De notre correspondant permanent aux États-Unis
Les pro-vie perdent un allié de poids au Vatican
Consternation parmi les catholiques américains défenseurs de
la vie, qui représentent une part non négligeable des
75 millions de baptisés : le pape François vient de retirer au
cardinal Raymond Burke sa qualité de membre de la Congrégation
des évêques, une des plus influentes du Vatican dans la mesure
où elle préside au choix des chefs de diocèses dans le monde
entier ce qui rend son impact direct, profond, durable sur
toutes les églises locales. Le cardinal Burke avait été appelé à
ce poste charnière par Benoît XVI en
2008 après avoir montré toute son ardeur combative pendant des
années à la tête de l’archidiocèse de Saint-Louis. Il avait su
s’y faire respecter, admirer, aimer. Ce prince de l’Eglise – qui
demeure préfet du Tribunal suprême de la signature apostolique,
la « cour constitutionnelle » du Saint-Siège – était devenu,
pour les catholiques sincères, le fer de lance des combats
contre la subversion interne, les fantastiques avancées de la
culture de mort.
Le cardinal Burke fut l’un des premiers prélats américains à
avoir exigé que les personnages politiques publiquement
favorables à l’avortement soient, en accord avec la loi
canonique (paragraphe 915), systématiquement écartés de la
sainte Communion. Par vénération pour l’eucharistie – qui n’est
autre que L’Amour divin fait chair, titre de son dernier
livre paru en juin – il plaida pour qu’ils deviennent purement
et simplement excommuniés. La brochette des Kennedy vint tout
naturellement à l’esprit de tous, mais il y eut également bien
d’autres noms – à la Chambre des représentants, au sénat et au
sein de l’exécutif – qui méritaient d’être frappés de la même
cinglante sanction ecclésiale.
“Jamais assez”
Cependant, dans cette fidélité radicale à sa mission, le
cardinal Burke se retrouva bien seul. De même qu’il dut jauger
son relatif isolement parmi les membres du clergé américain au
lendemain de l’entrevue qu’il accorda le 12 décembre à la chaîne
télévisée catholique EWTN. Le cardinal
Burke y prit exactement le contre-pied des remarques du pape
François lorsque celui-ci regretta que les catholiques mettent
trop l’accent sur l’avortement et le « mariage » gay. Réplique
du futur sanctionné : « On n’en parlera jamais assez ! »
Cette réplique sans détour qui claque comme un défi résume
bien le style du cardinal Burke. C’est ce style qui fit sa force
et sa popularité auprès de ses ouailles de Saint-Louis et aussi
dans chaque paroisse des Etats-Unis où les traditionalistes
cherchent confusément un berger capable de remonter le courant.
Mais le berger suprême, à Rome, initia une autre analyse qui
transforma le cardinal Burke en un cardinal de trop au sein
d’une congrégation hyper-sensible. Son départ représente une
« immense déception » pour Deal Hudson, l’un des leaders
américains du mouvement pro-vie et « la pire des mauvaises
nouvelles » pour Austin Ruse, le président de
C-FAM, qui lutte pour la vie et la famille à l’ONU.
Quant au Père Michael Orsi, activiste notoire et professeur de
droit à l’université Ave Maria, il retient deux choses. D’abord,
le Vatican a eu peur d’un prélat qui alla jusqu’à menacer des
élus de les extirper de leur communauté religieuse pour faute
grave. Ensuite, le pape ne veut pas de combattants culturels,
d’idéologues, de batailleurs qui « montent au créneau » au nom
de principes. Par qui le cardinal Burke est-il remplacé ? Par le
cardinal Donald Wuerl, archevêque de Washington. Un prélat tout
lisse, rompu aux consensus. Le contraire de son prédécesseur,
clament les médias.
CHRISTIAN DAISUG