France : la rupture attendue .....

Dossier :

Présentation :  le 2ième bloc note d'Ivan Rioufol  ... après le referendum ...

Extraits :   ....Le bouillonnement observé ces derniers jours montre que le non a su réveiller les esprits et les responsabilités......Le rejet de la Constitution européenne, avalisé par la Grande-Bretagne cette semaine, ne peut se réduire à la seule question du chômage, comme l'assure le discours dominant......

 Le non est aussi l'expression d'un malaise national et d'une méfiance devant une modernité qui s'emballe.......le référendum a «fourni l'occasion d'un retour d'un refoulé national».

Ces dimensions ne peuvent s'accorder avec les discours à la mode invitant au multiculturalisme, au métissage des cultures et à la mondialisation......le souci des Français – mais aussi des Hollandais, des Anglais, des Danois, etc. – de consolider l'homogénéité de leurs cultures dans le cadre d'une «Europe européenne» oblige les «élites» ..... à aborder enfin le problème de l'immigration extra-européenne et de ses importantes mutations démographiques et religieuses.

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Ce que disent les Français ...Le non oblige les élites – qui ne sont plus des exemples – à ouvrir enfin les yeux sur l'état de la nation. Et le choc s'annonce rude.... Ivan Rioufol   ..3.06

L'Europe dans la crise des cultures ... card.Ratzinger

 

 

 

France : la rupture attendue

Auteur:   Ivan Rioufol (irioufol@lefigaro.fr)

Date :    10 juin 2005

    

 

Rappel des faits : les Français n'obéissent plus. En rejetant, à la fois, la Constitution et les injonctions des politiques et des médias, ils ont dit trois fois non. Réaction prévisible, tant notre République des faux gentils (1) – celle des discours de compassion et des leçons de morale – ignore la vie des gens. «2005 pourrait bien être l'année du divorce entre le peuple et ses élites. Et l'Europe risque d'en faire les frais», écrivais-je, ici, le 7 janvier : il suffisait de mettre le nez dehors. Mais la rupture avec l'Ancien Régime se fait attendre.

L'exclusion de Laurent Fabius du PS, samedi dernier, montre la réticence des responsables politiques à admettre l'ampleur historique de leur désaveu par les électeurs. Alors que Dominique Strauss-Kahn est de ceux qui n'auront pas pressenti la gravité des blessures de la société, il a justifié ainsi l'éviction du «mouton noir» (2) : «Ne pensez-vous pas que Laurent Fabius s'est mis en contradiction avec ce que les socialistes avaient majoritairement décidé ?» Pathétique entêtement.

La droite n'est guère plus lucide. devant l'inquiétude existentielle révélée le 29 mai et confirmée par le refus néerlandais, le gouvernement a invité les seuls syndicats comme témoins du malaise national. Cependant, que peuvent-ils proposer, sinon le statu quo qui asphyxie la nation ? «Pas question de toucher au minimum de protection qu'ont aujourd'hui les Français, c'est-à-dire le Code du travail. Sinon se sera la rue», a prévenu Jacques Voisard, président de la CFTC.

Mais la crise de la représentativité, ouverte par le rejet du référendum, n'épargne pas ces accapareurs du scrutin. A l'instar des autres corps intermédiaires, les syndicats actuels ne peuvent prétendre parler au nom de ceux qui réclament travail et protections. D'autant qu'ils n'ont jamais suscité l'adhésion des salariés. De surcroît, deux de leurs dirigeants – François Chérèque pour la CFDT, Bernard Thibault pour la CGT – ont appelé à voter oui à la Constitution. Et il faudrait encore leur cirer les bottes ?

La France est étouffée par ses envahissants tabous, et singulièrement par l'idéologie égalitariste. Elle lui interdit d'assumer une politique libérale, qualificatif honteux. Or elle est la solution qui lui permettrait de sortir de l'ornière. Aussi revient-il à la droite de dresser le bilan du «modèle social français», qui tolère un million d'enfants vivant sous le seuil de pauvreté, qui a créé près de trois millions de chômeurs et laisse 500 000 emplois non affectés. Le gouvernement n'en prend pas le chemin.

Pour avoir décidé de rester à son poste malgré la déroute des «ouiistes», Jacques Chirac s'est obligé à accompagner le désir de changements des citoyens. En nommant Dominique de Villepin à Matignon, il a choisi un premier ministre qui aura défendu les bienfaits d'une Europe ouverte aux vents et critiqué naguère, parlant de la France, «les nouveaux clercs qui sonnent le tocsin». Un homme ayant, apparemment, si peu deviné le réveil identitaire et si peu mesuré les faiblesses du pays peut-il espérer la confiance d'un peuple excédé ?

Lutter contre l'apathie

Parmi les révélations que laisse apparaître le non à la Constitution : la démobilisation, qui fut celle des hommes politiques face aux indispensables réformes économiques et sociales. Leurs soumissions au conservatisme syndical, aux pressions de la rue, au conformisme ambiant auront d'ailleurs incité de nombreux électeurs à voter pour le traité, dans l'espoir légitime de voir l'Europe libre-échangiste prendre le relais de responsables nationaux s'abritant derrière la bureaucratie bruxelloise. La révolte du 29 mai les oblige à reprendre leur rang.

Le bouillonnement observé ces derniers jours montre que le non a su réveiller les esprits et les responsabilités. Les propositions pour faire baisser le chômage, alléger les charges, relancer la croissance, inciter à la consommation, réhabiliter le travail se sont multipliées. Elles sont à portée de mains. Mercredi, à l'occasion de son discours de politique générale, Dominique de Villepin a fait un premier pas vers davantage de pragmatisme. Mais, une fois de plus, l'Etat a été appelé à soutenir l'emploi, à hauteur de 4,5 milliards d'euros en 2006. Les baisses d'impôts attendront.

Comme le notait dès le début du XXe siècle l'économiste oublié Yves Guyot, dont un éditeur republie opportunément les écrits (3) : «Est pernicieuse toute institution qui a pour objet de protéger un individu ou un groupe contre une concurrence : car elle a pour résultats l'apathie et l'étiolement des intéressés.» Mais c'est encore cette vieille lune qui inspire trop d'hommes politiques de droite, étrangers aux exigences des entreprises et paralysés par la peur de fâcher les grincheux gardiens du «modèle social» déglingué.

Derrière le non

La «bataille pour l'emploi» ne répond que partiellement à la rébellion des Français. Le rejet de la Constitution européenne, avalisé par la Grande-Bretagne cette semaine, ne peut se réduire à la seule question du chômage, comme l'assure le discours dominant. Le non est aussi l'expression d'un malaise national et d'une méfiance devant une modernité qui s'emballe. Deux analyses que confirment et enrichissent ces dernier jours l'historien Pierre Nora et le philosophe Michel Serres.

Nora estime (4) que le référendum a «fourni l'occasion d'un retour d'un refoulé national». «Par cette sorte de lettre anonyme que représente le scrutin, nous payons la ringardisation systématique de la moindre manifestation d'attachement à la nation (...) Les Français ne veulent plus mourir pour la patrie, mais la France est devenue une notion patrimoniale. La nation à laquelle les Français sont attachés au XXIe siècle s'enracine dans des formes culturelles.»

Pour sa part, Serres fait le rapprochement entre le 29 mai et les élections américaines du 2 novembre dernier : «Beaucoup de «bushistes» ne se sont pas contentés de dire non à la libéralisation d'un certain nombre de contraintes morales et sociales, à l'avortement, au mariage gay. Ils ont opposé une fin de non-recevoir à la direction générale que leur semble prendre l'histoire mondiale. Ils ont surtout récusé le processus dans lequel nous sommes engagés.»

Ces dimensions ne peuvent s'accorder avec les discours à la mode invitant au multiculturalisme, au métissage des cultures et à la mondialisation. Et l'accusation de «xénophobie», lancée par les belles âmes pour stigmatiser l'affirmation d'une conscience européenne et nationale, dévalorise sottement un comportement respectable, qui s'est exprimé en dehors des partis extrémistes.

«Immigration choisie»

Pour dire les choses autrement : le souci des Français – mais aussi des Hollandais, des Anglais, des Danois, etc. – de consolider l'homogénéité de leurs cultures dans le cadre d'une «Europe européenne» oblige les «élites» à aborder enfin le problème de l'immigration extra-européenne et de ses importantes mutations démographiques et religieuses. Ce message dérangeant n'a été qu'effleuré, mercredi, par le premier ministre : il n'a consacré qu'une poignée de secondes au sujet, sur un discours de près d'une heure. Mais en se disant favorable à une «immigration choisie», il a ébréché le dogme de l'antiracisme et du respect de l'Autre, qui oblige à accueillir la misère du monde.

C'est notamment pour n'avoir pas voulu admettre que l'immigration est au coeur des préoccupations de nombreux Français que les hommes politiques se sont coupés du peuple. Aussi peut-on saluer Villepin pour sa prise de conscience, qui lui vaut déjà les critiques du Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) s'élevant «contre ce traitement utilitariste, culpabilisant et stigmatisant de l'immigration». Pour sa part, l'UMP a tenu, hier à l'Assemblée, sa première convention sur le thème «Une immigration choisie, une intégration réussie». Le non oblige, là aussi, à briser rapidement les tabous.

École discriminante

«Quand on fera le bilan de Chirac, on ne se souviendra de rien. Sauf de mes réformes.» A peine l'ancien ministre de l'Éducation nationale, François Fillon, venait-il d'exprimer son dépit d'avoir été débarqué du nouveau gouvernement que son successeur, Gilles de Robien, annonçait mardi son intention de suspendre sa loi d'orientation sur l'éducation, votée par le Parlement mais contestée par les lycéens. Cet épisode, ajouté aux confidences du nouveau ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, laissant entendre qu'il traquera les complots menés contre lui par ses «amis» politiques, donne une idée de l'ambiance qui doit régner dans la majorité.

Pour en rester à l'éducation : la revue Le Débat consacre un excellent numéro (mai-août 2005) à l'enseignement. Il montre comment les réformes engagées dernièrement négligent l'essentiel : le renoncement du système éducatif à transmettre l'héritage de la culture française, au nom de l'apprentissage festif et du relativisme qui veut que tout se vaut, les opinions comme les écrits ou les personnalités. Dans cet univers sans relief, Coluche vaut Molière au palmarès des Français les plus exemplaires. Et chacun, dans ce karaoké littéraire, peut devenir écrivain.

Quant au «dépoussiérage» de la grammaire, il a conduit à faire fondre le contenu des enseignements entre 1985 et 1996, comme le remarquent Mireille Grange et Michel Leroux, qui estiment que les nouveaux programmes «sont un «coup de force dont les premières victimes sont les élèves des milieux défavorisés dont les parents n'ont pas la ressource de les faire travailler après la classe ou de faire appel aux officines spécialisées dans le rattrapage scolaire qui pullulent aujourd'hui. La maîtrise de la langue est plus que jamais un instrument de discrimination sociale.»

Profanation

Dimanche dernier, à Notre-Dame de Paris : des militants homosexuels parodient le mariage de deux lesbiennes par un faux prêtre, en présence de France 3. Lors de leur évacuation, Mgr Patrick Jacquin, recteur archiprêtre, est assommé et perd connaissance. Commentaire de Jérôme Martin, président d'Act Up Paris (5) : «Notre but est ici de montrer aux catholiques combien leur Église est violente à l'égard des homosexuels.» Devant cette profanation et cette brutalité, qui s'indigne ?

(1) De l'auteur, aux Éditions du Rocher (2) Le Figaro, 4-5 juin (3) La Tyrannie collectiviste, Les Belles Lettres (4) Le Monde, 4 juin (5) Le Parisien, 6 juin

 

 

 

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