Source: http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2013/11/24/a-t-on-vraiment-besoin-du-chromosome-y/
Date :
25.11.2013
Chez l'humain, le sexe est
déterminé par deux chromosomes, le X et le Y. Une paire de X donne une
fille, un X et Y un garçon. Mais, alors que le X est porteur de plusieurs
centaines de gènes utiles dans d'autres compartiments du corps que le
système génital, le Y s'avère nettement moins riche. Il a perdu beaucoup de
gènes depuis son apparition dans le monde du vivant et, même si cette
dégénérescence
semble stoppée depuis environ 25 millions d'années, le chromosome Y
donne l'impression de s'être recroquevillé, concentré, sur son "cœur de
métier", à savoir déterminer le sexe masculin et fabriquer les
spermatozoïdes. D'où la question que se posent certains généticiens :
combien de gènes sont indispensables à cette double tâche ?
Si l'on en croit
une étude américaine publiée par Science le 21 novembre, la
bonne réponse, du moins chez les souris, est la réponse minimale : deux
missions, deux gènes. L'équipe de l'université d'Hawaï qui a rédigé cet
article a ainsi utilisé le gène architecte Sry qui, in utero, déclenche
la différenciation de l'embryon en orientant ses gonades en cours de
fabrication sur la voie des testicules. Simplement, ces chercheurs savaient
qu'il fallait lui adjoindre au moins un autre gène car, même mâles
d'apparence, les individus ainsi obtenus seraient stériles, la production
des spermatozoïdes étant incomplète chez eux. Ils ont donc ajouté le gène
Eif2s3y qui, chez la souris, débloque le processus de spermatogenèse.
Le résultat n'a pas été
parfait. Chez les souris obtenues, quelques différences subsistaient au
niveau des testicules par rapport à des souris normales et, surtout, la
confection des gamètes n'allait pas à son terme. Elle s'arrêtait au stade
des spermatides, qui précède celui des spermatozoïdes. Ces souris ne
pouvaient donc pas avoir de petits. Qu'à cela ne tienne, se sont dit les
chercheurs, serait-il possible, en utilisant une technique de fécondation in
vitro, de donner un coup de main à la nature et d'obtenir une
progéniture en implantant ces spermatides dans des ovules ? La réponse a été
positive. Les souriceaux ainsi obtenus étaient sains et, une fois adultes,
fertiles. Dans l'absolu, seulement deux gènes du chromosome Y suffisent donc
pour créer du mâle.
Même si les auteurs préviennent
que ce résultat ne peut être directement transposé à Homo sapiens,
qui n'a pas le gène Eif2s3y, il ouvre une intéressante piste de réflexion
sur ce qu'est, biologiquement, la masculinité. Le dernier paragraphe de
l'étude de Science commence en effet par cette phrase : "En
considérant que nous avons obtenu une descendance vivante en utilisant des
cellules germinales (qui sont des cellules susceptibles de donner des
gamètes, NDLR) dotées de seulement deux gènes du chromosome Y, on peut
s'interroger sur l'importance du chromosome Y dans la reproduction
masculine." Pour le dire plus franchement, la question posée est :
a-t-on vraiment besoin du chromosome Y ?
Attention : la question ne
signifie pas que l'on peut se passer des hommes pour la fertilisation
naturelle des ovules, mais que les hommes pourraient éventuellement se
passer de ce petit chromosome qui, jusqu'ici, constituait la marque de
fabrique génétique du mâle. L'étude souligne que, chez la souris comme chez
l'humain, un peu plus de deux gènes sont probablement indispensables pour
réussir une bonne reproduction des mâles. Mais rien, finalement, n'oblige
ces gènes à demeurer là où ils se trouvent pour fonctionner ! Le monde
animal est d'ailleurs riche d'espèces dont les mâles n'ont pas ou plus de
chromosome Y et se débrouillent très bien avec un chromosome X (c'est le cas
des sauterelles, des criquets et des cafards).
Comme l'explique Monika Ward,
qui a dirigé cette étude,
sur le site ScienceBlog, "il pourrait être possible d'éliminer le
chromosome Y de la souris dans son intégralité si ces deux gènes étaient
installés à des emplacements appropriés". On peut aussi envisager de
faire jouer leur rôle à d'autres. La
chercheuse a ainsi précisé à Nature qu'elle
travaillait actuellement à l'identification, sur d'autres chromosomes, de
gènes qui interagissent avec ceux du Y. L'idée étant d'activer ces gènes
"partenaires" pour qu'ils prennent le relais de leurs confrères et donc, à
terme, d'envoyer le chromosome Y dans les oubliettes de l'évolution...
Pierre Barthélémy (suivez-moi ici
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