Qu'est-ce que la vie ? Les ancêtres des premiers êtres
unicellulaires qui ont peuplé la Terre il y a près de 4 milliards
d'années étaient sans doute des molécules capables de transmettre de
l'information chimique et de se reproduire. Était-ce vraiment de la
vie ? Pour les biologistes, la réponse n'est pas simple. Et la
question prend d'autant plus importance en ce début de siècle où la
chasse à une hypothétique vie extraterrestre est plus ouverte que
jamais. Le Figaro publie une réflexion du biochimiste Daniel Koshiand,
en partenariat avec la revue américaine Science
qui en divulgue la
version originale dans sa dernière édition (22 mars 2002).
Quelle est la définition de la vie ? Je me souviens d'un congrès
scientifique d'élites cherchant une réponse à cette question. «
L'aptitude à se reproduire, telle est la caractéristique fondamentale
de la vie», a déclaré un éminent scientifique. Chacun a approuvé d'un
signe de tète, jusqu'à ce qu'une petite voix se fasse entendre. «
Alors un lapin isolé est mort. Deux lapins, un mâle et une femelle.
sont vivants, mais pris isolément ils sont morts. »
(rs ..et il
avait raison ..)
A ce stade, nous sommes tous convaincus que, bien que nous sachions
ce qu'est la vie, il n'en existe pas de définition simple. Je crois
cependant qu'il est possible de définir les piliers fondamentaux sur
lesquels repose la vie telle que nous la connaissons. Par piliers,
j'entends les principes essentiels de fonctionnement d'un système
vivant, en termes d'énergie et de mouvement. L'intérêt actuellement
porté à la recherche de formes de vie dans les autres galaxies et à la
création de la vie dans des systèmes artificiels donne à penser qu'il
serait bon d'étudier ces piliers, comment ils fonctionnent et pourquoi
ils sont essentiels à la vie.
Le
premier pilier de la vie est un
programme. J'entends par là un plan organisé qui décrit les
ingrédients et aspects cinétiques des interactions entre les
ingrédients qui perpétuent le système vivant. Pour les systèmes
vivants que nous observons sur Terre, ce programme est naturellement
exécuté par l'ADN qui code les gènes des organismes terrestres et qui
est reproduit de génération en génération, avec certes de petits
changements, sans pour autant affecter le plan général.
Le second pilier est
l'improvisation. Comme un système vivant est
inévitablement une petite fraction de l'univers global dans lequel il
existe, il ne peut contrôler tous les changements et vicissitudes
auxquels l'environnement sera exposé et doit donc avoir un moyen de
modifier son programme. Si, par exemple, à une période de climat chaud
succède une ère glaciaire qui rend le programme moins efficace, le
système devra modifier son programme pour survivre. Sur Terre, nous
procédons pour cela à des mutations de notre ADN.
Le troisième pilier est
le cloisonnement. Tous
les organismes que l'on considère vivants sont confinés à un volume
limité, entouré d'une surface que l'on appelle membrane ou peau, qui
maintient les ingrédients dans un volume défini et empêche les
éléments chimiques délétères, c'est-à-dire toxiques ou diluants, de
pénétrer à l'intérieur de ce volume.
Le quatrième pilier de la vie est
l'énergie. La vie telle que nous la connaissons implique le
mouvement des agents chimiques, de l'organisme, des éléments de
l'organisme. Ce doit être un système ouvert, qui reçoit de l'énergie
de sources extérieures comme le Soleil, mais aussi un système
métabolisant, capable de transformer l'énergie en « combustible »
pour l'organisme.
Le cinquième pilier est la
régénération. Étant donné qu'un système métabolisant
réagit constamment, il subira inévitablement des pertes dues à la
fatigue des matériaux. Il doit donc y avoir un système de régénération
pour compenser ces pertes. Un exemple est la reconstitution constante
des protéines dans les tissus vivants sujets à une usure normale. Le
système de régénération s'use lui-même et ralentit au fil du temps ;
c'est ce qu'on appelle le vieillissement Le système vivant que nous
connaissons a trouvé un moyen subtil de perfectionner le processus de
régénération : en repartant à zéro. Cela peut se caractériser par la
division d'une cellule, comme dans le cas de la bactérie E. coll. ou
la naissance d'un enfant, comme dans le cas de l'Homo sapiens. (
... rs .. voila que la vie a trouvé la vie ... heureux de
l'apprendre ...)
Le sixième pilier est
l'adaptabilité.
Par exemple, un être humain qui met la main au feu connaît une
expérience douloureuse, mais l'individu doit immédiatement retirer sa
; main du feu pour éviter une blessure permanente. Cette réaction
comportementale à la douleur est essentielle à la survie ; c'est une
réaction fondamentale des systèmes vivants appelée rétroaction.
Enfin, le septième et dernier pilier, mais non le moindre, est
l'isolement. Il est essentiel,
pour un système métabolisant dans lequel de nombreuses réactions se
produisent en même temps, d'empêcher les agents chimiques d'un
processus réactionnel d'être métabolisés par les catalyseurs d'une
autre réaction. Notre système vivant procède en utilisant une
propriété fondamentale de la vie, la spécificité des enzymes qui
n'agissent que sur les molécules pour lesquelles elles ont été conçues
et ne sont pas perturbées par les collisions avec diverses molécules
provenant d'autres réactions.
Ces sept piliers de la vie ne sont pas forcément parfaits et
peuvent être améliorés. L'œil par exemple, peut s'adapter à différents
niveaux de lumière extérieure allant d'un pâle clair de lune au soleil
brillant, alors que les autres organes du corps humain ont une faculté
d'adaptation moindre. On pourrait envisager d'améliorer d'autres
organes (les poumons, les reins, la rate, etc.) pour leur permettre de
mieux fonctionner et atténuer ainsi les effets du vieillissement.
Supposons que les molécules de l'organisme aient de meilleurs systèmes
de rétroaction, de sorte que la dégradation progressive liée au
vieillissement serait constamment corrigée. La mort et la nécessité de
repartir à zéro disparaîtraient alors. Cela poserait un problème
cependant, car le fait de repartir à zéro (la mort et la naissance)
permet d'improviser (mutation de l'ADN ), ce qui est l'un des piliers
de la vie.
Daniel
E. Koshliand, Jr. University of
California, Berkeley