LA 
        PATRIE TRAHIE PAR LA RÉPUBLIQUE 
        Le Figaro n° 18619 du jeudi 
        17 juin 2004 
        DEBATS ET OPINIONS 
        IDÉES « Qu'est-ce qu'être 
        français aujourd'hui ? » Une série du « Figaro » 
        
         
        
        Jean Raspail : 
        
        
        http://jeanraspail.free.fr/divers18.htm
        J'AI tourné autour de ce thème comme 
        un maître-chien mis en présence d'un colis piégé. Difficile de l'aborder 
        de front sans qu'il vous explose à la figure. Il y a péril de mort 
        civile. C'est pourtant l'interrogation capitale. J'ai hésité. D'autant 
        plus qu'en 1973, en publiant Le Camp des saints, j'ai déjà à peu près 
        tout dit là-dessus. Je n'ai pas grand-chose à ajouter, sinon que je 
        crois que les carottes sont cuites. 
        Car je suis persuadé que notre destin 
        de Français est scellé, parce qu'« ils sont chez eux chez moi » 
        (Mitterrand), au sein d'une « Europe dont les racines sont autant 
        musulmanes que chrétiennes » (Chirac), parce que la situation est 
        irréversible jusqu'au basculement définitif des années 2050 qui verra 
        les « Français de souche » se compter seulement la moitié la plus âgée 
        de la population du pays, le reste étant composé d'Africains, Maghrébins 
        ou Noirs et d'Asiatiques de toutes provenances issus du réservoir 
        inépuisable du tiers monde, avec forte dominante de l'islam, djihadistes 
        et fondamentalistes compris, cette danse-là ne faisant que commencer.
        
        La France n'est pas seule concernée. 
        Toute l'Europe marche à la mort. Les avertissements ne manquent pas 
        rapport de l'ONU (qui s'en réjouit), travaux incontournables de 
        Jean-Claude Chesnais et Jacques Dupâquier, notamment , mais ils sont 
        systématiquement occultés et l'Ined pousse à la désinformation. Le 
        silence quasi sépulcral des médias, des gouvernements et des 
        institutions communautaires sur le krach démographique de l'Europe des 
        Quinze est l'un des phénomènes les plus sidérants de notre époque. Quand 
        il y a une naissance dans ma famille ou chez mes amis, je ne puis 
        regarder ce bébé de chez nous sans songer à ce qui se prépare pour lui 
        dans l'incurie des « gouvernances » et qu'il lui faudra affronter dans 
        son âge d'homme... 
        Sans compter que les « Français de 
        souche », matraqués par le tam-tam lancinant des droits de l'homme, de « 
        l'accueil à l'autre », du « partage » cher à nos évêques, etc., encadrés 
        par tout un arsenal répressif de lois dites « antiracistes », 
        conditionnés dès la petite enfance au « métissage » culturel et 
        comportemental, aux impératifs de la « France plurielle » et à toutes 
        les dérives de l'antique charité chrétienne, n'auront plus d'autre 
        ressource que de baisser les bras et de se fondre sans moufter dans le 
        nouveau moule « citoyen » du Français de 2050. Ne désespérons tout de 
        même pas. Assurément, il subsistera ce qu'on appelle en ethnologie des 
        isolats, de puissantes minorités, peut-être une quinzaine de millions de 
        Français et pas nécessairement tous de race blanche qui parleront encore 
        notre langue dans son intégrité à peu près sauvée et s'obstineront à 
        rester imprégnés de notre culture et de notre histoire telles qu'elles 
        nous ont été transmises de génération en génération. Cela ne leur sera 
        pas facile. 
        Face aux différentes « communautés » 
        qu'on voit se former dès aujourd'hui sur les ruines de l'intégration (ou 
        plutôt sur son inversion progressive : c'est nous qu'on intègre à « 
        l'autre », à présent, et plus le contraire) et qui en 2050 seront 
        définitivement et sans doute institutionnellement installées, il s'agira 
        en quelque sorte, je cherche un terme approprié, d'une communauté de la 
        pérennité française. Celle-ci s'appuiera sur ses familles, sa natalité, 
        son endogamie de survie, ses écoles, ses réseaux parallèles de 
        solidarité, peut-être même ses zones géographiques, ses portions de 
        territoire, ses quartiers, voire ses places de sûreté et, pourquoi pas, 
        sa foi chrétienne, et catholique avec un peu de chance si ce ciment-là 
        tient encore. 
        Cela ne plaira pas. Le clash 
        surviendra un moment ou l'autre. Quelque chose comme l'élimination des 
        koulaks par des moyens légaux appropriés. Et ensuite ? 
        Ensuite la France ne sera plus 
        peuplée, toutes origines confondues, que par des bernard-l'ermite qui 
        vivront dans des coquilles abandonnées par les représentants d'une 
        espèce à jamais disparue qui s'appelait l'espèce française et 
        n'annonçait en rien, par on ne sait quelle métamorphose génétique, celle 
        qui dans la seconde moitié de ce siècle se sera affublée de ce nom. Ce 
        processus est déjà amorcé. 
        Il existe une seconde hypothèse que je 
        ne saurais formuler autrement qu'en privé et qui nécessiterait 
        auparavant que je consultasse mon avocat, c'est que les derniers isolats 
        résistent jusqu'à s'engager dans une sorte de reconquista sans doute 
        différente de l'espagnole mais s'inspirant des mêmes motifs. Il y aurait 
        un roman périlleux à écrire là-dessus. Ce n'est pas moi qui m'en 
        chargerai, j'ai déjà donné. Son auteur n'est probablement pas encore né, 
        mais ce livre verra le jour à point nommé, j'en suis sûr... 
        Ce que je ne parviens pas à comprendre 
        et qui me plonge dans un abîme de perplexité navrée, c'est pourquoi et 
        comment tant de Français avertis et tant d'hommes politiques français 
        concourent sciemment, méthodiquement, je n'ose dire cyniquement, à 
        l'immolation d'une certaine France (évitons le qualificatif d'éternelle 
        qui révulse les belles consciences) sur l'autel de l'humanisme utopique 
        exacerbé. Je me pose la même question à propos de toutes ces 
        associations omniprésentes de droits à ceci, de droits à cela, et toutes 
        ces ligues, ces sociétés de pensée, ces officines subventionnées, ces 
        réseaux de manipulateurs infiltrés dans tous les rouages de l'Etat 
        (éducation, magistrature, partis politiques, syndicats, etc.), ces 
        pétitionnaires innombrables, ces médias correctement consensuels et tous 
        ces « intelligents » qui jour après jour et impunément inoculent leur 
        substance anesthésiante dans l'organisme encore sain de la nation 
        française. 
        Même si je peux, à la limite, les 
        créditer d'une part de sincérité, il m'arrive d'avoir de la peine à 
        admettre que ce sont mes compatriotes. Je sens poindre le mot renégat, 
        mais il y a une autre explication : ils confondent la France avec la 
        République. Les « valeurs républicaines » se déclinent à l'infini, on le 
        sait jusqu'à la satiété, mais sans jamais de référence à la France. Or 
        la France est d'abord une patrie charnelle. En revanche, la République, 
        qui n'est qu'une forme de gouvernement, est synonyme pour eux 
        d'idéologie, idéologie avec un grand « I », l'idéologie majeure. Il me 
        semble, en quelque sorte, qu'ils trahissent la première pour la seconde.
        
        Parmi le flot de références que 
        j'accumule en épais dossiers à l'appui de ce bilan, en voici une qui 
        sous des dehors bon enfant éclaire bien l'étendue des dégâts. Elle est 
        extraite d'un discours de Laurent Fabius au congrès socialiste de Dijon, 
        le 17 mai 2003 : « Quand la Marianne de nos mairies prendra le beau 
        visage d'une jeune Française issue de l'immigration, ce jour-là la 
        France aura franchi un pas en faisant vivre pleinement les valeurs de la 
        République... » 
        Puisque nous en sommes aux citations, 
        en voici deux, pour conclure : « Aucun nombre de bombes atomiques ne 
        pourra endiguer le raz de marée constitué par les millions d'êtres 
        humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du 
        monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du 
        riche hémisphère septentrional, en quête de survie. » (Président 
        Boumediene, mars 1974.) 
        Et celle-là, tirée du XXe chant de 
        l'Apocalypse : « Le temps des mille ans s'achève. Voilà que sortent les 
        nations qui sont aux quatre coins de la terre et qui égalent en nombre 
        le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la 
        terre, elles investiront le camp des saints et la ville bien-aimée. »
        
        Jean RASPAIL