Un apport particulièrement riche
et singulier du ministère de Jean-Paul II, béatifié ce dimanche 1er
mai, est le puissant renouveau qu’il a impulsé dans la vision
chrétienne et le sens du mariage et de la sexualité. Grâce à lui,
nous pouvons mieux saisir le bénéfice immense pour l’amour humain de
son évangélisation en profondeur.
En plus
de vingt-cinq ans, Jean-Paul II a posé les fondations d’une
nouvelle espérance pour l’amour humain au cœur d’un monde de plus en
plus marqué par les souffrances et les détresses amoureuses et
sexuelles, conjugales et familiales. Soulignant le tournant
historique dans la pensée humaine et ecclésiale, et l’apport
inestimable de la véritable somme catéchétique et évangélique de son
pontificat sur le sens chrétien du mariage et de la sexualité, son
biographe le plus reconnu, George Weigel, parle de son contenu comme
d’une véritable « bombe à retardement » : lorsqu’il sera connu et
vraiment entendu, il bouleversera très positivement, en profondeur
et pour longtemps le rapport - et pour l’Église, et pour nos
sociétés - entre la foi chrétienne, la vie conjugale et la
sexualité.
Nitroglycérine pastorale
C’est
effectivement de la nitroglycérine pastorale : nous en faisons
systématiquement l’expérience dans notre propre ministère auprès de
jeunes ou de couples, de croyants et d’incroyants, depuis près de
trente ans !
En se
lançant dès le début de son pontificat et durant quatre ans dans
cette immense catéchèse, Jean-Paul II répond à l’appel pressent de
Dieu pour délivrer, avec l’immense autorité théologique et
spirituelle du ministère pétrinien, cet enseignement « explosif »,
tant la pensée contemporaine a dans ces domaines et depuis des
décennies un contentieux profond et tendu avec l’Église catholique.
Jean-Paul II savait qu’il était l’acteur principal de ce qu’il
dénommait lui-même comme un « moment historique où l’Église perçoit
de manière plus vive et plus pressante l’importance de sa mission de
saisir et de proclamer à tous les desseins de Dieu sur le
mariage, le corps et la sexualité ».
Personne
depuis les Pères de l’Église comme saint Jean Chrysostome, n’avait
été aussi clair que lui dans l’Église latine sur ces sujets :
Jean-Paul II, pour qui dans le christianisme « le corps et la
sexualité sont trop peu appréciés », revisita avec force les
paroles de Jésus sur le dessein divin du « une seule chair »
conjugal et biblique qu’il présente comme la véritable « liturgie
propre des époux », terminologie très puissante et riche de sens
chez les catholiques !
Il
rappela les paroles sans ambiguïté de saint Paul : « Rendez
gloire à Dieu par votre corps », « vos corps sont le temple du
Saint-Esprit », « ne vous refusez pas l’un à l’autre », « dans le
Christ, l’homme n’est pas sans la femme, ni la femme sans l’homme »,
etc.
En
conclusion de toute sa réflexion, Jean Paul II assure aux époux que
le travail intérieur de transformation évangélique, « loin
d’appauvrir la tendresse et la communion - y compris sexuelle - des
époux, les rend au contraire plus intenses et plus riches ». Son
successeur Benoît XVI renchérira en expliquant aux époux que le
Christ veut les conduire sur un « chemin de purification et de
guérison » car, alors, « l’Eros peut élever en extase vers le
Divin » et « donner un avant-goût du sommet de l’existence, de la
béatitude vers laquelle tend tout notre être » ! Difficile d’être
plus explicite, plus attirant pour tout homme, tout couple désirant
grandir dans la qualité de la relation et de la communion conjugale.
C’est
pourquoi le renouveau de la pensée sur le mariage impulsé par
Jean-Paul II à la charnière des XXe et XXIe siècles revêt un
caractère puissant et prophétique : et pour la jeunesse en quête de
sens de la vie et de l’amour, et pour les époux recherchant la
concrétisation de leurs aspirations de communion et de bonheur.
L’Église
catholique a désormais des clés de lecture indispensables pour
sortir des écueils - soit progressistes, soit traditionalistes -
dans lesquels de nombreux pasteurs ou intellectuels se sont si
souvent laissés fourvoyés ces dernières décennies : un dogmatisme
étroit et moraliste, un spiritualisme familial désincarné, un
silence pastoral synonyme d’impuissance apostolique ou le suivisme
béat des sciences humaines. L’Église peut désormais proposer une
voie attirante et dilatante à tant de jeunes ou d’époux aspirant à
vivre - même au prix de nombreux combats intérieurs - amour et
communion intenses dans le couple, alors que tant font tôt ou tard
l’expérience si douloureuse d’un amour qui s’affadit ou se déchire,
de leurs difficultés à s’aimer durablement, de leur sexualité
triste, gore ou vide de sens.
Le chemin béni du mariage
Ces
détresses de plus en plus répandues font de grands ravages dans les
couples chrétiens ou non, et donc dans des familles et chez de
nombreux enfants comme de récentes études le dévoilent ; mais aucun
« expert » dans l’histoire contemporaine - qu’il soit pasteur,
théologien, philosophe, politique, médecin, psychologue ou
sociologue - n’a su comme Jean-Paul II apporter un diagnostic et des
remèdes aussi pertinents à ce mal si profond et général du siècle.
Bien loin des « y’a-qu’à-faut-qu’on », il propose à tous des clés si
nouvelles et pertinentes pour ne pas désespérer de l’amour et du
mariage, pour que le chemin difficile et périlleux de l’amour porte
peu à peu des fruits de pardon et de guérison, et en cela
d’intensité et de durabilité au cœur des couples... et donc des
familles.
Car
au-delà des époux, les grands bénéficiaires de ce chemin de guérison
et de renouveau de l’amour, ce sont les enfants, preuves tangibles
s’il en est de l’amour de leurs parents : le plus bel héritage qu’on
puisse léguer à un jeune adulte, son plus grand tremplin de vie et
de liberté, n’est ce pas que papa et maman s’aiment toujours, en
qualité et en intensité ? Comment parents, nous aspirons tous à
léguer le meilleur à nos enfants, à les « armer » au mieux pour la
vie ; alors, pour leur plus grand bien : époux, aimons-nous
intensément en suivant le chemin étroit mais si béni du mariage tel
que ce grand pape nous le propose.
Merci
donc au tout nouveau bienheureux Jean-Paul II d’avoir fait, à l’aube
de ce nouveau millénaire et au nom de Dieu, cet immense cadeau à
l’humanité : tout un monde en quête pathétique de sens et d’amour, y
aspire si impatiemment, si intensément !
*Alex et Maud Lauriot-Prevost
sont délégués épiscopaux à la pastorale conjugale du diocèse
d’Avignon, auteurs notamment de Mariage, mystère trinitaire
et de la trilogie L’Evangile pour le couple aux éditions du
Jubilé.