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l' art
d'aimer
.....d'Eric Fromm |
Dossiers :
l'amour |
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Présentation :... cette page est
en cours de constitution ... elle se complétera, tout au long de l'été
2006, d' extraits du livre " l'art d'aimer
"d'Erich Fromm ( que je viens de
découvrir, et qui en première approche, m'incite fortement à
découvrir ce penseur )... alors bonnes vacances aux homocoques,
éternels découvreurs en
cet art ....
Auteur:
Erich Fromm
Source:
le livre publié chez DESCLEE de BROUWER 14 euros
Date :
1.07.06
La quatrième page de couverture
L'art d'aimer
« L'amour n'est possible que si deux personnes
communiquent entre elles à partir du centre de leur
existence... Qu'il y ait harmonie ou conflit, joie ou tristesse,
c'est secondaire par rapport au fait fondamental que deux
personnes se rejoignent à partir des profondeurs de leur
existence, qu'elles ne font qu'un l'une avec l'autre en ne
faisant qu'un avec elles-mêmes, sans fuir leur propre réalité.
Il n'y a qu'une seule preuve de la présence de l'amour
:
la
profondeur de la relation, la
rivalité et la force de chaque
personne. »
Erich Fromm
La révolution de l'amour est, pour Erich Fromm (19001980)
-
une des grandes figures de
l'École de Francfort et
lecteur averti de Freud et
Marx -, l'unique
alternative à la
destruction de l'humanité. Une psychanalyse adaptée au
social, un socialisme
humanitaire, une grande confiance dans l'homme qui peut
construire une société différente, fondée
sur le respect de la vie et
sur l'amour, telles sont les idées
maîtresses de cet humaniste.
C'est le propos de son
Art
d'aimer
:
un art, l'art même qui fait l'homme libre.
Extraits :
AVANT-PROPOS 11
L'AMOUR EST-IL UN ART ?
L'amour
accompli, pouvoir actif de participation 37
Signification du don 39
Sollicitude de l'amour 43
Pratique de l'amour dans la société actuelle
: Même si l'on reconnaît que le principe du capitalisme
est incompatible avec le principe de l'amour, on doit admettre que le
capitalisme est en lui-même une structure complexe et sans cesse
mouvante, qui s'accommode encore d'une bonne part de non-conformisme et
de latitude personnelle.
Erich Fromm
CITATIONS
en
z
relations
.... l'homocoques ...Multetun ... la civilisation de
l'amour ...
Babel ou Pentecôte
«Deus caritas est»
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? l’équipe
d’Éducation
sensuelle.com et
d’Éducation
sexuelle.com a tenté de combler le vide.????
Eloge de l'amour d' Alain Badiou
15.11.2014 : Johann Soulas
...
L'ABSOLU ET LE MANIFESTé ..l'Incarnation de l'ordre fusionnel dans
l'homme
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L' ART D'AIMER
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS 11
I. L'AMOUR EST-IL UN ART ?
13
II. LA THÉORIE DE L'AMOUR 21
L'amour,
réponse au problème de l'existence humaine 23
Angoisse
de la séparation et besoin de la surmonter 24
Première
solution partielle : les états orgiaques 27
Deuxième
solution partielle : le conformisme 29
Troisième
solution partielle : le travail créateur 33
L'amour,
seule solution humaine 34
Les formes
imparfaites de l'amour par union symbiotique 35
L'amour
accompli, pouvoir actif de participation 37
Signification du don 39
Sollicitude de l'amour 43
Amour et
responsabilité 45
Amour et
respect 45
Amour et
connaissance • 46 Amour, réunion de l'homme total : polarité
masculine et féminine. 50
Erreur de
Freud 53
2.
L'amour entre parents et enfants 57
3. Les
objets d'amour 65
a. L'amour
fraternel 66
b. L'amour
maternel 68
c. L'amour
érotique 72
d. L'amour
de soi 77
e. L'amour
de Dieu 83
Passage
des religions matriarcales aux religions patriarcales 84 Passage du
principe anthropomorphique au principe monothéiste .. 87
Logique
aristotélicienne et logique paradoxale 92
Implications sur le plan religieux et éthique 96
Amour de
Dieu et amour des parents 99
III. L'AMOUR ET SA
DÉSINTÉGRATION
DANS LA SOCIÉTÉ
OCCIDENTALE CONTEMPORAINE 103
La
structure du capitalisme 103
Conséquences : l'homme-marchandise 106
L'amour
comme relation d'équipe 107
Primat de
la technique sexuelle 108
Réduction
de l'amour à la sexualité chez Freud 109
Sullivan
et l'égôisme à deux 113
Formes
d'amour névrotiques d'origine familiale 115
Autres
formes pathologiques de l'amour 119
Désintégration de l'amour de Dieu 124
IV. LA PRATIQUE DE L'AMOUR
127
Ce que
requiert la pratique de tout art 128
Pratique
de la discipline 131
Pratique
de la concentration 132
Sensibilisation à soi-même 135 Exigences propres à l'amour
l'objectivité, remède au narcissisme 138
Foi
rationnelle et foi irrationnelle 141
Orientation active et productive 148
Distinction entre amour et équité 149
Pratique de l'amour dans la société
actuelle 150
EXTRAITS
......
Celui qui ne sait
rien, n'aime rien. Celui qui n'est capable de rien ne
comprend rien. Celui qui ne comprend rien est sans valeur.
Mais celui qui comprend, celui-là aime, observe, voit...
Plus on en sait sur une chose, plus grand est l'amour... Qui
imagine que tous les fruits mûrissent en même temps que les
fraises ne sait rien des raisins.
Paracelse
Avant propos
On s'exposerait à la déception en
n'attendant de ce livre que de faciles recettes sur l'art d'aimer. Ce
que nous voulons montrer en effet, c'est que l'amour n'est pas un
sentiment à la portée de n'importe qui : il dépend de notre niveau de
maturité. Que le lecteur soit bien persuadé que tous ses efforts en ce
domaine sont voués à l'échec s'il ne s'essaie pas assidûment à
épanouir sa personnalité en vue d'une orientation productive ; que
l'amour individuel ne peut être source de satisfactions si l'on n'est
pas capable d'aimer ses semblables ( hcq : ...ses proches ..et de
proche en proche l'humanité passée ..présente .. EN venir-de-venir ...
et ceci vi-à à la base ENtre-deux f-h ENfant-PAIR-ENts...epoux ...>>>
), si l'on manque d'humilité, de
courage, de foi, de discipline vraie. Dans une culture où ces qualités
sont rares, un amour accompli doit être exceptionnel : demandons nous
seulement combien nous avons connu de personnes réellement aimantes.
Que la tâche soit ardue n'est pas
une raison pour s'abstenir d'en explorer les difficultés et les
conditions de réalisation. Pour ne pas compliquer inutilement les
choses, nous nous sommes efforcé de traiter le problème dans une
langue aussi peu technique que possible et nous nous en sommes tenu à
un minimum de références à la littérature sur l'amour.
L'amour est-il un art ?
L'amour est-il un art ? En ce cas,
il requiert connaissance et effort. Ou bien l'amour est-il une
sensation agréable, dont l'expérience est affaire de hasard, ce dans
quoi l'on «tombe » si la chance vous sourit ? Ce petit livre se fonde
sur la première prémisse, bien que sans nul doute la plupart des gens
croient aujourd'hui en la seconde.
Non point que les gens s'imaginent
que l'amour soit sans importance. Ils en sont affamés, ils vont voir
d'innombrables films sur des histoires d'amour heureuses et
malheureuses, ils écoutent des centaines de chansons d'amour des plus
médiocres - et, cependant, presque personne ne pense avoir tant soit
peu à apprendre sur l'amour.
Cette attitude singulière relève de
plusieurs prémisses qui, séparément ou conjointement, tendent à la
soutenir. Pour la plupart, le problème essentiel de l'amour est d'être
aimé plutôt que d'aimer, d'être capable d'amour. Dès lors„ leur
problème est de savoir comment être aimé, comment être aimable. En
quête de ce but, ils suivent différentes voies. L'une d'elles, plus
masculine, est de remporter des succès, de s'affirmer en puissance et
richesse dans les limites de sa position sociale. Une autre, plus
féminine, est de chercher à plaire, en cultivant son corps, sa
toilette, etc. D'autres moyens de séduire sont communs aux deux sexes
: développer des manières avenantes, une conversation agréable, se
montrer attentionné, modeste, inoffensif. Bien des façons de se rendre
aimable sont identiques à celles qui sont utilisées pour remporter des
succès, pour « se faire des amis et agir sur autrui ». A vrai dire, ce
que la plupart des gens dans notre culture entendent par être aimable,
consiste essentiellement en un mélange de popularité et de sex-appeal.
Une seconde prémisse sous-jacente à
l'attitude selon laquelle il n'y a rien à apprendre sur l'amour
revient à supposer que le problème de l'amour est un problème d'objet,
et non un problème de faculté. Les gens pensent qu'il est simple
d'aimer, mais qu'il est difficile de découvrir le « bon objet » à
aimer - ou qui les aimera. Cette attitude découle de plusieurs raisons
enracinées dans le développement de la société moderne. Mentionnons,
entre autres, le changement important qui se produisit au vingtième
siècle quant au choix d'un « objet d'amour ». A la période
victorienne, l'amour n'était que rarement une expérience personnelle
spontanée pouvant ensuite mener au mariage. Au contraire, le mariage
était contracté par convention - soit par les familles respectives,
soit par un médiateur, soit sans l'aide de tels intermédiaires ; il
était conclu sur la base de considérations sociales, et l'on supposait
que, le mariage conclu, l'amour s'épanouirait. Au cours des quelques
dernières générations, le concept d'amour romantique est devenu
presque universel dans le monde occidental. Aux Etats-Unis, bien que
des considérations de nature conventionnelle n'aient pas complètement
disparu, c'est surtout l'« amour romantique » que l'on recherche,
l'expérience personnelle de l'amour qui, ensuite, conduira au mariage.
Ce nouveau concept de liberté dans l'amour doit avoir fortement
rehaussé l'importance de l'objet au détriment de l'importance de la
fonction.
Un autre trait caractéristique de la
culture contemporaine est étroitement lié à ce facteur. Toute notre
culture se fonde sur un appétit d'achat, sur l'idée d'un échange
mutuellement profitable. L'homme moderne trouve son bonheur à regarder
avec frénésie les vitrines des magasins et à acheter tout ce que ses
moyens lui permettent d'acquérir, en argent comptant ou à tempérament.
Il (ou elle) regarde les gens de la même façon. Pour l'homme, une
fille attrayante - et pour la femme, un homme séduisant - sont les
prix qu'ils convoitent. « Attrayant » signifie d'habitude un joli
paquet de qualités qui jouissent de popularité et sont recherchées sur
le marché de la personnalité. Ce qui spécifiquement rend une personne
attrayante dépend de la vogue du temps, au physique comme au moral.
Durant les années vingt, une femme qui buvait et fumait, rude et
sensuelle, était attrayante ;aujourd'hui, la mode exige plus de
réserve et d'attachement au foyer. A la fin du dix-neuvième et au
début de ce siècle, on attendait d'un homme qu'il soit agressif et
ambitieux - aujourd'hui, il doit être sociable et tolérant - afin
d'être un « paquet » séduisant. En tout cas, la sensation de tomber
amoureux ne se développe d'habitude qu'en regard de ces denrées
humaines qui sont à la portée des possibilités d'échange propres à
chacun. J'entreprends une affaire ; l'objet doit être désirable quant à sa valeur sociale et en même
temps doit me désirer, considération faite à la fois de mes biens et
de mes virtualités manifestes et latentes. Ainsi deux personnes
tombent-elles amoureuses lorsqu'elles ont le sentiment d'avoir
découvert le meilleur objet disponible sur le marché, compte tenu des
limitations de leur propre valeur d'échange. Souvent, comme lors de
l'achat d'une propriété immobilière, les potentialités cachées qui
peuvent être développées jouent un rôle considérable dans cette
transaction.
Dans une culture où prévaut
l'orientation commerciale et dans laquelle le succès matériel
constitue la valeur éminente, il n'y a guère de quoi s'étonner que les
relations amoureuses suivent le même modèle d'échange que celui qui
gouverne le marché des affaires et du travail.
La troisième erreur amenant à
supposer qu'il n'y a rien à apprendre sur l'amour réside dans la
confusion entre l'expérience initiale de « tomber » amoureux et l'état
permanent d'être amoureux, ou mieux encore, de « se tenir » dans
l'amour. Si deux personnes qui sont étrangères, comme nous le sommes
tous, laissent soudainement s'abattre le mur qui les séparait, et se
sentent proches, se sentent une, ce moment d'unicité est une des
expériences les plus vivifiantes et les plus émouvantes de la vie. Il
est d'autant plus merveilleux et miraculeux pour les personnes qui ont
vécu séparées, isolées, sans amour. Ce miracle de soudaine intimité
est souvent facilité s'il s'associe à, ou est suscité par,
l'attraction et la consommation sexuelles. Cependant, de par sa nature
même, ce type d'amour n'est pas durable. Les deux personnes
s'accoutument l'une à l'autre, leur intimité perd de plus en plus son
caractère miraculeux, jusqu'à ce que leur antagonisme, leurs
déceptions, leur ennui mutuel, tuent ce qui a pu subsister de l'émoi
initial. Mais voilà, au début elles ne se doutent de rien : elles
prennent, en effet, l'intensité de l'engouement, cet état d'être « fou
» l'un de l'autre, pour une preuve de l'intensité de leur amour, alors
que cela ne fait que révéler le degré de leur solitude antérieure.
Cette attitude - selon laquelle rien
n'est plus facile que d'aimer- est restée l'idée dominante sur l'amour
malgré les témoignages accablants du contraire. Il n'y a guère
d'activité, d'entreprise, dans laquelle on s'engage avec des espoirs
et attentes aussi démesurés, et qui pourtant échoue aussi
régulièrement que l'amour. Si tel était le cas pour toute autre
activité, les gens seraient avides de connaître les raisons de cet
échec et d'apprendre comment y remédier - ou bien ils renonceraient à
cette activité. Puisque le second terme de cette alternative est
impossible dans le cas de l'amour, il semble qu'il n'y ait qu'une
seule façon efficace de surmonter l'échec de l'amour - c'est
d'examiner les raisons de cet échec et d'étudier la signification de
l'amour.
La première démarche qui s'impose
est de prendre conscience que l'amour est un art, tout comme vivre est
un art ;si nous voulons apprendre comment aimer, nous devons procéder
de la même manière que pour apprendre n'importe quel autre art, à
savoir la musique, la peinture, la charpenterie, ou l'art de la
médecine ou de la mécanique.
Quelles sont les étapes
nécessaires à l'apprentissage de tout art ?
On peut par commodité distinguer
deux parties dans le processus d'apprentissage d'un art : la maîtrise
de la théorie et la maîtrise de la pratique. Si je désire apprendre
l'art de la médecine, il me faut d'abord connaître les faits touchant
au corps humain et aux diverses maladies. Lorsque j'ai acquis cet
ensemble de connaissances théoriques, je ne suis encore compétent en
aucune façon dans l'art de la médecine. Je ne deviendrai un maître
dans cet art qu'après une longue pratique, jusqu'à ce que finalement
les résultats de ma connaissance théorique et les résultats de ma
pratique fusionnent en un tout - mon intuition, essence de la maîtrise
de tout art. Mais, outre l'apprentissage de la théorie et de la
pratique, il y a un troisième facteur nécessaire pour devenir un
maître dans quelque art que ce soit - la maîtrise de l'art doit être
l'objet d'une préoccupation ultime ; il importe que rien au
monde n'ait plus d'importance que l'art. Ceci vaut pour la musique, la
médecine, la charpenterie - et pour l'amour. Et, peut-être,
trouvons-nous ici la réponse à la question de savoir pourquoi les
membres de notre culture essaient si rarement d'apprendre cet art, en
dépit de leurs échecs manifestes : c'est que, malgré un insatiable
appétit d'amour, profondément enraciné, presque tout le reste passe
pour plus important : le succès, le prestige, l'argent, le pouvoir -
nous consacrons la presque totalité de notre énergie à apprendre
comment atteindre ces objectifs, et nous n'en réservons quasi pas à
apprendre l'art d'aimer.
Serait-ce que les seules choses
considérées comme valant la peine d'être apprises sont celles qui
permettent de gagner de l'argent ou du prestige, tandis que l'amour,
qui profite « seulement » à l'âme, mais n'est d'aucun profit au sens
moderne, serait un luxe auquel nous n'avons pas le droit de consacrer
beaucoup d'énergie ? Quoi qu'il en soit, la discussion qui suit
traitera de l'art d'aimer en se référant aux distinctions déjà
mentionnées : d'abord, je discuterai de la théorie de l'amour - et
ceci occupera la majeure partie de ce livre ; après quoi, je
discuterai de la pratique de l'amour - du peu qui puisse être dit sur
la pratique en cette matière, comme d'ailleurs en toute autre.
Quelques autres extraits .... à
partir de fin août .... en attendant bonnes vacances et ...
que vive l'amour de l' Amour .... un éternel apprentis
apport du 15.09.06
L'amour
accompli,
pouvoir actif de participation
pages 37 à 43
En contraste avec l'union
symbiotique, l'amour accompli est une union qui implique la
préservation de l'intégrité, de l'individualité. L'amour est chez
l'homme un pouvoir actif ; un pouvoir qui démantèle les murs séparant
l'homme de ses semblables, qui l'unit à autrui ; l'amour lui fait
surmonter la sensation d'isolement et de séparation, tout en lui
permettant d'être lui-même, de maintenir son intégrité. Le paradoxe de
l'amour réside en ce que deux êtres deviennent un et cependant restent
deux.
Si nous disons de l'amour qu'il est
« activité », nous nous heurtons à une difficulté qui tient à la
signification ambiguë de ce terme. Par « activité », selon l'acception
moderne de ce mot, on entend d'habitude une action qui, par une
dépense d'énergie, opère un changement dans une situation existante.
Ainsi considère-t-on un homme comme actif s'il fait des affaires,
étudie la médecine, travaille à la chaîne, construit une table, ou se
livre aux sports. Toutes ces activités ont ceci en commun qu'elles
visent un but extérieur à atteindre. Ce dont il n'est pas tenu compte,
c'est de la motivation de l'activité. Considérons, par exemple, un
homme poussé à un travail incessant par un sentiment d'insécurité et
de solitude profondes -,ou un autre poussé par l'ambition ou la soif
de l'argent. Dans tous ces cas, l'individu est esclave d'une passion,
et son activité est en fait une « passivité » parce qu'il est poussé ;
il est victime, non « acteur ». D'autre part, un homme qui se tient
tranquille et qui contemple, sans autre intention ou objectif que de
faire l'expérience de lui-même et de son unicité avec le monde, on le
considère comme « passif » parce qu'il n'est pas « en train de faire »
quelque chose. En réalité, cette attitude de méditation concentrée
représente la plus haute activité qui soit, une activité de l'âme, qui
n'est rendue possible que par la liberté intérieure et l'autonomie.
Ainsi donc, au sens moderne, le concept d'activité se réfère à une
dépense d'énergie en vue de la réalisation d'objectifs externes,
tandis qu'en un autre sens, il se réfère à la mise en oeuvre de
pouvoirs inhérents à l'homme, sans se soucier qu'ait lieu un
changement extérieur. Ce second sens du concept d'activité, Spinoza
l'a formulé très clairement. Il distingue parmi les affects ceux qui
sont actifs et passifs, les « actions » et les « passions ». Dans l'exercice
d'un affect actif, l'homme est libre, il est maître de son affect
;dans l'exercice d'un affect passif, l'homme est poussé, objet d'une
motivation dont il n'est pas lui-même conscient. Ainsi Spinoza en
vient-il à affirmer que la vertu et le pouvoir sont une seule et même
chose 2. L'envie, la jalousie, l'ambition, toute espèce de cupidité,
sont des passions ; l'amour est une action, la pratique d'un pouvoir
humain qui ne peut s'exercer que dans la liberté et jamais sous
l'effet d'une contrainte.
L'amour est une activité, non un
affect passif ; il est un « prendre part à », et non un « se laisser
prendre ». De manière très générale, on peut en expliciter le
caractère actif en disant ceci : l'amour consiste essentiellement à
donner, non à recevoir.
Signification du don
Qu'est-ce que donner ? Si simple
qu'elle paraisse, la réponse à cette question s'avère en fait grosse
d'ambiguïtés et de complexités. Le malentendu le plus courant est de
croire que donner, c'est « abandonner » quelque chose, se priver de,
renoncer. La personne dont le développement caractériel n'a pas
dépassé le stade où prévaut la tendance à recevoir, exploiter ou
amasser, éprouve le don de cette manière. Quant au caractère
mercantile, il est prêt à donner, mais à la condition qu'en échange il
reçoive ; donner sans recevoir équivaut pour lui à être mystifié3. Les
gens à orientation non-productive ressentent le don comme un
appauvrissement. La plupart des individus de ce type se refusent par
conséquent à donner. Certains, il est vrai, érigent le don en vertu,
mais en le concevant comme un sacrifice. Ils ont l'impression que,
précisément dans la mesure où il est pénible de donner, on devrait
donner ; la vertu du don réside pour eux dans l'acceptation même du
sacrifice. De leur point de vue, la norme selon laquelle il vaut mieux
donner que recevoir signifie qu'il vaut mieux endurer la privation que
faire l'expérience de la joie.
Pour un caractère productif, le don
revêt une signification entièrement différente. Il constitue la plus
haute expression de puissance. Dans l'acte même de donner, je fais
l'épreuve de ma force, de ma richesse, de mon pouvoir. Cette
expérience de vitalité et de puissance accrues me remplit de joie. Je
m'éprouve comme surabondant, dépensant, vivant, dès lors comme joyeux.
Donner est source de plus de joie que recevoir, non parce qu'il s'agit
d'une privation, mais parce que dans le don s'exprime ma vitalité.
Il n'est pas difficile de
reconnaître la validité de ce principe en l'appliquant à divers
phénomènes spécifiques. L'exemple le plus simple se trouve dans la
sphère sexuelle. La sexualité masculine atteint son point culminant
dans l'acte de donner ; l'homme fait don de lui-même, de son organe
sexuel, à la femme. Au moment de l'orgasme, il lui donne sa semence.
Il ne peut éviter de donner s'il est puissant. S'il ne peut donner,
c'est qu'il est impuissant. Pour la femme, le processus n'est pas
différent, encore qu'un peu plus complexe. Elle aussi fait don
d'elle-même, elle laisse accéder au centre de sa féminité ; dans
l'acte de recevoir, elle donne. Si elle est incapable de donner, si
elle ne peut que recevoir, c'est qu'elle est frigide. Chez elle, le
don se manifeste encore, non en tant qu'amante, mais en tant que mère.
Elle donne d'elle-même à l'enfant qui grandit en son sein, elle donne
son lait au nourrisson, elle donne la chaleur de son corps. Ne pas
donner serait douloureux.
Dans la sphère des réalités
matérielles, donner signifie être riche. Non que soit riche celui qui
a beaucoup, mais celui qui donne beaucoup. Le thésauriseur qui,
anxieusement, se tracasse à la pensée de perdre quelque chose, voilà
bien, psychologiquement parlant, l'homme pauvre, appauvri, si fortuné
soit-il. Quiconque est capable de donner de lui-même est riche. Il
s'éprouve comme pouvant conférer de lui-même aux autres. Seul celui
qui ne disposerait que du strict nécessaire à sa subsistance, sans
aucun surplus, serait incapable de prendre plaisir à donner des biens
matériels. Mais l'expérience journalière nous apprend que ce qu'une
personne considère comme le strict nécessaire dépend autant de son
caractère que de ce qu'elle possède effectivement. Il est bien connu
que les pauvres acceptent plus volontiers de donner que les riches.
Au-delà d'un certain point, il est vrai, la pauvreté peut rendre le
don impossible, et dès lors elle est avilissante, non seulement en
vertu de la souffrance qu'elle occasionne directement, mais aussi
parce qu'elle prive le pauvre de la joie de donner.
Cependant, ce n'est pas dans les
choses matérielles que se situe la sphère la plus importante du don,
mais dans le royaume spécifiquement humain. Que donne un être à un
autre ? Il donne de lui-même, de ce qu'il a de plus précieux, il
donne de sa vie. Ceci ne signifie pas nécessairement qu'il
sacrifie sa vie pour autrui - mais qu'il donne de ce qui est vivant
en lui ; il donne de sa joie, de son intérêt, de sa compréhension, de
son savoir, de son humeur, de sa tristesse - bref, de tout ce qui
exprime et manifeste ce qui vit en lui. En donnant ainsi de sa
vie, il enrichit l'autre, il en rehausse le sens de la vitalité en
même temps qu'il rehausse le sien propre. Il ne donne pas dans
l'intention de recevoir, car le don constitue comme tel une joie
exquise. Mais en donnant, il ne peut empêcher que rejaillisse sur lui
ce qu'il engendre à la vie chez l'autre -,en donnant véritablement, il
ne peut éviter de recevoir ce qui lui est donné en retour. Dès lors
que l'un donne, l'autre devient également un donneur, et tous deux
participent à la joie de ce qu'ils ont engendré à la vie. Dans le don,
quelque chose prend corps, et les deux personnes impliquées sont
reconnaissantes de la vie qui naît pour elles deux. Spécifiquement, en
ce qui concerne l'amour, ceci signifie : l'amour est un pouvoir qui
produit l'amour ; l'impuissance est l'incapacité de produire l'amour.
Cette pensée se trouve admirablement exprimée par Marx : « Supposez »,
dit-il, « l'homme comme homme et sa relation au monde comme humaine,
alors vous ne pouvez échanger l'amour que contre l'amour, la confiance
que contre la confiance, etc. Si vous souhaitez jouir de l'art, il
faut que vous vous entraîniez sur le plan artistique ; si vous
souhaitez exercer une influence sur les autres, il faut que votre
influence soit pour eux stimulante et génératrice de progrès. Chacune
de vos relations à l'homme et à la nature doit être une expression
définie de votre vie réelle, individuelle, correspondant à l'objet de
votre volonté. Si vous aimez sans susciter l'amour, c'est-à-dire si
votre amour comme tel ne produit pas l'amour, si par l'expression de
votre vie comme personne aimante vous ne faites pas de vous-même une
personne aimée, alors votre amour est impuissant, malheureux »s. Mais
ce n'est pas seulement dans l'amour que donner signifie recevoir. Le
professeur est instruit par ses élèves, l'acteur est stimulé par son
public, le psychanalyste est guéri par son patient - pour autant
qu'ils ne se traitent pas mutuellement en objets, mais qu'ils soient
en relation réciproque d'une manière authentique et productive.
Il est à peine besoin de souligner
que la capacité d'amour en tant que don dépend du développement
caractériel. Elle présuppose que la personne ait atteint une
orientation foncièrement productive ; il en est ainsi lorsqu'elle a
surmonté la dépendance, l'omnipotence narcissique, le désir
d'exploiter les autres ou d'amasser, lorsqu'elle a acquis la foi en
ses propres possibilités humaines, le courage de compter sur ses
forces pour parvenir à ses buts. Dans la mesure où manquent ces
qualités, elle a peur de se donner - par conséquent, d'aimer.
Au juste, ce n'est pas uniquement
dans le don que l'amour manifeste son caractère actif, mais aussi dans
le fait qu'il implique toujours, quelles que soient les formes qu'il
prenne, certains éléments fondamentaux. En l'occurrence, la
sollicitude, la responsabilité, le respect et la connaissance.
Sollicitude de l'amour
Que l'amour implique la sollicitude
apparaît avec le plus d'évidence dans l'amour d'une mère pour son
enfant. Aucune assurance de son amour ne nous ferait l'effet d'être
sincère si nous la voyions manquer de soin pour son bébé, si elle
négligeait de le nourrir, de le baigner, de lui procurer du bien-être
;par contre, nous sommes impressionnés par son amour si nous la voyons
avoir souci de son enfant. Il n'en va d'ailleurs pas différemment en
ce qui concerne l'amour pour les animaux ou les fleurs. Si une femme
nous disait qu'elle aime les fleurs alors que nous constatons qu'elle
oublie de les arroser, nous ne croirions pas en son « amour » pour les
fleurs. L'amour est une sollicitude active pour la vie et la
croissance de ce que nous aimons. Là où manque ce souci actif, il n'y
a pas d'amour. Cette dimension de l'amour a été admirablement
décrite dans le livre de Jonas. Dieu dit à Jonas de se rendre à Ninive
et d'avertir ses habitants qu'ils seront châtiés s'ils ne renoncent
pas à leur conduite perverse. Mais Jonas, craignant que le peuple de
Ninive ne se repente et que Dieu ne lui pardonne, se dérobe à sa
mission. C'est un homme qui possède au plus haut point le sens de
l'ordre et de la loi, mais sans amour. Cependant, dans sa tentative de
fuite, il se retrouve dans le ventre d'une baleine, symbole de l'état
d'isolement et d'emprisonnement auquel l'a conduit son manque d'amour
et de solidarité. Dieu le sauve, et Jonas se rend à Ninive. Il prêche
aux habitants comme Dieu le lui avait prescrit, et voilà qu'arrive
cela même qu'il craignait. Les hommes de Ninive se repentent de leurs
péchés, rectifient leur conduite, et Dieu leur pardonne et décide de
ne pas détruire la ville. Jonas en conçoit un profond dépit et une
vive irritation, il voulait que « justice » fût faite, non
miséricorde. Finalement, il puise quelque réconfort à l'ombre d'un
arbre que Dieu avait fait croître pour lui afin de le protéger du
soleil. Mais quand Dieu fait en sorte que l'arbre se dessèche, Jonas
déprimé se plaint avec colère. Dieu lui répond : « Tu te prends de
pitié au sujet d'un ricin pour lequel tu n'as pas travaillé, que tu
n'as pas fait croître, qu'une nuit a vu naître et qu'une nuit a vu
périr. Et moi, je, n'épargnerais pas Ninive, cette ville florissante,
dans laquelle il y a plus de cent vingt mille personnes qui ne savent
distinguer leur main droite de leur main gauche, et aussi beaucoup de
bétail ? ». La réponse de Dieu à Jonas est à comprendre
symboliquement. Dieu explique à Jonas que l'essence de l'amour est de
« se donner de la peine » pour quelque chose et de « faire croître »
quelque chose, que l'amour et le travail sont inséparables. On aime ce
pour quoi l'on peine et l'on peine pour ce qu'on aime.
2 Spinoza,
Ethique IV, Def. 8.
3 Cf. une
discussion approfondie de ces orientations du caractère dans E. Fromm,
Man,Jor HimseI ; Rinehart & Company, New York, 1947, Chap. III, pp.
54-117.
5 «
Nationalôkonornie und Philosophie », 1844. publié dans Karl Marx,
DieFrühschriften, Ed. Alfred Krdner, Stuttgart, 1953, pp. 300-301
(Traduction anglaise de E.F.).
Pratique de l'amour
dans la société actuelle
pages 151 à 153 ..les
3 dernières pages du livre
Ici, cependant, se pose une question
importante. Si toute notre organisation sociale et économique se fonde
sur la recherche, par chacun, de son propre intérêt, sur un égotisme
tempéré seulement par l'équité, comment encore entreprendre des
affaires, comment agir dans le cadre de la société existante et en
même temps pratiquer l'amour ? Celui-ci n'implique-t-il pas que l'on
abandonne toutes les préoccupations de ce siècle et que l'on partage
la vie du plus pauvre ? Cette question a été posée et a reçu des
moines chrétiens, et de personnalités comme Tolstoï, Albert Schweitzer
et Simone Weil, une réponse radicale. D'autres 4 soutiennent la thèse
d'une incompatibilité foncière entre l'amour et la vie normale dans
notre société. Ils en arrivent à conclure que parler d'amour
aujourd'hui, c'est en fin de compte participer à la mystification
générale : dans le monde actuel, prétendent-ils, seul un martyr ou un
fou peuvent aimer, de sorte que toute discussion sur l'amour n'est
autre chose qu'un sermon. Ce point de vue très respectable conduit
facilement à une rationalisation du cynisme. Actuellement, il est
partagé de façon implicite par l'individu moyen qui raisonne comme
suit : « J'aimerais être un bon chrétien, mais j'en serais réduit à
mourir de faim si je prenais mon aspiration au sérieux ». Ce «
radicalisme » s'achève dans le nihilisme. Tant les « penseurs radicaux
» que l'individu moyen sont des automates sans amour, et la seule
différence entre eux est que ce dernier n'en est pas conscient, tandis
que les premiers le savent et reconnaissent la « nécessité historique
» de ce fait.
J'ai la conviction que soutenir la
thèse d'une incompatibilité absolue entre l'amour et la vie « normale
» n'est correct qu'en un sens abstrait. Sans doute le principe
sous-tendant la société capitaliste et le principe de l'amour sont-ils
incompatibles. Mais perçue concrètement, la société moderne est un
phénomène complexe. Celui qui est préposé à la vente d'un produit
inutile, par exemple, ne peut pas fonctionner économiquement sans
mentir ; par contre, un travailleur qualifié, un chimiste ou un
médecin le peuvent. De même, un cultivateur, un professeur, et bien
des hommes d'affaires peuvent s'efforcer de pratiquer l'amour sans
cesser pour autant de fonctionner économiquement. Même si l'on
reconnaît que le principe du capitalisme est incompatible avec le
principe de l'amour, on doit admettre que le capitalisme est en
lui-même une structure complexe et sans cesse mouvante, qui
s'accommode encore d'une bonne part de non-conformisme et de latitude
personnelle.
Est-ce à dire que, si le système
social actuel se maintient indéfiniment, on puisse malgré tout
espérer la réalisation de l'idéal d'amour fraternel ? Certainement
pas. Dans le système actuel, ceux qui sont capables d'amour sont
forcément des exceptions : l'amour est par nécessité un phénomène
marginal dans la société occidentale contemporaine. Non tellement
parce que des occupations nombreuses ne permettent pas une attitude
aimante, mais parce que l'esprit d'une société centrée sur la
production, avide de richesses, est tel que le nonconformiste est le
seul à pouvoir se défendre contre lui avec succès. Dès lors, si on
prend l'amour au sérieux en le considérant comme la seule réponse
rationnelle au problème de l'existence, on est forcé de conclure que
des changements importants et radicaux dans la structure de notre
société sont indispensables pour que l'amour devienne un phénomène
social, et non plus marginal, hautement individuel. Dans le cadre
modeste de cet ouvrage, nous ne pouvons que suggérer l'orientation de
ces changements. Notre société est dirigée par une bureaucratie
administrative, par des politiciens professionnels ;les individus
sont mus par la propagande, leur but est de produire et de consommer
plus, comme fins en soi. Toutes les activités sont subordonnées à des
objectifs économiques, les moyens sont devenus des fins ; l'homme est
un automate - bien nourri, bien vêtu, mais sans préoccupation majeure
pour sa qualité et sa fonction spécifiquement humaines. Pour que
l'homme soit en mesure d'aimer, il faut qu'il réintègre la place
suprême qui lui revient. Plutôt que de servir la machine, il doit être
servi par elle. Il doit être habilité à partager l'expérience, à
partager le travail, plutôt que, dans le meilleur des cas, à partager
les profits. La société doit être organisée de telle façon que la
nature sociale, la nature aimante de l'homme, ne soit pas disjointe de
son existence sociale, mais ne fasse qu'un avec elle. S'il est vrai,
comme j'ai tenté de le montrer, que l'amour est la seule réponse saine
et satisfaisante au problème de l'existence humaine, alors toute
société qui contrecarre le développement de l'amour doit à la longue
périr de sa propre contradiction avec les exigences fondamentales de
la nature humaine. Non, parler de l'amour, ce n'est pas « prêcher »,
car c'est parler d'un besoin ultime et réel en chaque être humain. Que
ce besoin ait été obscurci n'implique nullement qu'il n'existe pas.
Analyser la nature de l'amour, c'est découvrir son absence générale
aujourd'hui et critiquer les conditions sociales qui en sont
responsables. La foi dans la possibilité de l'amour comme phénomène
social, et non comme phénomène individuel d'exception, est une foi
rationnelle qui se fonde sur l'intuition de la véritable nature de
l'homme
4 Cf. l'article de Herbert Marcuse, The Social
Implications of Psychoanalytic revisonism, Dissent, New York, summer,
1955.
texte hébergé
en juin 06
|
sur wikipedia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Erich_Fromm
et sur
http://www.chez.com/patder/fromm.htm
du freudo-marxisme à la psychologie humaniste
Né à Francfort s/Main, en 1900, Erich
Fromm fut profondément imprégné de mystique juive. Lié au cercle de
Rabbi Nobel, il participa à la création du Freies Jüdisches Lehrhaus,
fréquenté par M. Buber. Il se forma à la psychalyse auprès de Hanns
Sachs et Th. Reik. Il fut un des premiers psychanalystes non médicaux,
et écrivit dans les revues psychanalytiques: Zeitschrift fur
psychoanalytische Pädagogik et Imago.
En 1931, il s'intègre à l' Institute
für Sozialforschung et collabore à la Zeitschrift. note 1
Ses recherches portent sur une approche psychanalytique du marxisme, il
tente de "marier" Freud et Marx en développant une intégration de la
psychanalyse dans la pensée sociale. Il s'éloigne progressivement du
freudisme orthodoxe dès 1935. Ses critiques susciteront l'animosité des
psychanalystes classiques. Pourtant, malgré la critique de
l'universalité des concepts freudiens ( celui du complexe d'Oedipe par
exemple) et le parallèle qu'il établit entre les rapports oedipiens et
les rapports sociaux propres au monde capitaliste, il s'écarte de
l'école de Francfort.
Ses dernières recherches dans le cadre de l'Institut de la Recherche
sociale ont trait à la formation de la personnalité autoritaire. Mais le
concept de personnalité autoritaire développé par Fromm désigne une
attitude spirituelle autonome dégagée de tout réseau pulsionnel: sa
personnalité ne s'enracine pas dans le corps. La psychanalyse redevient
ainsi, chez Fromm, une psychologie de l'âme autonome.
On comprendra les dissensions
profondes qui séparent Fromm d'un Marcuse. Pourtant Fromm considère, que
les traits qui constituent la personnalité sont, plus que la résultante
de pulsions refoulées, le produit de processus sociaux, où l'individu
recherche la sécurité en refusant sa liberté. Le conflit entre le
potentiel inné et les obstacles sociaux au développement humain sont à
l'origine des névroses. Pourtant, l'individu peut toujours s'adapter au
milieu social et mener une vie autonome. Cette recherche d'autonomie
purement individuelle entrainera Fromm dans les courants multiformes de
la psychologie humaniste centrée sur l'égo.
Les ouvrages repris ci dessus ne
s'inscrivent donc pas dans la lignée directe de la théorie critique
spécifique de l'école de Francfort. Ils témoignent cependant de
l'évolution d'une pensée toujours imprégnée d'un humanisme socialiste et
d'un souci de l'émancipation humaine, que Fromm conçoit plus comme une
libération individuelle que comme une conquête révolutionnaire ou
sociale. note 2
notes
note 1) notamment l'article mentionné dans la
bibliographie de "grandeur et limite de la pensée freudienne": Uber
Methode und Aufgabe einer Analytischen Sozial-psychologie: Bemerkungen
über Psychoanalyse und historischen Materialismus in : Zeitschrift für
Sozialforschung, Leipzig, 1 (1932). p.28-54.
note 2.) les sources de la notice biographique sont
: ASSOUN P.L. , l'école de Francfort., et l'article Erich Fromm in
Encyclopaedia Universalis (Thesaurus). voir aussi Martin JAY,
"l'imagination dialectique", Paris: Payot.
Oeuvres de E. Fromm traduites en Français
|
L'art d'aimer / Erich
Fromm ; traduit de l'anglais par J. Laroche et Françoise Tcheng. -
Paris : Editions Universitaires, 1967. - 158 p. ; 2O cm. - (Psychothèque).
- Titre original: The art of loving. - réédité en 1968 aux éditions
EPI, coll. Hommes et groupes. -
Avoir ou être? : un choix dont dépend l'avenir de
l'homme/ Erich Fromm ; traduit de
l'américain par Théo Carlier; postface de Ruth Nanada Anshen. -
Paris : Laffont, 1978. - 43 p.; 2O cm. - (Réponses). - Titre original
: To have or to be? , édité chez Harper & Row en 1976. -
Bibliographie, 10 p. - ISBN 2-221-OO127- 3 (broché)
Bouddhisme Zen et psychanalyse
/ Daisetz T. Suzuki, Erich Fromm et R. de Martino;traduction
de Théo Léger. -
Paris: Presses Universitaires, 1971. - 200 p. ; 18 cm. - (L'actualité
psychanalytique). -
La conception de l'homme chez Marx
/ Erich Fromm; traduit de l'anglais par M. Matignon.
Paris : Payot, 1977. - 151 p.; 18 cm. - (Petite Bibliothèque Payot). -
Notes bibliographiques. - ISBN 2-228-33170-8 (broché)
La crise de la psychanalyse : essais sur Freud,
Marx et la psychologie sociale / Erich
Fromm; traduction par Jean-René Ladmiral.
Paris: Anthropos, 1971. - 292 p. ; 19 cm. - (Sociologie et
connaissance). - Titre original : The crisis of psychoanalysis.
De la désobéissance et autres essais
/ Erich Fromm; traduit de l'américain par Théo Carlier. -
Paris: R. Laffont,1982. -176 p. ; 23 cm. - (Réponse. Santé/ dirigée
par Jo&üml;lle de Gravelaine). - Titre original: On disobédience and
other essays. - ISBN 2-221-OO873-1 (broché). contient:
| Disobedience as a psychological and moral problem,
publié initialement in Clara Urquhart, A Matter of Life, (Londres,
Jonathan Cape), cop. 1963. |
| The application of humanist psychoanalysis to
Marx's theory, publié initialement in Socialist humanism: an
international symposium.(New-York, Doubleday), cop.1965.
|
| Prophets and priests, initialement publié in
Ralph Schoenmann, Bertrand Russel,philosopher of the century.
cop.1967. |
| Humanisme as a global philosophy of Man, publié
initialement sous le titre "A global philosophy of man" in The
humanist, Yellow spring, Ohio,1966. cop. 1965. |
| Let Man prevail et Humanist socialism,
initialement publiés in Let Man prevail:a socialist manifesto and
program, New-York. cop. 196O. |
| The psychological aspects of the guaranteed
income, initialement publié in R. Theobald, The Guaranteed income.
N-Y:Doubleday and C°, cop 1966. |
| The case for unilateral disarmement, publié
initialement in Daedalus, cop.196O. |
| Zur Theorie und Strategie des Friedens, publié
initialement in Friede im nuklearen Zeitalter. |
| Eine Kontroverse zwischen Realiste, und Utopisten,
4 Salzburger Humanismusgespräch, éd. à Munich, cop197O. |
Le dogme du Christ : et autres essais
/ Erich Fromm.
Paris : Complexe, 19.. . - (Textes). - suivi d'autres essais : La
psychanalyse : une science ou un parti. Le caractère révolutionnaire.
Des limites et des dangers de la psychologie.
Espoir et révolutions: vers l'humanisation de la
technique / Erich Fromm ; traduction de
Gérard D. Khoury.
Paris : Stock, 1970. - 187 p. ; 21 cm. - Titre original: the
revolution of hope: toward a humanized technology.
L'homme pour lui-même /
Erich Fromm;traduit par Janine Claude.
Paris: Editions sociales françaises, 1967. - 192 p. ; 24 cm. -
(Collection des sciences humaines appliquées). - Titre original: Man
for himself. -
Le langage oublié : introduction à la
compréhension des rêves, des contes et des mythes
/ Erich Fromm; trad. par Simone Fabre.
Paris : Payot, 1975. - 210 p. ; 18 cm. - Titre original : The
forgotten language. - ISBN 2-228-32610-4
La mission de Sigmund Freud: une analyse de sa
personnalité et de son influence / Erich
Fromm; trad. de l'américain par Paul Alexandre. -
Bruxelles : Complexe, 1975. - 112 p. ; 23 cm. - (Textes ). - Titre
original: World perspectives series. -
La passion de détruire: anatomie de la
destructivité humaine /Erich Fromm; traduit
de l'américain par Théo Carlier. -
Paris: Laffont, 1975. - 523 p.; 24 cm. - (Réponses ). - Titre original
: The anatomy of human destructiveness , édité en 1973 chez Holt,
Rinehart et Winston. - (broché).
La peur de la liberté /
Erich Fromm; traduit de l'anglais par C. Janssens. Paris :
Buchet-Chastel, 1963. - 244 p. ; 22 cm. - Titre original: The fear of
freedom. - la bibliographie en annexe de "Grandeur et limites de la
pensée freudienne" de E. Fromm donne comme titre original: Escape from
Freedom, édité à New York en 1941. Edition allemande à Francfort en
1966:Die Furcht for der Freiheit.
Psychanalyse et religion
/ Erich Fromm; traduit par D. Merllie. -
Paris: EPI, 1978. - 16O p.; 2O cm. - (Hommes et groupes). - Titre
original: Psychoanalysis and religion. (broché)
Société aliénée et société saine : du capitalisme
au socialisme humaniste. Psychanalyse de la société contemporaine/Erich
Fromm; traduit par Janine Claude.
Paris : Courrier du Livre, 1967. - 352 p. ; 23 cm. - (L'Université
permanente). - Titre original : The sane society, édité à New-York:
éd. Rinehart,1955. -
contient : présentation de la psychanalyse humaniste d'Erich Fromm /
par Mathilde Niel.- réédité en 1971. -
Vous serez comme des dieux: une interprétation
radicale de l'Ancien Testament / Erich
Fromm; traduit de l'américain par Paul Alexandre; postface de Evelyne
Sznycer et Serge Pahaut. - édition revue et annotée par E.Sznycer et
S. Pahaut.
Bruxelles: Complexe, 1975. - 214 p. ; 23 cm. - (Textes ). - Index. -
(broché) |
CITATIONS
http://www.evene.fr/citations/auteur.php?ida=512&p=1
> Le danger dans le passé était que les hommes
deviennent des esclaves. Le danger dans le futur est qu'ils deviennent
des robots.
> Aimer quelqu'un ne relève pas seulement de la
puissance du sentiment mais d'une décision, d'un jugement, d'une
promesse.
> Le paradoxe de l'amour réside en ce que deux
êtres deviennent un et cependant restent deux.
> Si nous voulons apprendre comment aimer, nous
devons procéder de la même manière que pour apprendre n'importe quel
autre art, à savoir la musique, la peinture, la charpenterie, ou l'art
de la médecine ou de la mécanique.
> L'amour est une sollicitude active pour la vie
et la croissance de ce que nous aimons.
> On aime ce pour quoi l'on peine et l'on peine
pour ce qu'on aime.
> La psychologie comme science a ses limites, et
de même que la conséquence logique de la théologie est le mysticisme,
ainsi la conséquence ultime de la psychologie est l'amour.
> La tâche à laquelle nous devons nous atteler,
ce n'est pas de parvenir à la sécurité, c'est d'arriver à tolérer
l'insécurité.
> On ne peut être fidèle envers les autres que
si on l'est d'abord envers soi-même.
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