Jean, musulman devenu chrétien :
«J'ai découvert la vraie image de Dieu»
Converti il y a six ans au
catholicisme, cet homme de 35 ans se heurte à l'ostracisme de ses
anciens coreligionnaires.
La haine est tombée. Jean, âgé de 35 ans et baptisé à Pâques 1998,
raconte sa conversion de l'islam au christianisme comme un torrent de
fraîcheur : «Le mur s'est brisé entre Dieu et moi.» Bouleversant, un
amour universel a surgi, sans exclusive, se voulant à l'image d'un
Dieu «père de famille qui chérit tous ses enfants, juifs, chrétiens,
musulmans, même les incroyants». Voilà le neuf dans sa vie, après un
islam qu'il juge désormais, sans acrimonie, «comme une drogue» ou «un
cercle vicieux».
Dans sa Kabylie natale, jusqu'à 11
ans, Jean a grandi, enrobé d'un islam conventionnel. Des bribes de
Coran en arabe lui étaient enseignées à l'école, comme une langue
étrangère. Un jour toutefois, au départ d'une course chronométrée, il
avait fait le signe de croix, sans savoir pourquoi. Ce geste machinal
lui revint plus tard à l'esprit, quand il s'est lancé vers le baptême.
Au départ de son cheminement
spirituel vers le catholicisme, les visages et l'action de Mère Teresa
et de l'abbé Pierre dont, par les médias, Jean admirait l'inlassable
énergie à combattre la misère. Néanmoins, il se disait : «Je crois en
Dieu, mais je ne crois dans aucune religion : elles ont divisé le
monde.» Un Kabyle de sa connaissance, qui se préparait au baptême, lui
suggéra de lire le Nouveau Testament. Un an plus tard, sans avoir
suivi le conseil donné, Jean lui demanda comment recevoir le baptême.
«Va à la paroisse», répondit simplement l'ami catéchumène.
Quelque temps après, le dialogue
s'engagea avec un prêtre qui donna à Jean un évangile, avec quelques
indications de lecture. Las ! Le nouveau disciple apprit par coeur une
kyrielle de versets bibliques comme pour le Coran. «Ce n'est pas
l'islam, sourit le prêtre. Lis, médite, laisse la parole du Christ
travailler en toi.» Alors, les rencontres se suivirent. Au lieu d'une
heure prévue, c'était le triple et Jean déversait un flot de
questions. «J'avais soif et l'Évangile devenait une source
inépuisable, raconte-t-il. Au fur et à mesure, je découvrais la vraie
image de Dieu notre Père, celle que je cherchais depuis longtemps.
Comme Jésus, je devais respecter tout le monde.»
Entré à son tour en catéchuménat,
Jean avance, s'émerveille, mais déchante aussi sur les chrétiens :
tous sont loin d'être parfaits, fidèles aux comportements évangéliques
! Lui aussi doit changer et il connaît un rude combat intérieur pour
sortir de ses anciennes habitudes religieuses qui ostracisent,
condamnent, tranchent. Il n'oublie pas que «certains musulmans sont
prêts à se flinguer plutôt que de devenir chrétiens».
Libération, joie, lumière : voilà ce
que Jean retient de son baptême où quelques membres de sa famille
l'entouraient. Au pays, de mauvaises langues ont rapporté qu'il était
entré dans une secte. Son père, vivant en France, trouvait que son
fils avait changé de comportement, en bien. «Deux ans de préparation,
de réflexion, d'approfondissement, de tiraillements, résume-t-il,
insistant sur la liberté qui lui fut laissée dans son parcours. C'est
le Christ qui convertit et, chez les chrétiens, tout se fait par la
rencontre des autres.» La foi chrétienne lui paraît maintenant un
accomplissement, même de sa culture.
De retour en Kabylie pour des
vacances, Jean ne subit aucune animosité parmi ses anciens
coreligionnaires, comme dans son entourage proche en France. Juste un
malaise, vite dissipé. Mais il doit endurer une ambiance détestable à
son travail, de la part de collègues musulmans. Il parle même de
harcèlement moral. «La France a beau être un pays de liberté et de
démocratie : dès qu'un musulman apprend ma conversion au
christianisme, il me rejette, se plaint Jean. Je connais même un jeune
converti de l'islam qui le cache à ses parents. L'intolérance vient de
l'ignorance. L'article premier du dialogue interreligieux devrait être
le respect de quiconque change de religion ; et aux imams de
l'enseigner !»
Notre néophyte dont nous avons dû
par prudence changer le prénom et taire toute autre précision,
n'adresse pas seulement des reproches à l'islam. Il juge aussi les
catholiques de France, trop frileux : «Si le musulman est souvent
démonstratif, le chrétien est complexé, comme si le malheur du passé
était de sa faute. L'Église en Europe est trop frileuse. Mais cette
peur d'affirmer la foi n'empêche pas les conversions. Cependant, si
une mosquée ouvrait un bureau des conversions, personne ne dirait
rien. Mais, si c'est une paroisse catholique qui le fait pour inviter
les musulmans à se convertir au christianisme, alors on crierait au
scandale !»
(Le Figaro 10/04/2004)