SÉMINAIRE DE PRIÈRE ET DE FORMATION
Pour les responsables des centres de paix,
des groupes de prière
et pour les organisateurs de pèlerinages
1.
Les prophètes dans l’Ancien Testament
et dans la Tradition de l’Église, fra Ivica Vidoviæ, ofm
2.
Medjugorje – le don d’un
troisième œil, Alphonse Sarrach
3.
L’Église face au monde
d’aujourd’hui : une tente dressée au seuil du millénaire,
Sabino Palumbieri
P. Franjo
Vidoviæ ofm est né le
19 février 1960 à Crnkovci près d'Osijek en Croatie. Il fréquente
l’école élémentaire à Zagreb. En juin 1979, il passe son Bac au lycée
classique franciscain a Visoko. Le 15 juillet 1979, il entre au noviciat de la
Province franciscaine d'Herzégovine à Mostar. De 1980 a 1984, il est en
prison à Zenica pour des « activités anti-communistes ». En
1987, il obtient la licence en philosophie et en théologie, et en 1992 la
maîtrise en théologie a l'Université d'Augsburg. En 1991 et 1992, il poursuit
des activités pastorales en Herzégovine, au monastère de Humac. En 1992,
il est nommé aumônier militaire dans les unités de l'armée croate. En 1997, il
obtient le doctorat en théologie biblique à l'Université de Graz, en
Autriche. Actuellement, il est au service pastoral à Weissenstein en
Autriche. Il travaille également sur une thèse et enseigne la Théologie
Biblique du Nouveau Testament à la Faculté de Philosophie des Jésuites
à Zagreb.
Sabino
Palumbieri est né à Lavello (Potenza) en 1934.
Membre de la Congrégation des pères Salésiens, il est ordonné
prêtre en 1961. Diplômé de la faculté de philosophie et de théologie, il
obtient son doctorat en anthropologie. Actuellement, il enseigne à
l'Université Pontificale des Salésiens (UPS). Journaliste et auteur de nombreux
essais, il publie de nombreuses études sur les sources significatives des
événements de notre temps, dans la perspective anthropologique. Il est
fondateur de l'Association " TR-2000 " (Témoins de la Résurrection pour
le Jubilé de l'an 2000), organisateur de mouvements au niveau national en lien
avec la culture, il accompagne des activités chrétiennes et humanistes. Il
anime une nouvelle forme de piété populaire, « Via Lucis » (La voie
de la Lumière), qui se répand dans le monde entier.
Alphons
Sarrach est né
en 1927 dans l'ancien territoire libre de Danzing, et élevé dans la tradition
culturelle allemande et polonaise. En 1939, il est déporté avec sa famille par
le régime Nazi en camp de concentration. Apres la Deuxième Guerre
Mondiale, il poursuit des études de philosophie, de théologie et de psychologie
à Rome et à Paris. En 1965, il devient journaliste libre, puis
rédacteur politique de renom dans plusieurs quotidiens. Il est auteur de
nombreux ouvrages et publications. En 1993, il publie un livre intitulé
« Élan prophétique de Medjugorje », où il cherche à
comprendre en profondeur le mystère de la grande inspiration venue
depuis 1981 de ce petit village de Medjugorje en Herzégovine, et qui a aidé des
millions de personnes dans le monde entier à retrouver le sens de
l'avenir, après des siècles marqués par une haine dominante dans
tant de pays.
Rassemblés
à Neum du 19 au 24 mars 2000 pour la 7e Rencontre des
animateurs des Centres pour la Paix et des groupes de prière de
Medjugorje, nous nous adressons aux amis et aux pèlerins de la Reine de
la Paix :
1. En cette année de Jubilé de la chrétienté, nous mettons
Jésus Christ au centre de notre vie, afin de donner notre contribution au
renouveau de l’Église de notre temps, et au renouveau de notre Église locale.
2. Nous constatons des points communs entre le contenu du
programme du Jubilé et les Messages de Medjugorje. Les paroles de la
Vierge : « Faites tout ce qu’Il vous dira » (Jn 2,5) nous
révèlent que Jésus Christ est le même hier, aujourd’hui et
toujours.
3. L’annonce de l’Évangile est la mission prophétique de tous
les baptisés. Elle se réalise en premier lieu dans notre vie personnelle. Une
vie authentique est la meilleure annonce. Ceci est également valable pour ceux
qui diffusent les messages de la Gospa.
4. Nous souhaitons que l’appel
à la paix et à la réconciliation donné par la Gospa soit présent
d’une manière particulière dans la vie des personnes, des
familles et des groupes, tout particulièrement en cette année du Jubilé.
5. Une fois encore, nous invitons tout le monde à mieux
connaître et à fidèlement préserver l’authenticité de la
spiritualité de Medjugorje.
À Medjugorje, le 24 mars
2000
Le principal thème traité par les prophètes
dans l’Écriture Sainte est la relation de l’homme à Dieu. Les
prophètes l’annoncent comme la caractéristique principale de la vie
humaine, le fondement de l’existence de l’homme, et d’une manière toute
particulière, de l’existence du peuple élu. La relation juste à
Dieu est vitale, car le bonheur, le succès, le sens, tout comme le
malheur, l’échec, le non-sens de l’existence humaine en découlent. Le fondement
de l’existence du peuple élu est sa relation à Dieu qui s’est révélé
dans l’histoire. Pour les prophètes de l’Ancienne Alliance, croire en
Dieu signifie comprendre sa signification pour la vie de l’individu et du
peuple tout entier. La question de la relation entre Dieu et le peuple élu
inclut deux autres questions : celle du fondement de la relation de Dieu
à son peuple, et celle des obligations du peuple et des attentes qui
découlent de cette relation. Bien évidemment, une autre question se pose :
comment expliquer les données historiques à partir de cette relation
unique ? Toute l’histoire du peuple élu se comprend dans la perspective du
premier commandement du Décalogue – Yahvé seul est Dieu. Il n’y a pas d’autre
dieu en dehors de Lui.
Pour les
prophètes, l’histoire du Royaume Juif commence par une demande
inouïe : Israël veut avoir un autre roi en dehors de Yahvé, le seul
Roi de son peuple. Au côté de mispat YHWH
apparaît alors la législation royale. Pour les prophètes, il est donc
évident que toute l’histoire du royaume ne pourra finir que par une catastrophe
– celle de l’exil. Israël n’a pas observé le premier commandement – YHWH seul –
« Yahvé seul est Dieu ». Toute l’histoire est évaluée en fonction de
la fidélité ou de l’infidélité à Dieu.
Yahvé est le
Dieu qui se révèle par la parole, ce qui le différencie de la pensée
grecque, pour qui Dieu est un idéal esthétique. Dieu de la Révélation est le
Dieu qui révèle sa parole. Il appelle, Il
commande, Il promet. Le Dieu de l’élection ne se présente pas aux hommes comme un
objet de contemplation esthétique. Les fondements de sa révélation sont le
dialogue et l’obéissance, ou plus simplement : Yahvé ne peut être
vu, mais Il peut être entendu. Yahvé se tient au centre de la pensée
prophétique, mais ne peut être représenté par des images, des statues ou
la matière, quelle qu’elle soit. Yahvé se révèle dans l’histoire
comme un grand JE – ani hu – JE SUIS.
Ce JE parle, travaille, décide, ce JE ne se laisse identifier dans aucun
endroit précis ni sous aucune forme précise. L’individu se comprend en fonction
de son obéissance ou de sa désobéissance à la Parole – la Loi de Yahvé.
Le mot hébreu
nâbi, prophète, est dérivé du
mot acadien nabu qui signifie
appeler, annoncer, signifier. Selon la parallèle grecque, le
prophète est celui qui appelle, qui proclame, qui annonce, mais peut
également être interprété par celui qui est appelé, qui est convié.
Derrière la forme passive de ce mot se cache Dieu qui est actif, Dieu
qui appelle.
Le mot nabi – prophète – est cité 309
fois dans l’Ancien Testament. Dans les plus anciens textes bibliques, le
prophète est désigné comme « homme de Dieu » (‘isch ha’aelohim) ou bien comme
« voyant » (ro’oh, hozsh).
Il semble que la désignation « homme de Dieu » était réservée aux
grands leaders du peuple élu, comme Moïse (Dt 33,1) et David (Ne
12,24.36). Le prophète Élie porte ce titre d’une manière toute
spéciale (29 fois). Cette désignation signifie la grande proximité du prophète
avec Dieu, avec celui qui l’a appelé.
Le voyant
possède la capacité de découvrir ce qui est caché ou ce qui va arriver
(1S 9, 9-19). Chez le voyant est souligné ce qu’il voit, chez le
prophète - ce qu’il dit (Is 30,10). Le prophète fait l’expérience
de la révélation de Dieu à travers des images – il « voit »,
ou comme une révélation de la parole – il « entend ». Le
prophète voit des « visages » (cf. Am 9,1s ; Is 6,1s),
mais également des relations entre ce que les autres ne voient pas. Il voit
plus « profond » et plus « loin ». Les événements
quotidiens ont pour lui une signification particulière, ils servent de
symboles pour la volonté de Yahvé : un simple panier « plein de
fruits » devient pour Amos le symbole du peuple maintenant
« mûr » pour l’exil (cf. Am 8,1-2), ou bien la problématique
conjugale devient pour Osée le symbole de la relation d’Israël à son
Dieu (cf. Ho 1,2s). Le prophète reconnaît des signes de Dieu dans les
événements quotidiens. La caractéristique principale de l’activité prophétique
est sa parole. Le prophète est l’homme de la « parole ». La
parole de Yahvé « vient » à lui, Yahvé lui « parle »
(cf. Os 12,11). La parole que Dieu adresse à l’homme fait de lui un vrai
prophète.
Chez tous les
prophètes de l’Ancien Testament, on peut dénoter trois caractéristiques
qui se recoupent, se croisent, et qui sont essentielles pour le prophétisme
authentique : le prophète vit une relation particulière
à Dieu, relation fondée sur son expérience personnelle. Au début de leur
existence prophétique, la majorité des prophètes fait une expérience
particulière de Dieu : le prophète est élu de Dieu, il est
« mis à part », « la main de Yahvé l’a touché » (Jr
1,9), elle repose sur lui (Ez 3,14), Yahvé s’est saisi de lui, l’a maîtrisé,
l’a séduit, l’a fasciné (Jr 20,7) ; le prophète saisi par l’Esprit
(Ez 2,2) est l’homme de l’Esprit (Os 9,7). C’est ainsi que le prophète
devient « l’homme de Dieu » - titre spécifique donné aux
prophètes, par exemple dans 1S 2,27s. Le prophète est l’ami de
Dieu, le confident de Dieu, « le serviteur de Yahvé » - ebed Yahvé. L’élection prophétique
inclut toutes ces particularités.
La mission est une autre caractéristique du prophète.
Il est élu et envoyé par Yahvé. Pour la mission prophétique, Yahvé lui a donné
son Esprit dans la force duquel il se présente au nom de Dieu, parle en son
nom, devient « sa bouche » (cf. Is 6,8 ; Jr 1,7) Au nom de sa
mission, le prophète peut dire à ses auditeurs :
« Écoutez la parole de Yahvé » et peut donner à sa parole
prophétique l’adjectif de « parole de Yahvé ». Ce parler au nom et
à la place de Yahvé est une des principales caractéristiques du vrai
prophétisme.
Le
prophète n’est pas seulement celui qui parle au peuple au nom de Yahvé,
mais également celui qui s’adresse à Dieu au nom d’Israël, manifesté de
manière particulière dans la prière d’intercession du
prophète (par exemple 1S 12,17-25 ; Am 7,2 ; Jr 18,20). Le
prophète joue le rôle d’intermédiaire entre Yahvé et son peuple, le
peuple et Yahvé.
Le service
prophétique inclut également celui de gardien : le prophète veille
sur Israël (cf. Ez 3,17). Le prophète est comme un berger responsable de
son troupeau (cf. Ez 17-21).
Dans les
textes de l’Ancien Testament, nous trouvons plusieurs catégories de
prophètes :
a) La catégorie la plus ancienne
rencontrée dans l’Ancien Testament a pour caractéristique principale
l’extase ; ces prophètes parcourent Israël et entrent - à
l’aide d’instruments de musique - en état d’extase. Dans cet état, ils prononcent
un message (cf. glossolalie – 1Co 14). Leur extase a un effet
« contagieux » : on trouve même le roi Saül « parmi
les prophètes » (1S 10,5s ; 1S 19,18s). La Bible
considère les prophètes de Baal comme des extatiques (1R
18,19-40). Ces prophètes exercent une attirance sur Israël (1S 10,5s),
mais certains les considèrent comme « fous » (Ho 9,7).
b) Dans les Premier et Deuxième
livres des Rois, nous trouvons une communauté de prophètes portant des
caractéristiques du monachisme ; on parle des « fils » des
prophètes.
Ces
communautés de prophètes se forment autour des grands personnages
prophétiques, comme par exemple le prophète Élie (2R 2,3s). Élie
s’engage contre le syncrétisme qui apparaît dans le peuple à son époque.
Il combat pour Yahvé, le seul Dieu, et pour la pureté de la foi en ce vrai
Dieu. Il y a effectivement un danger que la foi en Yahvé, le seul Dieu, se
mélange avec la foi en des dieux de peuples païens fondée sur des
phénomènes naturels.
Le
prophète agit en « père » pour ses « fils »
qui sont assis à ses pieds, qui apprennent de lui et qui habitent avec
lui. Nous trouvons ces communautés rassemblées autour des prophètes,
mais également autour des sanctuaires (1R 13,11 : des prophètes
rassemblés autour du sanctuaire de Béthel ; 2R 2,35 : des
prophètes rassemblés autour des sanctuaires de Gilgal, de Jéricho, de
Béthel). Chez ces prophètes, l’extase ne joue plus le même rôle
que chez les prophètes plus anciens. C’est le don de l’Esprit qui
caractérise ce groupe. Ce charisme se manifeste à travers leurs actions
miraculeuses (2R 2,19-22.23-25 ; 4,1-7.18-37). Ils sont
particulièrement préoccupés par ce qu’on appellerait aujourd’hui le
salut des âmes (cf. Elisée : 2R 4,1-7.8-37 ; 5,1-14).
c) L’Ecriture
Sainte connaît également des prophètes « officiels »,
prophètes « du culte », rattachés aux sanctuaires. Ils se
distinguent des prophètes qui dans leur critique n’épargnent ni le
temple, ni les prêtres y exerçant leur service. Les prophètes du
culte trouvent leur place auprès des prêtres au service du culte.
Leur rôle est de prophétiser à la demande - au peuple et au roi. Ils
bénéficient d’une grande influence à la cour royale (cf. 1R 1,8) et
développent un langage prophétique qui leur est propre.
d) Avec
l’établissement du royaume en Israël, le mouvement prophétique entre dans une
nouvelle phase. Extases, présages et miracles passent au second plan, alors que
la parole, l’annonce de la parole, devient primordiale. Les prophètes
s’éloignent de plus en plus du culte, de l’institution, de la cour royale.
Depuis Amos jusqu’à Malachie, la parole est la caractéristique et le
moyen principal du prophétisme. Le prophète agit seulement par des
signes qui ne sont pas une illustration, mais une manifestation de la parole
(cf. Ho 1,4.6.9 ; Is 7,3 ; 8,3 ; 20,2 ; Jr 16,2.5.8).
e) L’action
des prophètes
L’action prophétique peut se diviser en
trois époques classiques :
1. L’époque de la chute du royaume du
Nord (vers 721 avant le Christ)
2. L’époque de la chute du royaume du
Sud (vers 597/87 avant le Christ)
3. L’époque de l’exil (vers 539 avant
le Christ)
Les
prophètes adressent leur message à leur peuple (Israël), mais
également à tous les peuples. Leur message concerne le passé, le présent
et l’avenir. La dimension de l’avenir se caractérise par l’annonce (l’avenir
est lié au présent, à ce à quoi l’individu est confronté dans le
présent), et non par la voyance (les présages).
L’Ancien,
tout comme le Nouveau Testament connaissent tant les prophètes que les
prophétesses : Myriam, Déborah, la femme du prophète Isaïe
(cf. Is 8,3), la prophétesse Hulda. Les prophètes annoncent que l’esprit
prophétique doit s’emparer du peuple tout entier, (cf. Ba 11,29 ; Jl
3,1-5), que tout le peuple doit devenir prophétique.
La tâche du
prophète est de révéler la parole par laquelle Dieu exprime Sa volonté.
La révélation de la parole de Dieu se manifeste de diverses manières. Le
plus souvent, il s’agit d’un message où Yahvé appelle à la
fidélité à sa Loi : cette parole contient une menace, dans le cas
où le peuple persévère sur le chemin qui mène à la
ruine, et une promesse du salut, s’il obéit à la parole.
L’Ancien
Testament met en évidence le prophétisme comme un phénomène complexe qui
ne se laisse pas réduire à un dénominateur commun. Néanmoins, il
comporte des règles qui le régissent et des caractéristiques communes.
Indépendamment
de certains prophètes qui se distinguent par le style et le contenu de
leur discours, on trouve chez les prophètes certaines similitudes
faciles à constater.
La
caractéristique principale des « anciens prophètes » d’avant
l’exil est l’avertissement, la menace du châtiment. Le message prophétique
s’adresse tant aux représentants du peuple qu’aux groupes à l’intérieur
du peuple qui se sont éloignés de la foi « d’Abraham, d’Isaac et de
Jacob ». Ces prophètes annoncent le châtiment de Dieu qui se
manifeste à travers la sécheresse, les tremblements de terre, la guerre.
Et pourtant, l’annonce de ces châtiments comprend un appel à la conversion.
Le malheur qui frappe le peuple ou l’individu est considéré comme un châtiment
pour le péché du peuple tout entier, des individus ou des représentants du
peuple. Pour les prophètes, le péché est le comportement du peuple
contraire à l’action de Dieu dans l’histoire. Isaïe appelle ainsi
à la conversion le peuple qui cherche la sécurité en dehors de son Dieu.
Amos et Michée annoncent les châtiments qui frapperont le peuple en raison du
non respect de la loi de Dieu. Osée, Jérémie et Ezéchiel dénoncent l’infidélité
du peuple qui se détourne de Yahvé et qui s’adresse aux dieux étrangers.
Le message du
salut n’est pas fondé sur la question de ce qui doit venir après le
jugement de Dieu, mais sur la volonté de Dieu qui cherche le salut de son
peuple. Dieu est celui qui veut sauver son peuple. Le salut n’est pas
conditionné (comme le châtiment, qui vient comme conséquence du péché). Dans le
message du salut, Dieu promet son aide à son peuple (cf. Is 41,17s). Ce
qui doit venir est déjà décrit dans l’annonce du salut (Is 11,1s).
L’annonce du salut prédomine au temps de l’exil et après l’exil. Le
salut annoncé par les prophètes doit se manifester dans divers
domaines : l’établissement d’une nouvelle relation entre Dieu et le peuple
élu, le rétablissement de l’état national, la libération nationale et
politique. Le salut promis par Dieu ne viendrait pas parce que le peuple se
serait amélioré, il ne se fonde pas sur la fidélité et la conversion du peuple,
mais uniquement sur la volonté, la fidélité, la sainteté de Dieu - sur son
amour envers son peuple.
En vertu de
cet appel et de leur réflexion personnelle, les prophètes représentent
l’exemple de l’Israélite fidèle. Ils mettent en évidence qu’il est
possible de faire l’expérience de Dieu, bien qu’elle soit souvent douloureuse
(cf. « Les lamentations de Jérémie »). Les prophètes annoncent
que la parole de Dieu possède la puissance de transformer l’homme.
Les
prophètes de l’Ancienne Alliance sont caractérisés par « la sobre
ivresse » de la parole de Dieu (cf. Jr 15,16 ; 23,9.29) ;
l’existence du prophète s’efface dans la force de son annonce
prophétique.
L’Ancien
Testament considère le prophète comme une personne
particulièrement appelée par Dieu pour annoncer sa parole, pour avertir,
consoler, enseigner, orienter. Le prophète est entièrement
dépendant de Dieu qui l’a appelé, il est responsable uniquement devant Lui.
La
problématique fondamentale rencontrée par les prophètes est le
syncrétisme du peuple juif, la disparition d’une juste relation à Yahvé,
l’infidélité au premier commandement du décalogue – Yahvé seul est Dieu.
Dans
le Nouveau Testament, on trouve 144 fois le mot prophète : le plus souvent chez Mathieu (37 fois) et
chez Luc (29 fois dans son évangile, 30 fois dans les Actes). Le mot signifie
celui qui annonce ou interprète la parole de Dieu. Le mot prophète désigne tant les
prophètes de l’Ancienne Alliance que Jean Baptiste, Jésus, ou un autre
personnage annonçant la venue du royaume des cieux, mais également les
chrétiens possédant le charisme de prophétie.
Les
personnes qui annoncent la Parole sont appelées prophètes, prophétesses.
Le
prophétisme du Nouveau Testament manifeste des analogies avec celui de l’Ancien
Testament : le prophétisme de l’avertissement (cf. 1Co 14,3.31), le
prophétisme qui indique des événements à venir (cf. Mt 26,68 ;
15,7).
Dans
le Nouveau Testament, la notion de prophète concerne :
Le
prophète de l’Ancienne Alliance est celui qui prononce les paroles de
Dieu, il est « la bouche de Dieu » (Is 15,19). Le Nouveau Testament
considère que les prophètes de l’Ancienne Alliance annonçaient ce
qui allaient venir en Jésus Christ (cf. Mt 1,23 ; 2,5s.17s.23). Pour
Mathieu, l’Ancienne Alliance possède une autorité absolue : ce que
les prophètes ont annoncé est accompli en Jésus Christ. Les prophéties
de l’Ancienne Alliance permettent de reconnaître Jésus comme le Messie promis.
Ce qui frappe tout particulièrement, c’est la similitude entre la mort
en martyr du prophète et la mort de Jésus (cf. Mt 23,31 ; Mt
23,37 ; Ac 7,52). Le Judaïsme à l’époque de Jésus et au temps
des premiers chrétiens considère le martyre comme l’essence de l’image
du prophète (cf. Mt 23,25).
Dans le
Nouveau Testament, Jean Baptiste est appelé prophète. Son annonce
rappelle le style des prophètes de l’Ancienne Alliance : il annonce
le jugement et appelle à la conversion. Dans son annonce, il appelle
à la conversion morale et remet en question la conscience religieuse des
Juifs. Il appelle à un baptême qui se distingue du lavement rituel
par lequel les prosélytes s’approchent du judaïsme, mais également
distinct du lavement pratiqué par la communauté de Qumran : le
baptême de Jean est le signe des temps eschatologiques qui commencent et
signifie la conversion intérieure – condition du salut. Il n’est donc pas
étonnant que les contemporains de Jean se posent la question s’il n’était pas
le prophète eschatologique annoncé (cf. Mt 11,8s). Le Nouveau Testament
voit en Jean le Précurseur, celui qui annonce, qui « rend
témoignage » (Jn 1,36) du prophète eschatologique qui est apparu en
la personne de Jésus de Nazareth. Le baptême de Jean annonce le baptême
chrétien.
Le Nouveau
Testament n’applique que rarement le mot prophète
à Jésus : « le monde » qui l’écoute l’appelle ainsi (cf.
Mc 6,15). Dans les évangiles, Jésus lui-même ne se donne jamais ce nom.
Pour le Nouveau Testament, Jésus est plus qu’un prophète (cf. Mt 12,41).
Il ne fait pas qu’annoncer le salut : en sa personne, le salut est
déjà présent (cf. Lc 10,24).
Dans la
première communauté chrétienne, certains membres sont gratifiés de
l’esprit de prophétisme. Leur présence dans la communauté signifie que la
communauté toute entière possède l’Esprit. Ce don a probablement
été institutionnalisé très tôt : il obtient une place précise dans
la communauté, il est lié à un service précis rendu à la
communauté. Les personnes qui ont le charisme de l'Esprit sont placées au
même rang que « les apôtres et les docteurs » (1Co 12,28s, Ep
4,11), ou « les apôtres et les saints » (Ap 18,20).
Dans les
communautés pauliniennes, le devoir des personnes possédant ce don de l’Esprit
est d’avertir la communauté (cf. 1Co 14,3.24s,31), de la consoler (1Co 14,23s),
de l’édifier (1Co 14,3), de lui révéler les secrets et la science (1Co 13,2).
La révélation prophétique doit être faite par des paroles compréhensibles
et sans exaltation inutile (1Co 12,1 ; 14,15s.23s). Le souci de Paul est
que l’ordre et la paix règnent dans les communautés, surtout lors des
liturgies ; il interdit que plusieurs prophètes prophétisent en
même temps. Selon lui, les esprits des prophètes sont soumis aux
prophètes (1Co 14,32). Cette « soumission » doit être
comprise comme soumission à l’ordre et à la paix qui vient de
Dieu. Le prophète doit également savoir se taire.
Selon la lettre aux Ephésiens (Ep 2,20) les prophètes
sont inscrits dans les fondements de la communauté, ce qui fait entendre que le
temps du « prophétisme », du service prophétique, est passé, et que
désormais le prophétisme est inscrit dans les « fondements de la
communauté ».
Les
avertissements contre les faux prophètes, que nous trouvons dans les
synoptiques, indiquent que la première communauté chrétienne comptait
probablement un grand nombre de prophètes.
Les Actes des
Apôtres parlent à plusieurs endroits du prophétisme et des
prophètes. La raison est à rechercher dans la théologie de
l’évangéliste Luc, qui regroupe toute l’histoire de l’humanité en trois
périodes (le temps d’Israël, le milieu des temps, le temps de l’Église). La
troisième période, celle de l’Église, commence avec l’événement de la
Pentecôte (Ac 2,1s) et représente la plus grande partie des Actes des Apôtres.
Cette troisième période est considérée comme le temps de l’Esprit, celui
où tous les chrétiens possèdent le don de l’Esprit, le même
que le Christ seul possédait dans la deuxième période. Le signe du temps
de l’Esprit est évident dans le grand nombre de prophètes chrétiens
mentionnés par le nom (cf. Ac 11,27s ; 13,1 ; 15,32 ; 21,9s),
ainsi que dans la prise de conscience que tous les chrétiens sont porteurs de
l’Esprit, et donc possèdent le don de prophétisme (Ac 2,17s ;
19,6).
L’auteur du
Livre de la Révélation se donne le nom de prophète (Ap 22,9). Selon
l’Apocalypse, le prophète reçoit la révélation des plans secrets de Dieu
(1,1) dans des visions (6,1-19 ; 10). Le prophète avertit et
console (ch. 2 et 3). Une importance particulière est accordée à
sa parole (22,18s).
Selon le
témoignage d’écrits tels que Didaché
(10,7 ; 11,7-12 ; 13,1-7) et les Dialogues
de Justin (82,1), le prophétisme a encore perduré quelque temps dans la
première Église chrétienne. En raison des abus montanistes, il entre
dans une profonde crise l’amenant à perdre de son importance, et il
finit par progressivement disparaître. Peu à peu, le rôle des
prophètes est repris par l’institution, en tant que seule
interprète légitime de la Parole et de l’action de Dieu dans le monde.
L’Écriture
Sainte et la Tradition de l’Église voient dans le prophète (non à
titre exclusif, et avec une certaine méfiance) celui qui prédit des choses
à venir, celles qui doivent avoir lieu. L’accomplissement de la
prophétie distingue le vrai du faux prophète. Selon le Nouveau
Testament, les prophètes et les prophéties de l’Ancien Testament se sont
accomplis en Jésus Christ. Aux yeux des contemporains, Jésus porte les
caractéristiques du prophétisme vétérotestamentaire : il prédit son propre
sort et le sort de sa doctrine.
Le Nouveau
Testament comprend la prophétie d’abord comme interprétation de la volonté de
Dieu dans le présent, dans une situation précise, dans un endroit précis. Le
prophète annonce ce que Dieu attend de l’homme dans une situation
précise : son langage est d’abord celui du temps présent.
Le langage
prophétique est fondamentalement déterminé par la parhésie – langage ouvert, courageux, intrépide, où l’on dit
ce que l’on pense. L’autorité prophétique est fondée sur la parhésie, langage ouvert adressé au monde.
Parler d’une
manière prophétique signifie la liberté de toute fausse considération,
mais également la « disponibilité » à s’exposer à la
Parole de Dieu. Parler d’une manière prophétique signifie
« être appelé » au service prophétique : le
prophète ne parle pas « de lui-même », par sa propre
force et sa propre sagesse, mais par la puissance de Dieu. La vocation
prophétique est charismatique, elle n’est pas liée à un service précis,
mais à une situation précise où la Parole de Dieu doit être
dite avec entière ouverture et avec courage.
Le service
prophétique est fondamentalement lié à celui du discernement des
esprits. Il y a des vrais et des faux prophètes : les faux
prophètes confondent leurs propres opinions avec la Parole de Dieu.
Déjà l’Ancien Testament connaît des personnages qui se présentent comme
prophètes, sans être appelés ou envoyés par Dieu. Le Nouveau
Testament en connaît également quelques-uns, et avertit la communauté de
fidèles de ne pas leur accorder leur confiance (cf. Mt 7,15 ;
24,11 ; 1Jn 4,1), d’où la question des critères permettant
de distinguer les vrais des faux prophètes. Dans le Nouveau et dans
l’Ancien Testament, les critères de discernement des vrais et faux
prophètes sont les mêmes. Pour l’Ancien Testament, la conscience
personnelle du prophète d’être appelé est un des critères
du discernement : la « souffrance » qui ne lui permet pas de
contenir la parole de Dieu, mais l’oblige à la proclamer au nom de Yahvé
(cf. Jr 20,9 ; 23,16 ; Am 3,8). Le Nouveau Testament connaît ce
même critère charismatique : seul celui qui possède
l’Esprit de Dieu peut discerner si quelqu’un parle dans l’Esprit (cf. 1Co
2,11). Ce critère subjectif est accompagné d’autres signes permettant de
discerner le vrai du faux prophétisme : l’enracinement du message
prophétique dans le message biblique, le fait que le message correspond
à la situation à laquelle il se réfère, l’authenticité
personnelle de la vie prophétique. Si la vie personnelle du prophète ne
correspond pas aux exigences divines, il n’est pas un envoyé de Dieu (cf. Jr
23,14 ; 29,23). Selon la conviction chrétienne, le vrai prophète
est celui qui met en pratique dans sa propre vie ce qu’il enseigne et ce qu’il
prêche : sa vie doit porter « de bons fruits » (cf. Mt
7,16 ; Ap 2,20). Le message prophétique doit servir à l’édification
et à l’encouragement de la communauté à laquelle il s’adresse
(cf. 1Co 14,3). L’annonce prophétique doit être en accord avec les
prophéties plus anciennes (cf. Jr 28,7s). Le prophétisme néotestamentaire doit
être en accord avec l’annonce chrétienne fondamentale (1Jn 4,1s) ;
1Co 12,3). Le vrai prophète ne cherche aucun profit personnel, ne
flagorne pas, n’accepte aucun compromis lorsqu’il est question du message de
Dieu.
Le destin prophétique est étroitement lié
à la vocation prophétique. Dès l’instant de l’appel, le
prophète ne s’appartient plus à lui-même, mais à
Dieu qui l’a appelé. Dieu non seulement appelle le prophète pour
l’envoyer à son peuple, mais il le livre
au peuple. La persécution à cause de la parole de Dieu – le martyre – fait partie de la
dimension essentielle de l’existence prophétique biblique (cf. 1R
19,10.14 ; Jr 11,18s ; 20,2 ; 26,8s). La dimension tragique de
leur vocation se laisse lire sur les visages des prophètes, mais elle
apporte la bénédiction et le salut au peuple auquel ils sont envoyés (cf. Is
50,6 ; 52,14-53). Le Nouveau Testament reprend le thème du
prophète persécuté et l’applique à Jésus et à ses
disciples. Le destin de Jésus, comme celui de ses disciples, est un destin
prophétique (cf. Mt 5,12 ; Lc 13,33).
Le
prophète biblique est une personne attaquée de l’intérieur comme de
l’extérieur, une personne qui souffre de la violence intérieure et extérieure,
et pourtant, il vit sa vocation principalement comme une grâce et non comme un
poids. Le prophète fait de temps en temps l’expérience d’une proximité
de Dieu toute particulière, cette proximité lui donne la force de
continuer à agir. Le prophète fait de temps en temps - et de
manière toute spéciale - l’expérience de la confirmation de son élection
prophétique : il éprouve l’amour de Dieu, l’amour de celui qui l’a appelé
à être son témoin dans le monde (cf. Is 49,1-4), ce monde qui a oublié
le premier commandement du Décalogue : « Et
maintenant, Israël, que te demande Yahvé ton Dieu, sinon de craindre Yahvé ton
Dieu, de suivre toutes ses voies, de l’aimer, de servir Yahvé ton Dieu de tout
ton cœur et de toute ton âme ? » (Dt 10,12).
Si l’un d’entre vous
a déjà rencontré des femmes indiennes, vêtues peut-être de
saris pittoresques, il a sans doute remarqué que la plupart d’entre elles ont
le front marqué d’un point rouge, dont la profonde signification demeure
inconnue de la majorité des Indiens. Certains diront que c’est le signe des
femmes mariées, mais à notre époque, même les petites filles sont
marquées par ce signe. La vraie signification est plus profonde, et on peut
l’entrevoir en regardant les représentations de divinités indiennes, y compris
masculines : toutes ont un point rouge sur le front. Celui-ci a donc une
signification religieuse. La réponse se trouve dans la Bhagavad-Gita, le livre
saint des indiens, souvent comparé au Nouveau Testament. Ce livre décrit le
point culminant d’une grande bataille sur le champ de Kuru (à proximité
de la ville actuelle de New Delhi) entre deux tribus liées par des liens
familiaux, mais entrées en conflit : les Pandava et les Kaurava. Lorsque
le roi Arjuna, pouvoir suprême des Pandava, jette un regard sur l’autre
camp, il y reconnaît de nombreux membres de sa famille, contre lesquels il doit
se battre. Épouvanté, il jette son arme de son char. Le cocher se retourne et
se laisse reconnaître comme étant Krishna, le Dieu Vishnu devenu homme, et lui
enseigne le sens du devoir. Afin d’éliminer le doute qui l’habite, le roi,
visiblement impressionné, obtient du cocher la grâce de contempler sa nature
divine. Celui-ci prononce alors ces paroles décisives : « Mais tu ne pourras pas me voir avec
tes yeux. Je te donne un œil divin. Regarde maintenant ma merveilleuse
puissance divine ». (XI,8)
En
d’autres termes, l’œil humain ne peut voir la nature divine, il s’y perd.
Il faut une grâce particulière, un œil particulier, pour voir Dieu
un tant soit peu Le saisir, et ce qui est encore plus important, comprendre les
relations entre Dieu et l’univers, et avec toute sa création. Depuis que je me
suis rendu pour la première fois à Medjugorje, cette image ne me
quitte plus.
Au début des
événements de Medjugorje, de nombreuses personnes qui se trouvaient dans la
vallée pouvaient voir la croix sur la colline du Križevac se transformant en
colonne de lumière. C’est une allusion à la colonne de feu qui,
il y a trois mille ans, indiquait aux Israélites le chemin pour sortir
d’Egypte : celui qui conduisait d’une culture corrompue au désert, lieu
où Dieu prépare pour son peuple et pour toute l’humanité un catalogue de
valeurs entièrement nouveau, qui permettra à la culture humaine
et à la vie spirituelle de se développer selon Dieu.
Si l’on
regarde les presque vingt ans de Medjugorje, on peut constater chez de
nombreuses personnes l’apparition d’une nouvelle manière de concevoir le
monde et les relations à Dieu. C’est comme si à Medjugorje la
Vierge leur avait donné un « troisième œil » qui leur
permet de poser un regard nouveau sur leur entourage et sur eux-mêmes.
Le fait
d’être croyant ou incroyant détermine la manière de concevoir le
monde – c’est indiscutable. Le fait de s’orienter vers la consommation ou vers
le renoncement détermine fondamentalement le comportement de la personne.
Investir dans le luxe ou rechercher une vie simple détermine la qualité d’une
culture : celle du pouvoir ou celle du service. Cette distinction pourrait
révolutionner l’histoire des hommes et donner une nouvelle dimension d’avenir
qui se joue entre l’affrontement et la paix.
Conversion
signifie changement de point de vue. Suite à sa conversion, Saul de
Tarse devient Paul qui, instantanément, pose un nouveau regard sur la personne
de Jésus, son action sur la terre, son message, et sur les chrétiens. Ceci le
rend apte à s’identifier à ceux qu’il avait persécutés.
D’innombrables fois, la Gospa de Medjugorje a répété : « Décidez-vous
en faveur de Dieu ! ».
La
conversion, la décision en faveur de Dieu, a éveillé la nature prophétique de
nombreux pèlerins, parfois de simples curieux. Prophétiser ne signifie
naturellement pas prédire l’avenir – c’est un malentendu qui demande toujours
une clarification - mais se souvenir de ce que Dieu a déjà révélé aux
hommes. C’est un rappel et une orientation dans la manière de sortir
d’une situation confuse et sans issue, la capacité de reconnaître le chemin que
Dieu a indiqué il y a très, très longtemps. Le prophète
pénètre avec son œil spirituel, éclairé par la grâce, les fausses
lumières de son temps et les illusions dans lesquelles les hommes se
sont égarés.
On peut rencontrer
des personnes qui se présentent comme « Amis de Medjugorje » lors de
nombreux rassemblements religieux, ecclésiaux, parfois non-confessionnels, au
niveau national ou international, particulièrement lors des
rassemblements de jeunes et des rencontres avec le Pape. Ils semblent
représenter un noyau spontané, non-organisé, de nombreuses activités dans le
monde. Ils connaissent les règles de jeu de la civilisation
contemporaine, mettent les choses au point et sont présents partout où
l’Esprit de Dieu, doucement et invisiblement, indique de nouveaux chemins.
Ils interviennent
aussi activement dans des régions en crise et dans des conflits de nature
spirituelle. Le prophète applique sa mission d’abord à
lui-même. Ceci vaut également pour un mouvement prophétique. Cette
application permet de mesurer si le message sur lequel il repose vient de Dieu
ou de l’illusion humaine. Depuis le début, Medjugorje est sans cesse éprouvé
dans une fournaise de calomnies, de soupçons et de méfiance, à commencer
par les difficultés dans le diocèse de Mostar et jusqu’aux endroits les
plus éloignés de la terre. Jusqu’à présent, Medjugorje a passé tous ces
examens, mais doit se préparer à une nouvelle épreuve, peut-être
plus grande encore, qui viendra dans le nouveau siècle. Il peut arriver
qu’un prophète parle durement. Son devoir est de parler au peuple qui
s’égare, parfois de parler à la conscience des dirigeants faibles ou
hésitants. Et pourtant, il ne cherchera jamais à se mettre à la
place de l’institution, à éliminer les responsables, comme le font souvent
les révolutionnaires qui, une fois le pouvoir en place éliminé, s’érigent
eux-mêmes en pouvoir. Agir ainsi, signifierait trahir sa propre mission.
Le prophète demeure serviteur d’un autre qui lui est supérieur. Ceci concerne Medjugorje. Le
prophète est obéissant. Il se met à l’écoute de la voix de Dieu.
Ce qui frappe chez les personnes qui se rendent depuis des années à
Medjugorje, ce n’est pas leur amour pour les discussions, mais leur capacité
d’écoute. Ils ne se lassent jamais d’écouter. C’est ainsi qu’ils mûrissent
intérieurement. Une telle attitude est un signe pour toute l’Église.
Lors d’une
rencontre de Medjugorje-Allemagne, Mgr Johannes Dyba, archevêque de
Fulda, a appelé les pèlerins rassemblés dans sa cathédrale « une
race d’endurcis ». On ne pourrait désirer une plus grande louange de la
bouche d’un haut pasteur de l’Église. Il a ainsi souligné la constance et la
persévérance qui caractérisent ces groupes.
Abraham
Maslow, un des plus grands psychologues du XXe siècle, s’est
rendu compte que dans son travail il traite principalement des personnes
malades. Ceci l’a inspiré à examiner des personnes en bonne santé pour
comprendre de quoi dépend leur santé. Maslow n’était pas
particulièrement religieux, sa curiosité reposait entièrement sur
son intérêt scientifique. Pendant des années, il recherchait donc des
personnes qui se distinguent par leur santé mentale et corporelle, et il a fait
une découverte surprenante. Nous mentionnerons seulement quelques
caractéristiques essentielles qu’il ait pu constater chez ces personnes :
elles possèdent une meilleure capacité d’appréhender la réalité, elles
sont capables de s’accepter elles-mêmes telles qu’elles sont et leur
nature telle qu’elle est, elles sont orientées vers un problème, elle
possèdent la capacité d’apprécier certaines valeurs, un fort attrait
pour ces valeurs et, le plus important, sont marquées par des expériences
mystiques (Perte du Moi et l’expérience de la transcendance). En 1962, Maslow a
formulé ses expériences : « Le peu que j’ai lu sur des expériences
mystiques les mettait toujours en lien avec la religion, avec la vision du
surnaturel. Comme la majorité des scientifiques, je fronçais les sourcils avec
incrédulité et considérais tout cela comme un non-sens, une hallucination ou
une hystérie, le plus probablement comme une pathologie… Mais les personnes qui
m’ont relaté de telles expériences ne présentaient pas de signes pathologiques.
C’était les personnes les plus saines que j’ai pu trouver. »
Sans
exagération, on peut dire la même chose de nombreux groupes de
Medjugorje. Certains évêques pourront le confirmer.
« Je
fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,6)
Depuis
longtemps, la théologie a admis que « Gratia
supponit naturam », que la grâce présuppose la nature. S’appuyant sur
cette ancienne règle, il semble important de ne pas seulement écouter
Dieu – comme le fait le prophète – mais également d’observer ce qui se
passe dans la nature et dans l’histoire. Dieu n’agit pas en dehors de
l’histoire, mais il la conduit. Si nous voulons reconnaître le caractère
prophétique de Medjugorje, il nous faudra analyser avec précision les
événements contemporains, surtout les grands changements, et chercher à
voir s’il existe un lien entre les messages du ciel et les événements
d’ici-bas.
À
partir de cet arrière-plan, deux constats de notre époque méritent une
attention particulière. L’analyse systémique nous aide à
comprendre certains liens, plus précisément les liens entre l’homme, la machine
et l’environnement, et leurs conséquences sur la vie économique et sociale. On
a ainsi découvert que le progrès et la régression économiques se
développent par vagues, que ce cycle possède également un
arrière-plan moral et religieux. Certains croient avoir reconnu que la
folie sexuelle de notre époque conduira à long terme à la
pauvreté économique.
Depuis la
Renaissance et les Lumières, l’homme ne cesse donner une place de plus
en plus centrale à sa propre personne et à sa raison. Vers la fin
du 20e siècle, nous avons fait l’expérience de la décadence
de cette attitude mentale sur toute la ligne.
Vers la fin d’une phase de développement se forme un
puissant agrégat de nouveaux besoins, souvent de nature totalement
contradictoire. Celui-ci apparaît lorsque de nombreuses personnes se croient
encore au sommet de la phase qui approche de sa fin. La personne qui a
découvert cette règle, le Russe Nikolai Dimitriewitch Kondratieff, a été
exécutée en 1938 par le dictateur Staline. Kondratieff n’avait que 46 ans. De
quoi avait peur Staline ? Aujourd’hui même, nous avons affaire
à un problème d’agrégat. À la fin d’une époque marquée par
l’hédonisme et le matérialisme, les besoins de nature spirituelle se sont accumulés.
Un jour, ils apparaîtront en plein jour. Une question se pose : quelles
valeurs spirituelles, vraies ou fausses, seront alors offertes aux
hommes ? La Gospa a prévu ce développement et nous appelle sans répit
depuis les années 80 : « Décidez-vous en faveur de Dieu ! ».
Faites-le à temps, avant que vous ne vous enfonciez dans de nouvelles
erreurs. Elle a prévu le vide spirituel qui allait venir et veut nous conduire
dans la bonne direction. Vers la fin du Livre de la Révélation, nous
lisons : « Vois, je fais toute chose nouvelle. » (Ap 21,6) Il
est frappant que la Gospa, dans ses messages, utilise souvent le mot
« nouveau ». En juin 1992, elle disait : « Ma présence ici
est pour vous conduire sur un chemin nouveau : le chemin du salut. »
En novembre de la même année : « Je suis avec vous, afin de
vous enseigner et de vous conduire dans une vie nouvelle de conversion et de
renoncement. Seulement ainsi vous découvrirez Dieu et tout ce qui est
maintenant loin de vous. » Et un mois plus tard : « Dans le
monde entier il y a un grand manque de paix. C'est pourquoi je vous appelle
tous à construire avec moi, à travers la prière, un
nouveau monde de paix. ». En février 1993, elle continue : « Je
suis avec vous et je vous guide vers un temps nouveau. »
L’échange et l’interaction
dans toute la création, aspect universel et fondamental de la réalité, est une
des découvertes les plus importantes de la physique. Un auteur l’a réduit
à une formule facilement compréhensible : « Un papillon en
Australie peut provoquer un ouragan dans les Caraïbes ». Les choses
les plus petites sont en interaction avec les plus grandes ! Sur cet
arrière-plan, souvenons-nous du message de la Gospa du décembre
1992 : « C'est pourquoi je vous appelle tous à construire avec
Moi, à travers la prière, un nouveau monde de paix ; cela,
je ne peux le faire sans vous… N'oubliez pas que votre vie ne vous appartient
pas, mais que c'est un don à travers lequel vous devez donner la joie
aux autres et les guider vers la vie éternelle. ». « Par chacun de
vous, je veux convertir et sauver le monde ».
Depuis
presque 20 ans, à Medjugorje et grâce à Medjugorje, on prie et on
jeûne intensément partout dans le monde.
À la
place de la culture du Moi, la Gospa introduit une culture orientée vers
l’autre. Son influence sur le destin de l’humanité et le cours de l’histoire
est probable et, si seulement nous pouvions l’observer à partir de
l’éternité, époustouflant. En 1991, c’était la chute du communisme. Depuis
1981, la Gospa pose des jalons pour une nouvelle manière de penser. Elle
a provoqué une nouvelle avalanche de prière qui ne doit pas
s’arrêter. On pourrait dire en plaisantant : D’une manière
très modeste, l’air de rien, la Gospa nous a donné une magnifique leçon
d’analyse systémique et de physique moderne.
Le philosophe
espagnol Raimond Panikkar a remarquablement affirmé à une radio
allemande : « Le temps du monothéisme approche de sa fin, et seul le
christianisme a un avenir. » Cette affirmation peut être facilement
mal comprise. Il voulait dire que Dieu est vie et relation !!!
Après l’installation d’un merveilleux Chemin de Croix sur le Križevac,
dix merveilleuses stations du Rosaire ont été érigées sur le Podbrdo. Le
premier tableau montre très éloquemment la scène de
l’Annonciation à Nazareth.
Les artistes
de tous les temps montrent habituellement Marie à genoux, recueillie en
prière profonde, et devant elle – généralement en l’air – l’ange
Gabriel. Sur le Podbrdo, c’est exactement l’inverse. Marie se tient debout, et
devant elle – un peu plus bas – un puissant ange, si puissant, que son aile
droite dépasse du cadre. L’ange monte à Marie trois doigts et se
manifeste ainsi comme le messager du Dieu Trinitaire. Le message à peine
transmis, par son attitude il donne à comprendre que Marie n’est pas
seulement « Pleine de Grâce » mais également, ce qui pour lui est
important, « Reine des Anges ». Les trois doigts ont encore une
signification : ils annoncent une nouvelle époque, celle du Dieu
Trinitaire. Dieu se reflète de diverses manières dans la création
et dans les lois de la nature. L’artiste a fait preuve d’une intuition géniale.
Par Medjugorje, s’annonce peut-être une époque dans laquelle les
relations interpersonnelles auront à jouer un rôle décisif.
Référons-nous aux paroles de Marie : « N'oubliez pas que votre vie ne
vous appartient pas, mais que c'est un don à travers lequel vous devez
donner la joie aux autres et les guider vers la vie éternelle », vers la
plénitude de la vie. Avec beaucoup de délicatesse et d’amabilité, elle a
signifié la grandeur de notre responsabilité, lorsqu’elle a dit en novembre
1997 : « Dieu a donné à chacun la liberté que je respecte avec
amour et devant laquelle je m’incline avec humilité ».
Le voyant de
Kurešèek, dont le ministère a commencé à Medjugorje, semble avoir
reçu la mission d’ériger en Slovénie une église en l’honneur de la Sainte
Trinité.
Ceci indique
la même direction. Dieu lève un peu plus le rideau qui nous sépare
de Lui. Il veut une civilisation où l’adoration de Soi et l’exaltation
de la raison s’éteignent, pour imprégner à l’humanité des relations
marquées de ses propres traits. Il veut la diviniser toujours davantage.
Medjugorje était et demeure un outil adéquat – une prise de conscience devant
laquelle nous pouvons seulement tomber à genoux et nous exclamer :
O Seigneur, merveilleuses sont tes voies !
L’histoire présente
des caractéristiques qui expriment la maturation de certains processus
évolutifs d’humanisation à l’intérieur du devenir temporel : il
s’agit, selon Jean XXIII, de « signes des temps » (expression que le
Concile Vatican II a fait sienne[1])
- clignotants de la Providence de Dieu dans l’histoire.
L’Église,
incarnée dans l’histoire au service du monde, incarnée en ce temps de seuil et
sujette aux changements radicaux, ne pouvait que comporter, selon ce qui est
propre au processus de la jeunesse, une modalité diverse de présentation, et
indiquer des signes de transformation.
Dans ce
cadre, le visage de l’Église du troisième millénaire est décidément en
train de changer. Portant des traits prédominants occidentaux, elle commence
à acquérir des traits inspirés par la mondialisation et marqués par le
Tiers Monde. Les jeunes Églises ont tendance à rajeunir l’Église toute
entière : il s’agit d’un renouveau de toute sa physionomie.
Ceci se
vérifie avant tout au plan quantitatif. On peut constater la baisse de la
suprématie numérique des Églises occidentales. Au début du XXe
siècle, ces communautés représentaient 85% de l’ensemble. En l’an 2000,
elles ne sont que 40%. Les Églises du Sud du monde– malgré de notables
hémorragies vers les sectes et vers d’autres mouvements religieux– sont en
augmentation exponentielle.
Au plan qualitatif, on peut enregistrer une tendance vers
une inculturation des contenus de la foi. C’est la forme fondamentale de
l’incarnation de l’Église dans le tissu des drames et des attentes des
hommes : une redécouverte du pôle de l’orthopraxie en interaction féconde
avec celui de l’orthodoxie : un engagement en faveur de la vérité de
l’amour comme crédibilité de l’amour dans la vérité.[2]
Johann
Baptist Metz a déclaré : « L’Église catholique n’est plus celle qui
contient l’Église du Tiers Monde, mais devient elle-même l’Église d’un
tiers monde d’origine occidentale et européenne. »[3]
Nous assistons au passage d’une Église culturellement monocentrique à
une Église culturellement polycentrique, conservant évidemment sa structure catholique de communauté
hiérarchico-primatiale de divine constitution, en union avec Pierre et guidée
par lui.
Dans ce
panorama, le sens de l’universalité, loin de se raréfier, est respiré à
pleins poumons. Les anciennes hégémonies culturelles, historiquement
explicables, cèdent le pas à la parité de la dignité et de
l’expression.
L’Église
universelle est le Corps du Christ sur cette planète, dans le sens de
l’unité vitale et de la variété des membres culturellement diversifiés. La multiplicité
des charismes, dans ce cadre, se rend présente sous divers tissus qui
constituent le corps dans lequel se plonge le mystère du Verbe incarné.
L’inculturation comme principe des lois physiologiques est « comme
sa conséquence concrète, celle de la légitime pluriformité ».[4]
S’inculturer signifie participer de l’intérieur aux dynamiques des cultures. Ce
sont des réalités extrêmement mobiles, aujourd’hui interchangeables,
soumises en permanence à la fragilité, à l’ambiguïté,
à la menace et au risque. S’inculturer ne signifie donc pas seulement
s’insérer, mais plutôt inter-être :
être un avec les peuples, mais à l’intérieur de leur laborieuse
recherche d’identité, d’unité, de stabilité dynamique. Ceci signifie que, loin
d’être statiquement tranquilles, la tension et la composition des
tensions conduisent vers le but ardu du binôme paix-justice.
La nouvelle perspective impose de nouveaux impératifs qui découlent du
permanent code génétique de l’organisme vivant de l’Église, mais qui sont
prévenus selon les impulsions vitales de la nouvelle culture.[5]
Le don de la
jeunesse, accordé par l’Ésprit à l’Église, est appelé à se
mesurer aux engagements des disciples du XXIe siècle, appelés
à rien de moins que de présenter au monde le visage renouvelé de
l’espérance. Nous nous trouvons face à une double icône de
l’Église : caravane en marche au cœur du désert, et comme
revêtue du tablier du Jeudi Saint. L’Église est, en effet,
prophétiquement symbolisée par l’ancien Israël en pèlerinage. Elle est
également le prolongement vivant du Christ-Époux qui s’agenouille devant
l’homme fatigué pour lui laver les pieds. De façon emblématique, cet aspect
rejoint l’objectif de son œuvre d’Incarnation.
L’Église,
icône de la Sollicitudo rei socialis
et de la Sollicitudo historiae populorum,
est le sacrement – signe – instrument – de l’attention de Dieu à l’égard
du monde aujourd’hui qu’Il continue à aimer malgré tout.[6]
C’est l’Église de la tente planétaire.
Le monde
présente un panorama qui s’est nouvellement formé lors du dernier siècle
du 2e millénaire. Le cadre général n’est pas uniforme, mais
fortement varié. Ses parcours sont accidentés et toujours marqués par des
contradictions et des contrastes.
Comme nous
l’avons vu, le cadre général n’est pas uniforme mais, au contraire, fortement
varié, toujours marqué par les contradictions et les contrastes. Le dénominateur commun est le travail
culturel. La demande augmente en faveur d’un avenir plus humain que le présent,
et donc plus participatif.
L’Église
de la tente planétaire, qui s’engage à collaborer avec
les hommes de bonne volonté en faveur d’une culture
de la Résurrection, dispose d’une espérance énergétique de la Pâque, afin
de reconstruire ses fondements inculturés dans divers domaines de la
planète et de la civilisation de l’homme. Cette tâche doit être
menée ensemble avec d’autres religions du monde, dans le contexte des projets
des hommes de bonne volonté.
Considéré
globalement, les Églises en Occident
peuvent offrir une aide pascale, avant tout sous la forme du témoignage, et
puis sous la forme concrète d’une collaboration, afin de faire resurgir
la conscience de la dignité de ses racines et de ses prédécesseurs. Ils n’ont
pas toujours été historiquement cohérents, mais seront authentiques dans la
mesure où ils demeureront liés à l’inspiration originelle.
L’âme de ce
processus pourrait être retrouvée sur les sentiers du respect de son code
génétique : alors le leadership
d’un temps qui se transforme en un colonialisme et un économisme, marqué
essentiellement par le matérialisme, pourrait, à la fin du millénaire,
être transformé en un service d’initiative planétaire au service d’une
culture humaine renouvelée.
Ce que l’on
demande à l’Occident, c’est de se
décentrer de lui-même.[7]
Ceci implique un changement radical de mentalité pour accomplir l’exode de son
autosuffisance. Le déplacement de l’axe va du moi privilégié vers le moi
indéterminé qui fait abstraction des connotations de temps, d’espace et de
sens. C’est une forme de l’indispensable récupération de l’âme européenne
centrée, par le biais du judéo-christianisme, sur la sacralité de la personne
humaine. C’est là-dessus que se greffe le principe de l’universalité de
la dignité de tout homme, de toute race, peuple et communauté.
Les Églises
d’Occident, se référant à l’altérité comme lieu de vénération de l’icône
théomorphe vivante, doivent à nouveau mettre en avant la liberté comme
capacité de faire place à la liberté de l’autre, élaborant celle que
Armindo Rizzi appelle authentique « théologie européenne de la
libération ».[8] Elle
consiste dans la libération radicale des angoisses conceptuelles et
projectionnelles et des pratiques du type purement négatif. Il s’agit de la
liberté, non seulement au plan contractuel (ne pas nuire aux adversaires et les
respecter au plan de la formalité judiciaire), mais de la liberté qui doit se rendre responsable du besoin d’être.
La conception du droit contractuel se
transforme ainsi en anthropologie solidaire.
Les Églises
sont appelées à créer des prémices au passage de l’Occident de la pure
contractualité à la solidarité.
En somme,
dans l’espace où l’on récupère – à l’intérieur de
l’Euro-Amérique – la nostalgie du futur, celle de l’exercice de la mémoire des
racines par la maturation des fruits acclimatés à notre temps – se place
l’engagement des communautés chrétiennes oecuméniquement réconciliées et
efficacement animées au service du monde, avant tout, ad intra, avec l’engagement prophétique d’offrir crédiblement la
signification de la vie, partiellement perdue. Et puis, ad extra, avec le passage de l’attitude coloniale à
l’attitude diaconale au plan de la culture et de la solidarité. Celui qui
possède les instruments du savoir, de la science et de la technique, ne
peut abdiquer de son propre devoir de solidarité sous forme de la subsidiarité,
refusant la logique déclarée ou cryptée de « l’étique du juste
circonscrit ».
Les Églises
sont appelées à la tâche éducative, celle de l’ouverture des hommes des
sociétés d’opulence qui avancent vers la mondialisation, à remplir le
vide existentiel fortement présent.
En ce qui
concerne l’enchevêtrement problématique des pays de l’Est, il se confirme que l’Europe, fidèle à
ses racines, ne peut approuver le passage de Scille et Charybde. Après
la chute du « mur », il ne faudrait pas passer du communisme nivelant
au consumérisme dégradant.
Un des
problèmes des plus sérieux que doivent affronter les Églises de l’Est
est celui des jeunes qui, refusant les pseudo-valeurs du passé déchu, et sous
l’effet de la tentative systématique d’éradiquer les valeurs spirituelles pour
des générations entières, risquent de pencher vers l’absence de valeurs.
Dans
certaines zones, le risque est en train de se profiler que cette absence soit
remplacée par un autre vide : celui-ci induit par l’acceptation du
modèle occidental, matérialiste et consommateur qui, comme on le sait,
envahit les générations entières de jeunes, tentées par le nihilisme des
significations.
Sous cet
aspect, pour les Églises de l’Est l’avenir s’annonce plus engageant et
laborieux que le passé, lorsque mûrissaient les vocations au martyre pour
les hautes valeurs de la spiritualité.
Pour les
Églises d’Occident en particulier, le projet de la culture pascale sera d’aider
à faire développer les potentialités déjà présentes, bien
qu’à long terme elles demeurent enterrées sous la glace des années de la
terreur, comme l’a indiqué le Synode extraordinaire pour l’Europe.[9]
Il y a un
danger : que ces peuples marqués par la souffrance restent seuls dans leur
tâche de réveil.
Les Églises sont des expertes de la Pâque et doivent aider
à mûrir les germes des pâques qui commencent. Là, où
il y a un passage de l’aliénation à la libération, sous le signe de
l’homme, là est la pâque. Il est, néanmoins, tellement difficile de la célébrer,
et d’inviter à une telle fête les hommes, non seulement au plan
liturgique, mais également au plan historique, politique, économique et
culturel.
Il ne suffit plus de se réjouir de l’ouverture des temps
vérouillés pendant des décennies. Il faut collaborer à la création de
ces promesses indispensables pour requalifier les domaines de ces chantiers de
l’histoire, afin que le Christ puisse continuer à resurgir dans des
millions d’hommes en attente.
Les Églises qui vivent dans l’oppulence occidentale sont
défiées à devenir sel et lumière, pour éviter que les peuples de
l’Est, fuyant le matérialisme collectiviste, tombent dans un matérialisme
individualiste : du goulag à la jungle.
Aux Églises de l’Occident s’impose donc aujourd’hui le
devoir de multiplier les signes de la pâque, imprévisibles hier encore, mais
facteurs de responsabilisation aujourd’hui.
En Amérique Latine, les Églises peuvent
aider à libérer les consciences de diverses tentations : de l’abus
des logiques de domination d’une part, et du déchaînement de la compréhensible
colère de millions d’hommes sous-humanisés de l’autre.
La
pratique de la libération évangélique[10]
n’oppose pas les classes, mais tend à réconcilier les hommes
déshumanisés par l’oppression active et ceux qui subissent l’esclavage, les
engageant ensemble à construire la maison de la justice et de la paix.[11]
Selon
les indications de Medellin, de Puebla[12]
et de Santo Domingo[13],
les Églises continueront à être, comme dans la pratique
messianique, aux côtés des derniers. Le Messie a préféré la catégorie des
« sans pouvoir » et il lui appartenait lui-même. Les Églises
lutteront à leur côté par la méthode de résistance non-violente et de
conscience vigilante.
Mais
la lutte n’est pas seulement verbale. Elle est réelle. Elle consiste à
aider à dire non à l’oppression qui barre le futur, payant avec l’opprimé d’autres frais de
cette méthode de résistance[14]
qui, en Inde, avec la figure de Gandhi qui croyait en Dieu et en l’homme, a
produit des résultats de liberté et de progrès.
En
effet, un courant d’opinion est en train de se former grâce aux groupes de base
d’origine ecclésiale et sociale qui créent une culture centrée sur les valeurs
fondamentales de l’engagement des peuples et de la dignité de l’opprimé.
Il
est temps d’élaborer une synthèse entre les instances de la théologie de
la libération, comme réflexion critico-constructive de la pratique de l’Église
dans le domaine de la justice et de la paix, et la doctrine sociale, qui bien
que courageuse, nécessite une réflexion territoriale.
L’Église
de l’Amérique Latine, relisant son martyrologe de la fin du siècle
constituée par les figures d’évêques, de prêtres, de laïcs, de
catéchistes et de paysans, retrouve
son courage de défendre les non-défendus. Elle vit cela comme un authentique lieu théologique de la nouvelle évangélisation, face à
l’éclosion des sectes fondamentalistes et ploutocrates. L’Église se place au
cœur des processus de libération de l’humain, aux côtés
d’indigènes, de noirs exclus, de personnes âgées marginalisées,
d’enfants maltraités et abandonnés, de tous les opprimés par la violence
physique ou morale. On y reconnaît les traits de sa physionomie.[15]
Les
Églises latino-américaines sont traversées par le souffle de l’Esprit,
conscientes de la gravité et de la responsabilité de la tâche. Medellin, Puebla
et Santo Domingo sont des pierres d’angle de cet itinéraire de prise de
conscience.[16] Le chemin
est long. Le martyrologe moderne, signé par le sacrifice de tant de témoins,
encourage les animateurs intelligents et les nombreux groupes porteurs
d’espérance.
La culture de la résurrection fermentera
également en Afrique sous le signe du
retour des valeurs caractéristiques de communion, de solidarité, de famille et
de fête, typiques de la société de ce continent. L’Église l’aidera
à lutter contre les tentations récurrentes de fatalisme et de
défaitisme. Elle favorisera, entre les tribus sœurs qui se reconnaissent
dans une même culture ou dans des cultures semblables, l’avènement
de référents communs et de sentiers de réconciliation. Elle saura collaborer
à l’élargissement du domaine culturel en vue de la formation d’une
classe dirigeante. Loin d’imiter l’arrogance des colonisateurs, elle s’engagera
à africaniser la vie en
faisant progresser la justice et la paix, et à épargner par la
redistribution des richesses et par l’accroissement du domaine secondaire et
tertiaire, sans dilapider le patrimoine, mais instaurant un système de
participation économique non pollué par l’esprit de consommation occidental. Ce
sont les prémisses aptes à créer pour le troisième millénaire un
modèle de démocratie substantielle, avec fermeté et par l’intermédiaire
du développement de l’instruction qui valorise aujourd’hui les grandes cultures
du continent.
L’Église
saura créer les espaces pour l’inculturation africaine de la foi, selon les
intentions du Synode des Églises d’Afrique.
L’Africanité
dispose d’un langage très riche qui inclut comme coefficient essentiel
l’affectivité et les émotions, les souffrances, les fréquentes exultations
quasi frénétiques, et parfois les lamentations et les larmes cosmiques. Tout
cela demande un espace communautaire et participatif, d’où l’exigence
d’une liturgie créative et implicative.
La
pensée africaine possède son propre système symbolique et
religieux et son propre langage analogique. Afin que l’Évangile parvienne
jusqu’au cœur des gens, il est nécessaire que sa communication passe par
ses médiations culturelles. C’est le principe fondamental de l’opération
« africaniser le christianisme », après avoir
« christianiser l’Afrique ».
Aujourd’hui,
cette méthode est d’importance capitale et ne doit pas manquer sa chance
historique. La disparition du christianisme de l’Afrique du Nord lors des
premiers siècles s’explique également par le manque d’enracinement de la
foi dans la culture de ces temps.
Il
est urgent d’étudier les formes de dialogue avec les grandes traditions
religieuses du continent, en étroite parenté avec l’univers et la nature.
La culture
de la résurrection, portée par la force de ses principes et la présence de
laïcs dans les structures des pays industriellement avancés sera, en
outre, le médiateur de projets et d’aide non seulement au plan économique, mais
surtout au plan de la maîtrise des investissements : un vrai bond en avant
de la technologie, à l’avantage de la production et de l’agriculture
dans les zones les plus pauvres.
Théologiquement,
la synthèse s’opérera entre les cultures africaines et l’Évangile. Elle
ne concernera pas seulement la promotion des liturgies et du folklore local,
mais plutôt la valorisation des instances et des stimuli des cultures
elles-mêmes.
C’était
l’objectif du Synode pour l’Afrique.[17]
Simultanément,
il s’agit d’organiser le courage pour
affronter les fractionnements tribaux qui bloquent les processus d’unité
nationale, et par conséquent ecclésiale. Il faudra donner une réponse africaine
aux problématiques typiques de ce continent, sujet à la dépression
politique et économique, ayant besoin de l’espérance.
L’Asie,
avec sa grande âme religieuse, exige un « retour en avant » à
son code génétique du type sacral et contemplatif, qui devrait être relu
en méditant sur l’apport du judéo-christianisme que Gandhi lui-même avait
reconnu, et qui a pénétré la législation et les cultures occidentales, tout
particulièrement en ce qui concerne l’égalité des hommes et le respect
de la dignité de chacun, sans aucune différence de classes.
Face
aux maintes menaces d’identités populaires, le service pascal que les Églises
pourront rendre aux cultures de l’Orient, berceau de sagesse et de religiosité,
sera celui de respecter et de préserver le considérable capital de
contemplation et à l’investir conjointement avec celui de l’action[18],
selon l’enseignement exemplaire de Benoît de Nursie, et selon sa spiritualité
de synthèse : l’action devient contemplation opératrice se faisant
action méditative. Ce patrimoine de valeurs incarnées peut constituer une
contribution à l’Orient, afin qu’il maintienne la fidélité dynamique
à sa propre spécificité.
L’action devrait être comprise ici au sens blondélien.[19]
Elle vient des dynamismes profonds pour s’étendre à toute la vie, y
compris aux relations sociales et politiques. Elle devrait donc comprendre
également l’engagement de supprimer les castes, pour reconnaître dans le
collègue dans l’humanité – soit-il un paria – un candidat à un
avenir marqué par la présence du divin.
Les
Églises, dans un dialogue très fécond avec les anciennes traditions
religieuses et culturelles, pourront offrir un espace opportun pour les deux,
au service de l’homme.
En
grandes lignes, il y a trois domaines culturels et religieux en Asie :
celui du Moyen Orient à
dominante musulmane, celui du Sud-Est
hindouiste et bouddhiste, et l’espace immense de l’Extrème Orient majoritairement confucianiste, taoïste
et bouddhiste. Cette immense ceinture humaine demeurée sous influence de
l’idéologie matérialiste est du type collectiviste et néocapitaliste. Les
répressions et les persécutions antireligieuses ont fait revivre les férocités
et la résistance des premiers temps des martyrs, rendant le contexte asiatique
de plus en plus fermé à l’accueil du message.
La
tolérance, la collaboration, le partage des richesses et des projets communs
formeraient un tissu de méthodologie alternative aux oppositions séculaires que
l’histoire à révélés stériles et destructrices.
L’œcuménisme
interreligieux, ensuite, peut promouvoir des itinéraires de recherche et de
prière vers le Dieu unique des peuples divers. Les Églises sont
sollicitées à approfondir les bases de la théologie de la toute
première alliance, établie par la Création avec Adam et Noé,[20]
puis avec Abraham et Moïse. Au cours des milliers de siècles, Dieu
a fait son histoire avec les peuples de la terre. Son amour les touche et Il
chemine avec eux. Cette alliance de la Création n’a jamais été révoquée. Reste
la toile de fond des alliances successives d’élection.
En
référence à elle et dans la mesure où les peuples non-chrétiens
s’approchent de l’unique voie de l’amour incarnée et proclamée par le Christ,
le seul vrai Dieu demeure le Dieu de tous les peuples, appelé de tant de noms
et non encore reconnu comme « le Père de Notre Seigneur Jésus
Christ ».[21]
Cette
vision ne diminue pas l’urgence de la mission, mais la conditionne par la
sérénité et le respect du rapprochement de la diversité du vécu religieux.
Dans
l’espace de l’expérience chrétienne du continent asiatique, il semble enfin
significatif de souligner qu’en Asie la majorité des canonisés ou des candidats
à l’autel sont des fidèles laïcs, hommes et femmes de
sainteté quotidienne exercée dans le monde, qui ont témoigné le courage de la
profession de la foi jusqu’au martyre. C’est le contraire de l’archipel des
canonisés ou des candidats à la canonisation rencontrés en
Euro-Amérique, appartenant majoritairement à la hiérarchie et aux ordres
religieux.
Ces
données, concernant cette portion d’Église, peuvent être comprises comme
un signe de l’épanouissement des charismes laïcs - et
particulièrement du germe de la foi - portés en grande partie par la
base ecclésiale jusqu’à la maturation maximale du témoignage de la
fidélité.
Il
serait intéressant d’étudier l’union entre le germe de la foi chrétienne et
l’attitude contemplative, offrande totale à l’Absolu, typique de ces
peuples. C’est une grande promesse pour l’avenir du Règne.
En Océanie, l’Église est à la
recherche de nouveaux modes d’annonce dans des conditions de difficultés
structurelles et naturelles.
La
présence de laïcs motivés et soutenus, souvent même économiquement,
par leurs communautés – certains en activité pastorale à plein temps,
comme catéchistes ou Church-leader –
constitue une solide espérance pour le futur. Actuellement, il y a quatre
Conférences Épiscopales sur le continent : celle du Pacifique, celle de
Papouasie – Nouvelle Guinée et des Iles Salomon, celle d’Australie et celle de
la Nouvelle Zélande.
Dans
la Zone australienne, constituée en
grande partie de familles émigrées après la guerre, il est urgent
d’offrir une aide à la redécouverte des racines des cultures européennes
et asiatiques, marquées par une religiosité significative. Il s’agit d’arracher
le développement de cette région au risque de l’économisme et de l’efficacité
qui coupe le souffle à la croissance de la spiritualité.
À
la lumière des traditions originelles actuellement en état de
dissolution, les nouvelles générations seront aidées à découvrir le
risque du matérialisme qui enlève le sens à la vie, la conduisant
à état de jungle et d’intolérance.
L’avenir
de l’Australie se prépare. Les disciples du Ressuscité ont la possibilité d’y
collaborer par la construction vitale d’une synthèse entre les valeurs
de l’avoir et celles de l’être, non considérées au même niveau,
mais en raison des fonctionnalités des premières par rapport aux
secondes. Ils collaboreront à la construction d’une convivialité, basée
sur la justice, entre les hommes d’origine diverse mais engagés à ériger
une civilisation nécessairement indivisible, marquée par la solidarité et la
subsidiarité.
L’Australie
a le droit de s’attendre à une vraie expansion chrétienne en retrouvant
une authentique qualité de vie. Dans
ce nouveau climat pourra mûrir l’orientation vers la promotion et le
partage du pouvoir, l’orientation vers une réelle démocratie partagée, y
compris en faveur des nouveaux-venus et des aborigènes toujours privés
de voix.
Définitivement, les communautés de disciples de l’Emmanuel
qui portent Son signe et Sa semence appelée à mûrir et à se
développer, sont appelées au cœur de ce nœud des civilisations
à devenir des Églises-avec,
des Églises-pour, des Églises-dans le respect des cultures de la
planète, toujours et seulement dans l’esprit
de service de l’homme, icône théomorphe et candidat au Règne
parfait.
Il s’agit de construire d’une manière engagée une
communauté de compagnonnage (avec),
une communauté de diaconie (pour),
communauté de syntonie (dans),
subordonnées à la disponibilité au salut de l’homme. Il s’agit de créer
les prémices par la croissance des valeurs de liberté, de solidarité et de
dynamisme, dans l’ouverture vers le haut et vers ce qui est devant. Ce but se
profile avec d’autant plus d’urgence que la situation mondiale néo-libéraliste
et globalisante se rend de plus en plus insidieuse.
Deux œuvres d’analyse lucide de l’économie planétaire
observent la métamorphose du néocapitalisme au seuil des deux siècles.
Dans son œuvre au titre symptomatique, Quadrature
du cercle,[22]
Ralf Dahrendorf fait un examen approfondi du type socio-économique. Le
directeur émérite de London School of
Economics tâte le pouls de la planète, avec une documentation
académique et sans trop d’optimisme. Il présente la radiographie du monde plus
avantagé et celle du reste de la planète qui, selon lui, ne s’effondre
pas parce qu’il a déjà coulé à pic. Au sujet du premier monde, il
indique la tendance à une hyperévaluation de l’économie accompagnée du
collapsus des règles sociales, accompagné de l’obscurcissement du sens
sacré de la vie, de la croissance du chômage, de la méfiance envers les
institutions et de la multiplication de délits et de suicides.
Le phénomène de globalisation dans lequel
« toutes les économies sont entrelacées en un seul marché
compétitif »[23]
s’étend. Ce système engendre un sous-produit : les personnes dites
« personnes-zéro ». Selon l’auteur de l’ouvrage :
« Certaines personnes (aussi terrible que ceci peut paraître écrit noir
sur blanc), ne servent tout simplement à rien : l’économie peut
croître sans leur contribution. Elles ne sont d’aucun bénéfice pour le reste de
la société, mais au contraire, un coût »[24].
C’est ainsi que le tissu social se défait : « Les gens vraiment
désavantagés n’ont aucun sens d’appartenance. Les riches peuvent devenir plus
riches sans eux. (…) Le produit national continue à s’accroître à
côté de leur misère »[25].
C’est ainsi qu’émerge le binôme suivant : « Un sentiment de refus de
toutes les règles et de profonde incertitude[26]
est en train de se répandre ».
La désagrégation sociale, conséquence de l’érosion des
règles sociales, est également traitée dans un ouvrage de Edward N.
Luttwak publiée sous le titre si significatif de La dictature du capitalisme[27].
Luttwak crée un néologisme – turbocapitalisme
– et l’explique en termes suivants : « On l’appelle libre marché, mais je le définis plutôt
de capitalisme suralimenté, ou plus simplement turbocapitalisme, parce qu’il
est différent du capitalisme rigoureusement contrôlé qui a prospéré de 1945
jusqu’à la fin des années 80, et qui a résulté d’une sensationnelle
augmentation de richesses des populations des Etats-Unis, de l’Europe
Occidentale, du Japon et de quelques autres pays qui ont suivi leurs traces.
Mais, les extrêmes ont tendance à converger, et il ne devrait pas
être une surprise que le nouveau turbocapitalisme présente de nombreuses
caractéristiques communes avec la vision soviétique du communisme. Le
turbocapitalisme offre, en effet, un modèle unique et un corps unique de
règles pour tous les pays du monde, ignorant toute différence en terme
de société, culture et tempérament »[28].
Poursuivant son analyse, l’auteur fait coïncider le progrès sans
freins de ce système avec la dissolution de la société :
« Permettre au turbocapitalisme d’avancer sans freins signifie réduire la
société à une minuscule élite
de vainqueurs, une grande masse de perdants à divers niveaux de
bien-être et de pauvreté, et une catégorie de rebelles délinquants. Le
résultat n’est pas seulement l’érosion du sens d’appartenance sociale, mais
également celle des liens familiaux qui réclament ce temps utilisé à
courir le monde d’une manière de plus en plus forcenée ».[29]
Dans ce cadre, une autre tendance se fait remarquer : le nivellement des
valeurs naturelles des structures sociales selon leurs finalités humanitaires.
« Permettre au turbocapitalisme de transformer toutes les institutions, de
l’hôpital jusqu’aux maisons d’édition et au marathon, en entreprises dont la
finalité est le profit maximum, les déforme et les détourne de leur contenu
essentiel ».[30]
Le turbocapitalisme associé à la géoéconomie cultive,
hormis une grande puissance, un nouveau type d’interconnexion non plus
nationaliste et militaire, mais économique et financière. Ce
système est marqué par trois caractéristiques fondamentales. Tout
d’abord, le dérèglement
économique et entrepreneurial instauré en Angleterre dans les années 70 et 80,
importé des USA. Il s’agit du passage de l’économie réglementée à
l’économie déréglée avec une tendance
à l’avènement de la cybernétique qui se substitue au travail
humain.
Dans ce cadre se manifeste le phénomène de
re-dimensionnement et de re-structuration comme norme suprême,
l’application du principe que l’économie est supérieure au travail et que le
travail est supérieur à l’homme. Dans son encyclique Laborem exercens, Jean-Paul II a annoncé
le principe contraire : « Avant tout : le travail pour l’homme et non l’homme pour le travail »[31],
et simultanément : « Nous répétons le principe fondamental : la
hiérarchie des valeurs et le sens profond du travail lui-même exigent que le capital soit fonction du travail et
non le travail fonction du capital. »[32]
Quant au matérialisme économique, on remarque « le dépassement radical » et « les changements qui procèdent sur la ligne de conviction
profonde du primat de la personne sur les choses, du travail de l’homme sur le
capital et des moyens de production ».[33]
La deuxième caractéristique concerne la libéralisation des transitions
financières grâce au passage de flux de dollars d’un point à
l’autre du globe en temps réel, grâce à l’informatique. Les résultats en
sont la rapidité d’investissements et de désinvestissements, la facilité de
spéculations en bourse et de jeux financiers, roulette perverse de notre temps, qui peut faire s’écrouler les
petites entreprises et augmenter les intérêts de la dette publique, et
tout cela au niveau international. Le fait le plus inquiétant au plan des
valeurs et de l’éthique, c’est que ces dynamiques n’offrent aucun moyen de
contrôle, et pour l’instant même pas celui d’avertissement. Il s’agit
d’un processus non localisable. L’espace n’est qu’un cyberespace. En outre, les centrales financières de
déplacement de capitaux sont entre les mains du privé et ainsi, grâce à
l’informatique, ne peuvent être contrôlées par aucun gouvernement
national ou mondial.[34]
L’autre phénomène est celui de la globalisation ou de
la réduction de la planète à un unique marché, marqué par le
dérèglement socio-économique et la libéralisation financière.
Ainsi, la globalisation semble donner une ouverture aux pays sous-développés,
mais son intention est à but lucratif, spéculant sur la misère et
sur plus-de-travail, et jouissant
pleinement de la plus-value. Au
niveau social, ce libéralisme sauvage engendre, entre autres, l’exclusion des perdants en prise au désespoir face
à l’avenir, et le déraillement de leurs familles. Pour simplifier, le
coût du travail – et par conséquent des salaires – dans les pays
sous-développés est soumis au jeu des sociétés économico-financières et
entrepreneuriales. En ce qui concerne la dette publique de ces pays, on dit que
les taux d’intérêt sont imposés par certains centres de pouvoir des pays
opulents.
L’écart entre les riches et les pauvres s’accentue d’une
manière impressionnante. Ce qui émerge, c’est ce qu’on appelle l’effet superstar, dans lequel le
vainqueur surabonde et le perdant risque ne plus rien avoir. Tout cela arrive
parce que le vainqueur possède la force de changer les règles du
jeu et d’imposer la règle de dé-règlement. C’est ainsi que
s’ouvre le chemin de la globo-colonisation.
Ces signaux qui menacent l’homme concret, fait de chair et
d’os, de sang et de larmes, peuvent s’inscrire en une tendance de pensée qui se présente comme un échec de l’humanisme et
de l’espérance. Et tout cela pour des motivations graves. Avant tout, pour
l’objectif suprême du système de la globalisation qui est une maximisation des profits sans
augmentation correspondante des salaires.[35]
Et puis, puisque le système, avec sa méthodologie rigide liée à
son objectif, ne peut s’occuper directement du développement humain de la société,
il ne fait aucune différence quant à ce qui est produit avec le capital
investi : les armes ou la culture, la drogue ou les médicaments, ni - on
pourrait dire - quant à la qualité et la quantité de production, vu que
l’objectif peut être rejoint même avec la réduction de cette
même production. Le monde de la finance tend à se détacher et
à devenir indépendant de celui de la production.
La globalisation, en effet, se présente comme une forme de
néocolonialisme qui utilise des moyens comme fax et Internet dans un monde tranquille et silencieux. Ce style
est exactement contraire à celui utilisé par les anciens colonisateurs
qui se distinguaient par leur rhétorique de conquête et la musique
assourdissante des fanfares. Le néocolonialisme actuel et plus radical et
tentaculaire.
Dans ce climat peuvent prospérer les empereurs du
troisième millénaire, les gestionnaires de l’empire planétaire de
l’argent.[36]
Au début du processus, la globalisation économique a été
considérée avec optimisme à cause de l’espoir de la distribution
générale de richesses. Honnêtement, cet optimisme ne tient plus. Les
crises des trois dernières décennies, particulièrement en Russie,
en Amérique Latine et en Asie, et leurs conséquences épouvantables sur les
économies africaines, indiquent la fragilité des mécanismes du marché mondial.
Ces tempêtes sont quasi physiologiquement récurrentes.
La globalisation économique se contextualise dans un horizon
de mondialisation culturelle et spirituelle et avec
l’homme au centre, avec tous les hommes de la planète. Au nom de la
justice distributive à la lumière de l’humanisme, ils doivent
être aidés (subsidiarité), afin
de pouvoir jouir des bénéfices de la civilisation (travail, instruction et soin
de la santé, partage des richesses, accès aux outils) selon le mérite et
le besoin de chacun.
Les Églises doivent donc tisser la trame d’engagement
solidaire, afin de créer entre les continents et les peuples à
l’intérieur des nations les possibilités objectives d’un gouvernement mondial.
C’est l’objectif
du 21e siècle. Il serait la garantie d’un processus de
planétisation sans polarisation, qui signerait l’incessante évolution du monde.
Ce serait l’authentique opération du Populorum
Progressio à qui seul est confié la qualification de l’histoire par
l’aventure humaine, comme le développement de tous les peuples et de chaque
peuple.
C’est la contribution indispensable que les Églises
chrétiennes, unies aux religions historiques, doivent donner au monde, passant
du régime du trône à celui de
la tente.
Comme le Verbe s’est fait chair et s’est installé parmi les
hommes[37],
les Églises doivent faire partie de la trame de l’histoire des continents et
planter leurs tentes le long des carrefours des peuples, marchant vers
l’objectif de l’unité.
Les derniers sont appelés, car ils sont privés de pouvoir,
d’espace, d’avenir. Les derniers, car ils n’ont même pas de voix à
lever contre leur expulsion vers les souterrains de l’histoire : ils ne
sont jamais admis – y compris au plan formel si exalté du néo-libéralisme –
à voir la lumière de leurs droits.
Les hommes de
l’Évangile se penchent sur le drame des sous-hommes en termes de défi et de
stimulation. Si l’Église est la servante du Dieu de l’humanité et de l’humanité
de Dieu, elle doit collaborer à la réalisation de sa prophétie :
les derniers devraient devenir les premiers.[38]
Il s’agit de
la réalisation du programme prophétique du Magnificat[39],
cantique d’une fille d’Israël, qui se trouvait parmi les derniers selon l’estimation
de la grande société impériale de son temps, mais qui était appelée par le
Très-Haut à être la première dans le Royaume nouveau
et collaboratrice de sa venue. Marie est le modèle, le guide, la portion
la plus condensée du peuple des anawim
du Yahwé en chemin vers la libération.
Les derniers sont les premiers, car égaux en dignité. Ils
sont l’icône vivante de l’humanité nouvelle. Ils sont le Christ, auxquels il
s’est expressément identifié[40].
Donc, le défi est accueilli par les disciples comme un engagement
sérieux : non comme une justice formelle, mais surtout comme un amour
politique qui se compromet.
L’amour,
comme diaconie historique, est la loi pascale. La Première lettre de Jean identifie le passage de la mort
à la vie avec l’amour concret. « Nous savons que nous sommes passés
de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères »[41].
Le choix des derniers au régime de
l’exode est la médiation historique pour réaliser cette norme sous la forme
visée. En effet, l’amour ne s’exprime pas généralement d’une manière
nébuleuse. Il s’adresse, au contraire, aux plus démunis de la communauté, parce
que les derniers seront les premiers. C’est la loi du Royaume. Le Royaume est
déjà là. Le futur est déjà présent. C’est vrai, le Royaume
embrasse tout le monde. Il n’exclut personne. Les oppresseurs et les opprimés
sont également invités au processus de libération. Dieu veut les libérer tous.
Et pourtant, il indique aux oppresseurs à se libérer de l’esclavage
intérieur, comme il a dit au pharaon de laisser partir le peuple opprimé[42].
La liberté est indivisible. Dans une communauté, on ne peut être libre si
dans une de ses parties l’espace pour exercer cette dimension est dénié. La
liberté est constitutive de l’homme intérieur, et par nature tend à
s’extérioriser aux niveaux historiques de type économique, social, juridique et
politique.[43]
L’Église
assume la pratique messianique dont le centre constant est le choix des derniers. Sa racine est d’atteindre la compassion,
donc de souffrir avec celui qui souffre[44],
de se charger de l’immense poids du monde. Albert Nolan remarque la nécessité
pour les croyants de s’immerger dans leur temps dans le même esprit que
le Christ s’est immergé dans le sien. « Nous devons commencer, exactement
comme lui, avec la compassion : compassion pour des millions d’êtres
humains qui meurent de faim, qui sont humiliés et rejetés, et pour des
milliards d’individus du futur qui souffriront à cause du monde dans
lequel nous vivons aujourd’hui. Et seulement lorsque nous aurons découvert,
comme le bon Samaritain, notre commune humanité, nous commencerons à
faire l’expérience de ce que Jésus a vécu. »[45]
Afin d’éviter toute équivoque, il faut bien clarifier que le terme
« compassion » est bien loin d’exprimer l’émotion que Jésus a
effectivement éprouvée. Le verbe grec splanchnizomai,
utilisé dans tous les textes, vient du terme splanchnon qui indique les entrailles, la partie intérieure du
cœur, la source profonde de laquelle émanent les émotions fortes. Le verbe
grec signifie donc un mouvement, une impulsion qui monte des entrailles, une
réaction profonde et ressentie de bonté[46].
L’Église est le sacrement de la rencontre de Dieu qui est la paix[47].
Elle doit donc pouvoir se montrer comme un signe crédible de la paix, un espace
d’expérience de la paix, à travers le tissu de la justice. Sa joie
rayonnante, comme un signe, est consignée à cette tâche :
« Bienheureux les artisans de paix »[48].
Le choix des derniers
s’identifie, également, à l’engagement concret en faveur du Sud du
monde, aujourd’hui marginalisé et appelé « Tiers Monde », ce qui
n’est qu’un euphémisme : il serait plus opportun de l’appeler « le
monde des derniers ». C’est dans cet espace géo-historique que l’Église se
développera au troisième millénaire.
La Pâque est une
lutte contre la mort sous toutes les formes. L’Église est envoyée à
mener ce combat perpétuel. Une des manifestations les plus graves de la mort
dans l’histoire contemporaine est ce qu’on appelle la guerre tiède, d’autant plus insidieuse qu’elle est
mystifiée sous un horizon qui se déclare comme temps de paix.
Au seuil du
millénaire, la problématique gigantesque du monde est une question d’équation
économique et sociale, politique et structurelle.
Dans une vision
globale, le monde se divise transversalement au Nord et au Sud. C’est un
problème de pénurie de valeurs et de signifiants pour le premier, de
pain et d’ustensiles pour le second. L’interdépendance entre les aires
géographiques et problématiques manifeste l’évidence que la faim des premiers fait des massacres au Sud, parce qu’il y a une
forte pénurie des valeurs au Nord.
Aujourd’hui, une
guerre non déclarée est menée entre le monde hyper-développé et le monde
sous-développé. Nous pouvons l’appeler « une guerre tiède ».
À la guerre
chaude qui a duré trente ans, de 1915 à 1945, avec deux conflagrations
mondiales portées par les totalitarismes en Occident, a succédé la guerre
froide entre l’Est et l’Ouest, de 1945 à environ 1989. À elle se superpose « la guerre
tiède » entre le Nord et le Sud. La guerre chaude s’exprime par
un conflit armé. La guerre froide est marquée par la force de dissuasion et
l'aversion ouverte entre les deux grandes puissances et leurs satellites
respectifs. La guerre « tiède » est marquée par le déguisement
des dynamiques profondes d’iniquité et d’indifférence. Il y a la violence de
l’attaque et celle de l’indifférence, celle de ne-pas-faire-exister, causée par l’attitude de non-être. C’est le nihilisme de valeurs qui conduit au
nihilisme de relations.
L’Église, qui a la
mission historique de servir l’homme, incarnant, additionnant et relançant les
valeurs, se vit dans cette énorme tâche comme animatrice de ces mêmes
valeurs pour le Nord du monde. Et tout cela, afin que le Sud puisse avoir du
pain et des moyens suffisants pour pouvoir élaborer dignement une culture
propre dans le respect de ses identités d’origine, afin que cesse cette guerre
d’autant plus meurtrière que plus silencieuse.
Ceci signifie que l’Église
de l’an 2000 sera une communauté qui annonce
la Pâque[49], éveillant
la conscience de la valeur de solidarité
et de subsidiarité au Nord, et de dynamique et de co-responsabilité au Sud. Le Sud du monde ne pourra jamais se
relever à cause de la dette publique toujours plus désastreuse, comme
l’a révélé la Commission pontificale Justice et Paix dans un courageux document[50].
C’est surtout dans
cette direction que l’œuvre pascale de l’Église doit animer et continuer
à stimuler, à l’avantage du Nord lui-même, qui nécessite un
espace pour le marché. Mais, au-delà de ce critère
d’intérêt, il faut réactiver au Nord du monde le principe génétique de
l’Occident – toujours trahi – de la place centrale de l’homme et non de
l’économie, qui doit rester un instrument.
Parallèlement
à ce service d’hétéro-stimulation, les Églises du Nord doivent
promouvoir l’engagement d’auto-activation qui est toujours un signe de vitalité
à la mesure de l’homme : non de type frénétique et possessif, mais
de nature dynamique et oblative, puisque c’est là que se joue la
maturité de toute une civilisation.
Au seuil du
troisième millénaire, pour l’Église du Ressuscité - pèlerine dans
le temps, trois tâches urgentes peuvent se résoudre par le développement de son
code génétique de koinonie, de prophétie et de diaconie. La koinonie est
la forme d’être de l’Église. Ekklesia,
en effet – un terme qui désigne la communauté de disciples – signifie l’appel
à l’unité de liens profonds. La fidélité à cette dimension
comporte la croissance du dialogue intra-ecclésial
entre le centre et les Églises locales, et entre les Églises locales, ainsi
qu’à l’égard du chemin œcuménique, bien qu’il soit ardu. L’attitude
fondamentale, pourtant, c’est le respect et la valorisation de tous les
charismes qui, au regard de la foi, assument leur connotation venant de
l’Esprit qui œuvre abondamment même à la base. Ceci a comme
conséquence une co-responsabilité des membres adultes et mûrs du peuple
de Dieu.
La deuxième
dimension est celle de la prophétie.
Elle inclut la capacité de médiation et de réconciliation. Elle s’exprime dans
le dialogue de l’Église avec les cultures pluralistes.
Dans chaque culture,
les semences du Verbe et le venin de l’Antichrist sont au stade de
latence. Le monde, comme toutes ses expressions géo-historiques, est représenté
dans la parabole évangélique qui parle du mélange des graines et de la zizanie[51].
C’est l’enchevêtrement permanent du mystère
du Royaume[52] et de celui de l’iniquité[53].
L’évangélisation
renforce ces semences en annonçant les réalités qui les rendent pleinement
significatives, et collabore également à purifier du venin qui paralyse
la croissance de l’humain dans l’histoire.
L’être
prophétique de l’Église comporte la capacité de dénoncer et d’annoncer. Ces
opérations ne peuvent s’accomplir à distance, mais plutôt dans la
convivialité et la participation à la souffrance des hommes, surtout
dans l’ordre de la valorisation des signes dans lesquels se cache le divin.
Cette tâche prophétique inclut donc la capacité d’inculturation et
d’acculturation de l’Église, grâce à son devoir de fermentation, celui
d’être la lumière et le sel du monde selon son divin Fondateur[54].
Aujourd’hui, il
s’agit de reprendre les demandes qui se manifestent après la chute des
idéologies. C’est un immense patrimoine qui risque de rester dispersé s’il
n’est pas soumis au discernement. La prophétie ecclésiale s’étend aujourd’hui
également au devoir d’aider à lire les demandes liées aux grandes
idéologies déchues.
L’être
diaconal de l’Église, ensuite, procède
du service du Christ. Le destinataire en est le monde que Dieu aime[55].
Celui-ci ne se présente pas comme distinct mais comme différencié, ce qui
devrait signifier, de la part de l’intervention venant de l’Église, le respect
des urgences. Ceci exige le choix préférentiel des anciennes pauvretés subies par les hommes, suffocant encore dans le
monde entier dans les besoins primaires, et les pauvretés nouvelles qui concernent les hommes opprimés dans leurs
besoins fondamentaux, surtout ceux de
sens de la vie, de victoire sur le non-sens et de sens de la solitude.
L’Église du seuil a
déjà déclaré son rôle par une formule qui condense ses urgences :
la nouvelle évangélisation. Elle l’a
fait d’une manière significative dans sa grande charte du laïcat[56].
L’évangélisation,
c’est l’annonce de la nouveauté toujours ancienne et toujours fraîche, à
l’instar de l’eau jaillissant de la source de l’amour sauveur de Dieu qui donne
le sens, car elle offre un point d’appui à la vie humaine ;
jaillissant également de la résurrection du Fils, prémices et promesse que tout dans l’histoire ira
dans le bon sens.
Cette annonce
est en ligne évolutive avec la « Bonne Nouvelle »[57]
condensée dans l’événement-Christ. Par lui – qui est à la fois kérux et kérygme, donc annonceur et
annoncé – elle est répandue. Ce n’est rien d’autre que le prolongement de l’incarnation de la Parole.
C’est la plus grande nouveauté de tous les temps.
Aujourd’hui, cependant, ce caractère de nouveauté ne concerne pas
seulement certains contenus, mais se réfère à toute l’histoire,
laquelle elle atteint en une forme plus adéquate et répondante. Déjà
Jean XXIII avait indiqué que « l’Esprit chrétien, catholique et
apostolique du monde entier, bondit en
avant. » (…) Le souverain pontife continue : « Une chose est
le dépôt même de la foi (…) et une autre les formes sous lesquelles sont annoncées les vérités contenues dans
notre doctrine. Il faudra accorder une grande importance à cette forme et, si c’est nécessaire, insister
avec patience sur son élaboration »[58].
Ce qui est
donc demandé à l’Église, c’est une nouvelle forme de la pastorale,
l’entente comme œuvre de promotion de l’homme entier. Ce tournant
anthropologique qui a caractérisé les décennies précédant le troisième
millénaire continue à défier la communauté des croyants.
Cette
nouvelle forme de la pastorale est la réponse aux nouveautés de l’histoire contemporaine.
Avant tout,
la nouveauté des frontières
historiques, comme par exemple les domaines de la dignité de la personne,
de la liberté religieuse, de la famille comme espace prioritaire de
l’engagement social, ensuite, les domaines du service politique, économique et
culturel[59], et enfin
les nouveaux aspects géopolitiques
avec les corrections imposées par la rupture et l’optique.
Il y a,
ensuite, la nouveauté de la vision
historique. L’histoire n’est plus considérée comme mémoire, mais comme projet. L’Évangile est par conséquent
exploré sous son aspect de projet, qui est incarnationnel et eschatologique.
De ceci peut
être dérivé un autre type de nouveauté qui concerne la méthode et le langage. Il faut non seulement essentialiser le message, le
libérant des interprétations culturelles dépassées – problème
herméneutique – mais également savoir le communiquer à divers niveaux
avec la méthode de l’inculturation
qui – comme nous l’avons vu – peut être considérée comme un aspect de l’incarnation. Un autre problème
capital et séculaire pour le christianisme est celui du langage religieux. Dietrich Bonhoeffer se penchait déjà sur
le problème de « comment » parler de Dieu dans un tissu et un
style « séculier », pour se faire comprendre par les hommes
sécularisés[60].
Selon Hans-Magnus
Enzensberger, engagé dans le débat sur la société capitaliste développée, on
considère aujourd’hui que le monde est marqué par
« l’analphabétisme secondaire »[61].
C’est une conséquence de la pensée hétéroclite de la macro-structure des média,
marquée par les images et les messages éphémères. L’ouvrage de St
Augustin De catechizandis rudibus[62]
est aujourd’hui repris et inculturé.
Il faut
également ajouter qu’il existe un niveau encore plus profond de
l’analphabétisme secondaire, qui n’est pas seulement celui du refus
systématique d’un minimum d’éducation permanente et de passivité devant les
incursions quotidiennes des média,
mais consiste dans l’ignorance ou dans la perte du sens fondamental de
l’existence. Nous pourrions l’appeler analphabétisme
radical.
L’analphabète
secondaire du premier niveau s’excuse en reprenant l’ancien adage primum vivere, deinde philosophari. Mis
à part que le deinde n’arrive
presque jamais, il faudrait aujourd’hui reconsidérer la maxime selon
l’indication de Viktor Frankl, maître en logothérapie, qui parle des
expériences faites par lui-même et par ses compagnons de peine dans les
camps de concentration. Il souligne que plus la vie devient aride, plus se
réveille le besoin de regarder de l’avant et de philosopher : « rendre les comptes à
soi-même en ce qui concerne la question de sens définitif »[63].
Une vie
privée de sens n’est qu’une végétation. Vivre privé de sens fait mourir
intérieurement, sans rémission.
La nouvelle évangélisation
ne peut ne pas tenir compte de cette situation d’analphabétisme
semantico-radical, par lequel sont non rarement affectées même des
personnes de religiosité rance et résignée. Affronter cette situation signifie
lancer une opération appelée pré-évangélisation,
nécessaire pour préparer à l’annonce. Ce n’est pas une phase au-deça de
l’évangélisation, puisque, lorsqu’il s’agit de la nouvelle évangélisation qui
vise un monde largement physiognomisé, elle en devient parti intégrante.
Plus radical
que l’athéisme, le manque de sens demeure le
défi des défis que le monde pose à l’Église du futur. Il ne faut pas
s’en cacher.
La nouveauté des acteurs, enfin, un autre
élément de la nouvelle évangélisation.
Le devoir de
l’évangélisation concerne tout le peuple de Dieu, « chacun selon son état
et selon sa condition »[64].
Les contenus
de cette nouvelle évangélisation – qui
est la vraie nouvelle frontière – sont descriptibles surtout dans le
domaine du monde sécularisé. C’est le champ d’action du charisme des fidèles
laïcs.
La nouvelle
évangélisation, nouvelle conscience de l’Église, s’étend surtout dans sa couche
la plus extérieure, celle du laïcat. L’avenir de l’Église passe à
travers cette croissance de responsabilité et de créativité pastorale,
d’autonomie et de sens d’appartenance du laïcat, considéré comme la
présence de l’Église dans le monde et
pour le monde d’aujourd’hui. La
nouvelle frontière de l’évangélisation passe par un nouvel humanisme
confié aux mains de nouveaux laïcs[65].
Dans cette
tâche de construction de l’avenir, une tâche particulière est confiée
aux jeunes. Ils sont appelés à être « des sujets actifs, protagonistes de l’évangélisation et artisans
du renouveau social »[66].
L’Église, toujours
renouvelée par l’Esprit, est depuis de nombreuses années engagée dans un
dialogue avec les jeunes. « L’Église
a tant de choses à dire aux jeunes, et les jeunes ont tant de choses
à dire à l’Église. Ce dialogue, à réaliser avec grande
cordialité, clarté et courage, favorisera la rencontre et l’échange entre les
générations, et sera une source de richesse et de jeunesse pour l’Église et
pour la société civile »[67].
Et pourtant, la
nouvelle évangélisation n’est pas une question de paroles mais de service, non
de propagande mais de témoignage, non d’avoir et de pouvoir mais d’être
et de collaboration.
La nouvelle
évangélisation est, avant tout, un engagement d’incarner le trinôme déjà
mentionné qui caractérise l’Église encore chaude de la Pentecôte. À l’intérieur de l’Église, c’est
un engagement en faveur de la croissance dans la koinonie sans barrières, pour parvenir à une diaconie générale d’un monde sans
frontières. C’est ainsi que grandira la capacité de la prophétie crédible et du martyre incisif. Une plus grande communion à l’intérieur de
l’Église aura donc pour conséquence un service
plus utile des hommes. La manifestation de cette communion en vue du service
qui prend le nom du témoignage rendra
l’évangélisation plus crédible dans l’avenir ; elle sera comme un langage prophétique qui invoque le
Très-Haut et s’ouvre en avant.
Ce sont les traits
physionomiques de l’Église. À cause de la nouvelle évangélisation, il
faut donc que la communauté, fidèle à son code génétique, aille de l’avant et retrouve le ton
juste pour la fidélité dans l’avenir.
Au cours du premier millénaire, les Églises ont
souvent évangélisé sous forme ambulante.
Paul, apôtre itinérant, en est un symbole. Au cours du deuxième millénaire, elles ont privilégié l’évangélisation institutionnelle : fondation d’écoles,
d’hôpitaux, d’orphelinats. La tendance à l’évangélisation ambiante commence à faire son
chemin au troisième
millénaire : il s’agit de créer des tissus de communion entre les gens.
Les Églises du troisième millénaire, comme le sel d’une terre brisée
à la recherche de la réconciliation, ont devant elles le champ de
médiation entre les personnes, les groupes et les cultures.
Savoir
être médiateur signifie être
expert des rapports humains dans leurs dynamiques psychologiques, culturelles
et surtout spirituelles, en faisant la promotion de ce qui réunit.
Savoir
être médiateur signifie aider
à décoder les messages manipulateurs sournois, afin de former des
consciences critiques et libres qui savent entrer en relation sous l’aspect
positif de leurs richesses, s’affermissant mutuellement en vue de la
croissance.
Savoir
être médiateur signifie défendre
vaillamment et sans compromis ceux qui ne sont pas défendus, mais en utilisant
la stratégie de la non-violence qui, loin d’être un acquiescement, est
une résistance active sans aucune agression. Le grand maître en demeure le
Mahatma Gandhi qui, inspiré par l’Évangile, a enseigné que la non-violence
n’était pas un renoncement à la lutte contre le mal. Il s’agit d’un
autre type de lutte, située au plan moral, qui est plus active et incisive que
la loi du talion.
Savoir
être médiateur signifie éduquer
à la contemplation et à la prudence, à l’information
critique et non à la contre-information, et surtout aux gestes concrets
et persévérants ayant comme horizon une civilisation d’amour »[68].
Savoir
être médiateur signifie éduquer
à la culture de la réconciliation, qui a pour base la passion de Dieu
pour le sujet (sub-stantia) qui est
l’homme. L’adjectif est une modulation et non une modification de la substance.
Qu’il soit rouge ou noir, blanc ou basané, l’homme demeure une entité sacrée.
Même si l’adjectif qualificatif indique la méchanceté, la passion pour le
sujet signifie l’espérance constructive qui peut changer le qualificatif
négatif, grâce à un engagement supplémentaire d’attention à sa
croissance et à son être.
En définitive, la
communauté de ceux qui croient au Christ Ressuscité, qui vit dans le temps entre les temps, à savoir
dans le provisoire de l’histoire, mais en attente de la stable et éternelle
méta-histoire, doit offrir au monde en attente le signe de Jonas incarné, une pratique
de la résurrection en réponse aux stimuli et aux défis.
Sur la colline
d’Aïn Karim, Marie a chanté son Magnificat
– le véritable exultet ante litteram[69]
– l’hymne du passage permanent de la vie temporelle de la préhistoire,
caractérisée par la formule l’homme sur
l’homme, à l’authentique histoire caractérisée par la formule l’homme pour l’homme. Elle est l’experte
de la Pâque comme ouverture de futurs passages à la culture de la vie.
L’Église qui,
aujourd’hui plus que jamais, voit en elle le modèle condensé de la
nouveauté portée par le Fils, alors que les signes de la mort se multiplient,
est appelée à reproduire le style de la Femme pascale.
En Église, en union
avec d’autres formes historiques de religions, les croyants s’associeront
à tous les hommes de bonne volonté des cultures les plus diverses de la
planète, afin de donner le déclic décisif à l’avenir de l’homme,
en vue de la formation de l’homme de l’avenir.
Il sera utile de
soulever ici quelques nœuds problématiques de la situation de la
planète.
L’Occident
est comparable à un corps robuste, mais en proie aux convulsions de la
société de consommation, à la frénésie du capitalisme et aux obsessions
d’éthnocentrisme. L’hédonisme et le nihilisme attaquent ses racines humanistes.
Le relativisme devient le cadre des références éthiques. Le matérialisme
manipulatoire diffuse le sécularisme sous la forme croissante d’indifférence
religieuse. Il continue à se précipiter avec une folle rapidité et
commence à souffrir de vertige et de menaces qu’il ne pouvait
s’imaginer.
On peut enregistrer
une tendance prononcée au pragmatisme, avec le refroidissement des idéaux et la
capacité diminuée des représentations politiques, de synthèse et
d’organisation des appels venant de la base, à l’horizon d’une société
complexe. Par conséquent, on constate un écueil entre le pays réel et le pays
légal, ainsi que le scepticisme et la défiance face aux institutions – et tout
cela à l’intérieur de la démocratie née de la civilisation occidentale.
1.1 En
Europe en particulier, on peut
remarquer la tendance à la baisse de l’unité et des idéaux : une
fragmentation[70].
Le projet de
l’Etat-nation, qui assurait pendant un certain temps la force
socio-politico-économique aux minorités, semble menacé aujourd’hui à
cause de la diminution de son énergie de rassemblement. On constate ensuite un
forte baisse démographique. Au-delà de toute autre considération, cette
situation imposera bientôt à l’Occident la nécessité de nouvelles
agrégations interculturelles accompagnées de l’acceptation d’importants flux
d’immigrés, malgré l’obsession phobique de « l’étranger » qui
s’exprime sous formes récurrentes de racisme et de néo-nazisme.
Le continent
européen sur lequel le code génétique enregistre une attitude prononcée de
synthèse assiste – avant tout au niveau d’anthropologie radicale – au
divorce entre l’homo faber et l’homo sapiens, soit à cause du matérialisme
néo-capitaliste, soit à cause de la mentalité qui privilégie le présent
et l’immédiat.
Le deuxième
déséquilibre se manifeste entre le pôle de l’unité et celui de la pluralité.
Bien que proclamant et diffusant la démocratie – du type formel et non social
et économique – l’unité ne donne qu’une apparence de convergence, et la
pluralité risque d’être un agrégat de corporations de niveaux divers et
variés.
Un autre
déséquilibre se manifeste entre les entités nationales et supranationales. Les
nationalismes sont en train d’exploser entre les pays-membres et l’organisme
collectif, où le plus fort manifeste la tendance à faire la loi
au mépris des principes sacrés de Helsinki déclarés en 1975, lorsqu’on avant
promu la réconciliation et la reconnaissance des droits de tous les titulaires,
afin de construire créativement les mécanismes d’une solution pacifique des
contentieux et des revendications des particularités. La tendance alors
enterrée allait dans le sens de la relativisation de la souveraineté des États
et de l’augmentation des structures communautaires européennes, aptes à
défendre les groupes les plus faibles. Il est plus urgent de construire la
maison commune d’une Europe sociale, que celle d’une Europe politique et
économique. En effet, même à l’intérieur de l’Occident, on
constate la présence d’un Nord et d’un Sud constitués tant du monde
indigène que des facettes ghéttoisées de la population immigrée.
La maison commune ne
peut être une vieille forteresse, mais un édifice nouveau à
construire sur le même sol, qui embrassera – avec les membres actuels de
la Communauté – les pays de l’Est et ceux du bassin Méditerranéen qui ont
demandé leur adhésion.
Il est important
que, en harmonie avec l’esprit d’une démocratie sociale et économique, outre
que politique, il n’y ait pas de niveaux supérieurs, habités par les puissances
plus fortes, et de niveaux inférieurs destinés aux héritiers pauvres ou aux
derniers venus. Il ne faudrait absolument pas qu’il s’agisse d’un château
féodal avec un rez-de-chaussée habité par des serviteurs. Le danger d’avoir un
Sud au régime d’infériorité au cœur de l’Occident est réel. Il est urgent
de substituer à l’Europe de la philosophie de l’individualité une Europe
de la solidarité.
1.2 Les
États-Unis – réalité géopolitique originairement
dérivée de l’Occident et devenue puissance planétaire – évoquent dans le monde
l’idée de l’hégémonie, mais également celle de foules de réfugiés et d'émigrés[71].
Ce pays représente
un objet d'espérance ultime des peuples en proie au désespoir. C’est le pays du
self-made man, des frontières
toujours nouvelles, des technologies au progrès exponentiel géométrique.
Les USA se présentent quand-même comme un des facteurs déterminants de
l’équilibre ou du déséquilibre économique et financier au niveau planétaire –
la loi du dollar – et de la politique de contrôle et de conditionnement de
vastes espaces de la planète.
Les USA restent,
pourtant, le pays où en ces dernières années le nombre des street people, des SDF, est en croissance. Comme Rio de Janeiro et ses favelas, comme Ankara et ses gecekondus, les USA connaissent des
abris en carton et une croissance du phénomène de chômage et d’inégalité
de femmes face à la qualification et la promotion.
Dans le domaine plus
délicat de la civilisation, à savoir l’éducation des hommes de l’avenir,
on constate la croissance de la consommation de drogues parmi les populations
les plus jeunes. Tout le système d’éducation est ici remis en cause.
Vers la fin des années 80 et au début des années 90, la violence dans les villes
a atteint des niveaux alarmants. Il est symptomatique que le maire de
Washington était obligé à déclarer à plusieurs reprises le
couvre-feu pour les mineurs. Emblématique est également The Big Apple, la « Grande Pomme » new-yorkaise,
où l’on a compté six embuscades mortelles par jour. Les raisons en
relèvent majoritairement de la drogue. La ville-symbole du American dream s’est transformée en un
espace d’agressions cruelles et de déséquilibre économique. La Grande Pomme,
réussira-t-elle à éviter le pourrissement ? C’est le défi
emblématique pour toute l’Amérique, pays de contradictions, miroir planétaire
des convulsions, terre à la recherche de la grande promesse d’une
nouvelle frontière - surtout morale.
À l’intérieur
de cette nouvelle situation d’angoisse, les demandes éthiques se manifestent
afin de conjurer le dérèglement. L’éthique peut avoir une grande valeur
salvifique, et même économique. Le leadership
du monde risque de devenir une médiation exportatrice de modèles de vie
économiquement vivants, mais culturellement éteints. Il est urgent de se
réapproprier des formes de redécouverte et de relancement d’un riche patrimoine
qui plonge ses racines dans l’humus
d’un message portant quatre valeurs fondamentales de civilisation, à
savoir : l’intériorité, la
solidarité, le dynamisme historique et la signification cosmique. Seulement
ainsi émergera la conscience de la transformation du leadership économique en
une nouvelle culture de service de l’homme.
1.3 Quant
aux pays issus du socialisme réel, la
fin du siècle les trouve dans une situation de révision et de
restructuration profonde. La vision et le pouvoir monolithiques se sont révélés
sans débouchés et sans consistance historique. Les gouvernements qui se
déclaraient comme émanations du
peuple se sont révélés comme oppresseurs de
leurs peuples. Économie en désastre, technologie arriérée, militarisme
absorbant, désaffection des ouvriers à cause de la démotivation, et
surtout résistance à cette idéologie qui pendant des décennies n’était
qu’une prison pour la liberté de la pensée et de la conscience. La dissidence
culturelle a tenu. La religion n’était pas effacée des consciences. C’est ainsi
que, dans certains pays, la substance de l’esprit du peuple (Volksgeist) et le refus du régime ont
pu se révéler.
Le vent de l’est a
soufflé impétueusement. Il n’a pas été improvisé, mais préparé par la
conscience collective nourrie d’une culture alternative. Les murs de chaux se
sont écroulés en même temps que les murailles d’anciennes méfiances
engendrant une révolution différente, à tendance démocratique et
non-violente.
Le vainqueur en
était le rajeunissement, dans la reconquête des valeurs et dans leur
hiérarchisation à partir de l’homme.
Il s’agit donc d’une
reprise culturelle, sociale et politique. De nouvelles possibilités s’ouvrent
pour l’avenir. Mais, certaines tendances au retour au matérialisme peuvent
être enregistrées. C’est un moment extrêmement délicat. Le
socialisme démocratique, principe de la socialisation de la richesse en
fonction de la justice distributive, une instance à ne pas sacrifier au
Moloch de l’économisme capitaliste toujours aux aguets, qui demeure une forme
de matérialisme.
L’Amérique
Latine présente au seuil du millénaire des
différences de plus en plus dramatiques entre les riches, bénéficiaires des
protections néocolonialistes externes, et la masse des pauvres à qui la
route est barrée vers les immenses richesses de leur propre sol[72].
Cette équation
absurde fait découvrir le choc entre l’idéologie du libéralisme économique et
pragmatique poussé jusqu’au cynisme (soutenu d’une manière manifeste ou
subrepticement, ou bien encore substitué par des pouvoirs militaires ou
paramilitaires) et les franges d’un collectivisme révolutionnaire de réaction[73].
Au milieu, un peuple
qui commence à assumer la conscience de sa dignité et de sa capacité de
cheminer d’une manière autonome, pendant que se tisse un plan de
patience constructive. Et tout cela, nonobstant les pesanteurs écrasantes du
système financier et militaire, ou de la délinquance, relative surtout
au marchands de la mort.
On peut enregistrer
un phénomène massif d’exode des campagnes, et d’urbanisation, soit sous
forme forcée à cause de l’expropriation de la terre, soit spontanée,
porté par une espérance désespérée et
sans retenue. Souvenons-nous que dans les années 90, 65% de la population
d’Amérique Latine vit à la périphérie des métropoles. Les gens tentent
d’échapper à la misère, mais tombent dans une forme de détresse
encore plus grave, causée par le processus d’urbanisation tumultueuse. Le
secteur primaire de l’agriculture va ainsi en s’amenuisant et, à
l’assaut incessant des villes, la culture de l’expédient, de l’exploitation, de
la délinquance se met à prospérer. Les anneaux les plus faibles de la
chaîne humaine – les mineurs qui vivent habituellement dans la rue, les meninos da rua – représentent un
problème plus éthique que policier.
Au seuil du
troisième millénaire, on compte environ 20 millions de citoyens
sud-américains dormant habituellement à la belle étoile. Les sans-toit se révèlent
dramatiquement comme des sans-tout[74].
La terre de
l’Amérique du Sud est marquée en grande partie par des paradoxes :
richesses du sol et misère des revenus, fécondité de vie et barrage aux
nouvelles générations. La majorité des
pauvres sont jeunes et la majorité des jeunes sont pauvres.
2.2 La
situation en Afrique, au seuil du
millénaire, vacille entre les cultures ancestrales, encore fortement enracinées
à la base, et les pouvoirs en recherche d’âpres équilibres politiques,
à la suite d’une longue léthargie colonialiste[75].
Les valeurs
traditionnelles – justice, solidarité, famille – subissent en fait des
manipulations à cause de la lutte pour le pouvoir et entre les groupes
religieux intégristes. De nombreuses zones vivent encore sous l’esclavage de
besoins primaires comme la faim, la soif, l’alphabétisation. La condition
sociale de l’Afrique aujourd’hui, au niveau alarmant de dépression économique,
politique et sanitaire, fait de ce continent la première région à
risque de toute la planète.
Conflits ethniques,
différences de classe, démagogies et despotisme, dictatures des partis uniques,
dilapidation de l’argent publique, dépenses pharaoniques des représentants du
régime, inefficacité de la bureaucratie et incompétence de l’appareil
économique et financier, systèmes de corruption endémiques, manque de
professionnalisme des cadres, fragilité du système scolaire, sanitaire
et des moyens de transport, représentent le tissu à l’usage des sociétés
du continent africain. Ces phénomènes se conjuguent avec de fréquentes
calamités naturelles : sécheresse, famine, malnutrition, anciennes
épidémies et nouveaux fléaux comme le SIDA[76].
Les aides internationales manquent et sont gravement inadéquates[77].
Les tentations de
totalitarisme et de corruption tribale rendent évident l’effet contagieux des
systèmes coloniaux, aggravé par des signes récurrents de racisme.
De tous les
continents, le continent africain est le plus blessé par le colonialisme :
« L’Afrique est certainement le continent qui a payé plus que les autres
le prix historique de la rencontre avec le monde extérieur. Rappelons-nous
quelques simples faits. L’esclavage : entre 1500 et 1800, au moins 50
millions d’esclaves ont été transférés vers les Amériques. Le colonialisme :
très peu de structures ont été créées, et celles qui ont été créées sont
surtout à notre service, et en fonction de nos pillages. L’Afrique a été
systématiquement dépouillée. Les décisions prises par la Conférence de Berlin à
propos de l’Afrique ont divisé le continent en 50 états : un choix
hallucinant. Souvenons-nous enfin que, lorsque les indépendances sont arrivées,
la bourgeoisie noire n’a rien fait de mieux que de s’enrichir sur le dos de ses
concitoyens, servant d’intermédiaire aux grandes finances internationales au
détriment de la communauté locale. Tout cela a conduit l’Afrique à
être aujourd’hui le continent le plus pauvre. »[78]
Dans cette
situation-limite, des tentatives d’origines diverses – des mouvements
d’indépendance et de promotion sociale aux mouvements ecclésiaux – sont
porteuses d’avenir. Il faudra trouver des débouchés de participation et de
marché. On cherche surtout des synthèses vitales entre les anciennes
valeurs africaines et les valeurs modernes qui, au moment de l’acculturation,
frappent avec insistance sur les portes du continent.
Ce sont les défis
que doivent affronter les Églises africaines, défis lancés à la
communauté internationale, responsabilisée par la pression de la dette
extérieure et par l’iniquité des négociations commerciales de la part des
puissances du Nord face au Sud, toujours plus appauvri. La chute des régimes de
l’Est a introduit une grave crise des régimes de philosophie soviétique en
Afrique.
À ne pas
oublier : l’espace pour la formation de la conscience démocratique. Dans
de nombreux pays, la présence de l’Église[79]
a été demandée pour favoriser cette construction de première urgence.
3.1 L’Asie poursuit son itinéraire de
sagesses séculaires centré sur ses religions riches de sens de transcendance,
tout en recherchant dramatiquement une adaptation à tous les niveaux de
la modernité.[80]
L’acculturation des
caractéristiques occidentales n’a pas changé son âme, mais a marqué ses habitudes
et ses modules politiques et économiques. Dans certains pays – comme la Chine
de type collectiviste – le bond social s’est effectué à partir du
retrait des mandarins, mais les coûts ont été très élevés en ce
qui concerne les traditions, la conscience ethnique, la liberté religieuse et
civile.
Dans
d’autres pays – comme le Japon – le libéralisme économique, d’une certaine
manière tempéré par rapport à la version occidentale, a tenté de
dénaturer l’identité culturelle et le sens religieux de la vie et de l’éthique,
formant un peuple diligent et sage, mais en manque de grandes valeurs et
présentant un vertigineux vide existentiel.
Dans d’autres
pays – comme en Inde – la présence de la pauvreté extrême de larges
couches de la population et d’une bourgeoisie privilégiée de type occidental ne
facilitent pas la synthèse populaire dans la justice et la démocratie,
selon le message du Mahatma Gandhi qui a dédié toute sa vie à cet idéal.
Tout l’Orient
est en train de vivre un effort pour conjuguer l’aspect contemplatif, pertinent
à son patrimoine le plus authentique, avec le dynamisme de la modernité
constructive.
L’Asie, en
somme, est un laboratoire tout à fait particulier de contrastes. C’est
un melting pot de traditions
religieuses les plus anciennes et du développement technologique le plus
moderne. Les cités emblématiques – Dhaka au Bangladesh, Djakarta en Indonésie,
Calcutta en Inde, Shanghai en Chine – enregistrent la coexistence d’opérations
économiques téméraires d’une part, et de masses en état de misère de
l’autre. À noter également le contraste historique entre les cultures de
non-violence, descendantes des religions à dominante contemplative, et
les guerres les plus cruelles du 20e siècle, parmi lesquelles
celle entre l’Inde et le Pakistan, entre Pakistan et Bangladesh, entre
l’Indonésie et Timor-Est, sans oublier les guerres fratricides en Corée, en
Chine et au Viet-nâm.
À tous
ces problèmes se joignent des problèmes plus anciens qui rendent
le contraste plus dramatique encore, avec en arrière-plan la Déclaration
officielle de la dignité de l’homme et de la liberté. À considérer, par
exemple, le problème des dalit
ou hors-caste en Inde, hommes et femmes privés de tous les droits et qui se
comptent par millions.
Comme
perspective positive, on peut entrevoir un nouvel aspect du continent le plus
peuplé de la planète. L’Asie est un colosse non seulement en raison de
la quantité humaine, mais en ce qui concerne la qualité unitaire. Nonobstant
les différences culturelles, politiques, économiques et législatives, on se
rend compte de la nécessité de conjuguer la qualité avec la quantité, et
celle-ci est donnée par l’unité.
Il y a un
temps, la naissance des États-Unis d’Asie a été pressentie comme une nécessité
historique et culturelle. Elle l’est d’autant plus aujourd’hui, après
l’effondrement des murs de toutes les couleurs, après l’échec du
bi-polarisme, après l’ouverture accompagnée de la perspective de
création des États-Unis d’Europe et la création projetée du marché commun entre
les USA, le Mexique et le Canada (North
American Free Trade Agreement – NAFTA).
3.2 L’Océanie se trouve dans une situation
de découpage géophysique et de renouvellement géopolitique à la suite
d’anciennes implantations et d’immigrations continuelles.
De nouveaux
problèmes de structure sont en train d’éclater aux côtés des anciens,
dus aux conditions naturelles. Hier encore, ils pouvaient ne pas sembler
d’intérêt primaire, mais à l’horizon d’un monde étroitement
interdépendant, ils deviennent aujourd’hui des urgences à affronter.
La situation
de la région australienne est
significative : le niveau le plus haut de cosmopolitisme et de
concentration métropolitaine de toute la planète joint à une
densité de population extrêmement basse.
L’Australie a
été transformée par une énorme immigration d’après-guerre provenant
d’Europe et d’Asie. Les immigrés qui se sont installés ont acquis, grâce
à leur travail ardent, un sens très fort d’appartenance et de
collaboration consciente au boom économique.
Et pourtant,
tout cela vécu dans un esprit d’efficacité et en s’affirmant sans références
solides, a fait surgir une société de bien-être et d’autosuffisance
marquée par les traits d’intolérance envers la différence qui s’affichent
successivement sur la scène.
On constate
un grand besoin de donner le pouvoir effectif à ceux qui ne l’ont pas,
que ce soient les aborigènes ou les sujets d’anciennes ou de nouvelles
pauvretés dont le nombre est en croissance.
Les défis lancés au christianisme
sont, donc, dus à l’envahissement de la sécularisation qui risque de
dégénérer vers le sécularisme, à l’intérieur d’un processus de
post-lumières, d’hédonisme ou de relativisme éthique, accompagnés par un
notable écart économique à l’égard des aborigènes.
Notes :
1.
[1]
Cf. : CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II, Décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio (21.11.1964), N°
4, dans AAS 57 (1965) 90-107 ; Décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem (18.11.1965),
N° 14, dans AAS 58 (1966) 837-864 ; Décret sur le ministère et la vie
des presbytres Presbyterorum ordinis
(7.12.1965), N° 9, dans AAS 58 (1966) 991-1024.
2.
[1]
« Sans s’en apercevoir, remarque Walbert Bühlmann, nous sommes devenus
témoins d’un processus historique de l’Église. (…) L’Église méridionale occupe
le rôle du leader, non seulement du point de vue quantitatif, mais aussi
qualitatif (…) On pourrait donc écrire une histoire de l’Église et dire
approximativement que le premier millénaire chrétien se soit développé sous la
direction de la première Église, l’Église orientale, avec ses huit
premiers conciles qui ont eu lieu en Orient. Le deuxième millénaire a vu
la domination incontestable de la deuxième Église, l’Église de
l’Occident, notre Église par excellence. Dans le troisième millénaire,
ce sera probablement la troisième Église, l’Église du Tiers Monde, qui
prendra le commandement, toujours dans le cadre d’une unique Église
catholique. » (W. BÜHLMANN, La Chiesa alle soglie del terzo millennio,
Dehoniane, Bologna 1990, pp.25-26)
3.
[1] J.-B. METZ, Im Aufbruch
zu einer kulturell polyzentrischen Weltkirche, dans « Zeitschrift für
Missionswissenschaft », Münster i.W., (1986) 140.
4.
[1] W. BÜHLMANN, La
Chiesa alle soglie del terzo millennio, o.c.,
p. 28
5.
[1]
Bühlmann, le regard tourné vers l’essentiel de la pensée conciliaire, propose
une sorte de décalogue de l’Église, véritablement une et culturellement
polycentrique, au seuil du troisième millénaire. Les commandements se
situent à trois niveaux et traitent des problèmes ecclésiaux, des
problèmes relatifs aux continents particuliers, et des problèmes
mondiaux :
1.
Vous
respecterez le domaine de la raison : l’autonomie de la science
2.
Vous
vous considérerez comme le peuple de Dieu : les laïcs dans l’Église
3.
Vous
vous réconcilierez avec d’autres chrétiens : l’œcuménisme
4.
Vous
vous solidariserez avec les pauvres. La justice : l’Amérique Latine
5.
Vous
admirerez la grandeur du Créateur. L’inculturation : l’Afrique
6.
Vous
reconnaîtrez le « Je suis » de tous les peuples. Dialogue avec les
religions : l’Asie
7.
Vous
accompagnerez les migrants nomades. Sécularisation : l’Euro-amérique
8.
Vous
renforcerez les rangs des artisans de paix : Iustitia et pax
9.
Vous
développerez la terre à l’image du ciel : l’écologie et
l’eschatologie
10. Vous
rencontrerez le Dieu de l’histoire : la mystique et la politique
(Ibidem, pp. 41-42).
6.
[1]
Cf. Jn 3,16
7.
[1] Cf. Chr. DUQUOC, Liberazione
e progressismo. Un dialogo teologico tra l’America Latina e l’Europa,
Cittadella, Assisi 1989.
8.
[1] Cf. A. RIZZI, L’Europa
e l’altro. Abbozzo di una teologia europea della liberazione, Paoline,
Cinisello Balsamo 1991.
9.
[1]
Cf. SYNODE DES ÉVÊQUES. ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’EUROPE, Témoins du Christ libérateur, Paoline,
Milano 1991 ; S. PALUMBIERI, L’uomo
e il futuro, II/Germi di futuro per l’uomo, Dehoniane, Roma 1993, pp.
146-148
10. [1]
Cf. : CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction sur la liberté chrétienne et la libération, Tip.
Poliglotta Vaticana, 1986
11.
[1]
P. DE CHARENTENAY, El desarollo del
hombre de los pueblos, Sal Terrae, Santander 1992 ; J. COMBLIN – J.I.
GONZALES FAUS – J. SOBRINO, Cambio social
y pensamiento cristiano en América Latina, Trotta, Madrid 1993 ; J.
COMBLIN, Spirito Santo e liberazione,
Cittadella, Assisi 1991 ; CONFERENCIA EPISCOPAL PARAGUAYA, Sobre la teologia de la liberacion, dans
« Paginas » (1990) 92-113 ; O. MARSON, Vangelo, chiesa e liberazione. Dibattito sulla teologia latinoamericana,
Concordia Sette, Pordenone 1992 ; B. MONDIN, Los teologos de la liberacion, Edicep, Madrid 1992 ; J.B.
LIBÂNIO, Teologia da libertaçno. Roteiro
didatico para um estudo, S. Paulo
1987.
12.
[1] CELAM, Puebla. La
evangelizacion en el presente y en el futuro de América Latina, Bogota
1979.
13.
[1] EPISCOPATO LATINOAMERICANO, Santo Domingo. IV Conferenza generale, Dehoniane Bologna 1992.
14.
[1] J. SOBRINO, Il
martirio dei gesuiti salvadoregni, La Piccola Editrice, Celleno 1990 ;
ID., Resurreccion de la verdadera
Iglesia. Los pobres como lugar teologico de la eclesiologia, Santander 1989.
15.
[1]
Note Piersandro Vanzan : « L’importance de l’Église latino-américaine
n’est pas seulement quantitative, dans la mesure où elle représente
désormais 52% de l’Église universelle, mais surtout qualitative : en
effet, au cours de ces dernières années, elle a proposé une série
d’initiatives théologico-pastorales fort intéressantes, comme, par exemple, les
Communautés de Base, la théologie de la libération, l’option préférentielle des
pauvres, l’inculturation de la foi comprise comme une force évangélisatrice des
derniers, dans la mesure où ils se réapproprient l’Évangile. » (P. VANZAN, Da
Puebla a Santo Domingo. L’« instrumentum laboris » della IV
Conferenza Generale dell’Episcopato Latinoamericano, dans « La
Civiltà Cattolica » 3435 /1992/ 14-15).
16.
[1]
La dernière partie du document de Santo Domingo contient une sorte de
promotion intégrale des peuples de l’Amérique Latine et des
Caraïbes : « Que le cri des pauvres soit notre cri. Assumons
avec une nouvelle ardeur l’option évangélique préférentielle des pauvres, en
continuité avec Medellin et Puebla. Cette option, ni exclusive ni excluante,
illuminera – à la suite du Christ – toute notre action évangélisatrice.
Dans cette lumière, nous appelons à la promotion d’un nouvel
ordre économique, social et politique, conforme à la dignité des
personnes considérées d’une manière singulière et globale,
donnant des impulsions à la justice et à la solidarité, et leur
ouvrant les horizons de l’éternité. » ( EPISCOPATO LATINOAMERICANO, Messaggio
ai popoli dell’America Latina e dei Caraibi, in Santo Domingo. IV Conferenza Generale, Conclusioni, pp. 132-133).
17.
[1] Cf. : Lineamenta.
La Chiesa in Africa e la sua missione evangelizzatrice verso l’anno 2000 :
Sarete miei testimoni. C’est « la première
étape du cheminement vers la célébration du Synode pour l’Afrique. Le texte a
été envoyé aux Conférences épiscopales de l’Afrique et du Madagascar, le 24
juillet 1990. Il y a cinq objectifs prévus : l’annonce, l’inculturation,
le dialogue, la justice et la paix, la communication sociale. » (Citation de W. Bühlmann,
La Chiesa alle soglie del terzo millennio,
o.c., pp. 139-140).
18.
[1] B. CHENU, Teologie
cristiane dei Terzi Mondi : teologia latinoamericana, teologia nera
americana, teologia nera sudafricana, teologia asiatica, Queriniana,
Brescia 1988 ; A. PIERIS, Una
teologia asiatica della liberazione, Cittadella, Assisi 1990.
19. [1] Cf. : M. BLONDEL, L’azione, La Nuova Italia, Firenze 1973. L’action,
c’est l’intention, donc tension d’aller continuellement au-delà de
soi-même. C’est une dimension de l’intelligence, qui agit tant comme
activité théorique que comme activité pratique. Elle embrasse à la fois
la pensée et la volonté et s’engage consciemment à subordonner le monde
à l’homme. Elle débouche dans la vie sociale, mais ne s’y épuise pas. En
fait, comme expression de l’autotranscendence
incessante de l’homme, elle est conçue comme un « invincible besoin de
s’emparer de Dieu ». Ce suprême objectif de l’action revient aux
niveaux humains de l’exercice pour les élever et leur redonner le sens. Cela
signifie que l’action pousse l’homme qui tente, sous forme opératrice, à
ordonner le monde de telle manière que sa volonté converge vers le bien
de la communauté. On y découvre la tendance vers Dieu, qui est le fondement de
cette même communauté et l’éperon décisif à son service.
20.
[1]
Bühlman remarque : « Le Cosmogral de l’architecte autrichien Clemens
Holzmeister devrait également être construit dans d’autres
endroits : une construction de huit chapelles circulaires, disposées
circulairement, représentant les huit régions du monde, et au centre, donnant
accès aux chapelles, un sanctuaire destiné à la prière
commune, aux occasions déterminées. Une musique utopique, paradisiaque, pour le
troisième millénaire ! » (W. BÜHLMANN, La Chiesa alle soglie
del terzo millennio, o.c., p. 159).
21.
[1] Col 1,3
22.
[1] D. DAHRENDORF, Quadrare
il cerchio, Laterza, Bari 1966
23.
[1] Ibidem, p. 19
24.
[1] Ibidem, p. 36
25.
[1] Ibidem, p. 42
26.
[1] Ibidem, p. 44
27.
[1] E.N. LUTTWAK, La
dittatura del capitalismo. Dove ci porteranno il liberalismo selvaggio e gli
eccessi della globalizzazione, Mondadori, Milano 1999
28.
[1] Ibidem, pp. 42-43
29.
[1] Ibidem, p. 274
30. [1] Ibidem, p. 275
31. [1]
JEAN-PAUL II, Lettre encyclique Laborem
exercens, N° 6 (1981)
32.
[1] Ibidem, N° 23
33.
[1] Ibidem, N° 13
34. [1]
Dans le Tiers Monde, le dérèglement
économique et la libéralisation financière balayent l’apparence de
l’avantage de l’ouverture du marché du travail, qui conduit finalement à
l’exploitation des plus pauvres.
35. [1]
Au cours de ces cinq dernières années aux USA, les corporate profits – les profits des grandes corporations – ont
augmenté de 19%, alors que les salaires sont restés les mêmes : on
dit que les coûts de la globalisation doivent être payés par les
ouvriers, et que les énormes profits doivent aller aux investisseurs et aux managers qui gèrent le capital
investi. » (W. PFAFF dans « International Herald Tribune – Los
Angeles Time » (21 août 1999), repris par E. CHIAVACCI, La terra è di tutti, in « In
Dialogo », 3 /juin 1999/ 15).
36. [1]
Le rapport de l’ONU de la fin du siècle de l’agence UNDP pour le
développement fait les comptes des porte-monnaie des trois hommes les plus
puissants de la planète. Il précise que le revenu de Bill Gates,
fondateur, président et majeur actionneur de Microsoft, de Robinson Walton, qui
contrôle la chaîne des supermarchés Wal-Mart, et Haju Hassani Bolkiah, sultan
de Brunei, égale la somme du revenu des 43 pays les plus pauvres, situés en majorité
en Afrique. Les deux cent hommes les plus fortunés représentent une richesse
comparable au revenu de 41% de la population mondiale. On pourrait dire que les
trois empereurs économiques de la planète détiennent le pouvoir
d’acheter le travail de 43 nations.
37. [1]
Jn 1,14
38. [1]
Cf. Mt 19,30 ; 20,16 ; Mc 9,35 ; 10,31 ; Lc 13,30
39. [1]
Lc 1,46-55
40.
[1] Cf. Mt 25,31-46
41.
[1] 1 Jn 3,14
42. [1]
Cf. Ex 5,1
43.
[1]
L’Église qui construit le Règne (Cf. CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II,
Lumen Gentium, N° 5) devrait pouvoir conjuguer
au présent, progressivement, le verbe de la loi du Règne. Ainsi :
les derniers deviennent les premiers. La plus grande surprise est celle de
trouver le Christ dans sa fraîcheur là, où on ne l’aurait pas
attendu. Souvent, ceux qui pourraient être considérés comme destinataires
de l’évangélisation, les derniers – y compris au niveau moral – deviennent des
évangélisateurs, donc instruments de communication, de la bonté et de la
puissance de l’amour du Dieu imprévisible. Significative est le témoignage de
Frei Betto sur son expérience parmi les derniers : « Le Seigneur m’a
jeté dans les souterrains de la vie et de l’histoire. Et là, où
je croyais autrefois pouvoir trouver seulement de la malice, l’indifférence et
le péché, j’ai trouvé la grâce, la fidélité, l’amour et l’espérance (…) Le
Christ n’a pas peur d’être tenté et diffamé, d’être appelé
Beelzéboul, amis des prostituées et des pécheurs. Il n’est pas gêné
d’être appelé ivrogne et glouton, irrespectueux de la loi et de la tradition.
Le Christ va là, où nous n’avons pas le courage d’aller. Quand
nous Le cherchons au temple, Il se trouve dans l’étable ; quand nous Le
cherchons parmi les prêtres, Il se trouve au milieu des pécheurs ;
quand nous Le cherchons libre, Il est prisonnier ; quand nous Le cherchons
revêtu de gloire, Il est suspendu sur la croix couvert de sang. Nous
avons créé les frontières. Nous avons partagé le monde entre les bons et
les méchants. Nous pensons que Dieu se soumet à nos idées, à nos
préjugés, à notre rationalisation. Et pourtant : combien de fois
n’était-il pas assis sur les marches, devant notre porte, attendant un morceau
de pain. » (FREI BETTO, Dai sotterranei della storia, Mondadori,
Milano 1971).
44.
[1] Cf. Rm 12,15
45.
[1] A. NOLAN, Gesù
prima del christianesimo. Un vangelo di liberazione, Dehoniane, Bologna
1986, p. 199.
46.
[1] Ibidem, p. 42
47.
[1] Cf. CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II, Lumen Gentium, N° 1
48.
[1] Mt 5,9
49.
[1]
Dans une lettre écrite par le frère Roger Schutz, pendant le Concile des
jeunes à Taizé, nous lisons : « Une question posée par le
Christ te serre la gorge : lorsque le pauvre avait faim, m’as-tu reconnu
en lui ? Où étais-tu lorsque je partageais la vie du plus
misérable ? As-tu opprimé, si ce n’est-ce qu’une seule personne, sur cette
terre ? Lorsque je disais : « Malheur aux riches », riches
en argent, riches en dogmatisme, as-tu préféré les mirages de la
richesse ? Ta lutte ne peut être vécue dans une girouette d’idées
qui ne se concrétisent jamais. Brise l’oppression des pauvres et des
exploités : en témoin stupéfait, tu verras surgir des signes de la
résurrection sur la terre. Partage tes biens en vue d’une plus grande justice.
Que personne ne soit victime de soi-même. Frère de tous,
frère universel, va avec détermination vers l’homme qui ne compte pas,
vers les exclus. » (Taizé – Il concilio dei giovani. Perché ?, Morcellana, Brescia
1975.
50.
[1] COMMISSION PONTIFICALE « IUSTITIA ET PAX », Un approccio etico al debito internazionale,
Elle Di Ci, Leumann (Torino) 1987
51.
[1] Cf. Mt 13,24-30
52.
[1] Mc 4,11-12 ; cf. Mt 11,25-26
53.
[1] 2 Th 2,7
54.
[1] Cf. Mt 5,13-14
55. [1]
Cf. Jn 3,16
56. [1]
Cf. JEAN-PAUL II, Christifideles laici,
N° 34
57. [1]
Mc 1,1
58. [1]
JEAN XXIII, Discours lors de l’ouverture solennelle du Concile (11.10.1962)
59. [1]
Cf. JEAN-PAUL II, Christifideles laici,
N° 37-44
60. [1]
Cf. D. BONHOEFFER, Lettres à un
ami
L’un des textes
les plus connus, qui peut exprimer cette attention bonhoefferienne accordée
à l’homme, est le suivant : « Être chrétien ne signifie
pas être religieux d’une manière déterminée, faire quelque chose
de soi (…) d’une manière méthodique, mais être chrétien signifie
être homme ; en nous, le Christ ne créé pas un type d’homme, mais
l’homme. » (ID., Resistenza e resa, o.c., p. 441). C. Cantone
commente ce texte : « Probablement, aujourd’hui c’est le point
d’accostage de l’expérience chrétienne, jointe ainsi, je le crois, à un
stade de « maturité » ultérieure, comme expérience, précisément, d’identification kénotique radicale de
Dieu avec l’homme : une expérience non plus « sacrée » (avec
toutes les « barrières » et « séparations »
qu’implique le sacré), mais
véritablement « séculière » de Dieu, et donc toujours ouverte
(…) au pluralisme humain (…) des « voies », à travers
lesquelles, précisément dans la révélation (…) de la « vérité de
l’homme », qui ne peut être que « la vérité-amour-communion
libératrice », se révèle finalement la
« Vérité-Amour-Communion libératrice » salvifique de Dieu ». (C. CANTONE, Rilievi
introduttivi : per una coscienza religiosa planetaria, dans « Cronache e commenti di studi
religiosi, 5/Religione e religioni », /Quaderni di Salesianum 16, LAS,
Roma 1989, pp. 17-18).
61.
[1]
« L’analphabète secondaire est le produit de la phase la plus
actuelle de l’industrialisation. Dans les sociétés industrielles avancées,
l’analphabète qui signe avec un signe de la croix dérange et doit
être éliminé. L’analphabète secondaire, par contre, est utile,
parce qu’il peut être n’importe qui : un dirigeant, un homme
politique, un simple ouvrier, un homme habilité à signer les
chèques ou à déchiffrer un diagramme statistique… Il est marqué
par un trait caractéristique : c’est un homme qui fondamentalement ne
comprend pas ce qui se passe. Pour lui, la télévision est le médium idéal (…). L’ancienne conception
de la culture bourgeoise disait à peu près : si tu n’as pas
lu les classiques, tu ne feras pas partie du club. Ce n’est plus vrai.
Aujourd’hui, une bonne partie de la bourgeoisie a choisi l’analphabétisme
secondaire. Je connais un bon nombre de dirigeants qui ne lisent jamais rien,
bien qu’ils ne manquent pas d’occasions et de stimuli. Leur choix de devenir des
analphabètes secondaires est donc clairement délibéré. » H.M. ENZENSBERGER, dans une interview à « La
Repubblica-Mercurio » /30.6.1990/ 13. Cf. S. Palumbieri, L’uomo e il futuro, II, p. 227.
62. [1]
AUGUSTIN, De catechizandis rudibus,
PL 40,309-348
63.
[1] V.-E. FRANKL, Psychotherapy
and existentialism. Selected papers on Logotherapy, Washington Square Press
– Pocket Books, New York (NY) 1985, p. 107.
64. [1] St François de Sales cité par JEAN-PAUL
II, dans Christifideles laici, N° 56.
65.
[1] Cf. S. PALUMBIERI, Laici
nuovi per un umanesimo nuovo, dans AA.VV., Laici per una nuova evangelizzazione. Studi sull’esortazione apostolica
« Christifideles laici » di Giovanni Paolo II, a cura di M. Toso,
Elle Di Ci, Leumann (Torino) 1990, pp. 157-184.
66. [1]
JEAN-PAUL II, Christifideles laici, N°
46.
67.
[1] Ibidem.
68.
[1] PAUL VI, Discorso
per la chiusura dell’Anno Santo (15.12.1975), dans AAS 68 (1976) 143-145,
cit. p. 145.
69.
[1] Cf. S. PALUMBIERI, Un
« Magnificat » per il Terzo Millennio. Dimensione antropologica del
Cantico, Paoline, Milano 1998, pp. 108-114.
70.
[1] Cf. A.O. HIRSCHMANN, Tre
continenti. Economia, politica e sviluppo della democrazia in Europe, Stati
Uniti e America Latina, Einaudi, Torino 1990 ; P.W. PHILLIPS, Wheat, Europe and the GATT. A
political economy analysis, Pinter,
London 1990 ; J.M. VAN BRABANT, Remaking
Eastern Europe. On the political economy of transition, Kluwer Academic
Publishers, Dordrecht 1990 ; L. SPAVENTA, The political economy of European monetary integration,
« Quarterly Review – Bancoper », 172 (3/1990) 3-19 ; P. CIOCCA, L’unione monetaria d’Europe fra politica ed
economia, in « Impresa Banca », 3 (9/1990) 13-17 ; S.M.
CHERIAN, End- Independent legal rules and
the political economy of expanding market societies of Europe, in
« Univ. Essex Department of Economics. Discussion paper », 372 (1990) ; AA.VV., Prepararsi all’Europa, III/Unione
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1992 ; G. GOMEL – S. REBECCHINI, Migrazioni
in Europa. Andamenti, prospettive, indicazioni di politica economica, Banca
d’Italia, Roma 1992 ; A. KOEVES, Central
and East European economies in transition. The international dimension, Westview, Boulder 1992 ; D. LORENZ, Economic geography and the political economy
of regionalization. The example of Western Europe, dans « American
Economic Review – Paper & proceedings », 2 (5/1992) 84-87 ;
« European Journal of Political Economy », 1 (2/1992) (contient,
entre autres, des articles de S.M.R. KAMBUR, Policy choice and political constraints, pp ; 1-29 ; U.
BROLL – J.E. WAHL, International
investments and exchange rate risk, pp. 31-40 ; C. WEINHARDT, How to measure price progression. A first
axiomatic approach, pp. 115-127).
71.
[1] A.O. HIRSCHMANN, The
continenti. Economia politica e sviluppo della democrazia in Europa, Stati Uniti e
America Latina, o.c. ; P.R. KRUGMAN, Il silenzio dell’economia. Una politica
economica per un’epoca di aspettative deboli, Garzanti, Milano 1991 ;
F.TH. CARGILL – SH. ROYAMA, Il processo
di trasformazione dei sistemi finanziari. Le esperienze giapponese e
statiunitense a confronto, Cariplo, Milano 1991.
72.
[1] AA.VV., Dalle armi
alle urne. Economia, società e politica nell’America Latina degli anni
Novanta, a cura di G. Urbani – F. Ricciu, Il Mulino, Bologna 1991 ;
AA.VV., The political economy of
agricultural pricing policy, I/Latin
America, a cura di A. Valdes – A. Krueger, M.W. Schiff, John Hopkins
Univers. Press for the World Bank,
Baltimore 1991 ; M. PLANE – A. TRENTO, L’America
Latina nel XX secolo. Economia e società. Istituzioni e politica. Ponte alle Grazie, Firenze 1992.
73.
[1] H. ASSMANN – F. HINKELAMMERT, A idolatria do mercato. Ensaio sobre economia e teologia, Vozes, S.
Paulo 1989.
74.
[1] Cf. COMMISSION PONTIFICALE « IUSTITIA ET
PAX », La Chiesa e il problema
dell’alloggio, Lettre de Jean-Paul II du 27.12.1987, dans Enchiridion Vaticanum, 10/ 1986-1987,
Dehoniane, Bologna 1989, §§ 2425-2502, pp. 1636-1697.
75.
[1] Cf. B.M. MAGUBANE, The political economy of race and class in South Africa, Monthly
Review Press, New York – London 1979 ; AA.VV., Apartheid – Capitalism or socialism ? The political economy of the
causes, consequences and cure of the colour bar in South Africa, a cura
dell’Institute of Economic Affairs, IEA, London 1986 ; AA.VV., Adjustment or… The African experience, a
cura di A. Mahjoub, (=The UN University Studies in African Political Economy),
ZED, London 1990 ; S. AMIN, Maldevelopment.
Anatomy of a global failure, (=The UN University : 3rd
World Forum Studies in African Political Economy), ZED, London 1990 ;
AA.VV., Economic policies for a new South
Africa, a cura di D. Lachmann – K. Bercuson, International Monetary Fund,
Washington 1992 ; AA.VV., The
political economy of agricultural pricing policy, III/Africa and the Mediterranean, a cura di A. Valdes – A.O. Krüger –
M.W. Schiff, J. Hopkins Univ. Press for the World Bank, Baltimore 1992.
76.
[1]
« Selon les estimations de l’OMS, le continent compte déjà au moins
cinq millions d’adultes séropositifs et 700.000 malades. (…) Selon les
prévisions de l’OMS, le continent pourrait compter, d’ici la fin du
siècle, entre 20 et 25 millions de séropositifs. Déjà, surtout en
Afrique orientale (…), des villages entiers sont décimés, sans parler des
villes, parmi lesquelles certaines comptent jusqu'à 30% de séropositifs. »
(Il
mondo dopo il crollo del communismo e la guerre del Golfo. Verso un nuovo
ordine mondiale ?, editorial, dans « La Civiltà
Cattolica », 3401 /1992/ 417-430, cit. p. 426).
77. [1]
Il est symptomatique de noter que « le programme de l’ONU pour le
développement de l’Afrique 1986-1990, adopté en mai 1986, s’est montré
gravement défaillant. La dette du continent a augmenté d’environ 20 milliards
de dollars par an au cours de la décennie. » (CL. BRISSET, Famines et guerres en Afrique subsaharienne,
dans « Le Monde diplomatique » /juin 1991/ 8-9).
78.
[1] A. ZANOTELLI, Il
coraggio dell’utopia, o.c., p.27.
Ce
témoignage crédible sur le marasme africain, produit du colonialisme, rapporte
en synthèse les statistiques de la Banque mondiale qui « nous
aident à comprendre où va l’Afrique, et la tragique du moment
qu’elle est en train de vivre. Selon les calculs de la Banque, en 1980 environ
60% de la population africaine vivait en dessous du seuil de la pauvreté
absolue. La pauvreté absolue est définie par l’ex-ministre de la défense
américaine, McNamara, comme une condition de vie tellement limitée par la
malnutrition, l'analphabétisme, la maladie, la haute mortalité enfantine, la
basse espérance de vie, qu’elle est en dessous de toute définition rationnelle
de la décence humaine. La Banque mondiale prévoit que, si l’économie continue
à se développer au rythme actuel, en
Afrique, en 1995, 80% de la population vivra en dessous du seuil de la pauvreté
absolue. C’est la tragédie d’un continent, et tout particulièrement
la tragédie des enfants qui naissent dans un avenir bloqué. » (Ibidem, pp. 27-28).
79.
[1]
« Dans les pays comme le Bénin, le Congo, le Gabon, le Togo, le Zaïre
et le Mali, des évêques catholiques ont été élus pour présider les
Conférences nationales de toutes les forces vives (dans certains cas, il s’agit
de vraies Assemblées constitutionnelles) chargées d’élaborer de nouvelles
constitutions et de préparer les élections politiques. » (E. TRESOLDI, Africa
perla preziosa, dans « Jesus », 15/3 /1993/ 98-102, cit. p. 102).
80.
[1] J.P. LEHMANN, Politics
and the Pacific economic miracle. Dictatorship and development in Pacific Asia
– Wider implications, dans « International Affairs », 4 (1985)
591-606 ; AA.VV., Il Sud-Et asiatico
nell’anno della tigre. Rapporto 1987 sulla situazione ed economica dell’area, a cura dell’Institute of Southeast Asian Studies,
Fondaz. Agnelli, Torino 1988 ; AA.VV., Il
Sud-Est asiatico nell’anno del serpente. Rapporto 1989…, Torino 1990 ;
G. FODELLA, Dove va l’economia
giapponese. L’Estasia verso l’egemonia economica mondiale, La Nuova Italia
Scientifica, Roma 1989 ; S. MANZOCCHI, The
political economy of EEC-Asian NIC’s relations. A structuralist perspective on
1992, dans « Rivista di diritto valutario e di economia
internazionale », I (3/1991) 45-61 ; AA.VV., Modernization in East Asia. Political, aconomic and social
perspectives, a cura di R.H. Brown – W.T. Lui, Praeger, Westport
1992 ; AA.VV., The political economy
of agricultural pricing policy, II/Asia,
a cura di A. Valdes – A.O. Krüger – M.W. Schiff, J. Hopkins Univ. Press for The World Bank, Baltimore 1992.
[1] Cf. : CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II, Décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio (21.11.1964), N° 4, dans AAS 57 (1965) 90-107 ; Décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem (18.11.1965), N° 14, dans AAS 58 (1966) 837-864 ; Décret sur le ministère et la vie des presbytres Presbyterorum ordinis (7.12.1965), N° 9, dans AAS 58 (1966) 991-1024.
[2]
« Sans s’en apercevoir, remarque Walbert Bühlmann, nous sommes devenus
témoins d’un processus historique de l’Église. (…) L’Église méridionale occupe
le rôle du leader, non seulement du point de vue quantitatif, mais aussi
qualitatif (…) On pourrait donc écrire une histoire de l’Église et dire
approximativement que le premier millénaire chrétien se soit développé sous la
direction de la première Église, l’Église orientale, avec ses huit
premiers conciles qui ont eu lieu en Orient. Le deuxième millénaire a vu
la domination incontestable de la deuxième Église, l’Église de
l’Occident, notre Église par excellence. Dans le troisième millénaire,
ce sera probablement la troisième Église, l’Église du Tiers Monde, qui
prendra le commandement, toujours dans le cadre d’une unique Église
catholique. » (W. BÜHLMANN, La Chiesa alle soglie del terzo millennio, Dehoniane, Bologna 1990,
pp.25-26)
[3] J.-B. METZ, Im
Aufbruch zu einer kulturell polyzentrischen Weltkirche, dans
« Zeitschrift für Missionswissenschaft », Münster i.W., (1986) 140.
[4] W. BÜHLMANN, La
Chiesa alle soglie del terzo millennio, o.c.,
p. 28
[5]
Bühlmann, le regard tourné vers l’essentiel de la pensée conciliaire, propose
une sorte de décalogue de l’Église, véritablement une et culturellement
polycentrique, au seuil du troisième millénaire. Les commandements se
situent à trois niveaux et traitent des problèmes ecclésiaux, des
problèmes relatifs aux continents particuliers, et des problèmes
mondiaux :
1.
Vous
respecterez le domaine de la raison : l’autonomie de la science
2.
Vous
vous considérerez comme le peuple de Dieu : les laïcs dans l’Église
3.
Vous
vous réconcilierez avec d’autres chrétiens : l’œcuménisme
4.
Vous
vous solidariserez avec les pauvres. La justice : l’Amérique Latine
5.
Vous
admirerez la grandeur du Créateur. L’inculturation : l’Afrique
6.
Vous
reconnaîtrez le « Je suis » de tous les peuples. Dialogue avec les
religions : l’Asie
7.
Vous
accompagnerez les migrants nomades. Sécularisation : l’Euro-amérique
8.
Vous
renforcerez les rangs des artisans de paix : Iustitia et pax
9.
Vous
développerez la terre à l’image du ciel : l’écologie et
l’eschatologie
10. Vous rencontrerez
le Dieu de l’histoire : la mystique et la politique
(Ibidem, pp. 41-42).
[6] Cf. Jn 3,16
[7] Cf. Chr. DUQUOC, Liberazione
e progressismo. Un dialogo teologico tra l’America Latina e l’Europa,
Cittadella, Assisi 1989.
[8] Cf. A. RIZZI, L’Europa
e l’altro. Abbozzo di una teologia europea della liberazione, Paoline,
Cinisello Balsamo 1991.
[9] Cf. SYNODE DES ÉVÊQUES. ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’EUROPE, Témoins du Christ libérateur, Paoline, Milano 1991 ; S. PALUMBIERI, L’uomo e il futuro, II/Germi di futuro per l’uomo, Dehoniane, Roma 1993, pp. 146-148
[10] Cf. : CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction sur la liberté chrétienne et la libération, Tip. Poliglotta Vaticana, 1986
[11] P.
DE CHARENTENAY, El desarollo del hombre
de los pueblos, Sal Terrae, Santander 1992 ; J. COMBLIN – J.I.
GONZALES FAUS – J. SOBRINO, Cambio social
y pensamiento cristiano en América Latina, Trotta, Madrid 1993 ; J.
COMBLIN, Spirito Santo e liberazione,
Cittadella, Assisi 1991 ; CONFERENCIA EPISCOPAL PARAGUAYA, Sobre la teologia de la liberacion, dans
« Paginas » (1990) 92-113 ; O. MARSON, Vangelo, chiesa e liberazione. Dibattito sulla teologia latinoamericana,
Concordia Sette, Pordenone 1992 ; B. MONDIN, Los teologos de la liberacion, Edicep, Madrid 1992 ; J.B.
LIBÂNIO, Teologia da libertaçno. Roteiro
didatico para um estudo, S. Paulo 1987.
[12] CELAM, Puebla. La
evangelizacion en el presente y en el futuro de América Latina, Bogota
1979.
[13] EPISCOPATO LATINOAMERICANO, Santo Domingo. IV Conferenza generale, Dehoniane Bologna 1992.
[14] J. SOBRINO, Il
martirio dei gesuiti salvadoregni, La Piccola Editrice, Celleno 1990 ;
ID., Resurreccion de la verdadera
Iglesia. Los pobres como lugar teologico de la eclesiologia, Santander 1989.
[15] Note
Piersandro Vanzan : « L’importance de l’Église latino-américaine
n’est pas seulement quantitative, dans la mesure où elle représente
désormais 52% de l’Église universelle, mais surtout qualitative : en
effet, au cours de ces dernières années, elle a proposé une série
d’initiatives théologico-pastorales fort intéressantes, comme, par exemple, les
Communautés de Base, la théologie de la libération, l’option préférentielle des
pauvres, l’inculturation de la foi comprise comme une force évangélisatrice des
derniers, dans la mesure où ils se réapproprient l’Évangile. » (P. VANZAN, Da
Puebla a Santo Domingo. L’« instrumentum laboris » della IV
Conferenza Generale dell’Episcopato Latinoamericano, dans « La
Civiltà Cattolica » 3435 /1992/ 14-15).
[16] La
dernière partie du document de Santo Domingo contient une sorte de
promotion intégrale des peuples de l’Amérique Latine et des
Caraïbes : « Que le cri des pauvres soit notre cri. Assumons
avec une nouvelle ardeur l’option évangélique préférentielle des pauvres, en
continuité avec Medellin et Puebla. Cette option, ni exclusive ni excluante,
illuminera – à la suite du Christ – toute notre action évangélisatrice.
Dans cette lumière, nous appelons à la promotion d’un nouvel
ordre économique, social et politique, conforme à la dignité des
personnes considérées d’une manière singulière et globale,
donnant des impulsions à la justice et à la solidarité, et leur
ouvrant les horizons de l’éternité. » ( EPISCOPATO LATINOAMERICANO, Messaggio
ai popoli dell’America Latina e dei Caraibi, in Santo Domingo. IV Conferenza Generale, Conclusioni, pp. 132-133).
[17] Cf. : Lineamenta.
La Chiesa in Africa e la sua missione evangelizzatrice verso l’anno 2000 :
Sarete miei testimoni. C’est « la première étape
du cheminement vers la célébration du Synode pour l’Afrique. Le texte a été
envoyé aux Conférences épiscopales de l’Afrique et du Madagascar, le 24 juillet
1990. Il y a cinq objectifs prévus : l’annonce, l’inculturation, le
dialogue, la justice et la paix, la communication sociale. » (Citation de W. Bühlmann,
La Chiesa alle soglie del terzo millennio,
o.c., pp. 139-140).
[18] B. CHENU, Teologie
cristiane dei Terzi Mondi : teologia latinoamericana, teologia nera
americana, teologia nera sudafricana, teologia asiatica, Queriniana,
Brescia 1988 ; A. PIERIS, Una
teologia asiatica della liberazione, Cittadella, Assisi 1990.
[19] Cf. : M. BLONDEL, L’azione, La Nuova Italia, Firenze 1973. L’action, c’est l’intention, donc tension d’aller continuellement au-delà de soi-même. C’est une dimension de l’intelligence, qui agit tant comme activité théorique que comme activité pratique. Elle embrasse à la fois la pensée et la volonté et s’engage consciemment à subordonner le monde à l’homme. Elle débouche dans la vie sociale, mais ne s’y épuise pas. En fait, comme expression de l’autotranscendence incessante de l’homme, elle est conçue comme un « invincible besoin de s’emparer de Dieu ». Ce suprême objectif de l’action revient aux niveaux humains de l’exercice pour les élever et leur redonner le sens. Cela signifie que l’action pousse l’homme qui tente, sous forme opératrice, à ordonner le monde de telle manière que sa volonté converge vers le bien de la communauté. On y découvre la tendance vers Dieu, qui est le fondement de cette même communauté et l’éperon décisif à son service.
[20]
Bühlman remarque : « Le Cosmogral de l’architecte autrichien Clemens
Holzmeister devrait également être construit dans d’autres
endroits : une construction de huit chapelles circulaires, disposées
circulairement, représentant les huit régions du monde, et au centre, donnant
accès aux chapelles, un sanctuaire destiné à la prière
commune, aux occasions déterminées. Une musique utopique, paradisiaque, pour le
troisième millénaire ! » (W. BÜHLMANN, La Chiesa alle soglie
del terzo millennio, o.c., p. 159).
[21] Col 1,3
[22] D. DAHRENDORF, Quadrare il cerchio, Laterza, Bari 1966
[23] Ibidem, p. 19
[24] Ibidem, p. 36
[25] Ibidem, p. 42
[26] Ibidem, p. 44
[27] E.N. LUTTWAK, La
dittatura del capitalismo. Dove ci porteranno il liberalismo selvaggio e gli
eccessi della globalizzazione, Mondadori, Milano 1999
[28] Ibidem, pp. 42-43
[29] Ibidem, p. 274
[30] Ibidem, p. 275
[31] JEAN-PAUL II, Lettre encyclique Laborem exercens, N° 6 (1981)
[32] Ibidem, N° 23
[33] Ibidem, N° 13
[34] Dans le Tiers Monde, le dérèglement économique et la libéralisation financière balayent l’apparence de l’avantage de l’ouverture du marché du travail, qui conduit finalement à l’exploitation des plus pauvres.
[35] Au cours de ces cinq dernières années aux USA, les corporate profits – les profits des grandes corporations – ont augmenté de 19%, alors que les salaires sont restés les mêmes : on dit que les coûts de la globalisation doivent être payés par les ouvriers, et que les énormes profits doivent aller aux investisseurs et aux managers qui gèrent le capital investi. » (W. PFAFF dans « International Herald Tribune – Los Angeles Time » (21 août 1999), repris par E. CHIAVACCI, La terra è di tutti, in « In Dialogo », 3 /juin 1999/ 15).
[36] Le rapport de l’ONU de la fin du siècle de l’agence UNDP pour le développement fait les comptes des porte-monnaie des trois hommes les plus puissants de la planète. Il précise que le revenu de Bill Gates, fondateur, président et majeur actionneur de Microsoft, de Robinson Walton, qui contrôle la chaîne des supermarchés Wal-Mart, et Haju Hassani Bolkiah, sultan de Brunei, égale la somme du revenu des 43 pays les plus pauvres, situés en majorité en Afrique. Les deux cent hommes les plus fortunés représentent une richesse comparable au revenu de 41% de la population mondiale. On pourrait dire que les trois empereurs économiques de la planète détiennent le pouvoir d’acheter le travail de 43 nations.
[37] Jn 1,14
[38] Cf. Mt 19,30 ; 20,16 ; Mc 9,35 ; 10,31 ; Lc 13,30
[39] Lc 1,46-55
[40] Cf. Mt 25,31-46
[41] 1 Jn 3,14
[42] Cf. Ex 5,1
[43]
L’Église qui construit le Règne (Cf. CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II,
Lumen Gentium, N° 5) devrait pouvoir
conjuguer au présent, progressivement, le verbe de la loi du Règne.
Ainsi : les derniers deviennent les premiers. La plus grande surprise est
celle de trouver le Christ dans sa fraîcheur là, où on ne
l’aurait pas attendu. Souvent, ceux qui pourraient être considérés comme
destinataires de l’évangélisation, les derniers – y compris au niveau moral –
deviennent des évangélisateurs, donc instruments de communication, de la bonté
et de la puissance de l’amour du Dieu imprévisible. Significative est le
témoignage de Frei Betto sur son expérience parmi les derniers : « Le
Seigneur m’a jeté dans les souterrains de la vie et de l’histoire. Et
là, où je croyais autrefois pouvoir trouver seulement de la
malice, l’indifférence et le péché, j’ai trouvé la grâce, la fidélité, l’amour
et l’espérance (…) Le Christ n’a pas peur d’être tenté et diffamé,
d’être appelé Beelzéboul, amis des prostituées et des pécheurs. Il n’est
pas gêné d’être appelé ivrogne et glouton, irrespectueux de la loi
et de la tradition. Le Christ va là, où nous n’avons pas le
courage d’aller. Quand nous Le cherchons au temple, Il se trouve dans
l’étable ; quand nous Le cherchons parmi les prêtres, Il se trouve
au milieu des pécheurs ; quand nous Le cherchons libre, Il est
prisonnier ; quand nous Le cherchons revêtu de gloire, Il est
suspendu sur la croix couvert de sang. Nous avons créé les frontières.
Nous avons partagé le monde entre les bons et les méchants. Nous pensons que Dieu
se soumet à nos idées, à nos préjugés, à notre
rationalisation. Et pourtant : combien de fois n’était-il pas assis sur
les marches, devant notre porte, attendant un morceau de pain. » (FREI BETTO, Dai
sotterranei della storia, Mondadori, Milano 1971).
[44] Cf. Rm 12,15
[45] A. NOLAN, Gesù
prima del christianesimo. Un vangelo di liberazione, Dehoniane, Bologna
1986, p. 199.
[46] Ibidem, p. 42
[47] Cf. CONCILE ŒCUMENIQUE VATICAN II, Lumen Gentium, N° 1
[48] Mt 5,9
[49] Dans
une lettre écrite par le frère Roger Schutz, pendant le Concile des
jeunes à Taizé, nous lisons : « Une question posée par le
Christ te serre la gorge : lorsque le pauvre avait faim, m’as-tu reconnu
en lui ? Où étais-tu lorsque je partageais la vie du plus misérable ?
As-tu opprimé, si ce n’est-ce qu’une seule personne, sur cette terre ?
Lorsque je disais : « Malheur aux riches », riches en argent,
riches en dogmatisme, as-tu préféré les mirages de la richesse ? Ta lutte
ne peut être vécue dans une girouette d’idées qui ne se concrétisent
jamais. Brise l’oppression des pauvres et des exploités : en témoin
stupéfait, tu verras surgir des signes de la résurrection sur la terre. Partage
tes biens en vue d’une plus grande justice. Que personne ne soit victime de
soi-même. Frère de tous, frère universel, va avec
détermination vers l’homme qui ne compte pas, vers les exclus. » (Taizé – Il
concilio dei giovani. Perché ?, Morcellana, Brescia 1975.
[50] COMMISSION PONTIFICALE « IUSTITIA ET PAX », Un approccio etico al debito internazionale,
Elle Di Ci, Leumann (Torino) 1987
[51] Cf. Mt 13,24-30
[52] Mc 4,11-12 ; cf. Mt 11,25-26
[53] 2 Th 2,7
[54] Cf. Mt 5,13-14
[55] Cf. Jn 3,16
[56] Cf. JEAN-PAUL II, Christifideles laici, N° 34
[57] Mc 1,1
[58] JEAN XXIII, Discours lors de l’ouverture solennelle du Concile (11.10.1962)
[59] Cf. JEAN-PAUL II, Christifideles laici, N° 37-44
[60] Cf.
D. BONHOEFFER, Lettres à un ami
L’un des
textes les plus connus, qui peut exprimer cette attention bonhoefferienne
accordée à l’homme, est le suivant : « Être chrétien ne
signifie pas être religieux d’une manière déterminée, faire
quelque chose de soi (…) d’une manière méthodique, mais être
chrétien signifie être homme ; en nous, le Christ ne créé pas un
type d’homme, mais l’homme. » (ID., Resistenza e resa, o.c., p. 441). C.
Cantone commente ce texte : « Probablement, aujourd’hui c’est le
point d’accostage de l’expérience chrétienne, jointe ainsi, je le crois,
à un stade de « maturité » ultérieure, comme expérience,
précisément, d’identification kénotique
radicale de Dieu avec l’homme : une expérience non plus « sacrée »
(avec toutes les « barrières » et « séparations »
qu’implique le sacré), mais
véritablement « séculière » de Dieu, et donc toujours ouverte
(…) au pluralisme humain (…) des « voies », à travers
lesquelles, précisément dans la révélation (…) de la « vérité de
l’homme », qui ne peut être que « la vérité-amour-communion
libératrice », se révèle finalement la
« Vérité-Amour-Communion libératrice » salvifique de Dieu ». (C. CANTONE, Rilievi
introduttivi : per una coscienza religiosa planetaria, dans « Cronache e commenti di studi
religiosi, 5/Religione e religioni », /Quaderni di Salesianum 16, LAS,
Roma 1989, pp. 17-18).
[61]
« L’analphabète secondaire est le produit de la phase la plus
actuelle de l’industrialisation. Dans les sociétés industrielles avancées,
l’analphabète qui signe avec un signe de la croix dérange et doit
être éliminé. L’analphabète secondaire, par contre, est utile,
parce qu’il peut être n’importe qui : un dirigeant, un homme
politique, un simple ouvrier, un homme habilité à signer les
chèques ou à déchiffrer un diagramme statistique… Il est marqué
par un trait caractéristique : c’est un homme qui fondamentalement ne
comprend pas ce qui se passe. Pour lui, la télévision est le médium idéal (…). L’ancienne conception
de la culture bourgeoise disait à peu près : si tu n’as pas
lu les classiques, tu ne feras pas partie du club. Ce n’est plus vrai.
Aujourd’hui, une bonne partie de la bourgeoisie a choisi l’analphabétisme
secondaire. Je connais un bon nombre de dirigeants qui ne lisent jamais rien,
bien qu’ils ne manquent pas d’occasions et de stimuli. Leur choix de devenir
des analphabètes secondaires est donc clairement délibéré. » H.M. ENZENSBERGER, dans une interview à « La
Repubblica-Mercurio » /30.6.1990/ 13. Cf. S. Palumbieri, L’uomo e il futuro, II, p. 227.
[62] AUGUSTIN, De catechizandis rudibus, PL 40,309-348
[63] V.-E. FRANKL, Psychotherapy
and existentialism. Selected papers on Logotherapy, Washington Square Press
– Pocket Books, New York (NY) 1985, p. 107.
[64] St François de Sales cité par JEAN-PAUL II, dans Christifideles laici, N° 56.
[65] Cf. S. PALUMBIERI, Laici
nuovi per un umanesimo nuovo, dans AA.VV., Laici per una nuova evangelizzazione. Studi sull’esortazione apostolica
« Christifideles laici » di Giovanni Paolo II, a cura di M. Toso,
Elle Di Ci, Leumann (Torino) 1990, pp. 157-184.
[66] JEAN-PAUL II, Christifideles laici, N° 46.
[67] Ibidem.
[68] PAUL VI, Discorso
per la chiusura dell’Anno Santo (15.12.1975), dans AAS 68 (1976) 143-145,
cit. p. 145.
[69] Cf. S. PALUMBIERI, Un
« Magnificat » per il Terzo Millennio. Dimensione antropologica del
Cantico, Paoline, Milano 1998, pp. 108-114.
[70] Cf. A.O. HIRSCHMANN, Tre
continenti. Economia, politica e sviluppo della democrazia in Europe, Stati
Uniti e America Latina, Einaudi, Torino 1990 ; P.W. PHILLIPS, Wheat, Europe and the GATT. A political
economy analysis, Pinter, London
1990 ; J.M. VAN BRABANT, Remaking
Eastern Europe. On the political economy of transition, Kluwer Academic
Publishers, Dordrecht 1990 ; L. SPAVENTA, The political economy of European monetary integration,
« Quarterly Review – Bancoper », 172 (3/1990) 3-19 ; P. CIOCCA, L’unione monetaria d’Europe fra politica ed
economia, in « Impresa Banca », 3 (9/1990) 13-17 ; S.M.
CHERIAN, End- Independent legal rules and
the political economy of expanding market societies of Europe, in
« Univ. Essex Department of Economics. Discussion paper », 372 (1990) ; AA.VV., Prepararsi all’Europa, III/Unione
politica e sviluppo economico, a cura della Confindustria, SIPI, Roma
1992 ; G. GOMEL – S. REBECCHINI, Migrazioni
in Europa. Andamenti, prospettive, indicazioni di politica economica, Banca
d’Italia, Roma 1992 ; A. KOEVES, Central
and East European economies in transition. The international dimension, Westview, Boulder 1992 ; D. LORENZ, Economic geography and the political economy
of regionalization. The example of Western Europe, dans « American
Economic Review – Paper & proceedings », 2 (5/1992) 84-87 ;
« European Journal of Political Economy », 1 (2/1992) (contient,
entre autres, des articles de S.M.R. KAMBUR, Policy choice and political constraints, pp ; 1-29 ; U.
BROLL – J.E. WAHL, International
investments and exchange rate risk, pp. 31-40 ; C. WEINHARDT, How to measure price progression. A first
axiomatic approach, pp. 115-127).
[71] A.O. HIRSCHMANN, The
continenti. Economia politica e sviluppo della democrazia in Europa, Stati Uniti e
America Latina, o.c. ; P.R. KRUGMAN, Il silenzio dell’economia. Una politica
economica per un’epoca di aspettative deboli, Garzanti, Milano 1991 ;
F.TH. CARGILL – SH. ROYAMA, Il processo
di trasformazione dei sistemi finanziari. Le esperienze giapponese e
statiunitense a confronto, Cariplo, Milano 1991.
[72] AA.VV., Dalle armi
alle urne. Economia, società e politica nell’America Latina degli anni
Novanta, a cura di G. Urbani – F. Ricciu, Il Mulino, Bologna 1991 ;
AA.VV., The political economy of
agricultural pricing policy, I/Latin
America, a cura di A. Valdes – A. Krueger, M.W. Schiff, John Hopkins
Univers. Press for the World Bank, Baltimore
1991 ; M. PLANE – A. TRENTO, L’America
Latina nel XX secolo. Economia e società. Istituzioni e politica. Ponte alle Grazie, Firenze 1992.
[73] H. ASSMANN – F. HINKELAMMERT, A idolatria do mercato. Ensaio sobre economia e teologia, Vozes, S.
Paulo 1989.
[74] Cf. COMMISSION PONTIFICALE « IUSTITIA ET PAX »,
La Chiesa e il problema dell’alloggio, Lettre
de Jean-Paul II du 27.12.1987, dans Enchiridion
Vaticanum, 10/ 1986-1987, Dehoniane, Bologna 1989, §§ 2425-2502, pp.
1636-1697.
[75] Cf. B.M. MAGUBANE, The political economy of race and class in South Africa, Monthly
Review Press, New York – London 1979 ; AA.VV., Apartheid – Capitalism or socialism ? The political economy of the
causes, consequences and cure of the colour bar in South Africa, a cura
dell’Institute of Economic Affairs, IEA, London 1986 ; AA.VV., Adjustment or… The African experience, a
cura di A. Mahjoub, (=The UN University Studies in African Political Economy),
ZED, London 1990 ; S. AMIN, Maldevelopment.
Anatomy of a global failure, (=The UN University : 3rd
World Forum Studies in African Political Economy), ZED, London 1990 ;
AA.VV., Economic policies for a new South
Africa, a cura di D. Lachmann – K. Bercuson, International Monetary Fund,
Washington 1992 ; AA.VV., The
political economy of agricultural pricing policy, III/Africa and the Mediterranean, a cura di A. Valdes – A.O. Krüger –
M.W. Schiff, J. Hopkins Univ. Press for the World Bank, Baltimore 1992.
[76]
« Selon les estimations de l’OMS, le continent compte déjà au moins
cinq millions d’adultes séropositifs et 700.000 malades. (…) Selon les
prévisions de l’OMS, le continent pourrait compter, d’ici la fin du
siècle, entre 20 et 25 millions de séropositifs. Déjà, surtout en
Afrique orientale (…), des villages entiers sont décimés, sans parler des
villes, parmi lesquelles certaines comptent jusqu'à 30% de
séropositifs. » (Il
mondo dopo il crollo del communismo e la guerre del Golfo. Verso un nuovo
ordine mondiale ?, editorial, dans « La Civiltà
Cattolica », 3401 /1992/ 417-430, cit. p. 426).
[77] Il est symptomatique de noter que « le programme de l’ONU pour le développement de l’Afrique 1986-1990, adopté en mai 1986, s’est montré gravement défaillant. La dette du continent a augmenté d’environ 20 milliards de dollars par an au cours de la décennie. » (CL. BRISSET, Famines et guerres en Afrique subsaharienne, dans « Le Monde diplomatique » /juin 1991/ 8-9).
[78] A. ZANOTELLI, Il
coraggio dell’utopia, o.c., p.27.
Ce témoignage crédible sur le marasme africain, produit du colonialisme, rapporte en synthèse les statistiques de la Banque mondiale qui « nous aident à comprendre où va l’Afrique, et la tragique du moment qu’elle est en train de vivre. Selon les calculs de la Banque, en 1980 environ 60% de la population africaine vivait en dessous du seuil de la pauvreté absolue. La pauvreté absolue est définie par l’ex-ministre de la défense américaine, McNamara, comme une condition de vie tellement limitée par la malnutrition, l'analphabétisme, la maladie, la haute mortalité enfantine, la basse espérance de vie, qu’elle est en dessous de toute définition rationnelle de la décence humaine. La Banque mondiale prévoit que, si l’économie continue à se développer au rythme actuel, en Afrique, en 1995, 80% de la population vivra en dessous du seuil de la pauvreté absolue. C’est la tragédie d’un continent, et tout particulièrement la tragédie des enfants qui naissent dans un avenir bloqué. » (Ibidem, pp. 27-28).
[79]
« Dans les pays comme le Bénin, le Congo, le Gabon, le Togo, le Zaïre
et le Mali, des évêques catholiques ont été élus pour présider les
Conférences nationales de toutes les forces vives (dans certains cas, il s’agit
de vraies Assemblées constitutionnelles) chargées d’élaborer de nouvelles
constitutions et de préparer les élections politiques. » (E. TRESOLDI, Africa
perla preziosa, dans « Jesus », 15/3 /1993/ 98-102, cit. p. 102).
[80] J.P. LEHMANN, Politics
and the Pacific economic miracle. Dictatorship and development in Pacific Asia
– Wider implications, dans « International Affairs », 4 (1985)
591-606 ; AA.VV., Il Sud-Et asiatico
nell’anno della tigre. Rapporto 1987 sulla situazione ed economica dell’area, a cura dell’Institute of Southeast Asian Studies,
Fondaz. Agnelli, Torino 1988 ; AA.VV., Il
Sud-Est asiatico nell’anno del serpente. Rapporto 1989…, Torino 1990 ;
G. FODELLA, Dove va l’economia
giapponese. L’Estasia verso l’egemonia economica mondiale, La Nuova Italia
Scientifica, Roma 1989 ; S. MANZOCCHI, The
political economy of EEC-Asian NIC’s relations. A structuralist perspective on
1992, dans « Rivista di diritto valutario e di economia
internazionale », I (3/1991) 45-61 ; AA.VV., Modernization in East Asia. Political, aconomic and social
perspectives, a cura di R.H. Brown – W.T. Lui, Praeger, Westport
1992 ; AA.VV., The political economy
of agricultural pricing policy, II/Asia,
a cura di A. Valdes – A.O. Krüger – M.W. Schiff, J. Hopkins Univ. Press for The World Bank, Baltimore 1992.