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la
haine programmée .... |
Dossier : |
Présentation :
Discours de
Jean-Paul II le Jeudi 27 janvier 2005 lu à
Auschwitz – ...Ce peuple, qui a
reçu de Dieu ce commandement : ‘Tu ne tueras pas’, a éprouvé en lui-même
à un degré spécial ce que signifie tuer. Devant cette pierre, il n’est
permis à personne de passer avec indifférence».
Discours de Jean-PaulII au Mémorial de
Yad VaShem Jeudi le 23 mars 2000
....« En tant qu'Evêque de Rome et Successeur de l'Apôtre Pierre,
j'assure le peuple juif que… »
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Commémoration d’Auschwitz
: Message de Jean-Paul II (intégral)
Message de Jean-Paul II
Soixante années ont passé depuis la
libération des prisonniers du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.
En cette circonstance, il n’est pas possible d’oublier le drame qui
s’est produit en ce lieu, résultat tragique d’une haine programmée. En
ces jours, il faut se souvenir des millions de personnes qui, sans
aucune faute de leur part, ont supporté des souffrances inhumaines et
ont été anéanties dans les chambres à gaz et dans les fours
crématoires. Je m’incline devant tous ceux qui ont eu à subir cette
manifestation du mysterium iniquitatis.
Lorsque, comme pape, j’ai visité le
camp d’Auschwitz-Birkenau en 1979, je me suis arrêté devant les
pierres consacrées aux victimes. Elles portaient des inscriptions en
plusieurs langues : polonais, anglais, bulgare, tzigane, tchèque,
danois, français, grec, hébreu, yiddish, espagnol, hollandais,
serbo-croate, allemand, norvégien, russe, roumain, hongrois et
italien. Dans toutes ces langues était gravé le souvenir des victimes
d’Auschwitz, de personnes concrètes, bien que souvent totalement
inconnues : des hommes, des femmes et des enfants. Je me suis alors
arrêté un peu plus longuement devant la pierre portant l’inscription
en langue hébraïque, disant : «Cette inscription rappelle le souvenir
du peuple dont les fils et les filles étaient destinés à
l’extermination totale. Ce peuple tire son origine d’Abraham, qui est
notre Père dans la foi (cf. Rm 4, 11-12), comme l’a dit Paul de Tarse.
Ce peuple, qui a reçu de Dieu ce commandement : ‘Tu ne tueras pas’,
a éprouvé en lui-même à un degré spécial ce que signifie tuer. Devant
cette pierre, il n’est permis à personne de passer avec indifférence».
Je répète aujourd’hui ces paroles.
Il n’est permis à personne de passer avec indifférence devant la
tragédie de la Shoah. Cette tentative de destruction systématique de
tout le peuple juif reste comme une ombre sur l’Europe et sur le monde
entier; c’est un crime qui marque pour toujours l’histoire de
l’humanité. Cela sonne, au moins pour aujourd’hui et aussi pour
l’avenir, comme un avertissement: on ne doit pas céder devant les
idéologies qui justifient la possibilité de violer la dignité humaine
en se fondant sur les différences de race, de couleur de peau, de
langue ou de religion. Je renouvelle cet appel à tous, et
particulièrement à ceux qui, au nom de la religion, ont recours aux
abus de pouvoir et au terrorisme.
Ces réflexions m’ont accompagné tout
spécialement lorsque, durant le Grand Jubilé de l’An 2000, l’Église a
célébré une liturgie pénitentielle solennelle à Saint-Pierre et aussi
lorsque je me suis rendu en pèlerinage aux Lieux Saints et que je suis
monté à Jérusalem. Au Yad Vashem – le Mémorial de la Shoah – et au Mur
occidental du Temple, j’ai prié en silence, demandant pardon et la
conversion des cœurs.
En 1979, je me souviens m’être aussi
arrêté pour méditer intensément devant deux autres pierres portant les
inscriptions en russe et en tzigane. L’histoire de la participation de
l’Union soviétique à cette guerre fut complexe, mais on ne peut
oublier que ce sont les Russes qui ont eu le plus grand nombre de
personnes ayant perdu tragiquement la vie au cours de cette guerre.
Dans les intentions d’Hitler, les Roms étaient aussi destinés à
l’extermination totale. On ne peut sous-évaluer le sacrifice de la vie
imposé à ces frères dans le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.
C’est pourquoi j’exhorte de nouveau à ne pas passer avec indifférence
devant ces pierres.
Je me suis enfin arrêté devant la
pierre avec l’inscription en langue polonaise. J’ai déclaré alors que
l’expérience d’Auschwitz constituait encore une «étape des luttes
séculaires de cette nation, de ma nation, pour défendre ses droits
fondamentaux parmi les peuples d’Europe. C’était encore un autre cri
pour le droit d’avoir sa propre place sur la carte de l’Europe. Encore
un compte douloureux avec la conscience de l’humanité». L’affirmation
de cette vérité était seulement un appel à la justice de l’histoire
pour la nation qui avait affronté tant de sacrifices pour la
libération du continent européen de la néfaste idéologie nazie et qui
avait été vendue comme esclave à une autre idéologie destructrice : le
communisme soviétique. Aujourd’hui, je reprends ces paroles – sans les
renier – pour rendre grâce à Dieu, parce que, grâce à l’effort
persévérant de mes concitoyens, la Pologne a trouvé sa juste place sur
la carte de l’Europe. Mon souhait est que cet événement historique
porte des fruits d’enrichissement spirituel réciproque pour tous les
Européens.
Au cours de ma visite à
Auschwitz-Birkenau, j’ai dit aussi qu’il faudrait s’arrêter devant
chaque pierre. Je l’ai fait moi-même, allant d’une pierre à l’autre,
méditant et priant, et recommandant à la Miséricorde divine toutes les
victimes qui appartiennent aux nations marquées par les atrocités de
la guerre. J’ai prié encore pour obtenir, par leur intercession, le
don de la paix pour le monde. Je continue de prier sans cesse, dans la
confiance que finira par l’emporter en toute circonstance le respect
de la dignité de la personne humaine, des droits de tout homme de
rechercher librement la vérité, de l’observance des normes de la
moralité, de la pratique de la justice et du droit de chacun à des
conditions de vie conformes à la dignité humaine (cf. JEAN XXIII,
Encycl. Pacem in Terris : AAS 55 [1963], pp. 295-296; La Documentation
catholique 60 [1963], col. 538).
Évoquant les victimes d’Auschwitz,
je ne peux manquer de rappeler qu’il y eût aussi, au milieu de cette
indescriptible accumulation du mal, des manifestations héroïques
d’adhésion au bien. Il y eut sans aucun doute quantité de personnes
qui acceptèrent, dans une grande liberté d’esprit, d’être soumises à
la souffrance, et qui firent preuve d’amour non seulement envers leurs
compagnons prisonniers, mais aussi envers leurs bourreaux. Certains le
firent pour l’amour de Dieu et de l’homme, d’autres au nom des plus
hautes valeurs spirituelles. Grâce à leur attitude, est devenue
évidente une vérité qui apparaît souvent dans la Bible : même si
l’homme est capable d’accomplir le mal, parfois un mal considérable,
le mal n’aura pas le dernier mot. Dans l’abîme même de la souffrance,
l’amour peut être vainqueur. Le témoignage de cet amour, attesté à
Auschwitz, ne peut tomber dans l’oubli. Il doit sans cesse réveiller
les consciences, éteindre les conflits, exhorter à la paix.
Tel paraît être le sens le plus
profond de la célébration de cet anniversaire. Si en effet nous
faisons mémoire du drame des victimes, nous ne le faisons pas pour
rouvrir des blessures douloureuses ni pour réveiller des sentiments de
haine ou des projets de vengeance, mais nous le faisons pour rendre
hommage à ces personnes, pour mettre en lumière la vérité historique
et par-dessus tout pour que tous se rendent compte que ces terribles
événements doivent être pour les hommes d’aujourd’hui un appel à la
responsabilité, pour construire notre histoire. Que ne se reproduise
jamais plus en aucun lieu de la terre ce qu’ont subi les hommes et les
femmes que nous pleurons depuis soixante ans !
Je salue tous ceux qui participent
aux célébrations de cet anniversaire et je demande pour tous à Dieu le
don de sa bénédiction.
Du Vatican, le 15 janvier 2005.
IOANNES PAULUS II
[Texte original: Polonais]
texte hébergé
en 01/05
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Discours à Yad
vaShem
CITE DU VATICAN, Jeudi 27 janvier
2005 (ZENIT.org) – « En tant qu'Evêque de Rome et Successeur de
l'Apôtre Pierre, j'assure le peuple juif que l'Eglise catholique,
motivée par la loi évangélique de la vérité et de l'amour et non par
des considérations politiques, est profondément attristée par la
haine, les actes de persécution et les manifestations d'antisémitisme
exprimées contre les juifs par des chrétiens en tous temps et en tous
lieux. L'Eglise refuse toute forme de racisme comme une négation de
l'image du Créateur intrinsèque à tout être humain (cf. Gn 1, 26) ».
Ces paroles de Jean-Paul II au
mémorial de Yad VaShem, le 2 » mars 2000, au mémorial de la Shoah, à
Yad VaShem, à Jérusalem, et leur suite, ont été citées en français par
le cardinal Jean-Marie Lustiger, envoyé spécial du pape, avant la
lecture du message du pape en polonais par le nonce apostolique en
Pologne, Mgr Jozef Kowalczyk.
Mémorial de Yad VaShem
Jeudi, 23 mars 2000
Les paroles de l'antique Psaume
jaillissent de notre coeur: "Je suis devenu comme un objet de rebut.
J'entends les calomnies des gens, terreur de tous les côtés! Ils se
groupent à l'envi contre moi, complotant de m'ôter la vie. Et moi je
m'assure en toi, Yahvé, je dis: C'est toi mon Dieu!" (cf. Ps 31,
13-15).
1. Dans ce lieu de la mémoire,
l'esprit, le coeur et l'âme ressentent un extrême besoin de silence.
Un silence qui invite au souvenir. Un silence dans lequel chercher à
donner un sens aux souvenirs qui reviennent de façon impétueuse. Un
silence car il n'existe pas de paroles assez fortes pour déplorer la
tragédie terrible de la Shoah. J'ai moi-même des souvenirs personnels
de tout ce qui se produisit lorsque les Nazis occupèrent la Pologne au
cours de la guerre. Je me rappelle de mes amis et mes voisins juifs,
dont certains sont morts, alors que d'autres ont survécu.
Je suis venu à Yad Vashem pour
rendre hommage aux millions de Juifs qui, privés de tout, en
particulier de leur dignité humaine, furent tués au cours de
l'Holocauste. Plus d'un demi-siècle s'est écoulé, mais les souvenirs
demeurent.
Ici, comme à Auschwitz et dans de
nombreux autres lieux en Europe, nous sommes écrasés par l'écho des
gémissements déchirants de tant de personnes. Des hommes et des femmes
nous expriment en criant de l'abîme l'horreur qu'ils ont connue.
Comment pouvons-nous ne pas prêter attention à leur cri? Personne ne
peut oublier ou ignorer ce qui se passa. Personne ne peut diminuer son
importance.
2. Nous voulons nous souvenir.
Cependant, nous voulons le rappeler dans un but, c'est-à-dire pour
s'assurer que jamais plus le mal ne prévaudra, comme ce fut le cas
pour des millions de victimes innocentes du nazisme.
Comment l'homme put-il éprouver un
tel mépris pour l'homme? Parce qu'il était arrivé au point de mépriser
Dieu. Seule une idéologie sans Dieu pouvait programmer et mener à bien
l'extermination de tout un peuple.
L'hommage rendu aux "justes des
nations" par l'Etat d'Israël à Yad Vashem pour avoir agi héroïquement
afin de sauver des juifs, parfois en allant jusqu'à offrir leur propre
vie, est la démonstration que, même à l'heure la plus sombre, toutes
les lumières ne se sont pas éteintes. C'est pourquoi les Psaumes, et
toute la Bible, bien qu'ils soient conscients de la capacité humaine
d'accomplir le mal, proclament que ce ne sera pas le mal qui aura le
dernier mot. Des abîmes de la souffrance et de la douleur, le coeur
des croyants s'écrie: "Et moi, je m'assure en toi, Yahvé, je dis:
C'est toi mon Dieu" (Ps 31, 14).
3. Les juifs et les chrétiens
partagent un immense patrimoine spirituel, qui découle de
l'autorévélation de Dieu. Nos enseignements religieux et nos
expériences spirituelles exigent de nous que nous vainquions le mal
par le bien. Nous nous rappelons, mais sans aucun désir de vengeance,
ni comme une incitation à la haine. Pour nous, nous souvenir signifie
prier pour la paix et la justice et nous engager pour leur cause. Seul
un monde en paix, où règne la justice pour tous, pourra éviter la
répétition des horreurs et des terribles crimes du passé.
En tant qu'Evêque de Rome et
Successeur de l'Apôtre Pierre, j'assure le peuple juif que l'Eglise
catholique, motivée par la loi évangélique de la vérité et de l'amour
et non par des considérations politiques, est profondément attristée
par la haine, les actes de persécution et les manifestations
d'antisémitisme exprimées contre les juifs par des chrétiens en tous
temps et en tous lieux. L'Eglise refuse toute forme de racisme comme
une négation de l'image du Créateur intrinsèque à tout être humain
(cf. Gn 1, 26).
4. En ce lieu de mémoire solennelle,
je prie avec ferveur que notre douleur pour la tragédie qu'a souffert
le peuple juif au XX siècle conduise à un nouveau rapport entre les
chrétiens et les juifs. Construisons un avenir nouveau dans lequel il
n'y ait plus de sentiments antijuifs parmi les chrétiens ou de
sentiments antichrétiens parmi les juifs, mais plutôt le respect
réciproque demandé à ceux qui adorent l'unique Créateur et Seigneur et
qui considèrent Abraham comme notre Père commun dans la foi (cf. Nous
nous souvenons: une réflexion sur la Shoah, V).
Le monde doit prêter attention à
l'avertissement qui provient des victimes de l'Holocauste et du
témoignage des survivants. Ici, à Yad Vashem, la mémoire est vivante
et vit dans notre âme. Elle nous fait nous écrier: "J'entends les
calomnies des gens, terreur de tous les côtés! [...] Et moi, je
m'assure en toi, Yahvé, je dis: C'est toi mon Dieu" (Ps 31, 13-15).
© Vatican.va
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