Avoir défini l'Etat d'Israël comme un Etat juif
est la clef de sa perte. Un Etat juif, c'est explosif, c'est de la
dynamite." Ces propos sont ceux de
l'ex-président de la Knesset de 1999 à 2003 et ex-président de
l'agence juive, Avraham Burg.
M. Burg n'a jamais mâché ses mots, mais, dans un
entretien publié vendredi 8 juin dans le quotidien Haaretz,
ce politicien reconverti dans les affaires va jusqu'à qualifier
Israël, pays qu'il a quitté pour vivre en France, de "ghetto
sioniste". Il considère qu'il est temps de dénoncer la théorie
de Théodor Herzl, estimant qu'après la création d'Israël, le
sionisme aurait dû être aboli. Lorsqu'on lui demande ce qu'il pense
d'un Etat juif démocratique, il indique :
"C'est confortable, c'est sympa, c'est de la guimauve, c'est rétro.
Cela donne un sentiment de plénitude, mais c'est de la
nitroglycérine."
Auteur d'un livre, Vaincre Hitler, cet
ex-pilier du mouvement pacifiste La Paix maintenant envisage de
remettre en cause la loi du retour qui permet à tout juif de venir
vivre en Israël. Il estime que cette loi est "le miroir de
l'image d'Hitler" et "je ne veux pas qu'Hitler définisse mon
identité".
Ce militant du dialogue avec les Palestiniens
qualifie la société israélienne de "paranoïaque", pense que
"la clôture de séparation procède de cette paranoïa" et
s'insurge contre "la xénophobie". Il constate que "de
nombreuses lignes rouges ont été franchies au cours des dernières
années". Il y a, selon lui, "de bonnes chances que la
prochaine Knesset interdise les relations sexuelles avec les Arabes.
Nous sommes déjà morts mais nous ne le savons pas encore. Tout
cela ne marche plus".
M. Burg compare l'état de la société israélienne à
l'encontre des Arabes à celui de l'Allemagne lors de la montée du
nazisme, mettant en avant "le caractère
central du militarisme dans notre identité. La place des officiers
de réserve dans la société. Le nombre d'Israéliens armés dans les
rues. Où va cet essaim de gens armés ? Ils disent publiquement "les
Arabes dehors !"".
Se définissant comme un citoyen du monde, il
qualifie l'occupation de la Cisjordanie "d'Anschluss" et
prédit "une explosion sans fin". Et de conclure : "La
réalité israélienne n'est pas excitante, mais les gens ne veulent
pas l'admettre. Nous sommes au pied du mur. Demandez à vos amis
s'ils sont sûrs que leurs enfants vont vivre ici. Au maximum, 50 %
diront oui. Autrement dit, l'élite israélienne est déjà partie, et
sans élite, il n'y a pas de nation."