...le Grand Roi, ..... aurait
(-il)dit au petit Dauphin (futur Louis XV) : «J'ai trop aimé les
bâtiments » ? ....
Louis XIV, ...
cachait mal, derrière son allure majestueuse, un tempérament sensible
et sentimental. Il mit tout son cœur à aimer des femmes (Mlle de la
Vallière, Mme de Montespan, Mme de Maintenon), des confidents
(Saint-Aignan, Vendôme, Bontemps, Rosé, La Rochefoucauld le fils,
Vauban, Racine, Chamillard), des villes (Tournai, Sarrelouis, Landau).
Souvent aussi, des bâtiments. Sur ce domaine, il règne absolument. Ici
nul ne peut se vanter d'imposer ses goûts au souverain. Colbert l'a
supplié de préférer le Louvre et les Tuileries : peine perdue !
Louvois, de Trianon a voulu faire sa chose : il a fort irrité Sa
Majesté.
Louis ne joue pas les
despotes : il discute des heures entières avec le bon vieillard Le
Nôtre, avec le solide Le Brun, avec l'indispensable Hardouin-Mansart,
mais laisse à ses artistes préférés moins de liberté qu'à ses
ministres et à ses chefs d'armée. Jamais mieux qu'en matière de
bâtiments ne s'applique l'admirable jugement de Voltaire : « Non
seulement il s'est fait de grandes choses sous son règne, mais c'est
lui qui les faisait ». On peut affirmer que Louis XIV a créé
au moins trois chefs-d''œuvre (le quatrième étant peut-être la
colonnade du Louvre) : l'hôtel royal des Invalides, Versailles,
Marly. Leur beauté résume le génie et le goût du concepteur. Il
les a réussis, parce qu'il s'y est appliqué de toute son âme.
Rien de moins froid
que Versailles. Le Roi, contre l'avis de ses architectes, a conservé
la cour de marbre (anachronisme de brique et pierre). Il n'a pas
cherché à harmoniser à tout prix la façade ville du palais, avec la
superbe structure de Mansart (côté jardins). Lorsque, sur le tard, il
s'est décidé à ériger une chapelle digne de la contre-Réforme, il n'a
pas craint de rompre la symétrie d'un grand ensemble. À l'intérieur de
sa demeure, le Roi a toujours recherché l'amélioration, insoucieux des
échafaudages, du plâtre, de la colle et de la poussière : tant il est
vrai que l'éternelle beauté du château nous empêche d'imaginer le
chantier permanent, coûteux, épuisant, sale et bruyant, qui a permis
cette réussite. Louis, devenu vieux, ne voulut pas laisser vieillir
son œuvre : dans les jardins, il ne cesse de défaire et refaire les
célèbres bosquets ; à l'intérieur, il bouscule ses décorateurs : «
De l'enfance, leur dit-il, plus d'enfance ! »
Tout est voulu. Tout découle
d'un vouloir supérieur, vif et renouvelé. C'est vrai du château.
C'est vrai du parc (le souverain a rédigé une Manière de
montrer les jardins de Versailles ; vingt-cinq paragraphes au
style dépouillé, dans l'esprit de la « petite Académie »). Ce fut vrai
dès l'origine : dans le choix de Versailles, la lutte contre cent
obstacles, l'aménagement des jardins, du potager, des bosquets, des
fabriques, des allées, des pièces d'eau. A l'origine, Louis XIV aima
le « petit château de cartes » ayant servi à Louis XIII de pavillon de
chasse. L'ayant découvert, il fut ravi, y conduisit Louise de la
Vallière et en devint plus amoureux encore. Ensuite cette histoire
d'amour se poursuivit, un peu à la façon des contes de fées. Enfin,
aidé de brillants complices — ils s'appellent Le Nôtre, Le Vau, Le
Brun, Mansart, Berain, Robert de Cotte, La Quintinie —, le Roi
s'obstina, cinquante années durant, jusqu'à laisser à son royaume une
des plus miraculeuses créations de l'art classique.
.......