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DEMOCRATIE....mode de gouvernement, ou panacée éthique et politique.....par Vladimir VOLKOFF

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le Figaro 3 mai 2002

C'est une chose dérisoire mais inévitable qu'un écrivain regarde la réalité avec des yeux d'écrivain, et, quand j'observe le « séisme » qui secoue la France, comment n'y verrais-je pas la confirmation de ce que j'ai souvent écrit ? Les écrivains sont des hommes de mots, et je vois une fois de plus que le mot démocratie est utilisé pour signifier tantôt un mode de gouvernement, tantôt une panacée éthique et politique. Même si les deux conceptions sont légitimes, la confusion est regrettable.  Comme mode de gouvernement, la démocratie a fait les preuves de son efficacité. D'autres ont prouvé qu'ils savaient aussi bien promouvoir des civilisations : l'oligarchie à Venise ; la monarchie en Egypte, à Rome, dans la chrétienté. Comme morale publique, la démocratie est enceinte de contradictions, qui éclatent aujourd'hui aux yeux de tous.

Si la démocratie repose sur le suffrage de chaque citoyen, l'opinion individuelle qui fonde ce suffrage doit être respectée quelle qu'elle soit. Ce que les Américains, eux, ont compris, qui laissent s'exprimer les anti-démocrates de toute sorte.

Si, en revanche, la démocratie est un idéal de vie donné par définition comme le meilleur, on conçoit que ses tenants veuillent l'imposer par tous les moyens, comme faisaient celles des religions qui voulaient sauver les gens malgré eux, mais cette attitude paraît contredire l'idéal même qu'elle veut imposer et qui se fonde sur la tolérance de l'autre. Le système consistant à dire aux gens, « Votez librement pour des candidats qui pensent comme nous et non comme vous », paraît être une parodie de ce que la démocratie prétend être.

De fait, le principal défaut de la démocratie, c'est de n'être pas démocratique. Une minorité paralysant la vie de la société pour servir ses propres intérêts (on l'a souvent vu à propos des transports en commun), est-ce « démocratique ? » Une manifestation publique dérangeant le citoyen - alors que le parlementarisme doit permettre à chacun de s'exprimer par une voie prévue à cette fin, est-ce « démocratique » ? Une majorité (qui peut se tromper) imposant sa volonté à une minorité (qui peut ne l'être qu'à quelques voix  près), est-ce « démocratique » ? Il apparaît que, du moins dans les conditions où elle s'exerce en France, la démocratie ne se suffit pas, qu'elle est grosse d'une menace de violence, que les lumières aboutissent quelquefois à la lanterne.  

C'est qu'en plus les démocraties sont souvent mauvaises joueuses. Elles commencent par imposer dès règles empêchant' l'adversaire de gagner et si, par hasard, il y réussit tout de même, elles s'indignent. Est-ce démocratique, cela ?

Bien sûr, il y a toujours l'alibi national-socialiste : si le parti de Hitler l'a emporté en Allemagne, c'est le plus démocratiquement du monde (ce qui, d'ailleurs, constitue un de mes griefs contre la démocratie, au même titre que la crucifixion de Jésus-Christ aux acclamations de la multitude), et ce précédent autoriserait, dans les circonstances actuelles, la PEUR. La peur n'est pas un sentiment honorable, mais compréhensible. IL faut cependant distinguer entre la crainte qui se traduit par la prudence et la panique qui se complaît dans l'hystérie. Attention à ce que Bernanos appelait déjà « la grande peur   des bien-pensants» !

   Les gens de ma génération ont eu de véritables raisons d'avoir peur : le géant rouge, avec une centaine de millions de morts sur la conscience, était à nos portes, et un Français sur cinq était prêt à les lui ouvrir. Ce qui n'empêche pas les communistes, avec ce sang sur leurs mains, de se présenter impudemment aux élections sans affoler les couches pacifiques de la société. Alors, quand on prétend « avoir peur » de ce qu'on appelle « l'extrême droite » en France (abusivement, d'ailleurs, car en réalité c'est un mouvement jacobin), il me semble qu'on approche dangereusement de la provocation.

On nous l'a pourtant assez seriné, que le rejet, l'exclusion,étaient mauvais.  «Le mépris n'a jamais été une forme d'intelligence ». disait Gabriel Marcel. Pourquoi, au lieu de rejeter et d'exclure, ne pas plutôt se demander si on n'a pas soi-même quelques torts ? Ah ! Je préfère voir la paille dans les yeux des autres plutôt que la poutre dans les miens ! Mais quel est ce manichéisme insensé ? Est-ce que je me prends vraiment pour un innocent ?

Pourtant, il ne semble pas que les dernières années de la V" République soient sans tache. Sans évoquer le chômage, la corruption et « l'insécurité » (euphémisme politiquement   correct   !),   ne sommes-nous pas tous censés avoir voix au chapitre et être donc responsables d'une immigration incontrôlée, irrespectueuse de la dignité des immigrés ? De la dette toujours due à la mémoire des harkis et à leurs descendants ? De la condition inquiétante où se trouve notre Education nationale ? De la désagrégation savamment ourdie de notre armée ? De la débandade de la francophonie ? Du mauvais coup où nous avons trempé en Yougoslavie en bombardant les populations civiles d'une nation avec laquelle nous n'étions pas en guerre?

Bien sûr, nous nous posons des questions sur notre avenir. Nous nous demandons entre autres si, après s'être octroyés quelques frissons, les Français sauront en tirer aucune leçon humble et féconde, ou si la pensée unique continuera à nous passer en boucle son disque moralisateur et débilitant.

Il pourrait y avoir pire. Depuis que la France est coupée en deux (exactement depuis le 21 janvier 1793) et qu'aucun chef d'Etat de droite ni de gauche n'a rien fait pour en recoller les morceaux, la guerre civile gronde en sourdine. Or, c'est elle dont, par nos injures et nos malédictions mutuelles, nous risquons de devenir les instigateurs. Plutôt que de nous maudire, ne vaudrait-il pas mieux essayer de nous comprendre ? Maudire, il est vrai, demande moins d'efforts.

 
 
voir aussi Démocratie une délibéraration publique
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NOTES :

28.01.04:  ...la démocratie, la vérité soumise à l'opinion publique... (Radio Courtoisie)