....du "pari" de Pascal à celui de l'abbé ...

Dossiers : de la RATionnalité

Auteur:   YVES CHIRON

Source:  Présent

Date : samedi 17 mai 2013

      

Pascal lu par l’abbé de Tanoüarn

Quand, dans son dernier livre, l’abbé de Tanoüarn dresse un parallèle entre Socrate et Pascal, on ne peut s’empêcher de considérer qu’il dresse aussi, un peu, son autoportrait :

« Même préférence affirmée pour l’ignorance face à tous les non-savoirs. Même goût immodéré pour la vérité, véritable objet de désir dans un cas comme dans l’autre. Même pratique du dialogue. Même piété éclairée, et même mépris pour la pseudo-piété ou le conformisme des gens du monde ou des gens en place […] ce qu’ils cherchent tous deux, c’est l’immortalité. “Il importe à toute vie de savoir si l’âme est mortelle ou immortelle”. L’un face aux sophistes, l’autre face aux libertins, ils ont voulu préserver les chances de l’aventure humaine, ils ont cherché à atteindre “ce qui vaut le mieux”, comme dit Socrate à la fin du Gorgias de Platon, dans une sublime aporie qui préfigure en quelque sorte le fameux Pari. »

Dans son Pascal, l’abbé de Tanoüarn ne s’attarde pas à restituer une biographie complète du philosophe ni l’historique de ses liens avec les jansénistes. Il veut aller au cœur de la réflexion de Pascal, exprimée notamment à travers les Pensées qui sont, rappelons-le, non pas le choix d’une pensée fragmentée (comme un recueil de maximes), mais ce qui reste d’un livre inachevé.

Il y a chez Pascal – et plus particulièrement dans le célèbre « Pari » – « de nouvelles possibilités de la raison, une nouvelle intelligence de l’existence ». Loin d’être un fidéisme, la pensée de Pascal est aussi à l’opposé de « la réduction de la raison à la science ». C’est « raisonnablement qu’il [Pascal] parvient à la foi ».

Face à Descartes et à la naissance du rationalisme occidental (qui culminera, après Pascal, dans le panlogisme de Spinoza où Dieu, la nature et la Raison sont équivalents), l’auteur des Pensées laisse toute sa place à la contingence, à l’ignorance et à l’incertitude. Mais il n’aboutit pas au scepticisme parce qu’il n’enferme pas l’homme en lui-même. L’homme, dit Pascal, « est inconcevable à lui-même sans le secours de la foi ».

Moderne et antimoderne

A la fois progressiste et non illusionné par le progrès, Pascal « voit le progrès comme le moteur de notre propre vie spirituelle et la métamorphose ou la conversion comme le feu brûlant au cœur de notre vie » et « il est impressionné par la labilité de l’homme et donc par son aptitude à se perfectionner sans cesse », mais « il n’idéalise pas le progrès pour autant, il en saisit même d’emblée l’ambivalence, comme le montre un autre fragment des Pensées : “Tout ce qui se perfectionne par progrès périt aussi par progrès. Tout ce qui a été faible ne peut jamais être absolument fort” » (p. 15).

Un chapitre est consacré au péché originel dans la pensée de Pascal. Pour Pascal, le péché originel n’est pas un postulat métaphysique, mais peut s’établir par une « observation » attentive de la nature de l’homme. « Se servir de l’observation du Péché originel pour prouver Dieu, telle est la démarche profonde de Pascal dans son Apologie » écrit l’abbé de Tanoüarn, qui ajoute plus loin : « La question pascalienne me semble être la possibilité de cette phénoménologie du péché et de la grâce, hors de laquelle la foi, acte évident, choix essentiel entre deux vies, deviendrait l’adhésion à une pure construction mentale et à des concepts dont on n’aurait jamais aucune expérience et qui deviendraient totalement évanescents »

Si l’œuvre de Pascal n’a cessé d’interpeller à travers les siècles – et même si « l’expression naturellement fragmentaire de sa pensée a permis des raccourcis qui ressemblent à des confiscations » (p. 7) –, c’est que ce moderne fut en même temps un critique de la modernité, « capable de déployer une autre modernité avant la modernité, une modernité critique avant la modernité dogmatique, une modernité sceptique avant la modernité rationaliste, et cela en se servant de la culture du XVIe siècle et en érigeant Montaigne en père spirituel face à Epictète et face à tous les dogmatismes qui naîtront du culte de la raison » (p. 251).

• Guillaume de Tanoüarn, Parier avec Pascal, Cerf, 314 pages.

YVES CHIRON

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CAFE PHILOSOPHIQUE ET POLITIQUE DU VESINET

Chers amis,

 je vous propose de nous retrouver le
SAMEDI 18 MAI 2013

AU RESTAURANT LE HAVANE

 notre thème portera sur la peur

  

quelle relation la peur entretient elle avec notre appréhension de l'existence ?
  
Pour introduire le thème je vous propose deux citations:
 
J'étais tout à l'heure au Jardin public. La racine du marronnier s'enfonçait dans la terre, juste au-dessous de mon banc. Je ne me rappelais plus que c'était une racine. Les mots s'étaient évanouis et, avec eux, la signification des choses, leurs modes d'emploi, les faibles repères que les hommes ont tracés à leur surface. J'étais assis, un peu vouté, la tête basse, seul en face de cette masse noire et noueuse, entièrement brute et qui me faisait peur (Sartre)
 
 
N’hésitez pas à amener vos amis !
 

 

 

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