“Amour” ou le triomphe de la bien-pensance
Pour l’Oscar international de la bien-pensance et du conformisme,
on ne voit pas qui pouvait concurrencer Amour. Peut-être
l’histoire de l’adoption d’une petite sans-papier africaine sidaïque
par un couple gay fraîchement marié. Ce sera pour l’année prochaine.
Champion toute catégorie à Cannes, aux Césars français (meilleur
film, meilleur réalisateur, meilleur acteur et meilleure actrice),
aux Baftas anglais, Oscar du meilleur film étranger, le film
austère, froid et clinique de Michaël Haneke qui se termine par une
euthanasie-maison rafle tout. C’est plus qu’un film, un emblème pour
notre époque. « Une illustration de la promesse que nous nous sommes
donnée, mon épouse et moi-même… », avait déclaré le réalisateur à
Cannes. Emotion, applaudissements… La critique a salué un film
« magnifique » et « romantique ». Voyez plutôt…
Emmanuelle Riva incarne Anne, une octogénaire victime d’attaques
cérébrales, qui perd peu à peu son autonomie jusqu’à ce que tout son
corps la trahisse, sous les yeux impuissants de son mari aimant
Georges (Jean-Louis Trintignant) qui s’entête dans une dangereuse
solitude. Avec le fauteuil roulant et le lit médicalisé, une autre
vie commence. Un deuxième accident cérébral entraîne les couches, le
gobelet à bec, la démence. Anne ne sait plus rien faire d’autre que
de pousser des gémissements avec une voix déchirante : « Mal !
Mal ! Mal ! »
La maladie ne peut-être qu’une déchéance, l’état de l’épouse est
clairement indigne, insupportable. Les aides-soignantes et les
auxiliaires sont brutales et inutiles. L’humain ne se trouve réduit
qu’à un état d’humiliation permanente. A part ça, aucun parti-pris.
Michaël Haneke (La pianiste, Le ruban blanc) est un
sombre, un sévère. La compassion et le secours spirituel sont
totalement absents de son univers. Un moraliste moralisateur,
donneur de leçons angoissantes. On regarde ses films la peur au
ventre, ratatiné au fond de son fauteuil, en se demandant si on
supportera jusqu’au bout son sadisme. D’autant qu’on a bien compris
depuis un moment où il voulait en venir.
Trintignant, trop éprouvé par les souffrances de sa femme, lui
lit une petite histoire pour l’apaiser et l’étouffe avec un coussin.
Parce qu’elle vivait « comme un légume ». Ce geste que certains
moins évolués nommeront meurtre, mise à mort ou euthanasie, Haneke
lui a donné le titre et la signification de son film : Amour.
CAROLINE
PARMENTIER