| |
Sommaire
:
31.05.04 Interview
d'Emir Kustirica à l'occasion de son dernier film :
Etre ignorant
envers la religion est très dangereux, parce que vous transférez cela dans
une autre religion, l’athéisme, la religion du profit qui tue tout le
monde, fait de vous un objet pas un sujet.
J’essaye
d’aller vers une pensée philosophique, j’apprends à ne pas diviser les
choses, ne pas séparer, comme le fait l’église, le profane du sacré.
On nous livre
le minimum, soit le plus souvent de la pure stupidité. Orwell est dépassé.
Le monde est truffé de paradoxes, il y en a trop.
notes :
Ai vu le film ...ma note est 19/20...
...il est plein de vie, baroque, poétique,
vrai, tendre, violent, beau, généreux, plein d'espoir, nostalgique,
lucide, décapant ...quel souffle vital ....et philosophique.
Ce film est une belle illustration de la
vision de
L'homme-terre ...
"L’écoumène: "Une imprégnation réciproque du lieu et de ce qui s’y
trouve".....Augustin
Berque
il nous montre d'une manière magistrale
combien la technique modifie les relations entre humains ... le
commerce, la guerre en sont les moteurs .... l'homme réifier ....
été 2012
«Mammon», la vraie fausse divinité qui domine le
monde.
synchronicité ... je ne sais comment cette
pare s'est trouvée rencontrer une "lecture divina" de Benoît XVI au
séminaire de Rome ...rapprochement "éclairant "
|
|
La vie est un miracle
Interview
parue dans Opimum #66, magazine français, en mars 2004 trouvé sur
le site qui lui est consacré:
http://www.dhennin.com/kusturica/v2/_interviews_fr.html
Double palmé à Cannes, Emir Kusturica y revient pour la
passe de trois, avec « La vie est un miracle ». Rocker, tzigane,
poète, gladiateur entêté de l’image, mastodonte révolté du cinoche,
Kusturica n’a pas d’égal.
 | Optimum : Avant Noël, deux magazines titraient sur
la Bible, vous êtes un grand lecteur de cet ouvrage ?
 | Emir Kusturica : Oui. Lorsque vous regardez les
films de Kubrick, Kaurismaki, Kurosawa, Visconti, Güney… ils
contiennent tous des éléments de la Bible. C’est le livre des livres.
Il touche aux éléments premiers à commencer par la vie. Si le Nouveau
Testament ressemble plus à un conte de fées, l’Ancien propose la
dimension biblique que l’on retrouve dans la vie d’aujourd’hui, ce qui
explique pourquoi autant de gens la lisent souvent. Ils ne le font pas
à cause de l’église, mais pour eux. |
|
 | Au nom de la Bible, de la religion, on a beaucoup
tué, on tue encore ?
 | C’est différent. Là vous parlez de la
chrétienté, pas de la Bible en tant qu’instrument de l’Histoire. L’Histoire
est ce qui peut arriver de pire aux gens. Elle est là pour justifier
quelque chose d’injustifiable. La religion est l’outil de l’église.
L’église devient le partenaire de ce qui doit être résolu sur le champ
de bataille. Difficile de nier que la religion joue le rôle du héros
dans la prison de l’individu. Quand Abraham regarde la lune et décide
de passer de plusieurs dieux à un seul, c’est le premier pas vers
l’individualisme de l’être humain. Je considère encore aujourd’hui cet
acte comme un geste d’autonomie. Mais ce qui est arrivé à l’humain –
l’histoire et l’interprétation de la chrétienté originale, originelle
– est une autre histoire. Si les gens étaient religieux dans le bon
sens, nous aurions évité des millions de morts. Cela s’appelle
l’idéalisme. Je pense vraiment que les gens ont besoin de croire en
quelque chose. Etre ignorant envers la religion est très dangereux,
parce que vous transférez cela dans une autre religion, l’athéisme, la
religion du profit qui tue tout le monde, fait de vous un objet pas un
sujet. |
|
 | Où vous situez-vous, car vous dites parfois être
athée ?
 | Je cherche Dieu. Un dieu. C’est difficile.
J’essaye d’aller vers une pensée philosophique, j’apprends à ne pas
diviser les choses, ne pas séparer, comme le fait l’église, le profane
du sacré. |
|
 | Vous faites un nouveau film sur la guerre, pour
comprendre ce qui est arrivé à votre pays, pour apprendre qui vous êtes
?
 | Complètement. Pour moi, tout est guerre. C’est
malheureusement un système de pensée. Hegel a dit « quand la
révolution s’arrête, la science continue ». On voit aujourd’hui que
c’est plus sophistiqué, la société se nourrit de la guerre. Ils – les
multinationales qui gèrent l’ordre du monde – n’ont plus besoin de
nations. Ils préfèrent le terme « région ». Sans guerre, le monde
sombrerait dans le chaos. Je voulais faire un film sur un ange
arrivant à la table du Secrétaire général de l’ONU, en lui disant
qu’il était maintenant libre, qu’il n’avait plus besoin de s’occuper
de l’humanité, que les guerres étaient terminées. Mais cela
déboucherait sur quoi ? |
|
 | Vous pensez que cela déboucherait sur de gros
problèmes ?
 | Enormes. Car on enlèverait un élément majeur du
cœur de l’humanité. Le profit. Quelle est la plus belle invention
scientifique à ce jour ? Elles sont nombreuses, toutes nées des
expériences militaires. On vit à une époque de fascisme économique.
Pourquoi je parle de religion. Parce que je parle de quelque chose que
les gens n’ont plus, n’ont pas. La religion est un élément majeur de
métaphysique et donc d’évolution. Il faut être religieux. Dieu est la
plus importante idée inventée par l’homme, pas la guerre. Et
l’athéisme est devenu une nouvelle religion. En termes de cinéma, nous
sommes proches du degré zéro. Les films sont de pire en pire, ils ne
nourrissent plus, n’aident plus l’esprit humain, ils raccourcissent la
vie, lobotomisent la pensée. Nous sommes en marche vers un monde régi
par le hamburger, un monde dangereux. Le cinéma est encore une
exception, pas encore un produit de masse rêvé par certains, mais il
peut être l’outil d’un régime totalitaire voulant imposer le même goût
à tout le monde. Comme je l’ai déjà dit, j’emmerde le pays qui veut
que je meure pour lui. |
|
 | Vous êtes en train de prendre un chemin chamanique
?
 | De plus en plus. J’essaie de rendre la vie aussi
belle que possible. C’est dur. On mange de la merde, on est empoisonné
de l’extérieur. Si on veut être optimiste, on risque d’être stupide.
Si on veut être humaniste, on sera stupide quoiqu’il arrive. Depuis
1989, il y a plus de pauvreté qu’avant la chute du mur de Berlin. Ce
qui veut dire que le progrès n’est pas indispensable pour le bien être
de l’humanité. Les sociétés multinationales tentent de dénaturer la
culture, de la rabaisser, de nous laisser entendre que ce n’est pas un
besoin. Pourquoi ? Pour faire de nous de simples consommateurs ne se
posant pas de questions. |
|
 | C’était une nécessité pour vous de faire « La vie
est un miracle » ?
 | Oui. Pour me guérir. J’ai été lourdement
empoisonné, blessé par un groupe d’intellectuels qui donnaient des
leçons sur ce qui est arrivé dans mon pays. |
|
 | C’est une réponse à ceux qui s’exprimèrent sur «
Underground » ?
 | Absolument, comme Alain Finkielraut, le
spécialiste parisien qui savait mieux que personne ce qui se passait
dans mon pays, le pourquoi de sa destruction, qui utilisa la première
page du « Monde » pour parler d’un film qu’il n’avait pas vu. Dans les
années 1960-1970, lorsqu’on écrivait sans avoir vu, on était mis au
banc des accusés. Maintenant, qui se soucie de tels procédés. On est
dans un monde virtuel où l’on peut dire n’importe quoi. L’information
est bafouée et pourtant on a besoin d’elle. Ce film continue là où le
précédent s’arrêtait, mais dans le ton, c’est plus proche de « Papa
est en voyage d’affaires ». |
|
 | Vous dites que c’est dangereux de parler de
guerre, car on le fait avec subjectivité ?
 | Il faut essayer d’être aussi impartial que
possible, c’est notre tâche. C’est difficile. J’espère que ce film
fera ressortir la substance humaine de la guerre. La guerre ne
s’arrête jamais. |
|
 | C’est difficile de ne pas juger, de ne pas
désigner un coupable ?
 | Ceux qui ont voulu changer la conception de
l’Europe, passer des nations aux régions, ont réveillé ici et là le
désir de tuer l’autre, ils ont ressuscité l’esprit de revanche. Ce
monde est gouverné par des gens qui initient de triste manière la
notion de territoire. |
|
 | Vos films sont-ils des hymnes à l’amour ?
 | Absolument. Dans « La vie est un miracle »,
l’histoire d’amour est au centre du conflit. Je suis parti d’une
histoire vraie, un conflit shakespearien à l’intérieur du conflit des
Balkans dans lequel une prisonnière musulmane et son geôlier serbe
vont éprouver certains sentiments. Je suis très content d’avoir pu le
faire. C’est mon avantage sur quelqu’un comme Bernard-Henri Lévy que
de pouvoir travailler autour du drame de mon peuple. Je fais mes films
comme en réaction aux blessures que j’ai reçues de l’histoire. |
|
 | Vous le faites avec vos tripes ?
 | Oui, au lieu de faire des films en Algérie avec
une écharpe Chanel, une chemise blanche et un brushing parfait. C’est
d’ailleurs pour cela que ses propos sont si merdiques. Comme si
j’osais jouer du blues, ce que je fais tout le temps, sans que cette
musique ne parle à mon esprit, à mon cœur. |
|
 | Suite aux attaques contre « Underground », vous
avez écrit un papier intitulé « Mon imposture » ?
 | J’essayais de leur répondre. Je ne sais pas de
quel parti sont ces gens. Glucksmann et son groupe m’ont dit de ne pas
leur prêter attention. Mais d’où vient cette haine ? Comme si je
venais vous donner une leçon sur votre passé. Comme si je faisais
partie d’un peuple supérieur. Tous les films que j’ai faits sont le
fruit d’une réaction face à quelque chose qui m’a fait mal. Les gens
savent quand vous ne jouez pas avec les tripes. |
|
 | Ce film est-il une façon d’enrichir les histoires
que vous avez déjà racontées ?
 | Absolument. Plus je vieillis, plus je me rends
compte d’une constance qui génère le drame dans le monde. Se battre
pour le bien, le beau. Je suis en train de reconstruire un vieux
village en Serbie, avec un centre pour que des étudiants apprennent à
faire des films ou d’autres métiers. C’est toujours possible de
prolonger vos idées. Mais globalement, on a un sérieux ennemi, le
corporatisme mondial. Il s’immisce partout, usant ses gardes du corps,
en l’occurrence l’armée pour persuader que cela doit être ainsi. Quand
ils ont bombardé Belgrade, ils voulaient Milosevic et ont tué 3.000
personnes. Milosevic valait-il ces victimes qu’ils qualifièrent de «
dommages collatéraux » ? L’abus du pouvoir est quelque chose de
systématique dans la nature humaine. C’est comme si en s’opposant à
une personne, cette dernière motive vos actions. Aujourd’hui, on veut
faire de nous des idiots croyant tout ce qu’on leur dit à la télé. |
|
 | Vous croyez au TPI ? (Tribunal Pénal
International)
 | Non. Ce n’est pas une farce, c’est une
institution importante, malheureusement plus politique qu’on ne le
croit. On tutoie un peu l’imposture politique. Il faut juger les
criminels de guerre, mais tous. |
|
 | Vous tournez beaucoup à l’instinct ?
 | Je développe les films pendant le tournage.
J’accrois le sens du détail, des idées, sans jamais chercher à
dissimuler mes conflits intérieurs. Aujourd’hui, le cinéma ne répond
pas au social, au psychologique. Quand avez-vous vu des films de
chair, à cœur ouvert ? |
|
 | Le cinéma, surtout hollywoodien, ne s’intéresse
pas au côté noir de notre âme ?
 | Hollywood est rationaliste, ce qui n’a rien à
voir avec de l’art. |
|
 | En ce sens, vous rejoignez Truffaut pour dire que
le cinéma est plus beau que la vie ?
 | Il a raison. Le cinéma peut dépasser les petites
choses, partir du quotidien pour se hisser au niveau des problèmes du
monde. Votre rue peut devenir le centre du monde. Les journaux, les
médias minimisent sciemment les bonnes choses, l’essentiel. Je
n’oublierai jamais que pendant les bombardements sur Belgrade, le
papier d’Harold Pinter en septième page du « Guardian », qu’on pouvait
lire ou pas, était une sacrée manière de marginaliser la vérité. Alors
pouvez-vous imaginer à la Une du « Monde » ou du « New York Times » un
titre annonçant que la pauvreté a considérablement augmenté, cela
enflammerait la planète, déclencherait des révolutions. On nous livre
le minimum, soit le plus souvent de la pure stupidité. Orwell est
dépassé. Le monde est truffé de paradoxes, il y en a trop. |
|
 | Cela veut-il dire que le cinéma, la peinture et la
musique sont les dernières réactions à la manipulation, la
désinformation ?
 | Absolument. Avec la littérature. |
|
 | Comment choisissez-vous les acteurs, ils ont tous
de vraies trognes, parlantes même si elles ne disent rien ?
 | Je cherche des comédiens pleins de vie,
d’humeur, de colère. Avec comme but suprême de l’opération : donner le
meilleur. Je veux que mes films ressemblent aux vieux films, à de
vieilles peintures. Au moment d’« Underground », je regardais
Delacroix et d’autres artistes qui avaient réussi à capter le
subconscient collectif si formidablement, tout en essayant
désespérément à travers les détails de reproduire organiquement
l’ensemble. Les visages jouent un grand rôle. |
|
 | Ils laissent filtrer, parler leur vérité ?
 | Quand Bernard-Henri Lévy se tient dans le désert
avec sa parfaite coupe de cheveux, regardant l’horizon, il se prend
pour André Malraux, mais malheureusement l’imposture est grossière. |
|
_________________________________
Eléménts d'interview trouvés trouvés sur le site cité ci-dessus :
Emir Kusturica a terminé son
nouveau film ! Le tournage a duré plus d’un an et l’une des particularités
de ce film est qu’il a deux titres : “Hungry Heart” pour l’Europe
et “Quand la vie était un miracle” pour la Serbie. Alors que nous
attendons de le voir, Emir est en visite à Belgrade, pour l’ouverture du
festival du film étudiant. Nous faisons une petite interview exclusive
avec lui......
.......
Ce film parle de comment la
guerre a grandit et s'est nourrie en Bosnie, et de la démystification de
la famille, ce que j'avais commencé avec mon premier film et qui est
caractéristique de tous mes films suivants. Au final, le film perd ses
illusions, et ressemble à un mélange très probable entre du Shakespeare et
les Marx Brothers.
..........
texte hébergé
en 05/04 |
|
«Mammon», la vraie fausse divinité qui domine le monde.
"lecture
divina" de Benoît XVI au séminaire de Rome
http://benoit-et-moi.fr/2012-I/0455009fcb0e2400f/0455009ffb0fe3402.html
.....
Il y a un non-conformisme du chrétien qui ne se laisse pas
conformer. Cela ne signifie pas que nous voulons fuir monde, que nous ne
sommes pas intéressés par le monde; au contraire, nous voulons nous
transformer nous-mêmes et nous laisser transformer, transformant ainsi le
monde. Et nous devons garder à l'esprit que dans le Nouveau Testament, en
particulier dans l'Evangile de saint Jean, le mot «monde» a deux
significations, et indique donc le problème et la réalité dont il s'agit.
D'une part, le «monde» créé par Dieu, aimé de Dieu, au point de se donner
lui-même et son Fils pour ce monde; le monde est une créature de Dieu,
Dieu l'aime et veut se donner lui-même afin qu'il soit réellement création
et réponse à son amour. Mais il y a aussi l'autre concept de «monde»,
kosmos houtos: le monde qui est dans le mal, qui se trouve dans le pouvoir
du mal, qui reflète le péché originel.
Nous voyons ce pouvoir du mal aujourd'hui, par exemple,
dans deux grands pouvoirs, qui en eux-mêmes sont utiles et bons, mais qui
sont facilement susceptibles d'abus (ndt: le Saint-Père utilise un
néologisme, à mon humble avis "abusabili"): le pouvoir de la finance et le
pouvoir des médias. Tous deux nécessaire, car ils peuvent être utiles,
mais tellement susceptibles d'abus que, souvent, ils deviennent le
contraire de leurs véritables intentions.
Nous voyons comment le monde de la finance peut dominer l'homme, que
'l'avoir' et le 'paraître' dominent le monde et l'asservissent. Le
monde de la finance ne représente plus un instrument pour favoriser le
bien-être, pour favoriser la vie de l'homme, mais devient un pouvoir qui
l'opprime, qui doit presque être adoré: «Mammon», la vraie fausse divinité
qui domine le monde. Contre ce conformisme de la soumission à ce
pouvoir, nous devons être non-conformistes: ce qui compte, ce n'est pas
avoir, c'est d'être! Ne nous soumettons pas à cela, utilisons-le comme un
moyen, mais avec la liberté des enfants de Dieu
Et puis l'autre, le pouvoir de l'opinion publique.
Certes, nous avons besoin d'informations, de connaissance de la réalité du
monde, mais il peut être aussi un pouvoir de l'apparence; à la fin, ce qui
est dit est plus important que la réalité elle-même. Une apparence se
superpose à la réalité, devient plus importante, et l'homme ne suit plus
la vérité de son être, mais il veut surtout paraître, être conforme à ces
réalités. Et contre cela aussi, il y a le non-conformisme chrétien: nous
ne voulons pas être toujours «conformés», loués, nous voulons non pas
l'apparence, mais la vérité, et cela nous donne la liberté, et la liberté
vraiment chrétienne: la libération de ce besoin de plaire, de parler comme
la masse pense que ce devrait être, et avoir la liberté de la vérité, et
ainsi recréer le monde de telle sorte que personne ne soit opprimé par
l'opinion, par l'apparence qui ne laisse plus émerger la réalité
elle-même; le monde virtuel devient plus réel , plus fort et on ne voit
plus le monde réel de la création de Dieu. Le non-conformisme chrétien
nous rachète, nous restitue à la vérité. Prions le Seigneur de nous aider
à être des hommes libres dans ce non-conformisme qui n'est pas contre le
monde, mais qui est l'amour vrai du monde.
........
|
|