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:La France hésite entre la peur et la révolte.......

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Ensembles humains - Etat- Nation -

 

Présentation:  Cette extrait du livre d' Emmanuel Todd L'illusion économique, qui traite essentiellement de la France reflète bien, me semble-t-il, ce mouvement actuel de lutte entre la vision du gouvernement mondial et celle de la pérennité des  nations.

Extrait:  .....s'est répandu, au milieu des années 90, le cauchemar d'une régression sans fin, d'une paupérisation de secteurs de plus en plus vastes de la population, d'une inexorable montée des inégalités.

La mondialisation - globalisation selon la terminologie anglosaxonne ...... flotte, a-sociale, a-religieuse, a-nationale, au-dessus des vastes océans, l'Atlantique et le Pacifique s'affrontant pour la prééminence dans un combat vide de conscience et de valeurs collectives

On ne peut qu'être frappé par le sentiment d'impuissance qui caractérise la période, s'exprimant à travers cent variantes d'une même idéologie de l'inéluctabilité des processus économiques. Impuissance des États, des nations, des classes dirigeantes.

La chute de la valeur d'égalité entraîne celle de la croyance collective nationale qui détermine à son tour le mouvement économique de globalisation. La causalité part des mentalités pour atteindre l'économique : l'explosion des nations produit la mondialisation, et non l'inverse.

Auteur: Emmanuel Todd

Source: L'illusion économique,  essais sur la stagnation des sociétés développées Gallimard 1998 p13

Corrélats : mondialisme, altermondialisme, Europe, nations, relations bilatérales...redécouvrir la nation, la famille, la fierté, le mérite, etc ... «Si les églises sont vides, si personne, en France, n'ose chanter la Marseillaise, si personne n'ose brandir un drapeau français dans ce pays, ce n'est pas de la faute des musulmans.»  Ivan Rifioul

 

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La nature de la crise

La France hésite entre la peur et la révolte. À une question de l'Institut de sondage CSA leur demandant, en mars 1997, ce qu'évoquait pour eux le système économique, 17 % des Français répondaient l'espoir, 8 % l'indifférence, 41 % la peur, 31 % la révolte'. Entre 1975 et 1995, la vision du futur économique et social â, par étapes, basculé. Le rêve d'un enrichissement universel, dominant jusqu'à la fin des années 70, a été remplacé entre 1985 et 1990 par l'image d'une société stationnaire, dure à certaines minorités, mais assurant aux trois quarts de la population le maintien d'un niveau de vie élevé. Enfin s'est répandu, au milieu des années 90, le cauchemar d'une régression sans fin, d'une paupérisation de secteurs de plus en plus vastes de la population, d'une inexorable montée des inégalités. Dans le nouvel imaginaire collectif, 20 % des gens s'enrichissent, pour certains au-delà de toute mesure, mais 80 %, sont précipités, les uns après les autres, selon un ordre mystérieux, dans le puits sans fond de l'adaptation. L'idée de modernité s'oppose désormais à celle de progrès. La nécessité économique explique tout, justifie tout, décide pour l'humanité assommée qu'il n'y a pas d'autre voie. Le souci d'efficacité exige la déstabilisation des existences, implique la destruction des mondes civilisés et paisibles qu'étaient devenus, après bien des convulsions, l'Europe, les Etats-Unis et le Japon.

La mondialisation - globalisation selon la terminologie anglosaxonne - serait la force motrice de cette fatalité historique. Parce qu'elle est partout, elle ne peut être arrêtée nulle part. Principe de rationalité, d'efficience, elle n'appartient à aucune société en particulier. Elle flotte, a-sociale, a-religieuse, a-nationale, au-dessus des vastes océans, l'Atlantique et le Pacifique s'affrontant pour la prééminence dans un combat vide de conscience et de valeurs collectives. Que faire contre une telle abstraction, une telle délocalisation de l'histoire?

 

1. Sondage CSA-L'Événement du Jeudi, 13-19 mars 1997. La question exacte était: « Quand vous pensez au système économique tel qu'il fonctionne actuellement, qu'est-ce que cela suscite en vous ? »

 

p24

.......pour comprendre la crise, l'hypothèse d'une dissolution des croyances collectives, dans toutes leurs manifestations : déclin des idéologies, des religions, de la conscience de classe, de l'État, du sentiment national. Toutes les croyances qui assuraient la définition et la cohésion de groupes capables d'agir collectivement semblent en voie de disparition, dans un univers social et mental qui ne laisserait plus subsister que l'individu. Mais c'est bien parce qu'il est seul, isolé, dans sa parcelle de rationalité, que l'individu se sent écrasé par l'histoire économique.

Nous vivons aujourd'hui l'aboutissement logique de l'absurdité ultralibérale, qui, voulant « libérer l'individu » de tout carcan collectif, n'a réussi qu'à fabriquer un nain apeuré et transi, cherchant la sécurité dans la déification de l'argent et sa thésaurisation. En l'absence de groupes actifs, définis par des croyances collectives fortes - ouvrières, catholiques, nationales - les hommes politiques du monde occidental sont réduits à leur taille sociale réelle, par nature insignifiante.

Une abondance de textes nous assurent en particulier que la nation, la plus active des croyances collectives au vingtième siècle, est en voie d'être dépassée. Ultralibéralisme et européisme, apparus dans les années 1980 pour dominer l'imagination des strates supérieures des sociétés occidentales, ont en commun de nier l'existence des nations et de ne plus définir des entités collectives vraisemblables. On doit, pour cette raison, les considérer comme des anti-idéologies, des croyances anticollectives, ou, pour faire court, anticroyances, nettement distinctes des formes doctrinales antérieures dont l'une des fonctions essentielles était la cristallisation de groupes humains. La doctrine ultralibérale et le credo monétaire maastrichtien, si opposés par certains de leurs principes fondamentaux, libéraux et anglo-saxons dans un cas, autoritaires et continentaux dans l'autre, s'appuient cependant sur une même axiomatique postnationale. Le rejet de la nation s'exprime ici « vers le haut », par un désir de la dissoudre dans des entités d'ordre supérieur, l'Europe ou le monde; mais il peut aussi se tourner « vers le bas », exigeant alors la fragmentation du corps social par la décentralisation géographique ou par l'enfermement des immigrés dans leurs cultures d'origine au nom du droit à la différence. Tous ces phénomènes, que rien ne relie en apparence - européisme, mondialisme, décentralisation, multiculturalisme - ont en réalité un trait commun : le refus de la croyance collective nationale.

C'est ce rapport négatif à l'idée de nation qui implique que l'on parle très spécifiquement d'ultralibéralisme. Le libéralisme des dix-huitième et dix-neuvième siècles était associé positivement au développement de l'idée nationale. Il ne niait pas l'existence des collectivités humaines. Il n'aurait jamais osé affirmer, avec Margaret Thatcher, que la société n'existe pas'. Ce rapport inversé à la notion de croyance collective suffit à définir le libéralisme classique et l'ultralibéralisme comme relevant de natures différentes, et même opposées.

Selon la vulgate actuelle, la cause du dépassement des nations doit être recherchée dans l'action des forces économiques, dans cette globalisation dont la logique invincible ferait exploser les frontières. Une autre interprétation est possible, qui met à l'origine du déclin de la croyance collective nationale, non pas l'économie, mais une évolution autonome des mentalités : la dissociation et la stagnation culturelles qui caractérisent la période ont mis à mal l'idéal d'égalité et la croyance en l'unité du groupe. Je vais essayer de démontrer dans ce livre que la séquence logique associant implosion des nations et globalisation économique est inverse de celle qui est communément admise. La chute de la valeur d'égalité entraîne celle de la croyance collective nationale qui détermine à son tour le mouvement économique de globalisation. La causalité part des mentalités pour atteindre l'économique : l'explosion des nations produit la mondialisation, et non l'inverse. En France comme aux États-Unis ou en Angleterre, c'est l'antinationisme des élites, pour reprendre le terme efficace de Pierre André Taguieff, qui mène à la toute-puissance du capitalisme mondialisé (2), qui mène à la toute-puissance du capital mondialisé.

(1) " There is no such thing as society."

(2) Taguieff, Les fins de l'antiracisme; Michalon

 

Le désarroi français

de Alain Duhamel

 

Le 21 avril 2002, la France a été victime d'un terrible infarctus politique. Elle a découvert qu'elle était devenue une société de défiance, atteinte d'un mal insidieux, la perte de confiance en son destin, en son pacte républicain. Incapacité à réformer, à trouver une place satisfaisante dans le système mondialisé, instabilité politique chronique, montée de la violence, de l'insécurité, de la xénophobie, du racisme, de l'antisémitisme, persistance du chômage, difficulté à contrôler l'immigration, à réussir l'intégration, marginalisation d'une fraction alarmante de la population à laquelle s'ajoutent la crise d'autorité, la peur de l'Europe et d'un capitalisme financier cruel ; la sclérose d'un système social échafaudé en période de croissance. Le livre d'Alain Duhamel analyse ces divers symptômes, handicaps et blocages ; mais il a aussi l'ambition, dans chaque domaine, de passer en revue, d'expliquer, d'évaluer les décisions, les refus et les choix qui peuvent y mettre fin. Non, la France n'est pas condamnée au déclin. Elle est en proie à un grand désarroi. Elle peut et elle doit en sortir

L'auteur vu par l'éditeur

Alain Duhamel, auteur de nombreux essais, éditorialiste à RTL, collabore à l'émission politique de France 2 " Cent minutes pour convaincre " et également à Libération, Le Point, Nice Matin, Les Dernières Nouvelles d'Alsace, Le Courrier de l'Ouest

 

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