La vérité ...par Jean-Charles Demagny

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"Je ne suis pas contre l'idée générale de répandre le texte de "La Vérité". ...... Cependant l'idée d'extraits est à rejeter car c'est un tout, un élément séparé perdrait tout son sens. ......

Dans ce texte il est quasi impossible de changer un seul mot, tout comme une seule pièce dans un mécanisme bien conçu. Cela n'est pas à rattacher à une compétence personnelle au contraire c'est parce que je suis incapable d'écrire long et même de lire long. ........

......

En conclusion vous pouvez utiliser le texte "La Vérité" pour en faire tout ce que bon vous semble mais à condition de le présenter en entier....... Pour un site cela fait bien long ........."

Amicalement. Jean-Charles Demagny

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le texte dans son intégralité .....

Merci à Jean-Charles

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LA  VÉRITÉ

 

A une époque qu'il est sans intérêt de préciser, ce pourrait être il y a quelques centaines d'années, un jeune homme réfléchissait à la notion de Vérité.

 Il se disait :   ..............

- La Vérité est une chose simple et universelle mais je crains y trouver une certaine ambiguïté.  Une vérité est absolue en elle même cependant différentes personnes la perçoivent avec des nuances variées.

- On rencontre comme une sorte d'incompatibilité entre la rigidité de la pure vérité et la manière dont on parvient à la percevoir.

- Une vieille image présente la Vérité sortant du puits comme n'étant pas belle dans sa nudité.

- Pourquoi dit-on sortant du puits ?

- Par cette figure veut-on signifier qu'elle y fut Jetée ?

- Ou que la Vérité pure ne peut naître que dans le silence des profondeurs de la terre ?

- Ou bien, ne la laisse-t-on pas, si près du puits, que pour pouvoir mieux l'y rejeter

 

Durant cette réflexion il entendit, dans la pièce voisine, une voix inconnue.

 - Pourquoi t'interroges-tu ? Ces réflexions sont stériles. Prends ton cheval, va dans la forêt qui débute après le grand marécage que tu aperçois à cinq lieues au couchant de la colline du feu. La Vérité y habite. Tu la rencontreras, de cette manière seulement, tu pourras la connaître.

 Se précipitant pour voir celui qui parlait ainsi, Robert ne trouva que la salle vide. Il ne restait plus que le silence. Il en fut durant quelques instants tout interdit, puis jetant sur ses épaules son manteau des longues routes, il sella son cheval et partit.

 

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Robert voyage toute la journée puis il pénètre enfin dans la grande forêt magique. Son attitude est noble et digne quoique un peu raide.

 La nuit tombe. Il s'apprête à bivouaquer lorsqu'il rencontre, venant en sens inverse, un homme d'âge mûr. Celui-ci semble assez las mais calme et détendu. Au coin de ses lèvres un petit sourire où perce : un peu d'ironie, un peu d'amertume et beaucoup de sous-entendus.

 - Que fais-tu donc ici, jeune homme, dans cette forêt où bien peu d'hommes ne pénètrent de crainte de s'y perdre ?

- Je recherche la Vérité et l'on m'a assuré qu'elle habite en ces lieux.

- C'est exact, mon frère, j'en viens et je l'ai connue.

- Passons la nuit ensemble et parle moi d'elle

- Oui ! Passons la nuit ensemble, à la croisée de nos chemins, mais ne sois pas déçu car je ne peux rien t'apprendre.

- Tu me nommes ton frère et tu ne veux pas m'aider.

- Pour bien t'aider il faut que je me taise. La Vérité m'a donné chaussures à le forme de mon pied, elle seule peut le faire aussi pour toi. Il y a bien longtemps que j'ai pénétré dans cette forêt magique, j'étais jeune comme toi, depuis il m'a fallu beaucoup chevaucher et souvent me perdre.

- Pourquoi faut-il que je me perde et que j'erre aussi longtemps que toi ? Je suis jeune, je suis pressé !

- Point trop de hâte ! Il n'en faut pas ! Cependant il n'est pas nécessaire de te perdre aussi fréquemment et aussi longtemps que moi. J'ai tellement tourné et retourné que je suis incapable de te tracer un chemin. Reposons nous ensemble et plaçons nos chevaux côte à côte.

A la lueur du soleil couchant, de la lune, puis du soleil levant, mon cheval indiquera au tien les moyens de se reconnaître dans les mystères de cette grande foret.

- Je suis plus compétent que mon cheval pour gouverner ma route.

- Détrompe-toi !    Notre raison trouble les instincts puissants venant des profondeurs de la terre. Ton cheval est mieux partagé, fais lui confiance.

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Le Soleil de pourpre se couche sur les chevaux côte à côte

Puis la Lune répand sa lumière d'argent

Enfin l'or du Soleil levant

Fait le jour suivant

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Les deux hommes s'embrassent, enfourchent leur monture et poursuivent chacun leur chemin.

Un chemin rectiligne, bien tracé, s'offre au jeune voyageur. Il s'y engage, avance rapidement, tout droit durant une longue journée. Au matin du second jour il lui semble avoir peu progressé. Il avance de nouveau, tout droit, mais grave avec son couteau sur les arbres des marques de reconnaissance. Au matin du troisième jour il repart mais bientôt trouve les signes qu'il a placés la veille, comme si durant la nuit, Il avait fait, en sens inverse, le parcourt du jour précédent. 

Il s'arrête décontenancé. Il rejette la bride de son cheval. Celui-ci flâne, cherche une herbe tendre, puis s'enfonce dans les fourrés. Robert se résigne.

Souvent le cavalier se couche sur le col de sa monture pour éviter les brindilles et les ronces qui lui lacèrent le visage et les mains.

Le crépuscule est passé depuis longtemps. Robert épuisé a perdu conscience. Comme dans un rêve, il réalise que son cheval ne marche plus. Il se relève. Il se trouve dans une clairière, auprès d'une fontaine. De la nourriture et une couche sont à sa disposition, comme s'il était attendu.

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Le lendemain au milieu du matin, Robert, reposé et restauré, songe à repartir.  Il flatte son cheval, se dispose à le monter mais celui-ci fait un pas de côté. Un premier réflexe le pousse à corriger la bête indocile mais il se retient. Pourquoi ne pas rester ici toute la journée.

A midi penché sur la fontaine il voit se réfléchir l'image du Soleil au zénith. Comme pour jouer, il plonge la main et cherche à s'en saisir. A la place il trouve : la main, le bras d'une jeune fille. Il l'aide aussitôt à sortir de l'eau.

 

Elle est nue, tremblante et glacée.

 

- Bonjour jeune homme ! Je suis la "Vérité force des faibles", comme tu le vois je suis maigre et osseuse. J'ai toujours froid. J'ai la chair de poule, j'en suis verte. Tu sembles ne pas me connaître, je me souviens cependant t'avoir rencontré plusieurs fois. Je viens en aide à ceux qui ne peuvent pas s'imposer par la force ; ils placent leur puissance dans la juste connaissance. Je suis leur Vérité.

Tu viens de me faire sortir de la fontaine mais je dois te dire que ma sœur jumelle attend que tu plonges à nouveau ta main.

Il se précipite aussitôt.

 - Bonjour jeune homme ! Je suis la "Vérité fanatique". Comme tu le vois je ressemble à s'y méprendre à ma sœur jumelle (surtout lorsque nous sommes habillées). Contrairement à elle je suis pleine de vie. Je suis toujours en effervescence. J'ai chaud, très chaud, j'en suis rouge. Pour nous reconnaître, souviens-toi, c'est simple. La Verte et la Rouge. Encore faut-il que nous soyons dévêtues car autrement nous sommes vraiment sœurs jumelles.

Comme ma sœur je t'ai déjà rencontré plusieurs fois. Je viens en aide à ceux qui veulent dominer les autres hommes. Il est possible d'asservir par la force mais beaucoup trouvent un moyen plus judicieux. Je suis leur Vérité.

 

La "Vérité Verte" reprend à nouveau.

 - Nous savons que tu recherches la Vérité dans cette forêt magique. Apres avoir été éprouvé tu nous as fait sortir de la fontaine aussi maintenant, nous allons chacune te remettre un message.

Ecarte toi ma sœur que je parle seule à seul à celui qui a persévéré.

 Souviens-toi bien ! Nous sommes deux sœurs jumelles. Tu risques d'épouser l'une en désirant l'autre.

Souviens-toi bien ! Je suis glacée, j'en suis verte, je suis triste, je suis rigide mais je suis pure et fidèle.

Je viens d'abord pour aider un peu et j'attends que l'on m'aime.

Lorsque l'on m'aime vraiment, vraiment en toute pureté, je me réchauffe, je deviens douce, presque belle et alors....... Souviens-toi bien !             Je suis prête à enfanter la sagesse.

 

D'un seul saut la "Vérité Verte" disparaît dans la fontaine, sans une seule onde, sans un remous.

 

La "Vérité Rouge" s'approche.

 - Je ressemble beaucoup à ma sœur, a s'y méprendre, mais je suis chaude et entreprenante.  Je sens que tu m'aime déjà.  Je te ferai riche, des peuples entiers te serviront.  En public je suis un peu austère mais en privé je suis gaie, je suis souple.  Je suis Vérité bien sûr mais je m'adapte très bien aux nécessités du moment.

Puis prenant un air grave et roulant des yeux, elle ajoute

 -Comme tu m'as fait sortir de la fontaine je dois en dire davantage. Je suis quelque fois, encore un peu plus rouge : lorsque je fais jaillir du sang qui m'éclabousse. Je te ferai riche et puissant mais .... lorsque tu seras bien à point...... je te mangerai.

 D'un bon elle se précipite dans la fontaine en soulevant une gerbe d'eau qui retombe en ruisselant tout autour. 

Le jeune voyageur cherche à nouveau dans la fontaine mais il ne trouve plus rien. Il erre dans la clairière, s'assied, réfléchit, se relève et erre encore. Les ombres s'allongent. Une voix s'élève derrière lui.

 

- Bonjour Robert je suis ta "Vérité Ombre"

 Il se retourne vivement mais ne voit personne.

- Ne cherche pas.! Tu ne peux pas encore me voir. Je suis pourtant avec toi depuis toujours, mais seulement maintenant, je peux te révéler mon existence car tu as connu la "Vérité Force des Faibles" et la "Vérité Fanatique". Il est encore trop tôt pour que je puisse me montrer à toi. Persévère Robert, bientôt je pourrai me présenter. Tu dois pour l'instant te contenter de connaître mon existence. Je suis ta Vérité. Une Vérité pour toi seul, mais cependant une Vérité très pure, très fidèle, très sincère et j'habite ton ombre. Je suis ta "Vérité Ombre". Si l'on nomme celles que tu as vues : la "Verte" et la "Rouge" tu peux penser à moi en disant la "Rose". A bientôt Robert, persévère afin de pouvoir me connaître.

 Robert parcourt la clairière en tous les sens. Il n'y a que lui et son cheval lequel se repose en broutant paisiblement.

La nuit survient. Il trouve un sommeil tranquille auprès de la fontaine qui chante.

 A l'aube il enfourche sa monture pour un nouveau voyage.

 

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Cinq Jours durant Robert parcourt des lieues et des lieues. Il se rend bien compte qu'il suit une sorte de spirale mais ne parvient pas au centre. Apres le crépuscule du cinquième jour, exténué, endormi sur son cheval, il parvient devant la porte fermée d'une forte grille de fer. A l'intérieur, à une vingtaine de mètres, une masure où brille une maigre lumière. Il rassemble ses forces et appelle du plus fort de sa voix. Il crie par trois fois. Enfin une voix faible et lointaine lui répond.

 

- Personne ne pénètre ici la nuit. Eloigne toi de trois fois cent pas sur ta main droite en longeant le mur. Tu trouveras une grange dans laquelle tu entreras. Il y a de la nourriture pour toi et ta monture ainsi qu'une couche et une litière.

Présente toi demain à l'aube devant la porte, cependant, avant de demander l'entrée, réfléchit longuement. Tu seras interrogé, suivant tes réponses tu seras reçu en hôte de marque ou jeté en prison. Repose toi en paix. Demain présente toi ou passe ton chemin.

Que dans la nuit ton ciel soit clair et que l'étoile immobile qui guide les voyageurs te soit de bon conseil.

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Au petit matin, Robert se lève et s'approche de son cheval. Il le trouve enchaîné, la patte avant droite prise dans un anneau muni d'une délicate mais robuste serrure. Il prend la chaîne entre ses mains et avance jusqu'au point d'ancrage. Elle est scellée sur une énorme pierre des fondations portant une inscription.

 - Je suis une chaîne magique. Je m'attache, la nuit, à celui qui mange le premier en entrant ici. Ma clef se trouve sur l'autre face, dans une petite niche, au pied du mur, à l'extérieur, sous un rosier.

 Robert s'y rend. La distance est longue, près de dix fois la longueur de la chaîne. Il s'écorche abondamment le mains aux épines du rosier, enfin il revient avec la clef qui maintenant ne veut pas se mouvoir dans la fine mais solide serrure.

Apres de longs efforts, une goutte de sueur et une goutte de sang s'étant mêlées tombent sur la clef. L'anneau s'ouvre.

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Devant la porte de la grille Robert découvre un marteau et un gong. Au troisième coup un homme surgit, devant lui, de l'autre côté de l'obstacle.

 - Persistes-tu dans ton intention d'entrer ici.

- Oui ! J'en demande l'entrée.

- Tu devais te présenter à l'aube, pourquoi es-tu en retard ?

- J'ai du travailler un long moment pour libérer mon cheval.

 La porte de la lourde grille s'ouvre et se referme. L'homme conduit Robert en un carrefour circulaire d'où partent de nombreux chemins.

 - Maintenant je vais t'interroger afin de déterminer le chemin que je dois t'ouvrir. Comme tu es en retard les chemins larges et confortables te sont interdits. Avant de te poser ma première question Je répondrai aux tiennes jusqu'à ce que cette feuille ne vienne à disparaître emportée par le vent. Commence !

 - Si J'avais abandonné mon cheval enchaîné, m'aurais-tu fais entrer ?

- Oui !

-Où conduisent ces chemins larges et confortables qui me sont interdits ?

- A la richesse et à la gloire.

- A qui appartient ce domaine ?

- C'est celui de la "Vérité Scientifique' !

- Tous ces chemins conduisent-ils à la Vérité pure ?

- Non !            Il y a beaucoup de sœurs mais une seule est pure. Au départ je vais t'ouvrir un chemin qui se divisera ensuite en d'autres chemins. Il est possible d'atteindre la vrai Vérité par plusieurs entrées. Il y a aussi beaucoup de chemins qui conduisent en prison.

- Les chemins qui conduisent à la Vérité pure sont-ils larges ou étroits.

- Le vent a emporté ta feuille ! Pourquoi as-tu servi de la nourriture à ton cheval avant de manger toi même ?

 

Robert réfléchit.

- Pourquoi ne réponds-tu pas de suite ? Tu dois parler sans chercher à déguiser ta pensée.

- Je ne me suis pas interrogé avant de nourrir mon cheval, maintenant je me demande cette raison et je ne la trouve pas.

- Cette réponse me suffit. Pourquoi as-tu préféré arriver en retard plutôt que d'abandonner ton cheval ?

- Il est hors de ma pensée d'avoir à abandonner mon cheval.

- Qu'aurais-tu fait si cette porte que tu viens de franchir avait été interdite aux chevaux.?

- Je serai reparti afin de le mettre en lieu sûr, puis je serai revenu seul.

- Pourquoi me caches-tu que tu tiens à ce cheval parce qu'il détient la connaissance de cette forêt grâce au contact avec un autre cheval ?

- Je n'ai pas à le cacher mais je tiens aussi à mon cheval pour beaucoup d'autres raisons.

- Avance ! Voici le sentier qui t'est destiné.

- Il est bien peu engageant.

- Cela ne veut rien dire. Prête attention aux divers embranchements que tu trouveras. Il t'es possible d'atteindre très rapidement à la connaissance de la Vérité pure. Désormais tu n'auras pas le confort, la richesse et la gloire. Ton cheminement peut s'en trouver raccourci et tu auras moins de chance de rencontrer les illusions.

Adieu ! Que ta raison guidée par l'étoile immobile, que le nez de ton cheval, te conduisent rapidement à la pure Vérité.

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 Robert s'éloigne troublé par cette conversation. Maintenant il s'interroge sur le bien fondé de ses réponses. Ce sentier est bien médiocre comparé à ceux qui lui ont été refusés. Il se rappelle soudain l'existence de sa "Vérité ombre".

 

- Oh Vérité Ombre ! Est-il, dés maintenant, possible de te connaître ou pour le moins de te parler un peu ?

- Tu ne peux pas encore me connaître. Nous pouvons parler un moment.

- Ai-je fais des réponses judicieuses ?

- Tu es resté sincère. Tu n'as pas rusé. Les choix sont ceux que tu mérites et qui te conviennent.

- Pourquoi tout fût tenté pour me faire abandonner mon cheval ?

- C'est un piège. Beaucoup y succombent. Ils avancent vers la "Vérité Scientifique" dépourvus de leurs instincts primitifs et profonds. Ils progressent rapidement grâce à la raison pure sur des chemins très confortables. Il s'égarent souvent et ne parviennent que très rarement à la pleine Vérité.

- J'aperçois un point où ce sentier se divise en quatre directions. Quelle est la meilleure ?

- Si je te renseigne afin de t'éviter des épreuves tu ne te fortifieras pas. Au revoir Robert. A bientôt

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Parvenu à cette bifurcation Robert met pied à terre et examine le sol. Trois des quatre voies portent des empreintes de retour, sur la dernière seulement des traces dans le sens de l'aller. Il en déduit que ce doit être le bon chemin.

 Vers midi il parvient à une belle auberge comportant de grandes écuries. Un serviteur l'accueille, installe luxueusement son cheval puis lui donne une bonne chambre en disant qu'il est attendu dans la grande salle.

 - Où suis-je arrivé brave homme ?

 

- Tu es descendu à l'auberge de la "Belle Vérité"

 La salle, vaste, est pleine de nombreux convives qui mangent et boivent abondamment. La joie et la gaieté explosent partout. Une dame bien plantée, forte et belle, vêtue de couleurs vives, circule dans la salle et s'arrête de temps à autre derrière un convive. Aussitôt le silence obtenu elle prononce une courte et brillante allocution pleine d'éloges puis porte un toast au nom de l'intéressé. Celui-ci répond par de chaleureux remerciements, se félicitant de pouvoir trinquer avec la "Belle Vérité".

 Robert se mêle à l'assemblée, il passe ainsi une semaine heureuse. Entre les repas il fait des petites promenades à cheval dans la forêt voisine, d'ailleurs fort bien aménagée pour cet usage. Les pensionnaires sont aimables et gais. Ils parlent volontiers de leur réussite, mais ne donnent jamais de détails. Souvent ils ne savent plus depuis combien de temps ils sont ici. Peu leur importe, ils sont arrivés au terme de leur voyage puisqu'ils vivent avec la "Belle Vérité". Ils sont comblés et en pleine béatitude.

 Au soir du neuvième jours la "Belle Vérité" s'arrête derrière Robert et porte en son honneur un toast retentissant. On lève les verres. On boit. Il répond.

 - Merci ! Merci mille fois oh "Belle Vérité" ! Mais dis moi, pourquoi tous ceux qui t'ont connue, et que je vois ici, restent-ils sans jamais poursuivre leur chemin ?

 Une flamme passe dans le regard de la "Belle Vérité"

 - Lorsque l'on m'a trouvé, on a terminé son voyage. Je suis la "Belle Vérité" et je suffis aux nobles cœurs.

- Connais-tu : la "Vérité Verte", la "Rouge" et la "Rose" ?

 

La grande dame reste fière et belle mais la méchanceté scintille au fond de sa pupille.

 

- Je suis la "VÉRITÉ", la seule, la belle, il n'en existe point d'autre. Mettrais-tu mes paroles en doute ?

- J'ai connu la "Vérité Verte" la "Vérité Rouge' et entendu la "Vérité Ombre". Elles m'ont paru aussi sincères que toi.

- Crève !    Maudit !    Qu'on le pende !

 

D'un geste plein de rage elle lance son verre sur celui de Robert. Les débris et le vin volent et retombent.

Robert met à profit l'instant de stupeur, bondit au travers de la fenêtre fermée dans un bruit de vitres brisées, gagne l'écurie et disparaît au galop dans la forêt voisine, bientôt poursuivi par une horde déchaînée.

On le serre de prés, il arrive devant un mur de broussailles épineuses. Il n'a plus le choix. Il fonce et se déchire, mais trouve le salut car ses poursuivants renoncent.

 

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La nuit tombe. Les fourrés sont épais. Robert est perdu. Il poursuit. Minuit passe, pas de lune, pas de ciel. Enfin il échoue lui et sa monture, tous les deux dans un état lamentable, devant une modeste chaumière.

 Il se traîne. Il frappe. Une vieille femme ouvre, le recueille et faute d'écurie fait aussi entrer le cheval dans la seule pièce de la masure.

Il n'est plus vêtu que de loques, sa chair saigne en dessous, de même son cheval n'est plus qu'une masse de sueur et de sang.

La vieille femme hoche la tête.

 - Vous voila bien arrangés mes garnements. Déshabille toi ! Lave toi avec ce linge et l'eau de ce seau !

- Mais je vais me trouver tout nu.

- Et alors ! Plaisantin ! Dépêche toi !

 Il s'exécute. Au passage du linge humide ses plaies se referment comme par enchantement. La vieille femme le regarde sans aucune discrétion. Il est à la fois ravi de se voir cicatriser à vue d'œil et très gêné de se trouver tout nu sous ce regard insistant.

Ayant terminé il regarde la dame, puis son cheval, d'un geste il essaie de faire comprendre qu'il aimerait bien se couvrir un peu.

 - Oui tu peux laver ton cheval. Que diantre, tu es bien honteux de te montrer ainsi tout nu. N'as-tu jamais, toi même, jamais rien vu de nu ? Ton cheval t'attend. Nous parlerons ensuite.

 Le cheval se cicatrise de la même manière. Il est bientôt resplendissant.

 - Lave tes loques dans ce même seau. Active le feu, place les devant pour les faire sécher.

 Les habits régénérés sèchent devant la flamme en dégageant un filet de vapeur. Le cheval mange son avoine. Robert, toujours nu se restaure d'une bonne soupe chaude.

 - Alors jeune homme ! Tu t'habitues un peu à rester nu devant moi. N'as-tu pas, récemment, vu des personnes nues.

- La "Vérité Verte" et la "Vérité Rouge" se sont présentées devant moi toutes nues.

- Pourquoi nues ?

- Afin que je puisse les connaître en toute vérité.

- Qu'aurais-tu à me cacher ?

- Rien honorable Dame, mais j'ignore qui vous êtes.

 

- Je suis la "Vérité Scientifique" !

 Au même instant il ne voit plus devant lui qu'une Jeune fille blonde, aimable et nue. Elle jette dans le feu une brindille argentée qui fait la flamme toute bleue.

 - Ecoute bien ! Robert ! Je ne serai avec toi que l'instant de la combustion de cette baguette qui fait la flamme toute bleue et qui fait que tu me nommeras la "Vérité Bleue".

Mon domaine est immense et sillonné de larges et confortables routes mais aussi de maigres sentiers. Je possède de nombreux et luxueux palais, des hôtels , des auberges. Je les confie à des gérantes, de belles jeunes filles ou de belles femmes. Elles ont pris l'habitude de se faire appeler "Vérité". Non seulement je les laisse faire mais je leur donne richesse et puissance. Tout un peuple y vit servilement dans une demi utopie. Je ne me révèle qu'à très peu d'hommes et aux conditions suivantes .

            S'ils conservent, envers et contre tout, leur bon sens et leurs instincts profonds.

            S'ils ne sont pas trop avides de richesse et de puissance.

            S'ils acceptent de souffrir pour me trouver.

            S'ils veulent bien se montrer nus.

Enfin !     S'ils sont assez humbles pour admettre qu'ils se trompent souvent.

 La flamme devient rougeoyante.  La "Vérité Bleue' disparaît. Au matin du lendemain Robert s'interroge sur ce qu'il doit faire.

 

- 'Vérité Ombre' ! Je ne sais que faire ?

- Tu as demandé l'entrée de l'enceinte de la "Vérité Scientifique", l'ayant rencontrée, il t'appartient de choisir entre visiter ses palais et continuer ton voyage.

- Je désire continuer mon voyage mais comment retrouver la porte ?

- Pars ! Laisse la bride sur le cou de ton cheval. 

A midi Robert se trouve en vue de la porte de la grande grille de fer. A son approche elle s'ouvre toute seule. Aucun homme à l'horizon. Il passe. Derrière lui il entend le claquement sec des battants qui s'entrechoquent.

 

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Robert voyage à nouveau une semaine, chevauchant le jour et bivouaquant la nuit. Il ne guide plus son cheval. Libéré de la préoccupation d'analyser son chemin, il est entièrement concentré sur sa volonté d'aboutir. Le cheval le ressent et se pique au jeu. Il file comme l'éclair, sûr de lui, sans hésitation.

 Enfin, un soir, presque au crépuscule, la forêt s'écarte. Il se trouve devant un château fortifié, entouré d'eau, pont-levis dressé. De la berge il hèle le guetteur.

 - Ohé ! Soldat ! Demande à ton maître s'il accepte de me recevoir ?

- Que fais-tu en ces lieux ?

- Je voyage à la recherche de la Vérité.

- Entre si tu es sincère, sinon passe ton chemin de crainte de périr dans une oubliette.

- Je désire entrer mais pour cela il faut que le pont soit abaissé.

- Ne sais-tu donc pas que pour abaisser un pont-levis, le voyageur doit, pied à terre, tirer la queue de son cheval.

 

Sur l'instant Robert apprécie peu la plaisanterie, de réflexe il va répondre sèchement, mais les épreuves passées l'on déjà beaucoup transformé. Il se retient. Il réfléchit puis descend de cheval et tire sur la queue. Immédiatement le pont s'abaisse et la herse se lève. L'entrée est libre. Il s'y engage. Arrivé dans la cour soigneusement pavée, il aperçoit un laquais qui de suite lui dit d'un air navré .

 - Mais Monsieur, lorsque l'on entre, la moindre chose est de refermer la porte derrière soi,

 Décontenancé Robert bredouille quelques excuses, descend et tire la queue de son cheval. Tout se referme sans le moindre bruit. Le cheval bénéficie d'une écurie propre et fraîche. Le valet précède son invité dans de longs couloirs et de nombreux escaliers puis l'introduit dans une chambre dont il indique aimablement et longuement au voyageur toutes les commodités. Brusquement il s'écrie .

 - Ciel ! J'ai oublié l'heure ! J'ai oublié de coucher le soleil ! Par pitié aidez moi ! Vite ! Suivez moi !

 Il se précipite, dévale des escaliers, court dans de longs couloirs.  Robert le suit sans comprendre. Ils arrivent dans une salle souterraine, obscure, éclairée par une torche fumeuse.

L'homme se jette sur énorme manivelle et implore afin d'être aidé. Durant dix longues minutes tous les deux peinent pour mouvoir un secret mécanisme. Ils sont en sueur, épuisés, enfin un déclic, un enclenchement signifient que le travail est terminé.

 - Ah Monsieur ! Comment vous remercier ! J'ai commis une lourde faute en oubliant l'heure du soleil, sans votre aide il aurait été couché en retard et j'aurais été puni de mort. Monsieur vous m'avez sauvé la vie. Je ne sais comment vous rendre ce service, je vous serai tout dévoué.

- Tu es bien certain que le soleil n'était pas couché avant que nous ne parvenions dans cette salle ?

- Oui Monsieur car nous avons dû mouvoir la machine.

- Le soleil ne se couche-t-il pas si cette machine n'est pas tournée ?

- Absolument Monsieur ! D'ordinaire je le fais seul, lentement, aujourd'hui votre aide m'a été précieuse. Il s'est couché plus vite mais nous avons terminé à l'heure juste.

- Quel est le maître de ce château ?

- Ce château appartient à une noble Dame. Ce soir elle n'est pas encore rentrée. Elle est partie au début de l'après-midi pour aller à la rivière y jeter une poignée de pointe de fer afin qu'il pleuve prochainement.

Même lorsque elle sera rentrée, il n'est pas certain qu'elle accepte de vous voir. Elle pose généralement beaucoup de conditions mais je vous aiderai de mon mieux.

 Robert est servi seul, avec beaucoup de prévenance dans une grande salle à manger, puis le laquais le reconduit à sa chambre. Il remarque que les volets ne sont pas fermés et se souvient qu'il faisait pratiquement noir lorsqu'il fut précipitamment entraîné pour aider à coucher le soleil. Il s'adresse au serviteur.

 - Comment aurais-tu péri si le soleil n'avait pas été couché à l'heure ?

- J'aurais été frappé de mort en pénétrant dans la salle de la machine, tué par le Génie qui aurait dû se lever pour coucher le soleil à ma place. Le lendemain matin, le même Génie aurait levé le soleil avant que personne n'ose pénétrer dans la salle. Ensuite on aurait retiré mon cadavre. Un autre serviteur aurait été nommé pour ce service.

- Tu es bien certain de cette chose ?

- Oui Maître, beaucoup sont déjà morts dans ces conditions.

- Merci ! Je serais très heureux si tu pouvais convaincre ta maîtresse de me recevoir.

 Dans la Journée du lendemain le serviteur annonce à Robert que sa maîtresse accepte de le recevoir. Il est introduit dans une grande pièce sombre devant une Dame distinguée toute vêtue de cuir.

 - Bonjour jeune homme. Mon serviteur m'a demandé, avec insistance, de te recevoir. Il te le devait en retour du grand service que tu lui as rendu. Apres beaucoup d'hésitations, il m'a avoué avoir oublié l'heure du soleil. Pourquoi es-tu venu jusqu'ici ?

- Je suis à la recherche de la Vérité. J'ai déjà connu trois Vérités mais je ne pense pas avoir terminé mon voyage.

- Que penses-tu trouver ici ?

- Je cherche. Je ne sais pas ce que je trouverai.

- Crois-tu sincèrement que tu as couché le soleil hier soir ?

- Non ! Lorsque nous étions dans la chambre avant de descendre, il faisait déjà bien noir et les volets n'étaient pas fermés. Nous sommes allés mouvoir la machinerie lorsque le soleil était déjà couché.

- Crois-tu vraiment que cet homme serait mort si tu avais refusé de l'aider.

- J'en suis certain car il le croyait avec une telle force.

Une violente lumière jaune illumine la salle.  Son aveuglement ayant cessé Robert se trouve devant une belle jeune fille nue au teint olivâtre.

 - Bonjour Robert ! Ecoute et retiens bien car je vais sous peu disparaître. Je suis la "Vérité Fausse", si tu préfères la "Vérité Jaune". Je suis toutes les choses fausses que croient des tribus, des groupes humains, des populations entières. Tous ces gens sincères dans leurs erreurs donnent une vie véritable à leurs convictions, beaucoup de choses se passent comme si le faux était vrai.

Leurs croyances fausses mais communes, les soudent entre eux, dans un monde vrai qui leur permet d'acquérir de vraies valeurs. Quelques fois ces croyances fausses leur permettent de garder assez de forces pour survivre dans un environnement sans espoir. Il n'est pas possible de les détromper car tout le système qui leur fait du bien, assure leur survie, s'écroulerait. Il faut souvent attendre très longtemps avant de pouvoir les faire évoluer vers des conceptions véritables.

Robert ! Souviens-toi ! Je suis la "Vérité Fausse" mais une Vérité très pure, Reste moi fidèle, pour cela ne détrompe pas ceux que je protège.

Au revoir ! Bonne chance pour la fin de ton voyage.

 

Robert se retrouve seul dans la grande salle sombre.

Il sort, demande son cheval et se dispose à quitter le château. Le voici devant la herse baissée le pont-levis relevé. Il met pied à terre, tire la queue de son cheval. La voie s'ouvre.  Il sort et de la même manière referme la porte. Il part.

 

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Robert est un peu las. Il a déjà vu beaucoup de choses qui se heurtent en sa tête, Que lui reste-t-il à trouver maintenant ? Il s'adresse à sa "Vérité Ombre".

- Oh ! "Vérité Ombre" ! Ce voyage doit-il être encore bien long ?

- Tu as vu beaucoup de choses essentielles mais il te reste encore davantage à apprendre. Tu pourras plus tard te perfectionner en consultant les vérités que tu as rencontrées.

- Tu as l'amabilité de me parler mais je ne t'ai pas encore vue.

- L'heure de faire connaissance est proche. Suis moi je vais te conduire au "Royaume des Ombres".

 

 Robert voit devant lui une petite flamme rose qui le précède. Il la suit durant plusieurs jours et parvient enfin devant l'entrée d'une grotte. 

- Attache ton cheval au fond de la grande salle. Viens maintenant dans le souterrain. 

Robert marche longtemps dans un obscure labyrinthe, guidé par la petite flamme rose qui le précède avant de parvenir dans une grande, très grande salle circulaire. Sur tout le pourtour sont disposées de nombreuses alvéoles comme des petites cellules.

Il pénètre avec son ombre lumineuse dans la première cellule .Elle est remplie de toutes sortes de nourritures agréablement présentées et plaisantes à voir.

 - Tu peux manger tout ce que tu veux.

 Il mange avec satisfaction durant un long moment

 - Pourquoi manges-tu ?

- Parce que j'ai faim et que je suis heureux de reconstituer mes forces.

- Tu as déjà beaucoup mangé. Tu as encore faim ?

- Oui en effet j'ai beaucoup mangé, mais ceci est vraiment agréable. Tu as raison de me faire remarquer que je ferais mieux de ne pas passer tout le temps de mon séjour, à manger.

 Ils pénètrent tous les deux dans la cellule suivante. Elle est remplie de pièces de monnaies d'or et d'argent ainsi que de nombreux et inestimables bijoux.

 - Prends tout ce que tu veux.

- Tu es bien aimable "Vérité Ombre"' mais tout ceci est bien lourd et encombrant. J'aurais cependant besoin de quelques valeurs sûres afin que mes projets ne soient pas freinés par un manque de moyens.

 Il cherche soigneusement puis cache au plus profond d'une poche discrète un petit sac de cuir contenant des diamants d'une grande pureté. La cellule suivante détient une multitude d'armes de toutes sortes. Elle l'invite de nouveau à se servir.

 - J'ai déjà une bonne épée fidèle et bien modelée à la forme de ma main. Voici une dague discrète que je peux dissimuler sous mes vêtements afin de ne pas être démuni en cas de nécessité.

 La nouvelle cellule présente des décorations, des insignes de grades, des croix , des médailles et tout ce que en général portent les hommes pour se donner de la valeur et de l'autorité. Une paire d'épaulettes de capitaine brûle les doigts de Robert un moment. Il l'abandonne avec regret pour passer dans la cellule suivante. Il y trouve un choix extraordinaire de corps nus et pleins de charmes propres à satisfaire tous les plaisirs du sexe.

 - Tout ceci est à ta disposition. Il n'y a aucun témoin au royaume des ombres. Aucun humain ne connaîtra tes choix et tes satisfactions,

 Robert y séjourne un long mais raisonnable moment. Dés qu'il en est sorti, elle lui demande.

 - Tes choix et tes satisfactions correspondent-ils à ce que tu aurais imaginé avant cette expérience ?

- Que non ! Que non ! Oh "Vérité Ombre" ! J'en suis bien surpris et troublé. Je tiens à en garder la plus grande discrétion.

- Voici maintenant une suite de cellules, chacune correspond à un animal que tu vois représenté au dessus de chaque entrée. Il te faut pénétrer dans l'une d'elle.

Dés que tu aura franchi le seuil tu sera saisi, dévêtu et marqué au fer rouge à l'emblème de cet animal, aussitôt ta forme humaine se transformera en celle de l'animal, tu devras vivre avec des animaux de cette espèce durant une journée entière sans être reconnu. S'ils te reconnaissent pour un homme tu seras mis à mort. S'ils ne te reconnaissent pas, tu seras libéré, tu reprendras ta forme humaine, tes vêtements te seront rendus mais tu conserveras la marque indélébile.

Robert il te faut faire un choix judicieux. Voici : l'aigle, le lion, le taureau, le bélier, le cheval, le tigre, le lièvre, le chien, le chat, le loup, le faucon, le paon, le pigeon, la colombe, le lézard, le crapaud, la tortue, la vipère, le rat, le renard, le chacal, le hibou, le serin et l'éléphant. La dernière entrée ne porte aucun signe mais tu peux l'attribuer à un animal quelconque si tu ne trouves pas satisfaction ailleurs.

 

Robert fit plusieurs fois le chemin d'une extrémité à l'autre puis pénétra enfin sous une voûte. S'il y avait eu un témoin il aurait entendu un cri. Comme ayant attendu ce signal la petite flamme rose se tortilla en tire-bouchonnant, s'allongea montant vers la voûte de la grande salle, s'élargit en un brouillard vaporeux, s'enrichit de matière pour faire une belle jeune fille, nue, aux cheveux longs, aux très longs cheveux roses. Une nuée de cendre tomba à ses pieds se transformant aussitôt en un long cercueil de couleur foncée. Elle s'assit sagement sur ce cercueil et attendit patiemment le retour de Robert.

 Une longue et lourde journée s'écoula.

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 Robert, enfin, reparaît, les vêtements encore mal ajustés, le teint pâle et l'œil éteint. Il avance dans la grande salle. Finissant de refermer sa tunique il aperçoit la belle jeune fille aux très longs cheveux roses assise sur le cercueil. Il la regarde un moment puis l'interpelle.

 

- Tu es bien jolie, il semble que tu m'attendais. Pourquoi es-tu assise sur ce cercueil ?

- Je suis ta "Vérité Rose". Ceci est ton propre cercueil, mais tant que je serais assise ou couchée dessus on ne pourras pas t'y placer. Je suis à la fois ta ruine et ta sauvegarde. Tu viens de visiter le royaume des "Ombres". Tu as mesuré les forces qui t'attirent vers : la nourriture, la richesse, les honneurs, la capacité de détruire. Tu as trouvé l'animal dont tu peux revêtir la peau.

Tu connais les Vérités : "Verte", "Rouge", "Bleue", "Jaune" et maintenant, Moi, la "Rose". Toutes les autres ne se sont montrées à toi qu'un court instant avant de disparaître, pour Moi, tout au contraire, maintenant que je me suis montrée, je ne peux plus te quitter.

Avec beaucoup d'efforts, tu pourrais, me fuir ou me faire fuir mais ton cercueil serait libéré et tu mourrais rapidement. Il faut que nous vivions ensemble, mais aussi il faut que tu me caches car personne ne doit me voir. En effet presque tous tes amis et, bien sûr, tous tes ennemis ne manquerait pas d'essayer de me dérober ton cercueil, voire d'y parvenir.  Tu périrais aussitôt.

Ne t'inquiète pas. Je sais me faire toute petite afin que tu puisses me porter sous tes vêtements, sur ton cœur. Je serai toujours présente désormais pour t'éclairer et te consolider.  A tout instant je pourrais te dire où se cache la Vérité que tu cherches et t'indiquer le chemin de la sagesse.

 

La "Vérité Rose" se relève lentement. Elle étend la main sur le cercueil. Il se rétracte et devient tout petit, puis elle même diminue de dimensions au point de devenir moins haute que la main et de l'épaisseur d'une feuille,

 

Robert entrouvre sa chemise. Elle se couche sur son cœur en utilisant le cercueil comme un oreiller.

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 Guidé dans le labyrinthe du royaume des Ombres par sa "Vérité Rose" qu'il porte sur son cœur, Robert parvient à la caverne où il retrouve son cheval. Il le monte et part dans l'épaisseur de la forêt.

 

Il ne se sent plus le même homme. Il se trouve plus pesant, à chaque fois qu'il fait un mouvement vif il sent sa "Vérité Ombre" rebondir sur son cœur. Il tient la tête moins haute mais son cou est plus ferme. Ses yeux portent droit devant lui, dans sa prunelle pas d'éclat de métal brillant mais simplement le reflet voilé d'un acier bleu comme celui des armes.

 

Dans le fond de sa poche secrète, dans le petit sac de cuir, tintent les diamants purs qu'il réservera au pouvoir nécessaire. Sur sa hanche s'incruste la dague fine qu'il ne découvrira, pour sa défense, qu'au dernier instant. Son cheval progresse d'un pas sûr, il le ressent ferme et solide,

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A la. fin du jour il parvient presque à l'entrée de la forêt. Il lui va falloir faire halte pour la nuit. Ayant ralenti l'allure il aperçoit un jeune homme venant en sens inverse qui s'avance vers lui. Les deux chevaux s'arrêtent face à face. Robert s'adresse à lui.

 

- Que fais-tu donc, jeune homme, en cette forêt où bien peu d'hommes ne pénètrent de crainte de se perdre ?

- Je cherche la Vérité et l'on m'a assuré qu'elle habite en ces lieux.

- C'est exact mon frère, j'en viens et je l'ai connue

- Passons la nuit ensemble...............................

 

Ils passèrent la nuit ensemble comme Robert à son arrivée.

  

Le Soleil pourpre se couche sur les chevaux côte à côte

Puis la Lune répand sa lumière d'argent

Enfin l'or du Soleil levant

Fait le jour suivant

 

 Si J'étais un conteur oriental

Assis au milieu de la foule sur un marché africain

Je recommencerais aussitôt ce récit avec un nouveau Jeune Homme

Puis ensuite avec un autre Jeune Homme

Et cela

Jusqu'au Soleil couchant.

 

Chaque récit serait un peu différent mais retracerait les mêmes principaux événements, montrant ainsi, que tout homme, à la recherche de la Vérité , affronte les mêmes difficultés mais avec des différences dues à sa propre personnalité.

 

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