l’exposé que Mgr Marchetto a fait le
11 novembre dernier lors de la conférence de presse de présentation du
congrès organisé par le Conseil pontifical pour les migrants et les
personnes en déplacement.
. Dimensions
Environ un milliard de personnes quittent, chaque année, leur pays
d’origine, pour le travail, pour le tourisme, ou un pèlerinage, parce
qu’ils partent en exil, ou pour fuir la guerre, poussés par la pauvreté ou
pour demander asile. L’Organisation mondiale des Migrations (OIM) peut
ainsi parler d’une « population humaine mobile » (« human mobile
population »). En font aussi partie ceux qui sont communément appelés
"immigrés", actuellement environ 175 millions (de personnes).
Au début de notre siècle, dans le monde, une personne sur 35 est donc
un migrant, soit 2,9 % de la population mondiale, dont 48 % de femmes.
Puis, au cours des ces 35 dernières années, il faut relever que le nombre
des migrants internationaux a plus que doublé.
Concrètement, on peut dire désormais qu’aucun pays n’est exclu du
phénomène des flux migratoires internationaux, comme lieu d’origine, de
transit, de destination, et parfois tout ensemble.
b. Présence des immigrés dans différents pays
Selon l’OIM (1), les Etats unis, avec 35 millions de personnes, et la
Fédération russe, avec 13,3 millions, sont les têtes de liste des 15 pays
ayant le taux le plus élevé de présence d’immigrés sur leur territoire. La
liste comprend des pays de tous les continents: Allemagne (7,3 millions),
Ukraine (6,9), France (6,3), Inde (6,3 également), Canada (5,8), Arabie
Saoudite (5,3), Australie (4,7), Pakistan (4,2), Royaume uni (4),
Kazakhstan (3) Côte d'Ivoire (2,3) Iran (2,3) Israël (2,3), etc.
c. Présence d’immigrés selon les continents
En Afrique, on arrive à 16,2 millions d’immigrés, soit 2,1 % de la
population totale. La présence étrangère en Amérique latine et dans les
Caraïbes atteint les 5,9 millions, soit 1,1 % de la population.
L’Océanie et le Pacifique, constituent, avec environ 6 millions de
migrants, la région du monde avec le nombre le plus élevé de migrants par
rapport à la population totale (19,1%), suivie par l’Amérique du Nord,
avec 41 millions (13 %), de l’Europe avec 56 millions (7,7%) et l'Asie
avec 49,7 millions.
d. Migration irrégulière
Elle continue à être un phénomène extrêmement complexe, sur laquelle
des données précises et fiables sont difficilement disponibles. On estime
(2) ainsi qu’il y a entre 700 000 et 2 millions de femmes et d’enfants
soient objets-sujets de trafic, chaque année, à travers les frontières
internationales. On calcule en outre qu’environ 500 000 personnes entrent
irrégulièrement chaque année aux Etats Unis, au Canada, en Australie et en
Nouvelle Zélande, tandis que dans l’Union européenne, le chiffre varie
entre 120 000 et 500 000 personnes par an. L’introduction clandestine des
migrants est un "commerce" très fructueux qui génère des milliards de
dollars.
Problèmes socio-économiques relatifs
a. Migrations pour motif de travail
L’Organisation internationale du travail (WTO) estime que ce sont
actuellement 65 millions de personnes qui travaillent dans un pays
différent du leur, avec ou sans autorisation. Différents facteurs
déterminants (comme "l’attraction" exercée par les changements
démographiques et par le marché du travail, dans de nombreux pays
industrialisés ; la pression démographique, le chômage et les crises dans
les pays pauvres; les réseaux et les contacts établis dans le temps entre
les différents pays, grâce aux liens familiaux, culturels et historiques)
continueront à alimenter ce type de mouvements (3).
b. Migration et sécurité
Pour ce qui est des actes terroristes perpétrés le 11 septembre 2001,
qui ont eu un impact notable sur les migrations, il y a eu une réaction,
que je dirais naturelle, de préoccupations pour la sécurité nationale pour
l’incidence sur la migration sur la sécurité économique et sociale, ainsi
que sur la stabilité nationale. On s’est en effet demandé si la mobilité,
intensifiée par la mondialisation, constituait une menace pour la sécurité
des Etats et de la société. Les effets du 11 septembre ont donc mis en
évidence l’importance d’une gestion efficace des flux migratoires, et ont
accrû la conscience de l’insuffisance de mesures purement locales et
circonscrites.
c. Droits des migrants
La question de la tutelle et du respect des droits humains des migrants
est, et demeure, de toute façon à l’ordre du jour de l’agenda
international. Leur violation est en effet devenue un fait récurrent et
les migrants sont toujours plus sujets d’abus et d’exploitation en raison
de leur condition de particulière vulnérabilité. En outre, ceux-ci sont
souvent des boucs émissaires d’une série de problèmes sociaux et, pour
cela aussi, les victimes de la xénophobie et de la discrimination. Les
migrants, indépendamment de leur statut juridique, ont au contraire le
droit d’être protégés dans leurs droits fondamentaux. Dans ce but,
l’assemblée générale des Nations unies a adopté, le 18 décembre 1990, la
"Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs
migrants et des membres de leurs familles", entre en vigueur le 1er
juillet de cette année 2003, et saluée favorablement par le Saint-Siège
qui a invité les Nations à la ratifier, par les paroles du Saint-Père.
Hélas, en effet, cette Convention n’a été jusqu’ici signée que par des
pays d’émigration.
d. L’inclusion des principaux acteurs dans les processus de décision
Une approche intégrale des problèmes doit prendre en considération les
migrations dans toutes les perspectives, en reconnaissant leur
interdépendance avec d’autres questions.
Pour ce motif également, il est nécessaire d’impliquer différents
sujets, c’est-à-dire les gouvernements, le organisations
intergouvernementales, et non gouvernementales, les associations des
entreprises, les communautés et les migrants eux-mêmes. Les Eglises aussi
et les religions devraient être prises en considération, et cela ouvre le
champ des défis pastoraux.
Les défis pastoraux
a. Nouveau concept de "Mission"
La publication de l’encycique Redemptoris Missio (1990) et de
l’instruction Dialogue et Annonce (1991) a indubitablement redonné un élan
aux études sur la mission. Il en est sorti une certaine conscience
nouvelle, que les migrations tendent à vivifier, de l’obligation de la
mission ad gentes, puisqu’elles constituent sans aucun doute, un défi
missionnaire "en créant des occasions nouvelles de contacts et d’échanges
culturels, en poussant l’Eglise à l’accueil, au dialogue, à l’aide, en un
mot, à la fraternité" (RM 37b) et à la mission.
b. Dialogue et solidarité
A cet égard, la conscience de vivre dans un monde toujours plus
globalisé, mais en même temps toujours plus "traversé" par les diversités,
- culturelles, sociales, économiques, politiques et religieuses – présente
de nouveaux défis à la formation humaine, dont la principale est
l’éducation à la coexistence dans les milieux pluri-culturels et
religieux. C’est pourquoi il faut trouver les clefs de solutions au
difficile problème de l’harmonisation de l’unité – indubitable - de
l’humanité, avec la diversité des peuples, des ethnies, des cultures, et
des religions qui la composent. Cela implique de pratiquer l’accueil de
l’autre, ainsi que la culture du dialogue et de la réciprocité, de la
solidarité et de la paix. Cela sera possible dans la mesure où nous
découvrirons des valeurs culturelles communes valides partout.
Catholicité, universalité, multi-ethnicité et pluralisme culturel sont
donc les caractéristiques que l’Eglise assume, avec discernement,
spécialement en ce début de millénaire.
c. Eglise locale et mission universelle
Parmi les défis missionnaires de notre temps, pour et parmi les
migrants aussi, il a celle du rapport entre la tendance actuelle au
"local" et celle à "l’universalisme" (mondialisation). L’homme
d’aujourd’hui a besoin de retrouver ses racines, de garantir leur
identité, avec une référence précise à son milieu, à sa communauté
religieuse d’origine, sur le "lieu" où il vit et agit. D’autre part, il
vit déjà une dimension planétaire, que ce soit du point de vue de
l’interdépendance économique, de celui de la rapidité des déplacements et
de la mondialisation, surtout de l’information. Dans le domaine ecclésial
aussi, "mutatis mutandis", on retrouve deux tendances avec la redécouverte
de l’Eglise locale et en même temps avec une nouvelle prise de conscience
d’une universalité dynamique de l’Eglise: cette "universalité" pour
laquelle non seulement elle est désormais "partout", mais aussi ouverte à
l’accueil et pour inviter à la communion tous les migrants et toutes leurs
recherches humaines, historiques, culturelles, et religieuses.
C’est-à-dire qu’il faut mettre au service de la communion toute la
dimension trinitaire et pascale de notre foi. L’horizon d’une telle
communion est l’universalité et l’unicité de la mission du Christ, unique
Sauveur, qui fonde la catholicité de l’Eglise: une Eglise qui parle toutes
les langues et dans laquelle personne n’est étranger. La compréhension de
cette catholicité est la source de sa dynamique missionnaire.
Pour faire tout cela, il faut une conscience des réalités migratoires
de la part de tous les opérateurs pastoraux, ainsi qu’une plus cohérente
organisation de la pastorale dans les Eglises particulières. Universalité
et particularité sont donc inséparables. C’est la tâche de l’Eglise et de
l’engagement pastoral pour les migrants de témoigner, ensemble, de cette
compénétration mutuelle de l’universel et du particulier. Je crois que
nous en aurons un témoignage lumineux dans le prochain congrès.
Migrations, mondialisation et mission de l’Eglise, par Mgr Marchetto
CITE DU VATICAN, Jeudi 13 novembre 2003 (ZENIT.org)
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