"Dans la confusion 
            actuelle, on parle volontiers de « trois monothéismes » (israélite, 
            musulman et chrétien) comme équivalents, sous-entendant par là qu’il 
            s’agit entre eux de quelques nuances sans importance, comme 
            par exemple le fait que les chrétiens parlent d’une Trinité, là où 
            les autres préfèrent garder une rigoureuse unicité. Nuance, n’est-ce 
            pas  ? Et d’ailleurs qui y est allé voir  ? Entendons-nous 
            bien. Il est important que les hommes aient reconnu que Dieu est 
            unique. C’est un progrès considérable sur une religiosité englobante 
            et sans contour, où tout est dieu, où le divin se manifeste 
            derrière chaque phénomène de la nature un peu mystérieux (...)
             Mais ceci n’est que 
            la moitié du chemin. Reconnaître que Dieu dépasse les réalités du 
            monde, qu’il n’en est pas l’image 
            agrandie ou inversée, qu’il en est librement l’auteur, c’est 
            déjà merveilleux et n’a été possible, disons-le franchement, que 
            parce que Dieu lui-même a pris la parole et s’est révélé à Moïse, 
            d’où tout le reste est parti. 
            Mais ce n’est encore que le début, car il est tant de manières 
            d’habiller ce Dieu unique, d’en faire la caution de nos imaginations 
            et de nos violences. Pour pouvoir l’aimer, il a fallu qu’il 
            nous montre son visage et cela, il l’a fait en son Fils, nouveau 
            Moïse venu nous révéler les secrets de Dieu. Ce n’est pas 
            nous, ce n’est pas l’Église, qui avons inventé la Trinité, au terme 
            de je ne sais quel raisonnement compliqué, c’est Dieu qui s’est 
            donné ainsi à nous. Non pas comme une explication, ou une théorie, 
            mais comme un fait (...)
            Ce Dieu-là, que nous 
            n’aurions certainement pas trouvé tout seuls, 
            il fait tomber les masques et reculer les idoles. Il 
            renverse toutes nos prétentions à parler de lui à partir de nos 
            échelles de valeur, nous ne pouvons décidément pas en faire 
            « la majuscule de nos grands sentiments humains »  : sa 
            Bonté n’a rien de nos gentillesses condescendantes, sa Volonté 
            échappe à nos calculs intéressés, sa Sagesse désarme nos prévisions.
            Parce qu’il est Lui et qu’il est Amour, il ne joue pas un 
            rôle, il n’a rien à nous prouver ou à obtenir de nous".