Nouvelles de la
France qui vient
Clovis et Clotilde : au commencement de la France
Au soir de la grande fête des mères et des familles de France, le
26 mai dernier, Tugdual Derville, l’un des principaux artisans de cette
journée de lumière, déclarait : « ce mouvement a son origine dans le
mystère de l’histoire de France ». Cette formule que j’ai déjà citée
mérite d’être approfondie.
On dit souvent, et avec raison, que la France est une nation née de
son baptême, à l’inverse de la plupart des autres nations de l’histoire
qui préexistaient à ce baptême. Par un mystère qui nous est propre, nous
avons connu, en tant que nation, ce chemin particulier qu’aucun être
humain ne peut vivre : le baptême, d’où vient la naissance. Car c’est du
baptême du roi Clovis qu’est né le royaume de France, longtemps après ce
baptême puisque les historiens s’accordent à considérer qu’il commence
vraiment avec les premiers capétiens, après cinq siècles d’enfantement.
Mais ce qui rejoint notre manifestation pour l’honneur du mariage,
c’est que le baptême du premier de nos rois, à la Noël 496 dans la
basilique de Reims, n’aurait jamais eu lieu sans la présence et l’action
de celle qui y conduisit son époux : sainte Clotilde. Et donc ici la
nature reprend ses droits, et, comme il convient, elle précède la
surnature. Sans le mariage de Clovis et de Clotilde, pas de vœu à la
bataille de Tolbiac – « Dieu de Clotilde, si tu me donnes la
victoire… », – pas de baptême de Clovis et de trois mille guerriers
avec lui, pas de royaume des Francs qui durera jusqu’à la fin des temps,
pas d’histoire de France, pas de Jeanne d’Arc après Geneviève, pas de
place des Invalides et de jeunesse en flamme à l’orée du troisième
millénaire.
Nous sommes bien nés, en tant que peuple, en tant que nation, en tant
que royaume, c’est la même chose, d’un mariage.
Pas n’importe quel mariage. Le mariage d’une princesse, qui était une
sainte, et d’un roi, qui était un guerrier. Bien sûr, c’est le saint
évêque Rémi qui a enseigné Clovis, l’a évangélisé, catéchisé, puis
baptisé. Mais, sans Clotilde, Rémi aurait-il seulement approché Clovis ?
Au cœur du combat, dans le moment le plus aigu de la glorieuse
incertitude des batailles, quand le guerrier, n’apercevant plus de salut
possible qu’en dehors de lui et au-dessus de lui, jette son cri vers la
puissance d’En-Haut, ce n’est pas au Dieu que prêche le saint vieillard
que monte la prière du roi, mais bien vers le Dieu de son épouse.
« Dieu de Clotilde ! »
Nous sommes ainsi, nous, les Français. L’Ecriture parle du Dieu
d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, du Dieu de nos pères, ce qui ne manque
pas de noblesse. Mais nous, nous n’y pouvons rien. Car ce fut ainsi. La
première prière du premier de nos rois s’envole vers le Dieu de
Clotilde.
Est-ce pour cette raison qu’on dit de la France qu’elle est une
nation-femme ?
« Dieu de Clotilde ! » Comme c’est beau !
Si nous continuons de contempler ce mystère des origines, nous voyons
que cette première prière est une prière de païen, ou une prière
d’agnostique, avant le baptême, avant même le catéchuménat, avant toute
préoccupation religieuse. Prière de païen et cri de guerrier. Cette
prière s’élève au-dessus du fracas des armes, pas dans le calme d’un
oratoire, ni dans la paix d’un couvent. Ce n’est pas les mains levées du
prêtre Aaron pendant que Josué combat. Ce n’est pas Josué non plus, ni
David, qui sont de la maison d’Israël. C’est un homme tout neuf, qui ne
sait pas encore le premier mot de la foi qu’il va embrasser, un homme
libre, un Franc.
Le canal que la grâce a choisi pour épouser cette riche et libre, et
forte nature, cette nature de chef et de guerrier, cette nature royale,
c’est une femme ! C’est sa femme ! Ni vierge, ni martyre. Epouse, mère
et reine.
Cette prière n’est pas l’élévation ardente d’une âme mystique. C’est
un vœu intéressé, extrêmement concret, précis, pratique, vérifiable –
« si tu me donnes la victoire ».
La condition posée par ce Franc païen au Dieu qu’il prie, c’est une
victoire militaire.
Nous sommes ainsi, nous les Français, depuis notre origine, à
laquelle nous ne pouvons rien changer. Nous sommes faits pour la
victoire. Et la victoire militaire.
Notre première prière, dans le mystère de notre histoire, se fait
dans une bataille, avec comme mélodie le cri des guerriers et le choc
des épées, le piétinement des chevaux, dans la poussière qui monte et le
râle des mourants. C‘est une prière qui demande, et ce qu’elle demande,
c’est la victoire.
Le Dieu de Clotilde a entendu le cri du guerrier. Il l’a
exaucé. Clovis a gagné la bataille. Il a vaincu les ennemis. Il est
resté maître du terrain. Les Alamans ont lâché prise. Ils sont partis
vaincus. Dieu a choisi son camp, le camp de Clovis, le camp des Francs.
Il se peut que de savants théologiens s’en étouffent de scandale, et
que des philosophes tout aussi savants ironisent comme ils ironiseront
aussi sur le Dieu de Jeanne d’Arc qui a choisi le gentil Dauphin,
malheureux, ruiné, incertain et dépressif contre « le Roi de France
et d’Angleterre ». Il y a toujours des théologiens pour mieux savoir
qui est Dieu que Dieu.
Il se peut que le Dieu de Clotilde ne soit pas le Dieu de ces
savants, de ces philosophes et de ces théologiens.
Mais, nous autres Français, nous sommes ainsi et nous n’y pouvons
rien. Ce n’est pas une philosophie, ni une théologie. C’est notre
histoire, l’histoire de notre famille, l’histoire de France. Notre Dieu,
avant même notre baptême, avant notre naissance, avant que nous fussions
seulement conçus, c’est le Dieu de Clotilde !
C’est bien dommage pour la théorie du gender. Notre père dans
la foi… est une mère. C’est bien insultant pour les égalitaristes, les
démocrates et les sans-culottes : notre mère dans la Foi est une reine,
princesse née de sang royal, épouse et mère de rois. Hollande et Taubira
n’y peuvent rien : nous sommes nés d’un père et d’une mère, unis dans un
mariage.
C’est dans ce mariage et par ce mariage que Dieu a fait d’un chef
païen le premier roi chrétien dont le bienheureux Jean-Paul II, Vicaire
du Christ, est venu célébrer l’anniversaire du baptême, dans la plaine
de Reims, il y a dix-sept ans.
Chez nous, le mariage n’est pas seulement l’institution qui fonde la
société. Il est aussi, il est d’abord l’institution qui fonde l’Etat.
Chez nous, la famille n’est pas seulement « la cellule de base de
la société » ! Elle est la cellule-mère de l’Etat.
La chose publique, le bien commun, la res publica, la
république est née chez nous dans une famille, du mariage d’un roi et
d’une reine, ce qui fait mieux comprendre le mot de Péguy sur « la
république, notre royaume de France ».
Sur quoi va déboucher ce mouvement du Printemps français ? se
demandent gravement les analystes.
Si ce mouvement reste fidèle à son origine, enraciné dans le mystère
de l’histoire de France, il portera, à la place où il doit être,
l’institution du mariage, mère et fondatrice de l’Etat, donnera aux
familles de France un gouvernement familial, et, ayant chassé les
mercenaires égoïstes et débauchés qui pillent et saccagent le domaine,
obtiendra du Dieu de Clotilde l’avènement salutaire et victorieux
d’un véritable maître de maison.
JACQUES TREMOLET DE VILLERS