les francs-maçons,
dit-il, « arrivent [en loge] avec tout ce qui fait leur personnalité
sociale et psychologique, avec les traits de leurs appartenances
ethniques, nationales, familiales, religieuses, politiques,
professionnelles..., traits qui sont tous légitimes mais dont ils doivent
apprendre à se déprendre pour saisir ce qui est en chacun universel. La
pratique du rite en son chemin initiatique permet ainsi à chacun de faire
route vers l'universel, vers un authentique cosmopolitisme philosophique
».
L'ancien Grand Maître du Grand Orient de
France, Alain Bauer, insiste lui sur ce qu'on pourrait appeler le
constructivisme, au sens philosophique, de la franc-maçonnerie
« Le Temple n'est jamais achevé. Les
francs-maçons continuent à construire une République encore inachevée.
Veilleurs et guetteurs certes, mais surtout acteurs, ils construisent cet
espace de liberté et de doute constructif, ils cherchent à écrire
eux-mêmes le dernier chapitre d'une Histoire qui n'a pas de fin. » Son
successeur actuel, Bertrand Brandmeyer, est plus explicite : « La
spécificité du Grand Orient est qu'il est engagé dans la société avec un
caractère fortement progressiste. Son Grand Maître, quel qu'il soit,
est donc l'éminence grise de la République. »
Dresser une liste des francsmaçons
présente un intérêt relatif. Des non-maçons peuvent servir l'idéal de la
franc-maçonnerie sans avoir été initié. Alain Bauer, qui a été le Grand
Maître du Grand Orient de 2000 à 2003, et qui entretient d'excellentes
relations avec Jacques Chirac depuis près de trente ans, dit du président
de la République : « Petit-fils d'un initié, Chirac est par ailleurs "philomaçon"
est a toujours été à l'écoute des travaux des loges. »
Ce numéro d'Histoire & Patrimoine nous
fait pénétrer, par l'image, dans les loges de Bordeaux (avec une
impressionnante salle de banquet en sous-sol) et de Condom et nous fait
aussi entrer au siège de la Grande Loge Unie d'Angleterre.
Un long article prétend même, sur un ton
détaché, nous décrire, en sept pages, une cérémonie d'initiation. Mais on
n'y apprend pas grand-chose. Quelles sont les « formules rituelles » qui
vont permettre à « l'apprenti » de « recevoir la lumière » ? Et quelle est
donc la « poignante cérémonie d'initiation » qui permet d'accéder au grade
de « maître » ?
On signalera encore, dans ce numéro, une
erreur ou une désinformation. On lit, page 51 : « Après Vatican II, en
1983, l'Eglise a décrété la levée de l'excommunication tout en maintenant
ses fidèles qui appartiendraient aux associations maçonniques en état de
péché grave. »
Si on se rapporte à la Déclaration de la
Congrégation pour la doctrine de la foi, du 26 novembre 1983, on y lit, au
contraire, que l'appartenance à la franc-maçonnerie continue à entraîner
excommunication
« Le jugement négatif de l'Eglise sur
les associations maçonniques demeure inchangé, parce que leurs principes
ont toujours été considérés comme inconciliables avec la doctrine de
l'Eglise, et l'inscription à ces associations reste interdite par
l'Eglise. Les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont
en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion. »
Yves Chiron
texte hébergé
en 07/04
haut de page