homme est d'abord un être défini par sa capacité de percevoir et
connaître, de sorte que la simple raison ne peut parvenir à le définir.
Spinoza s'érige par là contre un certain intellectualisme des philosophes
rationalistes en affirmant cette thèse capitale : « Le désir est l'essence
même de homme'. »
homme est un être unitaire qui aspire à exister, et c'est ce que
Spinoza entend par le terme conatus* : homme tend à persévérer dans son
être et à se conserver. Le désir exprime tout entier notre nature. Cet effort dynamique qui constitue l'essence même
de homme est une puissance d'agir qui perpétue l'existence, et il n'est
nullement assimilable à quelque force mystique ou inconsciente. Ce conatus
recouvre différents termes, tous trois délivrant la même signification
dans le langage spinotiiste : il s'agit du désir, de l'appétit et de la
volonté. L'essence même de homme est un élan dynamique, une force, qui
agit sous la forme d'affects et d'actions et qui lui permet de persévérer
dans son être. Un tel mouvement est un élan d'affirmation qui vise à «
conserver » et « accroître » son existence, et en son sein nulle place
pour la mort ou la négation n'est possible.
Spinoza propose une véritable théorie de la vie psychique qui
s'organise autour des affects de désir, joie* et tristesse*. Nous
éprouvons de la joie lorsque notre puissance d'exister s'accroît, alors
que la tristesse exprime une diminution d'être. Le désir est donc perçu en
termes de baisse ou d'augmentation de la puissance d'exister. Mais c'est
la joie qui est constitutive de l'être dans son déploiement. C'est à
partir de ces trois affects - dits primaires - que Spinoza propose
d'autres affects capables de donner un sens aux multiples nuances qui
colorent la vie affective. Il mêle au creuset de sa palette les affects
tels que l'amour* ou l'envie, respectivement formes de la joie et de la
tristesse. La vie affective se trouve alors être une modalité positive ou
négative de ce conatus, essence même de homme. L'horizon de l'existence
se dessine alors : c'est ce désir de vie, ce mouvement vers la plénitude
de l'être et la joie. En regard des philosophes de son siècle, Spinoza se
situe à contre-courant des intellectualistes tels que Descartes ou Leibniz
et édifie une véritable éthique du bonheur, fondée sur la vie concrète du
désir.
La finitude de homme n'est nullement vécue comme une déchéance, mais
elle est acceptée et surmontée. La vie affective est un acte et c'est le
désir qui en constitue la clef de voûte. Dans la vie empirique, le désir
peut passer d'une perfection plus grande à une perfection moindre et c'est
lui qui exprime l'essence de notre être. Spinoza est novateur dans le sens
où il assigne au désir un rôle fondamental dans l'action humaine
1. Éthique, III, définition des affects, I.