Attention à l’astérisque
La
Fondation Polemia, créée en 2002 par Jean-Yves Le Gallou, qui en est
toujours l’âme et d’ailleurs l’actif président, publie un bien utile
opuscule de quatre-vingts pages : Les médias en servitude,
rédigé « avec la collaboration de Claude Lorne ». Claude Lorne ! la
meilleure plume géo-politique de sa génération, quelle joie de la
retrouver à l’ouvrage, comme quelquefois aussi sur le blog « polemia.com ».
Il est dommage que cet opuscule soit imprimé en caractères
typographiques disgracieux et barbares, des bâtons style publicitaire
qui trouent le papier, n’aimant pas être lus longtemps : mais il est
important de le lire quand même, attentivement, page à page et
jusqu’au bout.
Tous
les organes de la grande « information », nous dit Polemia, sont
uniformément entre les mains d’« une centaine d’hommes » qui « dirige
la machinerie ». Ce n’est pas un « chef d’orchestre clandestin ».
C’est l’« alliance du trotskisme des salles de rédaction et du
capitalisme financier ». Polemia donne les noms, les fonctions, les
liaisons. Il y a au début de l’opuscule un avertissement qu’il ne faut
pas oublier pendant la lecture : les noms accompagnés d’un astérisque
sont « membres du club d’influence Le Siècle ». Or presque tous les
noms cités ont l’astérisque.
Dans
les grandes démocraties occidentales, assure Jean-Yves Le Gallou, « le
pouvoir ne vient pas d’en bas », « le pouvoir n’appartient plus au
peuple », « il y a une verticale du pouvoir ». La méditation
historique, le raisonnement philosophique, même universitaires,
avaient depuis longtemps découvert qu’aucune démocratie ne peut durer
si elle ne se crée pas une oligarchie aussi nécessaire à sa survie que
contraire au principe qu’elle invoque. La pensée
philosophico-historique sait, également depuis longtemps, que lorsque
les gouvernants sont élus et rééligibles, ils sont naturellement
incités à plaire plutôt qu’à servir. D’ailleurs le mythe de la
« volonté générale » imaginé par Jean-Jacques Rousseau et imposé en
1789 par la Déclaration des Droits de l’Homme, est une utopie à
laquelle les dirigeants des démocraties ne croient plus.
On
peut prolonger cette réflexion en observant que la démocratie moderne,
issue de 1789, considère la cité politique comme composée d’individus,
un homme égale une voix, ce qui est une fabrication arbitraire par un
constructivisme foncièrement contre-nature. C’est la définition non
point d’une société mais d’une simple association, rassemblant les
adhésions volontaires des membres égaux entre eux. En revanche la
volonté individuelle n’est pour rien dans la naissance et l’éducation
ici plutôt que là. L’être humain ne choisit ni sa nationalité
originelle ni sa langue maternelle, normalement il vient au monde dans
une famille ou anormalement sans famille, situations qu’il n’a pas
choisies non plus. Et la cité politique est une société de familles.
Il
faut tenir compte aussi d’une révolution intellectuelle très
particulière, opérée ces dernières années dans la procédure des
médias, analysée en détail dans le dernier chapitre de mes
Dialogues du Pavillon bleu : la supposée « information » a pris
mentalement la place souveraine, disqualifiant la discussion,
l’argumentation, et renvoyant l’esprit critique dans le domaine des
préférences subjectives.
L’opuscule de Polemia ne s’engage pas dans cette
sorte de considérations générales, mais il leur apporte la base d’une
documentation factuelle sur l’un des secteurs les plus décisifs, celui
de la mise en servitude de la prétendue « information » du public.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7547
Les
médias en servitude, Fondation Polémia, accessible sur
polemia.fr en
PDF, et/ou à commander à Polémia, 60ter rue Jean-Jacques Rousseau,
92500 Rueil-Malmaison, (15 € franco de port)