« 
            Si je ne puis fléchir les dieux d’en haut, je mettrai en mouvement 
            des puissances infernales de l’Achéron *» (tiré 
            de Virgile l’Enéide)  ….  
            En exergue de  L’Interprétation 
            des rêves 
 
          
          *mythologie grecque: un
          
          dieu fleuve coulant dans les 
          
          Enfers
          Vienne fin de siècle  
          29 -- le couronnement à Versailles, en 1871, du 
          roi de Prusse Guillaume Ier comme empereur d'Allemagne et l'ascension 
          au pouvoir de Bismarck comme tout-puissant chancelier de Reich 
          devaient nourrir leurs rêves d'hégémonie de la Prusse et miner un peu 
          plus l'autorité de Habsbourgs en Autriche. Si l'exposition universelle 
          organisée deux ans plus tard dans la ville impériale dévoile au monde 
          les prodiges de ses nouveaux bâtiments grandioses,  le crash boursier 
          qui accompagna la spéculation effrénée précipitera une partie de la 
          population dans la misère et la dépression.... « La joyeuse 
          apocalypse » … parmi les peintres qui s'associent à cette 
          révolution, Egon Schiele est certainement celui qui croise de plus 
          près les explorations de Freud dans le souci
          d'atteindre l’universel à travers le plus 
          intime.  À  
          un monde décadent 
          et hypocrite il présente le miroir des désirs cachés, les corps 
          marqués par l'impérieuse envie de vivre, le tourment de la sexualité 
          et l'angoisse de la mort.
           
          
          « La doctrine 
          psychanalytique est capable de 
          transformer le monde. Avec elle se trouve semé un esprit de 
          sereine défiance, une suspicion qui s'exerce sur les cachotteries et 
          les machinations de l'âme...... Cet esprit pénètre la vie, sape sa 
          grossière naïveté, la dépouille de ce pathos qui est le propre 
          de l'ignorance » Stéphan Zweig, Freud et l'avenir, 1936
           
          Portrait de famille
          36...  (Freud ).. se voulait un chercheur 
          dans les sciences de la nature . C'est d'ailleurs ce qui donne un 
          statut particulier à ce qu’il inaugure comme recherche sous le nom de 
          psychanalyse. Aucune science jusque-là ne prenait autant en compte les 
          éléments de l'histoire ou de la biographie de son inventeur, jusqu'au 
          contenu apparemment absurde de la vie onirique, tout  
          en voulant, à 
          travers cette singularité même, établir des lois qui rendent compte 
          universellement des formations de l'inconscient que sont les rêves, 
          les actes manqués, les lapsus, les symptômes, etc., aussi bien que les 
          mythes, contes et légendes qui construisent l'imaginaire religieux, 
          social ou politique….  
          41 -- Quand nous parlons de Freud ou de la 
          psychanalyse, nous ne savons pas toujours si nous ne prenons pas l'un 
          pour l'autre, si ces noms se confondent ou s'ils se distinguent 
          nettement... Aujourd'hui la psychanalyse, une certaine 
          psychanalyse, peut paraître davantage menacée d'oubli que le nom de 
          Freud....  Depuis le concept de 
          Freud de la trace, et des effets différés de son inscription, 
          toute une logique de temporalité et des repères chronologiques 
          traditionnels est bouleversée …
          43 -- en raison de cet intérêt précoce pour la 
          mythologie égyptienne et son panthéon animalier, on ne s'étonnera pas 
          que Freud ait pu très tôt comparer le texte inconscient du rêve à une 
          écriture hérioglyphique et qu'il ait gardé par devers lui que Moïse 
          aurait pu être égyptien. Une des statuettes préférées qu'il gardait 
          sur son bureau représentait la déesse Isis allaitant Horus, le dieu à 
          tête de faucons. Si le judaïsme a trouvé dans le monothéisme 
          égyptien la figure de Moïse pour faire l'unité de son peuple, la 
          religion chrétienne aura pour sa part substitué l'image de la Vierge 
          tenant Jésus dans ses bras à celle de l'Isis.
          Son père ( Jacob).. petit-fils de Rabbi .. et 
          fils de Rabbi … peut être considéré comme un homme des Lumières, qui 
          resta toute sa vie attachée aux valeurs traditionnelles du judaïsme.
          
          
          ... Il ( Jacob) ne réussit guère dans les 
          affaires et la famille devra en 1859 quitter Freiberg en Moravie pour 
          s'installer à Vienne, comme tant d'autres familles juives venues 
          de Slovénie, Roumanie, Pologne, Italie ou Hongrie. Jacob a quarante et 
          un ans lorsqu'il épouse Amalia Nathanson, de vingt ans sa cadette .. 
          Son père ayant déjà eu deux fils d'un précédent mariage... Freud était 
          déjà oncle à sa naissance.... Freud fut toujours angoissé à l'idée 
          qu'il pourrait mourir avant sa mère.
          
          45---Ma mère aura 
          83 ans cette année. Il m'arrive de penser que si elle meurt, cela me 
          donnera un peu plus de liberté car l'idée qu'il faudrait lui annoncer 
          que je suis mort a quelque chose qui vous fait reculer.
          
          46--Tout me fait 
          croire que la naissance d'un frère d'un an plus jeune avait suscité en 
          moi de méchants souhaits et une véritable jalousie enfantine et que sa 
          mort, survenue quelques mois plus tard, avait laissé en moi le germe 
          d'un remords.
          
           48--Ma vie n'a 
          d'intérêt que dans son rapport à la psychanalyse.
          
           51---Je ne puis 
          m'analyser qu’avec des connaissances que j'ai objectivement acquises.
           
           Les doubles de Freud en littérature et en 
          philosophie  
          61  
          -- la scène sociale ou politique, tout 
          comme l'histoire de l'humanité et des 
          religions, ne seront qu'une scène élargie, si complexe soit-elle, de 
          la scène inconsciente que nous pouvons observer en chacun de nous.
          
          Je m'apercevais de 
          plus en plus clairement que les événements de l'histoire de 
          l'humanité, les effets réciproques entre la nature humaine, 
          l'évolution culturelle et les retombées de ces expériences originaires 
          dont la religion se pose comme le représentant privilégié, ne sont que 
          le reflet des conflits dynamiques entre Moi, Ça et Surmoi que la 
          psychanalyse étudie chez l'individu, les mêmes processus repris sur 
          une scène de plus vaste.
           Revenants
          76 -- c'est dans un article publié 
          directement en français qu’apparaît pour la première fois en 1896 
          le terme « psychanalyse ». Emprunté au grec Analuein, ce verbe 
          inscrit deux motifs qui entrent en concurrence : l'un concerne la 
          remontée (ana) vers le plus originaire, l'élémentaire ; l'autre 
          est marqué par la déliaison, la 
          dissolution (la lysis). Appliquée à la psyché, 
          l'analyste s’emploiera à rechercher les traces des empreintes les plus 
          archaïque et à délier le trop de sens dans les rets duquel se trouve 
          retenu le symptôme.  
           77 -- … la régularité des phénomènes hystériques 
          lui arrache cette phrase…en exergue à la pièce Nathan le Sage 
          (Lessing) .. « Entrez, ici aussi il y a des dieux »  … 
          (qu'Aristote attribue sous sa forme grecque à Héraclite)
          Les maîtres en question
          80 -- De par les habitudes qu'il avait 
          acquises à Vienne, Freud cherche à lier ses observations en se 
          référant à l'une des théories en cours. À cela Charcot objecta un jour 
          en usant d'un aphorisme qui devait fortement impressionner son hôte
           
          : « La théorie, c'est bon, mais ça n'empêche pas d'exister. »
           
          83... Avec la notion d'inconscient, il fera de 
          la division interne du sujet une donnée essentielle de la vie 
          psychique, abolissant les frontières du « normal » et de « 
          l'anormal », et se départira progressivement de « la suggestion » pour 
          en revenir à libérer la relation psychanalytique des rapports de 
          pouvoir. Chemin faisant, Freud s'interroge sur le pouvoir des mots 
          comme instrument essentiel du traitement psychique.  
          85... Permettra à Freud de nouer l'inconscient au 
          langage comme sa condition essentielle …
          
          87  --... les 
          larges concordances de la psychanalyse avec la philosophie de 
          Schopenhauer -- il n'a pas seulement soutenu la thèse du primat de 
          l'affectivité et de l'importance prépondérante de la sexualité mais  
          il y a même deviné le mécanisme de refoulement ….. Quant à 
          Nietzsche, l'autre philosophe dont les pressentiments et les 
          aperçus coïncident souvent de la manière la plus étonnante avec les 
          résultats laborieux de la psychanalyse …...Je l’ai longtemps évité 
          précisément pour cette raison …   
           
          Un heureux contretemps
          Breuer … transfert et contre-transfert
          96 -- il n'y a pas d'analyse sans
          un processus de transfert 
          qui réactualise l'histoire, présentifie le passé dans une relation 
          qui n'est pas soumise aux mêmes avatars, répète des scènes anciennes 
          pour en dénouer l'intrigue. Mais ce transfert, qui ne peut 
          qu'impliquer des sentiments de tous ordres et la sexualité à laquelle 
          ils sont noués, offre une résistance à l'analyse dont il est en même 
          temps le ressort. Pour peu que l'analyste ne résiste pas lui-même.
           
          Le cœur tendu vers le sud
           
          106 -- dans son désir de jeunesse de combattre 
          l'antisémitisme, conquérir Rome représentait pour lui le combat à 
          mener contre les ennemis les plus implacables des juifs.  
          
          Hannibal et 
          Rome symbolisait à mes yeux d'adolescents la ténacité juive et 
          l'organisation catholique.
          
          Crois-tu que 
          vraiment qu'il y  aura, un jour, sur la maison, une plaque de 
          marbre sur laquelle on pourra lire : « C'est dans cette maison que 
          le 24 juillet 1895 le mystère du rêve fut révélé au Dr  Sigmund Freud 
          »
          
          113 -- Herr 
          Professor Doctor
          114 -- j'ai appris que notre vieux monde est 
          régi par l'Autorité, comme le nouveau par le Dollar... D'autres n'ont 
          pas besoins d'aller d'abord à Rome pour le comprendre.
          
          118 –  
          Moïse
          
          120 -- la 
          maîtrise du langage et de la mémoire est souvent ce qui fait défaut 
          dans la vie courante
          133 --... L'intérêt que porte Freud au destin des 
          pulsions lui fait distinguer le cas où 
          le refoulement sexuel ne réussit pas à renvoyer dans 
          l'inconscient une pulsion partielle du désir sexuel : la libido 
          se soustrait au destin du refoulement en se sublimant en avidité de 
          savoir et en s'associant à la pulsion d'investigation qui la renforce. 
          La pulsion peut alors agir librement au service de l'intérêt 
          intellectuel. Ce serait ce qui est arrivé à Léonard de Vinci. Dans 
          d'autres cas, ou bien l'activité de savoir est inhibé et la libre 
          activité de l'intelligence limitée, en raison du partage du destin de 
          la sexualité et de la pulsion d'investigation ; ou bien 
          l’investigation sexuelle refoulée revient à l'inconscient sous forme 
          de compulsion de ruminations et s’accompagne d'angoisse qui 
          limite la liberté de pensée car elle se trouve elle-même 
          inconsciemment sexualisée.. On voit que si l'idée de liberté peut 
          être associée à la psychanalyse, ce n'est pas, comme on le croit 
          souvent, la liberté sexuelle mais la liberté de pensée
           
           Théories sexuelles
           
           137 --
           deux des plus puissants ressorts 
          pulsionnels de la vie... la faim et l'amour
          140 --...  
          Freud cherchera à ancrer le fantasme 
          dans une réalité de la prime enfance... Et
          certains fantasmes universellement 
          partagés, seront reconnus comme étant toujours déjà là, 
          préexistant à toute histoire individuelle : les fantasmes originaires 
          qui trament une histoire, une légende, un récit autour de la question 
          de l'origine, de la différence des sexes, 
          du rapport à l'autre... Pour autant que des représentations 
          sexuelles -- dans le sens élargi que Freud donne à ce terme -- 
          recoupent ces fantasmes, la sexualité est 
          en elle-même « traumatique » pour l'homme.
          144 --  
          L'extension du concept de sexualité a 
          pour effet  de rendre perméable toute frontière,.......
          La sexualité de l'adulte ne conserve-t-elle pas à 
          maints égards un caractère infantile ou, tout au moins, les premières 
          marques des excitations et sensations de plaisir qui auront déjà été 
          éprouvées ?
          Suçotement, châtouillement, caresses, curiosité 
          se portant sur le corps de l'autre, sur sa chevelure, ses pieds, ses 
          vêtements, sa peau feront partie des composants de la vie amoureuse de 
          même que les odeurs et les parfums de l'enfance garderont intact leur 
          pouvoir d’évocations. Autant de facteurs internes comme la gêne, la 
          pudeur, la honte, que de facteurs externes comme les restrictions où 
          les interdits imposés par l'entourage participeront au refoulement des 
          premiers plaisirs des sens, surtout lorsque la libido aura tendance à 
          se manifester de manière plus intempestive dans son arrimage aux zones 
          érogènes ou dans sa liaison à la cruauté. De nombreux obstacles 
          entravent son cours principal et l'entraînent dans diverses dérives.
          Freud distinguera une libido du moi, appelé également libido 
          narcissique, de libido d'objets constituée par
          l'investissement des objets sexuels.
          
          Quatre stades, oral, anal, phallique et génital, seront isolés en 
          fonction à la fois des zones érogènes et  
          de la relation à l'objet sexuel.
          145 -- tout en conservant à cette époque le terme 
          « d'inversion » pour parler de l'homosexualité, il ne fait pas 
          de doute que Freud  ne porte aucun jugement, ni de valeur, ni 
          morale, sur le choix d'objets sexuels.
          146 – Jung … Adler
          147 -- Le bolchevisme croyait pouvoir 
          l'utiliser pour détruire l'autorité du père et les liens de la famille 
          afin qu'il n'y ait plus que des enfants de la Nation et du Père des 
          peuples.
          La dernière trouvaille de l'école 
          révisionniste ne ferait de la psychanalyse pas même « une science 
          juive », ni une « science bourgeoise », ni même une « « science athée 
          ». Niant à son tour toute différence entre le fantasme et la réalité 
          elle relègue la vie psychique inconsciente et la sexualité qui 
          l’imprègne  au domaine de la pure lubie pour n’ attacher d'importance 
          qu'à une réalité pragmatique..... Ce qui paraît proprement 
          inconcevable à ses tenants, c’est que Freud ait consacré une part 
          importante de sa libido à l'investigation et à la connaissance des 
          sources mêmes de l'énergie sexuelle et des avatars de ses 
          manifestations.
           
          L'homme Freud
          bague... Amour courtois... Situation précaire... 
          Télépathie... Jalousie  (rs..René 
          Girard)... Émancipation des femmes...
          
          159  -- Il est 
          tout à fait impensable de vouloir lancer  
          les femmes dans la lutte pour la vie à la manière des hommes. 
          Devrais-je, par exemple, considérer ma douce et délicate chérie comme 
          une concurrente ? Dans ce cas, je finirais par lui dire comme je l'ai 
          déjà fait il y a dix-sept mois, que je l'aime et que je mets tout en 
          oeuvre pour la soustraire à cette concurrence et que je lui attribue 
          pour domaine exclusif la paisible activité de mon foyer.
           
          
          163 –  
          Superstition
          
          164 -- depuis 
          son analyse avec Fliess, Freud demeure hanté par la croyance que sa 
          mort surviendra à l'âge de 61 ou 62 ans
          
           
          Le cercle des premiers disciples
          180 -- porcs-épics
          183 -- Jung  
           
          Histoires de cas
          196 -- comme l'intrus du wagon-lit qui n'est 
          autre que Freud lui-même ; Dora, Paul, Herbert... c'est chacun  dans 
          sa singularité, mais sous leurs traits singuliers,  
          leur double se 
          trouve en nous pour peu que nous consentions à l'épreuve du miroir.
          200 -- névralgie faciale... autopunition... 
          « l'homme aux rats »
          204 -- complexe d'Oedipe et celui de la 
          castration... Avoir joué avec son « fait-pipi »... la 
          transformation de la libido refoulée se fait par l'apparition de 
          l'angoisse qui doit trouver un objet de substitution dans le matériel 
          phobique...
          209 -- 1914 … Freud rédige « Extrait » qui 
          s'avère un véritable travail de composition romanesque centrée sur 
          l'enfance du patient et sur la reconstruction de sa vie à partir de 
          ses pulsions sexuelles
          212 --.. 1910... . Freud ne livre dans son étude 
          que ce qui se rapporte à la névrose infantile sous forme de névrose 
          obsessionnelle avec un cortège de symptômes liés à la castration, au 
          masochisme, à l'homosexualité. C'est à propos de ce cas qu'il est 
          amené à aborder une nouvelle forme de rejet du savoir distincte 
          du refoulement....  Il confirme que la réalité psychique est 
          une forme d'existence particulière qui a ses propres lois et qu'il ne 
          faut pas confondre avec la réalité matérielle.
          213 -- 1912... Il écrira « Sur le plan plus 
          général des rabaissements de la vie amoureuse » où il abordera le 
          clivage entre les deux courants de la vie amoureuse, le courant 
          tendre et le courant sensuel, comme étant le symptôme d'un 
          développement inachevé.
           
          
          
          La où ils s’ aiment, ils ne désirent pas 
          et la où ils désirent, ils ne peuvent aimer. Ils 
          recherchent des objets qu’ils n'aient pas besoin d'aimer afin de 
          maintenir leur sensualité à distance de leur objet d'amour et, selon 
          les lois de la « sensibilité complexe » et du « retour du refoulé », 
          cette étrange défaillance qu’est l‘impuissance psychique 
          survient lorsque, dans l'objet choisi pour éviter l'inceste, un trait, 
          souvent peu voyant, rappelle l'objet à éviter.
          215 – ... comme on ne peut exclure la libido du 
          psychisme, cette dernière proposition -- Je n'aime personne 
          -- ne peut qu'être équivalent à Je 
          n'aime que moi.
           
          ( rs houellebecq)
          216 -- ….Freud aura parfaitement saisi que la 
          perception interne des processus psychiques est à peu de chose près la 
          même dans la folie que dans l'auto-observation.
          
          L'avenir dira si 
          la théorie contient plus de folie que je ne le voudrais, où la folie 
          plus de vérité que d'autres ne sont aujourd'hui dispensés à le croire
          
          217 -- ... La névrose ne dénie 
          pas la réalité, elle veut seulement ne rien savoir d'elle. ; la 
          psychose la dénie et cherche à la remplacer.
          
          
          un comportement 
          qui réunit certains traits des deux réactions, qui, comme la névrose,
          ne dénie pas la réalité, mais 
          s'efforce, comme la psychose,
          de la modifier.
           
          Pendant la guerre
          
          
          219 --... 1914 …Si 
          vous observez ce qui se passe en ce temps de guerre -- les cruautés et 
          les injustices dont se rendent responsables les nations les plus 
          civilisées, la façon différente dont elles jugent leurs propres 
          mensonges et méfaits en comparaison de ceux de leurs ennemis, et le 
          manque général de discernement qui prévaut -- vous devrez admettre que 
          la psychanalyse ne s'est pas trompée.
          220 -- Freud développera deux motifs de 
          désillusion provoquée par la guerre. L'un, le peu de moralité des 
          Etats qui ne manquent pas de se poser par ailleurs comme les garants 
          de valeurs morales. Ce qui laisse à penser que, en temps de paix, 
          l'Etat n'interdit pas la violence 
          pour l'abolir mais pour la monopoliser à son service et que, en temps 
          de guerre, il se soustrait sans vergogne au traité et conventions qui 
          le lient à d'autres Etats en demandant à ses citoyens de l’approuver 
          au nom du patriotisme.... La cruauté telle qu'elle était associée, 
          dans les Trois essais sur les théories sexuelles de 1905, à 
          la sexualité enfantine, devient en temps de guerre indissociable de la 
          violence d'Etat, de la souveraineté de l'Etat, de son pouvoir 
          souverain qui ne cache ni sa cupidité ni son aspiration à la puissance 
          et autorise ses sujets à commettre les pires actes de cruautés et de 
          barbarie au nom du patriotisme.
           222 -- 
          citoyen du monde de 
          la culture...
          
          224 -- 1915  –Nous 
          avions, certes, espéré que 
          l’impressionnante communauté d’intérêts  instauré par le commerce et 
          la production fournirait le début d'une contrainte externe à la 
          moralité, mais il semble que les peuples obéissent encore pour 
          l'instant beaucoup plus à leurs passions qu’à leurs intérêts. Tout 
          au plus se servent-ils des intérêts pour rationaliser leurs passions ; 
          ils mettent en avant leurs intérêts pour pouvoir donner des raisons à 
          la satisfaction de leurs passions
           
           226 – 1912---Freud songe à mettre au jour
          une nouvelle dualité pulsionnelle, 
          celle d'Eros et de Thanatos... C'est-à-dire des pulsions de 
          vie et de mort qui régissent l'économie psychique tant des peuples que 
          des sujets... On va jusqu'à saluer dans la guerre l'accomplissement 
          d'un rite de purification. ( RG bouc 
          émissaire ..)
          
          227 -- J'avais 
          conclu dans le secret de mon âme que, puisque nous voyions la culture 
          la plus haute de notre temps si affreusement entachée d'hypocrisie, 
          c'est qu’organiquement nous n'étions pas faits  
          pour cette culture. Il ne nous reste qu'à nous retirer et le grand 
          Inconnu que cache le destin reprendra des expériences culturelles du 
          même genre avec une nouvelle race.  
          231 -- De ses travaux avant la Grande Guerre, 
          Freud considérait que Totem et tabou était la 
          troisième étude la plus importante. La première 
          avait révélé comment le rêve
          réalise de façon déguisée des désirs inconscients, la 
          deuxième avait dévoilé l'importance de
          la sexualité infantile dans la vie 
          psychique, la troisième, partant des données 
          acquises de la psychanalyse, entendait expliquer
          l'origine des sociétés et de la religion 
          en donnant un fondement historique au mythe d'Oedipe et à 
          l'interdiction de l'inceste. Ce petit sauvage d'enfant, en proie à 
          tous les désirs, qui se voit interdire la mère par un père menaçant, 
          est l'héritier d’un temps primitif ou un mâle despotique se serait 
          approprié toutes les femmes de la tribu jusqu'au jour où les fils se 
          seraient ligués contre lui pour le mettre à mort. Souhaité ou 
          accompli, reconnu ou démenti -- c'est tout comme pour l'inconscient, 
          qui ne connaît pas d'indices de la réalité --, le meurtre devait 
          laisser les fils accablés de culpabilité et de repentir, contraint 
          d'instituer un nouvel ordre : prohibition  de l'inceste, 
          représentation du père mort par un animal totem et nécessité de 
          transporter ses désirs hors du clan (loi de l'exogamie). L’ animisme 
          de l'enfant qui attribue aux choses une âme analogue à l'âme humaine 
          est un vestige de l'animisme primitif. Comme système de pensée,
          l'animisme permet de concevoir le 
          tout du monde, à partir d'un seul., comme un ensemble cohérent. 
          Cette phase animiste, au cours de laquelle l'homme s'attribue la 
          toute-puissance sur les choses du monde, est relayée par une phase 
          religieuse où cette toute-puissance est déléguée aux dieux tout en 
          gardant sur eux de multiples influences par l'intermédiaire des 
          sacrifices et offrande consentis à la divinité pour se concilier ses 
          faveurs. Dans la vision scientifique du monde, l'homme reconnaît qu'il 
          est soumis aux nécessités naturelles, dont celle de la mort. Mais si 
          la prise en compte des lois de la réalité relègue derrière elle la 
          toute-puissance de la pensée, il survit en elle un reste de croyances 
          en la puissance de l'esprit humain qui lui permet de s'employer à la 
          maîtrise de la nature. On imagine aisément que, parallèlement, les 
          composantes pulsionnelles de la sexualité s'adonnent chacune au gain 
          de plaisir en trouvant leur satisfaction sur le corps propre. C'est le
          stade auto-érotique. Ce stade sera 
          relayé par le choix du corps de l'autre 
          comme objet à la place du sien
          propre. Il existe un stade intermédiaire, auquel la 
          libido sera toujours prompte à faire retour, où l'objet n'est pas 
          étranger : c'est le moi propre. Cette 
          intrication 
          narcissique 
          de la libido ne sera jamais 
          abandonnée. Elle sera toujours une composante du
          choix d’objets externes.
          Que les visions du monde que l'homme a pu se 
          forger au cours des siècles puissent être comparées aux étapes du 
          développement libidinal de l'individu ne manquait pas d’audace et 
          devait se heurter pour longtemps à l'incrédulité. N'était-il pas 
          scandaleux de voir le commencement des organisations sociales, des 
          restrictions de la morale et de la religion plonger leurs racines 
          jusque dans les cérémonies commémoratives du repas totémique, dans 
          l'acte de consommer le père primitif, 
          redouté et envié, pour s'approprier une partie de sa force ?...
          
          236 -- novembre 1917 
          --  j'ai travaillé très dur, je me sens usé et je commence à trouver 
          le monde franchement repoussant. La superstition que ma vie pourrait 
          s'achever en février 1918 me paraît souvent une idée plaisante. Je 
          dois parfois lutter ferme pour retrouver un ascendant sur moi-même.
           Nul doute qu'il y parvint puisque ces années de 
          guerre furent aussi consacrées aux grands projets d'une 
          métapsychologie : une tentative de 
          décrire les processus psychiques inconscients sous l'angle de leur 
          rapport dynamique, topique et économique.
          238 -- 1921 -- dans « Psychologique des masses 
          et analyse du moi » … :  
           si un autre 
          lien de masse venait à la 
          place du lien religieux, comme le lien de masse socialiste semble 
          réussir à le faire, il en  résultera envers ceux qui sont en dehors, 
          la même intolérance que celle qui a sévi à l'âge des Guerres de 
          religions
            
          Der Tod  
          
           241 -- Comme je suis profondément incroyant, je n'ai personne à 
          accuser et je sais qu'il n'existe aucun lieu où l'on puisse porter sa 
          plainte. « L'heure éternellement invariable du devoir » (Goethe) et « 
          la douce habitude de vivre » (citation de Goethe) feront le reste pour 
          que tout continue. Tout au fond de mon être, je décèle le sentiment 
          d'une offense narcissique  irréparable.
           
          
          244 -- principe de 
          liaison... principe de déliaison  .. Platon
          248 -- 1908...
           
          Freud « l'homme sans dieu » …pasteur suisse Oskar Pfister
          250 -- En prenante 
          comme exemple de masses organisées avec meneur l'Eglise et 
          l'armée -- mais une idéologie ou une cause peuvent se substituer aux 
          meneurs --, Freud met en évidence la nature des liens libido qui 
          unissent des membres entre eux et chacun des membres à celui (guide, 
          commandant, chef) qui se voit mis à la place de l'Idéal du Moi ou du 
          Surmoi comme objet d'admiration ou de crainte. Le guide est 
          censé aimer chacun d'un amour égal et chacun cède une part de son 
          narcissisme pour tisser le lien de fraternité qui l'unit aux autres 
          membres.... Freud y fait allusion en parlant du « lien de 
          masse socialiste » qui dans la Russie de 1920, tend à occuper la 
          place auparavant tenue par l'Eglise. Si le Chef s’avère défaillant, 
          s'il disparaît, alors la panique politique s’empare des membres. Ils 
          se voient abandonnés et nourrissent à l'égard du chef les sentiments 
          de haine jusqu'alors refoulés.   
          252 -- pulsion de 
          pouvoir  
          254 – 1923---Freud fit part à Deutsch de son 
          souhait qu'il l’aide à quitter le monde de manière décente s'il était 
          condamné à mourir dans d'atroces souffrances.
           
          La vie sans illusions
          258 -- 1907 -- Freud avait assimilé 
          la 
          religion à une culture fétichiste généralisée dans le déni des 
          réalités humaines.
          261 -- Aux États-Unis sévit à nouveau le combat
          
          des créationnistes contre la pensée évolutionniste 
          ...
          
           263 –
           Je ne sais (lui écrit Freud) si vous avez saisi le lien 
          secret qui existe entre l’« Analyse par les non médecins » et l’ « 
          Illusion » ? Dans l’un, je veux protéger l'analyste contre le médecin, 
          dans l'autre contre les prêtres. Je voudrais lui assigner un statut 
          qui n'existe pas encore, le statut 
          de pasteurs d'âmes séculiers qui n'auraient pas 
          besoin d'être médecins et pas le droit d'être prêtre.
          
           
          Le droit à la psychanalyse  
          274 -- de même Freud met-il en garde contre 
          l’idéologie de l'efficacité (efficiency) qui mêlée au 
          proverbial time is money, concourt à diminuer la sévérité du 
          Surmoi quand il s'agit de ce qui intéresse le profit. La 
          multiplication des thérapies brèves, même illusoires, se retrouvent 
          aisément dans cette idéologie.
           
          Warum Krieg ?
           276 – 1919---discours du président  Thomas 
          Woodrow Moore   … les Croisés  ..
          278...Freud quand il parlait, dans L’avenir 
          d’une illusion, « De la prétention de 
          la pieuse Amérique d'être la 
          propre patrie de Dieu ..(God’s own country )» l’étude menée avec 
          William Bulitt sur le président  ( Wilson) mérite attention...... 
          Elle pourrait bien, au-delà de son difficile déchiffrement, être la 
          mémoire, l'archive, la matrice d'un autre déchiffrement, celui de la 
          mondialisation de la religion -- partie cachée du spectre
          de la mondialisation marchande.
          Comme programme bio-politique s'inscrivant dans l'horizon 
          de la mort de Dieu,
          la mondialisation en cours 
          soutient la promesse d'une nouvelle rédemption, d'une restauration de 
          l’indemne et de l'indemnisation, fût-ce au prix des pires cruautés 
          et du meurtre d'âme surajouté. Du même coup, les hégémonies qui y 
          ont pris racine ne peuvent que se sentir sourdement menacées et 
          conduites à adosser leur sécurité et celle des peuples à la croyance 
          en une élection divine, à la croyance en un peuple choisi par Dieu 
          pour représenter la justice idéale, décider où  est le Bien et où se 
          trouve le Mal.  
          282 -- Wilson... 
          :"  Par la Providence de Dieu, 
          une lumière nouvelle se lève en Amérique qui projette les rayons de la 
          liberté et de la justice au loin sur toutes les mers et même sur les 
          terres qui stagnent dans les ténèbres et refusent de la voir...."
           
          
          Wilson se voyait en futur Père des nations...
          284 -- Traité de Versailles... 
          Albert Einstein... Marie Curie... Paix et désarmement  .. 
          Organisation supra-étatique... Limitation de la souveraineté des 
          Etats…
          286 -- la nécessaire hypothèse d'une cruauté 
          originaire mise en oeuvre par une pulsion de pouvoir  …
          287 -- C'est donc autour du mot cruauté 
           (…R.Girard..violence1) 
          , du sens de la cruauté, des cruautés, que l’argumentation de 
          Freud se fait à la fois le plus politique et le plus 
          rigoureusement analytique lorsqu'il est interrogé sur ce qui ne va pas 
          dans le monde, sur ce qui ne va pas 
          dans la mondialisation déjà annoncée.. C'est à cette 
          logique de la sommation des pulsions destructrices et des pulsions 
          sexuelles, enrôlées et dominées par la pulsion de pouvoir, de 
          domination, de souveraineté, que la 
          révolution psychanalytique doit se confronter. Son 
          progressisme sans illusions ne saurait penser éradiquer 
          les pulsions de cruauté et de pouvoir, 
          pas plus celles qui relèvent du quotidien que celle qui a abondent 
          malheureusement dans l'histoire. Elles 
          sont indéracinables. En revanche, la raison psychanalytique
          œuvre à la limitation du pouvoir, de la cruauté, de la 
          souveraineté en proposant des voies indirectes qui en constituent des 
          forces antagonistes. Ces voies vont de l'amour, de l’amour de la vie, 
          jusqu'à prendre en compte l'inégalité, aussi indéracinable, qui divise 
          en classe les guides, les chefs, les meneurs d'un côté et, de l'autre, 
          les masses dépendantes qui suivent les premiers..
          Il faudrait, dira Freud, éduquer une 
          couche supérieure d'hommes à l'esprit indépendant, capable de résister 
          à l'intimidation et soucieux de vérité, pour qu'ils dirigent les 
          masses dépendantes. L’idéal serait une communauté  
           dont la liberté 
          consisterait à soumettre la vie pulsionnelle à une 
          
          « dictature de la raison ».
          ( rs franc-mac ?)
           
          La terre impromise
          290 --  
          pour la narcissisme humain
           
          
          
          la vexation cosmologique  … Copernic... 
          ( l’homme avec son) penchant à se ressentir comme le maître de ce 
          monde... Charles Darwin... La première vexation...
          
           ... la vexation biologique …L'homme 
          n’est, rien d'autre ni rien de mieux que les animaux… la deuxième 
          vexation pour la narcissisme humain
          
          la vexation psychologique … 292…Le moi 
          rencontre des limites à son pouvoir à l'intérieur de sa propre maison, 
          l'âme.... Le psychique en toi ne coïncide pas avec ce dont tu es 
          conscient... 
          
           295…Entre en 
          toi-même, dans des profondeurs, et apprend d'abord à te connaître, 
          alors tu comprendras pourquoi il te faut 
          devenir malade, et tu éviteras peut-être de le devenir. »... 
          Le moi n'est pas maître dans sa propre maison... Elles représentent 
          ensemble la troisième vexation infligée à l'amour-propre, la vexation 
          psychologique.  Rien d'étonnant donc que le moi n'accorde pas sa 
          faveur à la psychanalyse et refuse obstinément toute créance.
          299 -- Parti de l'interrogation
           :  
          
          « Pourquoi le peuple juif s’est-il attiré 
          tant de haine  depuis si longtemps et pourquoi cette haine 
          insiste-t-elle aujourd'hui aussi violemment »...
          
          
          300 – 
          J’ose affirmer qu'aujourd'hui encore la jalousie à l'égard du 
          peuple qui se donna pour l'enfant premier né, favori de Dieu le Père, 
          n'a pas été surmonté chez les autres comme s'ils ajoutaient foi à 
          cette prétention.
          
           ... Il n'est 
          pas douteux qu'ils ont une opinion particulièrement haute d'eux-mêmes, 
          qu’ils se considèrent comme plus nobles, d'une situation plus élevée, 
          supérieurs aux autres, dont ils se séparent aussi par nombre de leurs 
          usages. En même temps, ils sont animés d'une confiance particulière 
          dans la vie, comme celle que confère la possession secrète d'un bien 
          précieux. Nous connaissons le fondement de ce comportement et savons 
          en quoi consiste leur trésor secret. Ils se considèrent vraiment comme 
          le peuple élu de Dieu.
          
           Moïse 
          le fit…en élevant leur amour-propre, en les assurant qu'ils 
          étaient le peuple élu de Dieu ; il leur imposa de se sanctifier et de 
          vivre à l'écart des autres.. Comme savons que cela fut accompli par 
          Moïse, en affirmant qu'il agissait sur l'ordre de Dieu, nous  osons 
          dire (seconde audace de Freud) 
          que ce fut le seul homme Moïse qui a créé les juifs.
           Les trois dernières phrases du livre :
          Si L'Homme Moïse a pu représenter, à 
          certains égards, une atteinte narcissique pour tout peuple ayant la 
          prétention de se croire le peuple élu de Dieu, il est surtout 
          l'oeuvre de déconstruction radicale de toute idée d'exclusion, de race 
          et d'identité culturelle. C'est sur la mémoire de 
          l'expérience des générations antérieures qu'une symbolicité transcende 
          la diversité des langues et des peuples. 
          La limitation de la pulsion de pouvoir, de domination, de souveraineté 
          tient de la nécessité, tout autant pour les peuples que pour chacun 
          des sujets. Ce qui pourrait se traduire en un aphorisme : plus d'un 
          nom, plus d'une langue, plus d'un Etat, plus d'une filiation. Que la 
          terre impromise.
          
          
          
          
           
          Repères chronologiques  
          305 
          Références bibliographiques   318 
          Notes   
          324 …334
           
           
          
          Remerciements
           À Gérard de Cortanze, directeur de 
          la collection, qui a bien voulu accepter  que cette biographie de 
          Freud mette l'accent sur la dimension politique, insuffisamment 
          remarquée, de son oeuvre.