Pour
exister et transmettre
Conseil
pratique n' l
Pour commencer
et construire votre « citadelle intérieure », prenez exemple sur la
jeune Berlinoise de 1945 (début du chapitre 6) : tenez régulièrement
votre propre « bréviaire ». Ainsi pourrez-vous vaincre la déréliction
provoquée par l'accumulation de lectures, l'une chassant l'autre et ne
laissant que du vide. Choisissez un carnet cousu (plutôt qu'à
spirale), format 17 x 10 (il tient dans la poche) ou 20 x 15, deux
cents pages, petit quadrillage. Couverture sobre et discrète (évitez
les couleurs criardes et les illustrations saugrenues). Sur la
première page, inscrivez soigneusement: « Bréviaire personnel ouvert
le ... » Laissez cette page blanche. Ultérieurement, quand vous aurez
collectionné quelques illustrations selon votre goût, il sera temps de
choisir celle qui vous parle le plus (intemporelle)
afin de la coller. Numérotez les pages à la main de 1 à... Chaque
fois que vous noterez une réflexion, que vous copierez (ou collerez)
une citation ou un texte, datez-les. Si vous collez une coupure de
presse, notez naturellement la source et la date du document. Même
chose s'il s'agit de la citation d'un livre. Il est nécessaire de tout
référencer avec précision dès le début. Cela donnera du prix à vos
relectures ultérieures. Conservez vierges les quatre dernières pages
du carnet pour y inscrire un index thématique des textes recueillis.
D'où l'utilité de numéroter les pages.
Relire son propre « bréviaire » quelques mois ou années après les
premières notations apporte un sentiment de sérénité par la
redécouverte du meilleur que l'on a en soi. C'est aussi un excellent
exercice d'observation de l'évolution de ses sentiments, pensées et
jugements.
Conseil pratique n'2
Chaque jour, quelques instants de lecture. Mettez-vous en retrait,
non pour fuir le monde, mais pour reconstituer vos forces et faire le
plein d'énergie. Ce que faisait Marc Aurèle, chaque soir en campagne,
après la marche ou le combat, pour rédiger ses Pensées. Comme lui,
s'affranchir chaque jour, même pendant quelques minutes,
des contraintes imposées par de multiples obligations. Cela vaut
bien entendu pour la mère de famille, surtout celle qui travaille à
l'extérieur et doit assumer tant de tâches exténuantes (par exemple
aller chercher les enfants - à la crèche, chez la nourrice, à la
sortie de l'école ...) après avoir affronté les transports. Se
réapproprier un instant à soi. A la maison, créer une « rupture » avec
le monde extérieur: éteindre le portable, la télévision, la radio,
couper la connexion internet. Réapprendre le silence afin de se
retrouver. On en découvre vite le bienfait. Relire aussi quelques
pages d'un des romans ou essais préférés, sans oublier les notations
de son « bréviaire » personnel. Lors de vos lectures, n'hésitez pas à
marquer les pages et à écrire des commentaires en marge (en les
datant: on s'aperçoit qu'à quelques mois de distance, on interprète un
texte ou une réflexion différemment).
Si vous avez charge d'enfants, encouragez leur goût pour la lecture
sans les forcer. Mettez des livres à leur disposition. Et laissez-les
se divertir même avec des lectures qui vous sembleraient dénuées
d'intérêt. Les lectures « sérieuses » viendront en leur temps.
L'important est de développer leur amitié pour les livres.
Pratiquez la lecture à haute voix avec les enfants. Cela aiguisera
leur plaisir des textes et contribuera à tisser entre eux et vous un
lien très fort.
C'est aussi une façon d'écarter la télévision ou de stupides jeux
vidéo.
Quand vous voyagez, n'oubliez jamais d'emporter un ou deux livres
qui vous sont chers, romans, essais, ouvrages historiques variés,
mémoires du temps passé... Penser au livre qui vous attend, c'est déjà
respirer au terme d'une journée harassante. Un livre aimé permet de
s'isoler partout de l'agitation ou de la laideur, dans la file
d'attente d'une administration comme dans la foule d'une gare.
Conseil pratique n°3
Quelque soit votre sexe, vous aurez bénéfice à pratiquer
régulièrement un sport un peu vif en plein air ou (et) un sport de
combat. Cela vous maintiendra en forme. De plus, vous découvrirez
quelque chose d'important: la décadence ambiante ne signifie pas qu'il
y a plus de bassesse, de bêtise ou lâcheté qu'à d'autres époques, cela
veut dire que ce sont elles qui donnent le ton. Dans la pratique de
sports à risque vous verrez que l'énergie, le courage ou le souci
d'excellence n'ont jamais totalement déserté notre société malade. Ces
qualités sont aussi présentes là où on ne les imagine pas, dans les
strates invisibles d'activités professionnelles ou familiales
assumées, les disciplines exigeantes, telle que la danse classique ou
l'équitation. Le plus souvent, cette bonne santé naturelle ne
s'accompagne d'aucune conscience des enjeux supérieurs. Elle a été
transmise au sein d'un métier, d'une famille, d'une discipline
artistique ou sportive. Ce sont des « gisements » de bonne santé dans
un univers délabré. Des gisements sur lesquels pourra s'appuyer une
renaiss~ince.
Conseil pratique n'4
Ne laissez pas passer une semaine sans aller marcher en forêt ou
dans la nature encore presque sauvage, à tout le moins dans un parc
urbain non pollué. Toutes les régions de France et d'innombrables
régions d'Europe sont propices à ces retraites dans la nature, loin
des miasmes de la ville. Vous pouvez choisir une promenade même brève,
ou une vraie randonnée, l'important est dans la rupture, l'odeur des
bois, du sol, les couleurs, l'attention aux arbres et aux plantes
suivant les saisons, la présence éventuelle d'animaux sauvages dont
vous respecterez scrupuleusement la tranquillité. On ne parle pas en
forêt. Pas de cris. L'immersion dans la splendeur, le silence et la
poésie.
Si vous êtes en ville pour une raison quelconque, au sortir d'une
réunion de travail éreintante, plutôt que de suivre le troupeau des
collègues qui vont boire une verre (vous pourrez les rejoindre plus
tard), retirez-vous un instant. Idéalement dans un jardin public (sans
public) ou une église. Il n'est pas nécessaire d'être chrétien
pratiquant pour y entrer. Le calme, le silence et la beauté
architecturale font d'une église un lieu de retrait bienfaisant. Les
églises d'Europe témoignent admirablement du génie de nos peuples,
comme les temples antiques et tant d'autres monuments. Le but n'est
pas d'assister à un office qui pourrait perturber votre méditation.
Asseyez-vous à l'écart de façon à vous laisser pénétrer par le silence
qui rompt avec la trivialité du monde extérieur. Dans une église, on
peut naturellement lire discrètement des textes profanes.
Conseil pratique n'5
Il est bien de penser et de parler Europe, communauté de peuples et
de civilisation. Il est mieux encore - et même indispensable - de
vivre vraiment l'Europe en y nouant des liens personnels, en
surmontant les routines et les barrières linguistiques. Via internet
et (ou) sac au dos, à la façon des Wanderv~gel d'autrefois, partir à
la rencontre des garçons et filles de notre grande patrie européenne.
Redécouvrir aussi les hauts lieux de notre civilisation à l'occasion
de « pèlerinages » entre amis ou en famille : Stonehenge, Delphes,
Brocéliande, Tolède, Alésia, le Mont-Saint-Michel, Salzbourg,
Bayreuth, Sils-Maria... Tout pèlerinage implique l'effort et le
plaisir de marcher sac au dos plusieurs jours durant à travers une
nature belle et libre. Certes, les hauts lieux sont souvent devenus
des pièges touristiques. Mais en jouant sur les dates et les horaires,
on parvient cependant à éviter la foule. Rien n'interdit de créer
également son propre pèlerinage à partir des sentiers de grande
randonnée. S'ils ne conduisent pas tous à Rome, ils mèneront à des
sites que vous aurez élus pour leur beauté, leur sauvagerie et les
souvenirs accumulés.
Conseil pratique n'6
Cultivez la beauté pour vous-même. La beauté n'est pas affaire
d'argent ni de consommation. Elle réside en tout et surtout dans les
petits détails de la vie. Elle est offerte gratuitement par la nature
poésie des nuages dans un ciel léger, crépitement de la pluie sur une
toile de tente, nuits étoilées, couchers de soleil, premiers flocons
de neige, premières fleurs du jardin, couleurs de la forêt... Si la
beauté de la nature nous est donnée, celle que nous créons dans notre
vie demande efforts et attention. Se souvenir qu'il n'y a pas de
beauté (ni de joie) sans harmonie des couleurs, des matières, des
formes et des styles. Cela est vrai pour la maison,
les vêtements et les petits accessoires de la vie. Proscrire les
matières synthétiques et le plastique au profit des matières
naturelles. Il n'y a pas non plus de beauté sans courtoisie dans les
rapports avec les proches et moins proches (hormis les butors).
L'esthétique fonde l'éthique. Il n'y a pas de beauté sans tenue morale
et physique. Gardez pour vous peines et tracas, ceux du coeur, du
corps, du travail ou des fins de mois difficiles. Vous y gagnerez de
d'être estimé pour votre discrétion et l'agrément que procure votre
compagnie.
Conseil pratique n'7
Retrouvez les rites européens qui rythment l'année, notamment les
fêtes calendaires traditionnelles associées aux cycles de la nature.
Vous trouverez plaisir à créer votre propre almanach en notant
systématiquement à leur date les souvenirs historiques mémorables que
vous découvrirez au gré de vos lectures. Ainsi disposerez-vous de
symboles pour chaque jour de l'année. Une autre idée féconde serait de
constituer votre propre livre de famille dans lequel vous inscrirez
des informations sur vos aïeux directs, sans négliger les photos ou
documents anciens. Dans ce livre, vous tracerez bien sûr un arbre
généalogique familial que vous enrichirez peu à peu.
Annexe 2
Biographie
D ominique Venner est écrivain et historien. Il a publié une
cinquantaine d'ouvrages et dirigé plusieurs collections historiques.
Il est le directeur de La Nouvelle Revue d'Histoire (La N.R.H.) qu'il
a fondée en 2002. Sa vie a orienté sa vocation.
Parmi tous ses livres, il en est trois qui constituent des jalons
successifs permettant de comprendre son itinéraire, Le Cceur rebelle,
le Dictionnaire amoureux de la Chasse et Le Siècle de 1914, auxquels
il faut ajouter Histoire et tradition des Européens qui est à part.
Dominique Venner est né à Paris le 16 avril 1935; il a cinq
enfants. Comme l'ont fait avant lui Jacques Bainville ou Benoist-Méchin,
il est venu à l'étude de l'histoire par l'observation critique du
présent. Après ses études secondaires et avant d'étudier l'histoire de
l'art et des armes, il s'est engagé dans l'armée le jour de ses
dix-huit ans (école