Les événements de la guerre "d'Irak occupant
longuement tous les médias, on n'a peut-être pas accordé toute
l'attention nécessaire à ce qui s'est passé à Vitry (Val-de Marne),
lors de la reconstitution du meurtre de Sohane, brûlée vive le 4
octobre dernier. Par Jamal Derrar.
D'abord parce que ce fut une reconstitution placée
sous haute surveillance. Trois fourgons de gendarmerie. Une centaine
de policiers répartis tout autour de l'immeuble où Sohane, 17 ans, a
été martyrisée à mort. Des tireurs d'élite sur les toits voisins. Des
gilets pare-balles pour Jamal - dit « Nono » et ses supposés
complices. Ce n'est pas encore Bassora, Kirkouk ou Mossoul, mais...
Quand Jamal est apparu, des " jeunes " - du type de
ceux qui ont tracé sur les murs du local à poubelles où est morte
Sohane : « Nono, on t'aime, t'inquiète (sic) pas, on t'as (resic) pas
oublié »... - de la cité Balzac lui ont fait une ovation « Nono ! Nono
! »
« Autrefois, il y avait de la solidarité envers les
victimes, explique Annie Sugier, présidente de la Ligue contre la
violence faite aux femmes. Aujourd'hui, le quartier s'unit autour du
garçon ». C'est-à dire en faveur du bourreau.
Cela va de Mustapha, 44 ans, qui déclare : « C'est
un accident. II ne faut pas en faire une martyre ! Et puis qu'est-ce
qu'elle faisait là ? », à cette mère de famille qui explique : « On
veut voir Nono. Tout le monde l'aime ici, c'est un vrai play-boy . On
veut juste lui faire un signe pour le soutenir. » La Ligue contre la
violence faite aux femmes ou le mouvement « ni putes ni
soumises » a encore du pain sur la planche...
Oui, dans les cités occupées, dans ces cités
ethniques où des caïds font la loi, Nono, qui a tué Sohane parce que,
semble-t-il, le petit ami de la jeune fille l'avait humilié, est un «
héros ». Qui, selon des critères étrangers à nos valeurs et aux lois
de notre pays, n'a fait que « venger son honneur ».
II est révélateur qu'au moment où l'on voit des
manifestations antiguerre où l'on agite des drapeaux irakiens,
palestiniens, algériens, les seules manifestations auxquelles a donné
lieu la reconstitution du meurtre de Sohane aient été celles de ses «
potes ». « Sur fond de musique rap lancinante », note Le Parisien,
tandis qu'on relève dans France-Soir : « Les rythmes assourdissants
d'un morceau de rap jaillissent de la grande barre HLM (...) comme
une ultime provocation. »
ALAIN SANDER
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Auteur:
JEAN SÉVILLIA
Source:
le Figaro magazine, du 14 décembre 2002
A l'origine de ce livre, une
thèse soutenue en Sorbonne par une historienne qui avait adressé à Christian
Combaz son travail sur Jeunesse et genèse du nazisme. Et un fait divers :
une agression commise dans un train de banlieue. Le fil rouge qui relie ces
éléments, c'est la violence des jeunes quand ils chassent en bande. « La
jeunesse invente, par la violence, l'autorité qu'elle n'a jamais subie,
souligne Christian Combaz. Ce qui peut encore s'exprimer ainsi l'autorité
vient de la meute et non du chef. » Entre essai et fiction, ces pages
jettent un cri d'alarme. Dans notre société où les parents eux-mêmes n'osent
plus exercer leur autorité sur leurs enfants, tout contribue à exciter le
potentiel de cruauté qui peut exister chez l'être humain. Violence à
l'école. Violence dans la rue. Violence des jeux vidéo aux images ignobles.
Violence au cinéma. Nourris par cet imaginaire de force et de sang, comment
les jeunes ne seraient-ils pas préparés à se conduire comme des loups ?
A voir comment le récent rapport sur
la violence de Blandine Kriegel a été accueilli chez les
intellectuels, nous ne sommes pas sortis d'affaire.
JEAN SÉVILLIA
Christian Combaz, Enfants sans foi ni
loi, éditions du Rocher, 116 p., 11€.