On vient de
rééditer un de ses ( Marcel de Corte ) livres, La fin d'une civilisation, paru en
1949, et qui sera sans doute suivi de deux autres ouvrages essentiels
: L'homme contre lui-même (1963) et L'intelligence en péril
de mort (1969).
Soucieux du réel, De Corte se garde de parler de LA Civilisation mais
d'UNE Civilisation, précisant d'emblée que «l'appel à
l'universalité est pour une civilisation l'appel de la mort».
Peu soucieux d'être à la mode, il ne craint pas d'affirmer : «Il
existe des civilisations gonflées de sève et des civilisations
stagnantes. La loi de la vie et de l'être est l'inégalité concrète.»
Cet inlassable observateur, à l'instar du vieux Georges Sorel,
socialiste révolutionnaire intégral, ne croit pas aux illusions du
progrès :
«Nous voyons l'une après l'autre les fonctions de la vie civilisée
: les mœurs, l'art, la science, la philosophie, la politique, la
société, la religion, atteintes par un implacable processus de
décadence.» Et il ajoute : «Ce monde n'est plus qu'une terre
abstraite, grise, uniforme?»
Les causes de ce déclin sont pour lui évidentes : la rupture de la
liaison avec la nature et la tendance à s'universaliser (on dirait
aujourd'hui à se mondialiser). En un mot, il s'agit d'un abandon des
racines et des traditions.
Curieusement, ce disciple de Simone Weil rejoint Nietzsche quand il
évoque «la notion ésotérique du cercle», cet éternel retour,
car «le cycle n'est pas une chose, il est la vie elle-même».
Son analyse, à qui veut réfléchir, est imparable :
Critiquant tout à la fois d'égalitarisme et l'individualisme, la
civilisation de masse ou le nihilisme, il énumère les réalités qui
seules à ses yeux, pourraient enrayer le processus d'une décadence qui
semble irréversible : ce sont la famille, le métier, la commune, la
région (qui est pour lui la vraie patrie)…
«C'est à la restauration et à l'adaptation aux conditions actuelles
de ces communautés concrètes où les hommes, par leurs échanges
continus, se sentent responsables les uns des autres et soumis à un
même destin, que nous devons, contre vents et marées, nous attacher.
En ces cellules sociales relativement réduites (…) où les hommes se
situent concrètement les uns par rapport aux autres.»
Même si la situation peut apparaître désespérée, il faut pourtant
lutter : «Il s'agit donc pour l'homme moderne de tenir coûte que
coûte, s'il le faut avec héroïsme, les foyers de vie authentique, au
niveau élémentaire qui subsiste encore.»
Ce chrétien reste un homme de la terre, de la Création : «Toute vie
commence par en bas, par la souche. A tout prendre, l'homme n'est
peut-être qu'un végétal raisonnable dont les racines plongent
jusqu'aux mystérieuses sources nourricières.»
Langage qu'un authentique païen ne pourrait certes récuser.