Les bidonvilles rassemblent ainsi 1 milliard
d'humains, un sixième de la situation mondiale, qui vivent dans des
conditions précaires, dans un environnement insalubre, caractérisé
notamment par une eau rare et chère, et dans des structures sociales
souvent disloquées dont témoigne la "prolifération des enfants des rues
et des orphelins sans abri".
C'est un fait majeur : la pauvreté en ville est
devenue aussi importante que dans les campagnes, et le modèle urbain -
qui suppose une amélioration du niveau de vie - semble ne plus
fonctionner : c'est que "rares sont les villes des pays en développement
qui créent suffisamment d'emplois pour répondre à la demande de leur
population croissante".
"ILOT DE CHALEUR"
Pourtant, constate le rapport, "lorsque les
populations rurales migrent vers les villes, elles font un choix
rationnel". En effet, explique Jacques Véron, chercheur à l'Institut
national d'études démographique, "on pense toujours qu'on trouvera mieux
en ville, sans compter que la division à chaque génération des parcelles
cultivables dans les campagnes les rend trop petites pour qu'elles
soient viables". Pour l'essayiste américain Mike Davis, si
l'urbanisation continue malgré la misère en ville, l'explication est à
chercher dans l'absence de soutien à l'agriculture : "Les politiques
(...) imposées par le FMI et la Banque mondiale ont continué à entraîner
l'exode du surplus de main-d'oeuvre rurale vers les bidonvilles urbains,
alors même que les villes cessaient de fonctionner comme des machines à
créer de l'emploi, écrit-il dans Le pire des mondes possibles (éd.
La Découverte). Les villes ont tout simplement récolté les fruits de
cette crise agraire mondiale."
L'autre caractéristique de la nouvelle révolution
urbaine est que son impact environnemental est maintenant très
perceptible. D'une part, les villes subissent les nuisances
environnementales créées par leur développement mal contrôlé. Les
pauvres en sont les premières victimes. Mais le changement climatique va
aussi aggraver les conditions de vie, en augmentant le phénomène d'"îlot
de chaleur" que génère la concentration urbaine, en altérant les cycles
hydrologiques locaux, en multipliant les inondations ou les glissements
de terrain. Une menace nouvelle est constituée par l'élévation du
niveau de la mer, alors que 13 % de la population urbaine vit dans les
zones côtières, et que les migrations vers les côtes continuent, comme
en Chine.
Mais la ville physique est aussi facteur de
dégradation de l'environnement. L'étalement urbain, observable dans tous
les pays, dévore les terres agricoles et, par les transports qu'il
multiplie, génère une pollution atmosphérique importante et l'émission
de gaz à effet de serre. "Les modes actuels de croissance urbaine
sont de plus en plus gros consommateurs de terre, note le Fnuap. La
densité urbaine moyenne est en baisse depuis deux siècles." Cette
évolution résulte des "styles de vie et des valeurs liés aux modes de
consommation américains (qui) ont apparemment eu une influence sur les
préférences des autres régions". Les experts considèrent maintenant,
comme le résume Jacques Véron, qu'une "ville durable est une ville
compacte".
Mais cela ne peut se faire sans une politique active,
note le Fnuap : "Il n'y a pas de main invisible qui viendra ordonner la
croissance urbaine conformément aux besoins sociétaux, aux
responsabilités intergénérationnelles et aux exigences de l'égalité des
sexes." Le Fonds plaide ainsi pour une relance des politiques urbaines,
qui accepte le phénomène des migrations et améliore leur accueil. Mais
les Etats du tiers-monde en ont-ils les moyens, alors que d'autres
agences internationales, et notamment la Banque mondiale, jugent
nécessaire de redonner de la vigueur aux politiques de soutien à
l'agriculture ? La contradiction ne peut être levée que par une action
déterminée de la communauté internationale.
Chiffres
Plus de 50 % de la population mondiale vit en ville en
2007, estime le Bureau de la population de l'ONU, cité dans le no 435 de
Population et sociétés, le bulletin de l'INED, qui vient de paraître. Ce
taux était de 29 % en 1950.
L'urbanisation varie selon les continents : 81 % en
Amérique du Nord, 78 % en Amérique latine, 74 % en Europe, 41 % en Asie
et en Afrique.
51 % des citadins vivent dans des villes de moins de
500 000 habitants, 9 % dans des mégapoles dépassant 10 millions
d'habitants.
En Chine, 18 millions de campagnards migrent chaque
année vers les villes.