Le profane et le sacré
 

Extraits  : de "Le sacré et le profane" de Mircea Eliade :

4ième page intéressent aussi bien le philosophe que tout chercheur désireux de connaître les dimensions possibles de l'existence humaine.

Avant propos :" Notre intention était d'aider le lecteur à percevoir non seulement la signification profonde d'une existence religieuse de type archaïque et traditionnel, mais aussi à reconnaître sa validité en tant que décision humaine, à apprécier sa beauté, sa « noblesse ».

Mircea Eliade - Bibliographie : Né en 1907 à Bucarest (Roumanie)...

Résonances

Corrélats : l'homo religiosus, le numineux, René Girard

________________________________________

EXTRAIT

Le sacré et le profane

Auteur : Mircea Eliade

Source : le livre Le sacré et le profane, Folio Essais n°82

 

La quatrième page du livre de Mircea Eliade Le sacré et le profane

« Le sacré et le profane constituent deux modalités d'être dans le monde, deux situations existentielles assumées par homme au long de son histoire. Ces modes d'être dans le Monde n'intéressent pas uniquement l'histoire des religions ou la sociologie, ils ne constituent pas uniquement l'objet d'études historiques, sociologiques, ethnologiques. En dernière instance, les modes d'être sacré et profane dépendent des différentes positions que homme a conquises dans le Cosmos ; ils intéressent aussi bien le philosophe que tout chercheur désireux de connaître les dimensions possibles de l'existence humaine. »

Table des matières

AVANT-PROPOS À L'ÉDITION FRANÇAISE ....9

INTRODUCTION .....15

1. L'espace sacré et la sacralisation du Monde.... 25

II. Le Temps sacré et les mythes ....63

III. La sacralité de la Nature et la religion cosmique ....101

IV. Existence humaine et vie sanctifiée .....138

ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE ....183

 

AVANT PROPOS 1964

 

".. écrire un livre court, clair et simple, susceptible d'intéresser des lecteurs peu familiarisés avec les problèmes de la phénoménologie et de l'histoire des religions."

....

" Notre intention était d'aider le lecteur à percevoir non seulement la signification profonde d'une existence religieuse de type archaïque et traditionnel, mais aussi à reconnaître sa validité en tant que décision humaine, à apprécier sa beauté, sa « noblesse ».

Il ne s'agissait pas de montrer simplement qu'un Australien ou un Africain n'étaient pas les pauvres animaux à demi sauvages (incapables de compter jusqu'à 5, etc.) dont nous entretenait le folklore anthropologique d'il y a moins d'un siècle. Nous visions à montrer quelque chose de plus : la logique et la grandeur de leurs conceptions du Monde, c'est-à-dire de leurs comportements, de leurs symbolismes et de leurs systèmes religieux. Lorsqu'il y va de comprendre un comportement étrange ou un système de valeurs exotiques, les démystifier ne sert à rien. Il est futile de proclamer, à propos de la croyance de tant de « primitifs », que leur village et leur maison ne se trouvent pas au Centre du Mondes Ce n'est que dans la mesure où l'on accepte cette croyance, où l'on comprend le symbolisme du Centre du Monde et son rôle dans la vie d'une société archaïque, qu'on arrive à découvrir les dimensions d'une existence qui se constitue en tant que telle justement par le fait qu'elle se considère située au Centre du Monde.

Certes, pour faire mieux ressortir les catégories spécifiques d'une existence religieuse de type archaïque et traditionnel (car nous supposions chez le lecteur une certaine familiarité avec le judéo-christianisme et l'Islam, voire avec l'hindouisme et le bouddhisme), nous n'avons pas insisté sur certains aspects aberrants et cruels, comme le cannibalisme, la chasse aux têtes, les sacrifices humains, les excès orgiastiques, que nous avons d'ailleurs analysés dans d'autres travaux. Nous n'avons pas non plus parlé du processus de dégradation et de dégénérescence dont aucun phénomène religieux n'a jamais réussi à se préserver. Enfin, en opposant le « sacré » au « profane », nous avons entendu souligner surtout  l'appauvrissement apporté par la sécularisation d'un comportement religieux; si nous n'avons pas parlé de ce que homme a gagné à la désacralisation du Monde, c'est que cela nous paraissait plus ou moins connu des lecteurs.

Reste un problème auquel nous n'avons touché que par allusions : dans quelle mesure le « profane » peut-il devenir, en lui-même, « sacré »; dans quelle mesure une existence radicalement sécularisée, sans Dieu ni dieux, est-elle susceptible de constituer le point de départ d'un nouveau type de « religion »? Le problème dépasse la compétence de l'historien des religions, d'autant que le processus en est encore au stade initial. Mais il convient de préciser dès l'abord que ce processus est susceptible de se dérouler sur des plans multiples et en poursuivant des objectifs différents. Il y a, avant tout, les conséquences virtuelles de ce qu'on pourrait appeler les thélogies contemporaines de la « mort de Dieu » qui, après avoir abondamment démontré l'inanité de tous les concepts, les symboles et les rituels des Eglises chrétiennes, semblent espérer qu'une prise de conscience du caractère radicalement profane du Monde et de l'existence humaine est néanmoins capable de fonder, grâce à une mystérieuse et paradoxale coincidentia oppositorum, un nouveau type d'« expérience religieuse ».

Il y a ensuite les développements possibles à partir de la conception que la religiosité constitue une structure ultime de la conscience; qu'elle ne dépend pas des innombrables et éphémères (puisque historiques) oppositions entre « sacré » et « profane », telles que nous les rencontrons au cours de l'histoire. En d'autres termes, la disparition des « religions » n'implique point la disparition de la « religiosité »; la sécularisation d'une valeur religieuse constitue simplement un phénomène religieux illustrant, en fin de compte, la loi de la transformation universelle des valeurs humaines; le caractère « profane » d'un comportement auparavant « sacré » ne présuppose pas une solution de continuité : le « profane » n'est qu'une nouvelle manifestation de la même structure constitutive de homme qui, auparavant, se manifestait par des expressions « sacrées ».

Enfin, il existe une troisième possibilité de développement : en rejetant l'opposition sacré-profane en tant que caractéristique des religions, tout en précisant que le christianisme n'est pas une « religion »; que, par conséquent, le christianisme n'a pas besoin d'une telle dichotomie du réel; que le chrétien ne vit plus dans un Cosmos, mais dans l'Histoire.

Certaines des idées que nous venons de rappeler ont été déjà formulées d'une manière plus ou moins systématique; d'autres se laissent deviner dans diverses prises de position récentes des théologies militantes. On comprend pourquoi nous ne nous sentons pas obligé de les discuter elles n'indiquent que des tendances et des orientations naissantes, et dont on ignore même les chances de survie et de développement.

...

Université de Chicago. Octobre 1964.

 

Mircea Eliade - Bibliographie

 

Né en 1907 à Bucarest (Roumanie), Mircea Eliade a vécu aux Indes de 1928 à 1932, a préparé une thèse de doctorat sur le yoga, a enseigné la philosophie à l'université de Bucarest de 1933 à 1940. Attaché culturel à Londres, puis à Lisbonne, il devient, à partir de 1945, professeur à l'Ecole des Hautes Etudes à Paris et commence alors à écrire directement en français. Il enseigne ensuite à la Sorbonne, dans diverses universités européennes et, de 1957 jusqu'à sa mort en 1986, il est titulaire à la chaire d'Histoire des religions à l'université de Chicago. Ses ouvrages dans cette science font autorité : Forêt interdite, Le sacré et le profane, La nostalgie des origines. Mais Mircea Eliade est aussi le romancier de La nuit bengali, Le vieil homme et l'officier, Noces au paradis. Enfin il a publié des fragments de son journal intime.

 

 

page crée en  11/03

_________________________________________

sonances:               

_________________________________________

Corrélats:

bullet

" A perçu" auquel  ce document était joint.

___________________________

 haut de page