
entretien paru
Paris Match
du
27 septembre 2012
HÀLTE AU
TOUT A
l'EGO
Le psychologue
publie «De l'adulte
roi à l'adulte
tyran », une charge
contre les
hyper-individualistes qui
sapent le lien
social.
Pourquoi avoir donné
une suite
à "De l'enfant
roi..."?
Parce qu’il
est-
désormais au pouvoir?
DIdier Pleux.
Je ne dis pas que j’avais
fait un livre de prévention voilà
dix ans, mais ce que je souhaitais, c'était alerter les gens contre les
dangers de l’éducation
basée sur l'hyper valorisation de l’ego.
Ces enfants sont devenus des adultes
agissant en fonction de "moi,moi,
moi !". Seul compte leur principe de
plaisir. Avant, on regardait cette minorité
avec un sourire. Désormais, c'est
moins drôle parce qu'on les voit partout.
Où
les rencontre-t-on?
Lorsque, dans un wagon, tout le
onde entend la conversation au téléphone
de quelqu'un qui parle tout
haut ou lorsqu'un automobiliste se gare
une place réservée aux handicapés. Ce qui ne me fait pas rire, c'est qu'il
n'y a plus
d'excuses. Si on leur fait remarquer
comportement impoli, on se fait
contre-agresser.
Pourquoi
cet égocentrisme
exacerbé peut-il
rendre malade?
Parce que ces gens estiment
que la réalité n’appartient qu’à eux..
Mais quand le principe de la réalité les rattrape, ça ne marche plus.
Avant,
j'avais des patients qui avaient des
dépressions liées à un ego ratatiné. Désormais,
j'ai affaire à des patients
très frustrés et colériques, qui m'agressent que je leur dis qu'il faut
prendre en compte
l'existence des autres.
Une blessure narcissique ne se soigne-t-elle pas plus vite qu'une vraie
dépression?
Au contraire, c'est plus dur parce que
ces personnalités en veulent toujours plus.Or
la
vie ne peut pas tout donner.
Ce n'est pas seulement en
l'écoutant qu'on peut aider quelqu'un
qui est dans l'omnipotence, mais plutôt
en étant conflictuel et ferme.
Vous devez agacer certains psys à
rejeter la faute sur le patient...
Oui, je dois me faire des ennemis. On déresponsabilise souvent ces
malades en arguant d'une blessure d'enfance. Moi, je dis qu'il y a un
choix à un moment donné. Quand on recherche
dans le vécu de ces adultes
rois, dans
95
% des cas, il n'y a
pas eu de traumatisme ou de carence dans l’enfance. La seule chose
dont ils ont été victimes, c'est
d'une grande permissivité éducative.
Mais
l'individualisme ne peut-ii pas aussi être une forme d'affirmation
de sa liberté?
J’aime l’individualisme lorsque c’est une forme de rébellion contre un
système dogmatique et totalitaire. Pas lorsque c’est une forme d’ego qui
délite le lien social.
Quand un chef demande à son
employé d'arriver à l'heure, ça ne fait pas
de lui un tyran qu'il faut défier.
Trouvez-vous que ces comportements
puissent expliquer certains
crimes violents?
Tout à fait. Même les grands flics
disent qu'avant, chez les délinquants, il
avait un code d'honneur. Là, il y a des
passages à l'acte criminel parce qu'un
principe de plaisir immédiat a été
contré. Le problème, c'est qu'ils s'attaquent à l'autre, qui devient un
objet
de satisfaction. Le danger, c'est que ce
individus ne trouvent un jour leurs
limites qu'en obéissant à un homme fort ou à des intégrismes religieux.
Que deviennent les gens discrets
ou introvertis?
Ils souffrent plus qu'avant. La société réclame des individus qui ont de
la niaque, plutôt que des gens sensible.
Mais on confond souvent la force de caractère avec l'égocentrisme.
Vous brossez un tableau pessimiste
de la société. L'enseignement de la
morale à l'école est-il la solution?
La morale, c'est sympathique, mai
si c'est juste pour l'inscrire au tableau,
c'est inefficace. La morale, elle doit être
vécue dans l'action. Mes adultes rois,
je les marque à la culotte, jusqu â ce
qu'ils retrouvent l'équilibre entre le
légitime épanouissement de soi et le respect des autres.