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La religion fait l'homme
Auteur:
Hesna Caillau
intervievée par
Guillemette de Sairigné
Source:Figaro Madame N°18285 - 24 mai
Au risque de
choquer, Hesna Caillau affirme que nos racines religieuses sont
inscrites dans notre psychisme, que l'on soit croyant ou non. Dans son
livre - L'Esprit des religions- Milan, elle nous invite à
comprendre l'esprit des religions pour mieux connaître les hommes.
Guillemette de Sairigné. - Née d'un père turc musulman et d'une
mère danoise protestante, mariée à un Français catholique, vous portez
en vous-même votre sujet d'étude
Hesna Caillau. - Et ce n'est pas fini! Mon fils a épousé une jeune
fille dont le père est turc musulman et la mère chrétienne nestorienne
d'origine irakienne! Ce genre de métissage n'est pas toujours facile à
vivre : à Istanbul où j'ai vécu jusqu'à l'âge de quinze ans, j'étais
trop grande, trop maigre, je rêvais d'être comme tout le monde. Mais
déjà, j'observais, fascinée, à quel point mes proches étaient
conditionnés par leurs origines respectives ma mère et ma nounou
imprégnées de morale luthérienne; mon père, l'archétype du vieil
Ottoman, du jouisseur oriental, deux fois ruiné sans que cela altère
son bel optimisme.
G. S. - Religion et culture sont liées?
H. C. - Comme des soeurs jumelles. Nos racines religieuses marquent
notre psychisme, notre mode de vie, notre relation au monde, qu'on
soit croyant ou non, je dirais même, au risque de choquer, que
celles-ci sont inscrites dans notre mémoire génétique. J'ai ainsi vu
un de mes amis juifs, adopté tout enfant par une famille chrétienne,
les siens ayant disparu dans les camps, apprendre le yiddish en six
mois! Mais comment être ouvert à ce genre de réflexions quand on ne
connaît même pas la religion de ses parents, comme la quasi-totalité
de mes étudiants, pour qui Pâques n'évoque qu'une fête de printemps,
la Pentecôte, un week-end de trois jours, et qui sont incapables de
rien comprendre à l'art sacré quand on les emmène dans un musée?
G. S. - On annonce le retour dans l'enseignement du « fait
religieux »...
H. C. - Il était temps! Sans même parler de l'art roman ou
gothique, de ce patrimoine architectural hérité du christianisme, qui
a tant contribué à la fascination exercée par la France sur des gens
comme mon père, on ne peut ignorer à quel point le capitalisme a été
forgé par l'éthique protestante et le pragmatisme juif, par le sens de
la responsabilité individuelle et de la compétition. En Asie, en revanche, la compétition est une
non-valeur, on fait forcément mieux à plusieurs que tout seul. Là-bas,
c'est très clair, l'individu n'existe qu'à travers le groupe. Il se
sent relié aux autres comme la vague à l'océan.
G. S. - La comparaison avec d'autres religions, d'autres cultures
nous aide aussi à déchiffrer notre monde ?
H. C. - C'est ce que j'essaie de faire passer dans mes cours et
dans mes conférences. Il y a dix ans encore, cela n'intéressait
personne! Les Occidentaux étaient convaincus que tout le monde devait
penser comme eux. Mais la mondialisation a changé la donne
aujourd'hui, je n'arrive pas à répondre à la demande! Les Français ont
compris que pour échanger des idées, des projets, négocier des
contrats, mieux vaut savoir ce qui se passe dans la tête des gens. Et
puis, ils ont une vraie curiosité pour d'autres modes de pensée,
particulièrement pour ce monde oriental que je n'ai cessé d'explorer
jusque dans mes lectures, mes voyages.
G. S. - Dans votre livre*, vous commencez donc par contempler «
l'Europe dans le miroir de l'Asie orientale »...
H. C. - Car ce sont bien des religions, et non des philosophies
comme on le pense souvent chez nous, puisque le bouddhisme tout comme
l'hindouisme, le taoïsme ou le confucianisme offrent à leurs adeptes
le moyen de se relier à une transcendance. Ce qui me frappe peut-être
le plus dans ces religions, c'est l'usage d'une pensée non pas
rationnelle comme la nôtre mais systémique, complexe, qui recherche
les corrélations entre les phénomènes, prône la complémentarité des
contraires.
G. S. - Le yin ne se conçoit pas sans le yang?
H. C. - Chacun porte en son sein le germe de l'autre. Ainsi, un
chef d'entreprise, tout comme un chef d'État, se devra d'être parfois
yang - rationnel, ferme, efficace-, parfois yin - doté de flair,
d'imagination, capable de détecter les germes, d'agir avant que les
fissures ne deviennent crevasses.
Une complémentarité qui existe aussi entre les sexes. À cet égard,
je suis persuadée que l'Asie peut nous aider à retrouver l'importance
du féminin : notre libération de la femme n'a-t-elle pas été surtout
jusqu'ici une libération du masculin dans la femme? Cette union des
contraires implique enfin que toute idée ait une part de vérité et
d'erreur. L'Asiatique ne dit pas ce qu'il faut penser et croire. Il
préfère s'imprégner de la pensée de l'autre. L'imitation est pour lui
une vertu.
G. S. - Autre spécificité extreme-orientale : la notion d'un temps
cyclique, sans début ni fin?
H. C. - Leur sens de l'éternité leur permet de vivre pleinement le
temps présent, sans se référer comme nous constamment au passé -
j'étais plus belle, plus riche autrefois sans se projeter dans le
futur : avec notre conception d'un temps linéaire, on n'a qu'une vie,
il ne s'agit pas de la rater; du coup, on vit dans l'urgence, le
stress. Chez eux, il n'y a pas d'échecs, rien que des enseignements
tout est réparable, sinon dans cette vie, du moins dans celle qui
suivra.
G. S. - Cette douceur de vivre,
c'est aussi celle que prône selon vous l'islam. Ce n'est pas vraiment
l'image qu'il donne?
H. C. - Parce que de l'islam, nous
avons aujourd'hui en Occident une vision monolithique en oubliant que
l'islam arabe ne représente qu'une petite partie du 1,2 milliard de
musulmans vivant dans le monde, en nous focalisant sur les wahhabites,
les défenseurs d'une conception étriquée de la foi, et sur leur dérive
intégriste. Mais cette assimilation révulse la majorité des musulmans,
qui, eux, sont des tenants de la mesure, du juste milieu, une
idée-force dans le Coran.
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Auteur:
Jacques Dufresne
Source:
http://fr.encyclopedia.yahoo.com/articles/ni/ni_1243_p0.html
Marquées par
une grande variété de doctrines et de pratiques rituelles, les grandes
religions traditionnelles ont donné naissance au XXe siècle à
des mouvements nouveaux et à des pratiques «profanes» qui continuent de
s'en inspirer. Des théories classiques de la sociologie aux enquêtes
récentes qui lui sont consacrées, les analyses cherchent à recenser les
fonctions sociales et à établir les éléments constants du phénomène
religieux, qui ne cesse de se développer, comme en témoignent ses
multiples formes dérivées.
Les théories sociologiques
Les
théories sociologiques révèlent que la religion n'est pas réductible à une
expérience subjective, à une forme irrationnelle de la conscience ou
encore à la trace d'une étape «primitive» du développement de l'humanité
selon l'optique de Feuerbach. Les deux pères fondateurs de la sociologie,
Émile Durkheim, en France, et Max Weber, en Allemagne, soulignent que le
phénomène religieux constitue une dimension essentielle de la société
humaine.
L'essence du phénomène selon Durkheim
C'est
dans les Formes élémentaires de la vie religieuse (1912), souvent
considéré comme le livre le plus important et le plus original de toute
son
œuvre,
qu'Émile Durkheim présente sa théorie générale de la religion.
Pour
comprendre l'essence même de la religion, Durkheim choisit d'en étudier, à
partir de récits ethnographiques, les formes les plus élémentaires,
c'est-à-dire les plus simples ou les plus primitives; il les rencontre
dans le totémisme australien. Pour lui, il n'est pas possible de définir
la religion en référence à un Dieu transcendant ou à un élément
surnaturel: ceux-ci sont, en fait, des caractéristiques tardives (ainsi
certaines religions, comme le bouddhisme, ne se réfèrent pas à un Dieu
transcendant). C'est dans la division du monde entre sacré et profane que
Durkheim trouve le principe essentiel de la religion. Il remarque ainsi
que les Aborigènes reconnaissent dans leur système totémique une «force
anonyme et diffuse», extérieure au monde des choses profanes et pouvant
s'incarner dans une plante ou un animal, et que les croyances et les
cultes s'adressent à cette force.
Le sacré,
selon Durkheim, résulte de la différence ressentie entre ce qui relève du
quotidien et ce qui est différent par nature. «Il n'existe pas, écrit-il,
dans l'histoire de la pensée humaine un autre exemple de deux catégories
de choses aussi profondément différenciées, aussi radicalement opposées
l'une à l'autre.» La religion consiste ainsi en un système de rites et de
croyances relatifs au sacré. Durkheim prolonge son analyse en affirmant
que cette force supérieure à l'individu consiste en la force de la société
antérieure à chacun. Ce que les hommes adorent à travers leur totem ou
Dieu, c'est la réalité collective. À la question de savoir pourquoi la
société devient, sous une forme transfigurée, objet de culte, Durkheim
répond qu'«une société a tout ce qu'il faut pour éveiller dans les
esprits, par la seule action qu'elle exerce sur eux, la sensation du
divin: car elle est à ses membres ce qu'un Dieu est à ses fidèles»
C'est aux
cultes et aux rituels en général qu'il incombe de rapprocher les
individus, de focaliser leur attention sur l'idéal collectif, de les faire
participer à la force du groupe et de susciter la «communion des
consciences». Chez Durkheim, cette force anonyme et diffuse qui s'impose à
l'individu est bel et bien la société en tant que réalité qualitativement
supérieure et en tant qu'autorité morale suscitant respect et adoration.
Ainsi, le sociologue, qui n'admet pas le contenu des différentes
religions, en identifie clairement l'objet réel: la force de la
collectivité vénérée par les hommes. Dans sa conception, la religion
consisterait donc en une projection des normes et des valeurs collectives
et, contrairement à ce qu'affirment Ludwig Feuerbach et ses successeurs,
elle ne se réduirait pas à une illusion.
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Auteur:
site internet
Source:
www.citationsdumonde.com
On trouve des sociétés qui n'ont ni
science, ni art, ni philosophie. Mais il n'y a jamais eu de sociétés sans
religion. Henri Bergson, Philosophe français (Nobel de
littérature 1927) Extrait de Les deux sources de la morale et de la
religion
Le mystère divin et le
mystère humain ne sont qu'un mystère ; en Dieu se garde la mystique de
l'homme et dans l'homme le secret de Dieu. Nicolas Berdiaev,
Philosophe russe Extrait de Le sens de l'acte créateur
Si la science sans
la religion était estimable, rien ne serait plus estimable que le
démon.
Le masochisme est
une expérience mystique André Pieyre de Mandiargues
Extrait de La mort mithridatisée
Il faut à une vie,
une religion laïque ou mystique, une grande idée, une foi, même si
cette foi est faite d'un universel doute... ou bien, il faut être tout
à fait un imbécile et les imbéciles sont très malheureux.
Alexandra David-Neel Exploratrice et femme de lettres française
La religion
s'insère entre les fissures du mur de la technologie tel du lierre.
Quel que soit l'état de la science, la question de la naissance de
l'univers se posera toujours.