Dans le Stade de France, qui tend à 
          devenir ce qu'était le forum pour les Romains, notre hymne national a 
          été sifflé: deux fois. Quand le Premier ministre, Jospin, présidait la 
          réunion, il se sentit sans doute gêné d'être là, mais se borna à 
          prendre l'air de penser à autre chose... A juste titre, on l'a 
          beaucoup critique. Aussi quand le président de la République, Chirac, 
          se trouva dans la même situation, eut-il l'idée de sortir, sinon du 
          stade, du moins de la tribune. Tout ceci a, dit-on, été lavé par une 
          troisième réunion où une assistance soigneusement organisée acclama 
          l'hymne. Fort bien. A ce propos on nous explique que, après tout La 
          Marseillaise est un chant de gauche, que les gens de gauche ne 
          devraient pas huer. Ce faisant, on n'est pas gêné de mettre ainsi avec 
          les socialistes les Maghrébins anti-français ....., il est vrai qu'à 
          une époque relativement récente (fin du XIXe), La Marseillaise était 
          encore de gauche. C'est le mouvement national. Barrés, Maurras, qui en 
          ont fait le chant de la droite, l'hymne de ces Français qui exaltaient 
          la patrie, célébraient ses héros, à commencer par Jeanne d'Arc. Au 
          début des années trente, nous la chantions dans les rues, face à des 
          chanteurs de l' Internationale qui brandissaient le poing. 
          Mais ce que je voudrais évoquer, à 
          l'intention de nos puînés, c'est un autre souvenir personnel qui m' 
          attache quasi charnellement à La Marseillaise. 
          Je fus de ces nombreux soldats 
          français qui connurent, de 1940 à 1945, la captivité en Allemagne. Les 
          officiers, d'activé ou de réserve, étaient par la convention de Genève 
          dispensés du travail forcé. N'ayant pas à nous rendre dans une usine 
          ou dans des champs, nous avons, en revanche, vécu la captivité 
          absolue, c'est-à-dire une vie socialiste : un Etat-Providence, mais 
          très pingre, nous fournissait le logement (fort mauvais) et la 
          nourriture (misérable et insuffisante) en n'exigeant de nous que notre 
          seule présence. Vous reconnaissez là la vie en URSS ou à Cuba où on 
          empêche non pas d'entrer, comme dans les pays agréables, mais de 
          sortir, comme dans les prisons. Dans ce cadre austère et strictement 
          limité par des enceintes de barbelés cernés de mitrailleuses, liberté 
          absolue : toute la journée, on pouvait au choix dormir, jouer aux 
          cartes, étudier le grec ou la chimie-organique, bavarder, se plonger 
          dans l'intégrale de Proust, créer et animer un théâtre, organiser une 
          vie culturelle, enseigner le droit ou la philosophie comme le faisait 
          mon camarade Jean Guitton... Pour ma part, j'ai présidé, chaque jour. 
          pendant cinq ans, une conférence. Ce ne fut pas rien de trouver 
          quotidiennement un orateur et un public dans une société de 6 000 
          Français fermée, absolument, sans aucun renouvellement. Mais ce fut 
          passionnant et riche d'une expérience qui m'a ensuite beaucoup servi.
          
          Au bout de ces cinq années 
          d'immobilité en Silésie, comme on commençait à entendre, à l'est, le 
          canon de l'armée rouge, les Allemands qui évacuaient leurs forces vers 
          l'ouest nous ont fait émigrer aussi, ce que nous avons accepté sans 
          difficulté, ne souhaitant pas être libérés des socialistes nationaux 
          d'Hitler par les socialistes internationaux de Staline. 
          Ainsi après cette très longue 
          stagnation claustrée, avons-nous, encadrés avec vigilance par des 
          soldats en armes, traversé à pied, en plein hiver, toute l'Allemagne 
          centrale, emportant nos misérables trésors, tels des morceaux de 
          sucre, mis précautionneusement de côté en prévision de jours pires, 
          et, pour ma part, des centaines de pages de notes. Pour organiser 
          cette migration, les 6 000 « pensionnaires » de l'Oflag IV D, avaient 
          été divisés en une quinzaine de convois afin de pouvoir chaque soir 
          trouver un lieu où passer la nuit ; on eut ainsi tantôt le confort 
          relatif d'une grange avec ses bottes de paille, tantôt le sol dur 
          d'une église, voire le sable humide et glacial d'un immense manège. 
          Cette marche d'une dizaine de jours aboutit, pour mon groupe, au 
          sud-ouest de Leipzig, dans le château de Benndorf, vaste demeure vide 
          où on nous entassa sur un peu de paille. 
          Le printemps approcha et bientôt nous 
          entendîmes le son délicieux du canon sonnant à l'ouest. C'était 
          l'armée Patton qui approchait ; les Allemands le savaient encore mieux 
          que nous et en tirèrent la conséquence logique : il faut se replier 
          vers l'est. Ordre nous fut donne : demain matin, départ ; 
          rassemblement à telle heure en tenue de marche avec tous les bagages. 
          Cette fois, aucun socialiste n'assombrissant la perspective de notre 
          libération, nous décidâmes de refuser de partir. A grands cris dans 
          tout le château on nous fit, à l'heure où nous aurions dû être en bas 
          prêts à la marche, sortir de nos paillasses. Nous nous trouvâmes, en 
          savates et en pyjamas, devant notre escorte, sac au dos et arme sur 
          l'épaule, avec ses officiers, aussi en tenue de départ. Face à face 
          dont j'ai oublié la durée ; mais je me souviens très bien de son 
          extraordinaire tension morale ou psychologique. Cela me rappelait les 
          rencontres, dans les rues françaises du Front populaire, avec ces 
          autres socialistes qui brandissaient le poing. Comme vers 1934, ce 
          jour du printemps 1945, devant le château de Benkendorf, je me mis à 
          chanter La Marseillaise, avec mon copopotier depuis cinq ans (dans la 
          société captive, la « popote » était l'ersatz de la famille), 
          l'archéologue Pierre Demargne qui devait plus tard entrer à l'Académie 
          des inscriptions et belles lettres. Les autres firent chorus. 
          
          Alors j'assistai à un événement que je 
          connaissais par la littérature mais que je ne pensais jamais voir dans 
          la réalité. En entendant ce chant, dans le monde entier connu comme 
          celui de la France victorieuse, les soldats allemands retournèrent 
          leur fusil. Ils mettaient crosse en l'air ! Je tendis la main et pris 
          l'arme rendue. La guerre était terminée. Au moins pour nous. 
          
          Quelques jours après, nous arrivions à 
          Paris. On mesure mieux le service que nous a rendu cette Marseillaise 
          libératrice quand on sait quelles furent les longues et pénibles 
          aventures de ceux de nos camarades qui ne refusèrent pas de marcher 
          vers l'est et, au-delà de l'Oder, rencontrèrent, comme « libérateurs » 
          des socialistes nationaux, les socialistes internationaux. La 
          comparaison entre la Wehrmacht agonisante et l'armée rouge des « 
          intrinsèquement pervers » fut laborieuse mais le récit qu'en ont fait 
          certains est d'un grand enseignement ( 1 ). 
          On comprend que, quel qu'ait pu être 
          le passé de La Marseillaise, je lui conserve dans mon cœur une place 
          spéciale.
 
          (1) A ce sujet, lire 
          l'excellent témoignage de mon regrette camarade Jacques de la 
          Vaissière : Silésie, morne plaine. Editions France-Empire. 
          
          _______________________________________
          Résonances .....rs. 
  Pour moi la Marseillaise reste lié aux notes d' "..aux armes citoyens..." 
  que sans doute, Roger Studer, mon copain de lycée (1), avait choisi  
  comme air pour nous reconnaître. Habitant au 4e étage et pour ne pas déranger 
  ses parents en sonnant, je me vois encore sifflant l'air dans la rue au bas de 
  sa chambre pour le prévenir de ma présence....et lui se pointant à la fenêtre 
  pour s'enquérir de l'objet de l'appel.  Il en était sans doute de même 
  quand il venait me chercher.
  (1) l'actuel lycée Kléber -Strasbourg -qui s'appelait alors la 
  Bismarkschule ...années 40-45
  
          15.01.03
          
          ______________________________________
        
  
          Le ministre de l'Education Nationale 
          (Jacques Lang) a 
          présenté hier matin un livret détaillant l'histoire de La Marseillaise 
          et certaines interprétations célèbres de l'hymne. Accompagné d'un CD 
          regroupant quatorze versions du Chant, en arabe, en portugais, ....... 
          l'ouvrage tiré à 72 000 exemplaires sera distribué dans toutes les 
          écoles, collèges et lycées de France. Cette action a pour but de « 
          permettre à tous les élèves et enseignants de s'approprier " La 
          Marseillaise " et de souligner « la double nature de ce chant, à la 
          fois national français et hymne international de la liberté». 
          
          _______________________ 
          Résonances .....rs. 
          
          N'oublions pas que le sens premier 
          d'"approprier" est : « rendre propre à un usage, une destination. 
          Exemple :Approprier son style au sujet. » (Le Robert) 
          
          Ce chant n'a pas le même sens, chanté 
          contre un envahisseur ...que chanté par l'envahisseur... 
          
          Enfin, s'approprier : nous dit le Robert 
          , c'est « faire sien ; s'attribuer la propriété (de quelque chose), 
          spécialement de manière illicite. Exemple s'approprier le bien 
          d'autrui. » 
          
          Après s'être "approprié" le stade de 
          France ....l'appropriation se poursuit  
          
          Mais "s'approprier " les choses à 
          l'abandon est-ce tellement condamnable? 
          
          03.03.02
          
          ___________________________________