LOUIS XIV ET VERSAILLES.....le Roi s'obstina, cinquante années durant, jusqu'à laisser à son royaume une des plus miraculeuses créations de l'art classique...                   François BLUCHE

 

Extrait du livre de François BLUCHE:

Au plaisir de l'Histoire :

 

...le Grand Roi, ..... aurait (-il)dit au petit Dauphin (futur Louis XV) : «J'ai trop aimé les bâtiments » ? ....

    Louis XIV, ... cachait mal, derrière son allure majestueuse, un tempérament sensible et sentimental. Il mit tout son cœur à aimer des femmes (Mlle de la Vallière, Mme de Montespan, Mme de Maintenon), des confidents (Saint-Aignan, Vendôme, Bontemps, Rosé, La Rochefoucauld le fils, Vauban, Racine, Chamillard), des villes (Tournai, Sarrelouis, Landau). Souvent aussi, des bâtiments. Sur ce domaine, il règne absolument. Ici nul ne peut se vanter d'imposer ses goûts au souverain. Colbert l'a supplié de préférer le Louvre et les Tuileries : peine perdue ! Louvois, de Trianon a voulu faire sa chose : il a fort irrité Sa Majesté.

  Louis ne joue pas les despotes : il discute des heures entières avec le bon vieillard Le Nôtre, avec le solide Le Brun, avec l'indispensable Hardouin-Mansart, mais laisse à ses artistes préférés moins de liberté qu'à ses ministres et à ses chefs d'armée. Jamais mieux qu'en matière de bâtiments ne s'applique l'admirable jugement de Voltaire : « Non seulement il s'est fait de grandes choses sous son règne, mais c'est lui qui les faisait ». On peut affirmer que Louis XIV a créé  au moins trois chefs-d''œuvre (le quatrième étant peut-être la colonnade du Louvre) : l'hôtel royal des Invalides, Versailles, Marly. Leur beauté résume le génie et le goût du concepteur. Il les a réussis, parce qu'il s'y est appliqué de toute son âme.

   Rien de moins froid que Versailles. Le Roi, contre l'avis de ses architectes, a conservé la cour de marbre (anachronisme de brique et pierre). Il n'a pas cherché à harmoniser à tout prix la façade ville du palais, avec la superbe structure de Mansart (côté jardins). Lorsque, sur le tard, il s'est décidé à ériger une chapelle digne de la contre-Réforme, il n'a pas craint de rompre la symétrie d'un grand ensemble. À l'intérieur de sa demeure, le Roi a toujours recherché l'amélioration, insoucieux des échafaudages, du plâtre, de la colle et de la poussière : tant il est vrai que l'éternelle beauté du château nous empêche d'imaginer le chantier permanent, coûteux, épuisant, sale et bruyant, qui a permis cette réussite. Louis, devenu vieux, ne voulut pas laisser vieillir son œuvre : dans les jardins, il ne cesse de défaire et refaire les célèbres bosquets ; à l'intérieur, il bouscule ses décorateurs : « De l'enfance, leur dit-il, plus d'enfance ! »

  Tout est voulu. Tout découle d'un vouloir supérieur, vif et renouvelé. C'est vrai du château. C'est vrai du parc (le  souverain a rédigé une Manière de montrer les jardins de Versailles ; vingt-cinq paragraphes au style dépouillé, dans l'esprit de la « petite Académie »). Ce fut vrai dès l'origine : dans le choix de Versailles, la lutte contre cent obstacles, l'aménagement des jardins, du potager, des bosquets, des fabriques, des allées, des pièces d'eau. A l'origine, Louis XIV aima le « petit château de cartes » ayant servi à Louis XIII de pavillon de chasse. L'ayant découvert, il fut ravi, y conduisit Louise de la Vallière et en devint plus amoureux encore. Ensuite cette histoire d'amour se poursuivit, un peu à la façon des contes de fées. Enfin, aidé de brillants complices — ils s'appellent Le Nôtre, Le Vau, Le Brun, Mansart, Berain, Robert de Cotte, La Quintinie —, le Roi s'obstina, cinquante années durant, jusqu'à laisser à son royaume une des plus miraculeuses créations de l'art classique.

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Article paru dans Le Figaro Magazine, 1 août 1999.

Extrait du livre de François BLUCHE: Au plaisir de l'Histoire

 

François Bluche : agrégé d'histoire, docteur ès lettres, ancien professeur à Paris X Nanterre, historien de l'Ancien Régime, il est l'auteur notamment de l'un des plus retentissants succès de la biographie historique avec Louis XIV et du magistral Dictionnaire du Grand Siècle (Fayard).

 

05/08/13

 

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