EXTRAIT page
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Le pape a donc aussi une vie tout à fait privée.
Naturellement. Nous fêtons Noël tous ensemble, les jours de fête nous
écoutons de la musique et nous discutons entrenous. Les fêtes de nos
saints patrons sont aussi célébrées et à l'occasion nous chantons les
vêpres en commun. Bref, nous célébrons les fêtes ensemble. Et puis il y
a les repas en commun et avant tout la Sainte Messe le matin. C'est un
moment très important, où nous sommes tous rassemblés par le Seigneur
d'une manière particulièrement intense.
Le pape est toujours habillé en blanc. Ne porte-t-il pas
quelquefois, au lieu de la soutane, un pull-over de détente ?
Non. L'ancien second secrétaire adjoint du pape Jean-Paul II, Mgr
Mieczyslaw Mokrzycki, m'a transmis la consigne en me disant : « Le pape
a toujours porté la soutane, vous devez faire de même. »
Les Romains ne se sont pas peu étonnés quand ils ont vu
dans le camion de déménagement les objets personnels avec lesquels,
après avoir été élu deux cent soixante-quatrième successeur de Pierre,
vous avez quitté votre logement pour habiter au Vatican. Avez-vous garni
les appartements pontificaux avec vos meubles habituels ?
En tout cas mon bureau. Il était important pour moi de garder mon bureau
tel qu'il s'est assemblé au cours de nombreuses décennies. En 1954, j'ai
acheté ma table de travail et les premières étagères pour mes livres.
Cela a pris de l'importance peu à peu. Il y a là tous mes livres, j'en
connais chaque recoin et chacun a son histoire. J'ai donc emporté tout
mon bureau au complet. Les autres pièces sont entièrement occupées par
le mobilier pontifical.
Quelqu'un a découvert que vous tenez apparemment à garder
les mêmes montres. Vous portez une montre-bracelet des années 1960 ou
1970, une Junghans.
Elle appartenait à ma sueur, qui me l'a léguée. Quand elle est morte, la
montre m'est revenue.
Un pape n'a pas même de portefeuille personnel et encore
moins de compte en banque.
C'est exact ? C'est exact. Reçoit-il au moins plus d'aides et de
consolations « d'en haut » que, disons, le commun des mortels ? Pas
seulement d'en haut. Je reçois tant de lettres de gens simples, de
religieuses, de mères, pères, enfants, dans lesquelles ils
m'encouragent. Ils m'écrivent : « Nous prions pour toi, n'aie pas peur,
nous t'aimons. » Et ils ajoutent aussi des dons en argent et d'autres
petits cadeaux...
Le pape reçoit des dons en argent ?
Pas pour moi directement, mais pour que je puisse aider d'autres
personnes. Et cela m'émeut beaucoup de voir que des gens simples
envoient quelque chose en me disant : « Je sais que vous êtes très
sollicité, et je voudrais vous aider un peu moi aussi. » C'est ainsi
qu'arrivent des consolations d'ordre très varié. Il y a aussi les
audiences du mercredi avec les rencontres individuelles. Je reçois des
lettres de vieux amis, parfois aussi des visites, bien que ce soit, bien
sûr, devenu de plus en plus difficile. Comme je ressens toujours aussi
la consolation « d'en haut », lorsque j'éprouve en priant la proximité
du Seigneur, ou qu'à la lecture des Pères de l'Église je vois briller la
beauté de la foi, cela donne corps à tout un concert de consolations.
Votre foi a-t-elle changé depuis qu'en tant que pasteur
suprême vous êtes responsable du troupeau du Christ ? On a parfois
l'impression que la foi est devenue plus mystérieuse, plus mystique.
Je ne suis pas un mystique. Mais il est exact qu'en tant que pape, on a
encore beaucoup plus d'occasions de prier et de s'en remettre
entièrement à Dieu. Car je vois bien que presque tout ce que je dois
faire, je ne suis personnellement pas capable de le faire. Ne serait-ce
que pour cette raison, je suis pour ainsi dire forcé de me mettre dans
les mains du Seigneur et de Lui dire « Fais-le, si Tu le veux ! » En ce
sens, la prière et le contact avec Dieu sont encore plus nécessaires
maintenant, et aussi plus naturels, et vont de soi bien plus
qu'auparavant.
Pour parler en profane: existe-t-il une « meilleure
liaison » avec le ciel, ou quelque chose comme une grâce d'état?
Oui, on le sent parfois. Au sens de : j'ai pu faire quelque chose qui ne
venait pas du tout de moi. Maintenant je m'en remets au Seigneur et je
constate : Oui, il y a là une aide, quelque chose se fait qui ne vient
pas de moi-même. En ce sens, on fait totalement l'expérience de la grâce
d'état.
Jean-Paul II a
raconté qu'un jour, son père lui a mis dans la main un livre de prières où
se trouvait « la prière au Saint Esprit », et lui a demandé de la dire
chaque jour. Peu à peu, il a compris ce que cela signifie quand Jésus
affirme que les vrais adorateurs de Dieu sont ceux
qui « l'adoreront en esprit et en vérité
* ». Qu'est-ce . que cela veut dire ?
Ce passage dans
le chapitre 4 de l'Évangile selon saint Jean est la, prophétie d'une
adoration pour laquelle il n'existera plus de temple, mais pour laquelle
on ( hcq .. je ou nous ? ...le couple HF
..?) priera sans temples extérieurs, en communion avec le Saint-Esprit et
la vérité de l'Évangile, en communion avec le Christ. Là, on n'a
plus besoin de temple visible, mais de la nouvelle communauté avec le
Christ ressuscité. Cela reste toujours important, parce que c'est aussi
un grand tournant du point de vue de l'histoire des religions.
* Jn, 4,23. (N.d.T.)