Être français aujourd'hui ....la patrie, la famille ...

 Ensembles humains   Chantal Delsol

Présentation:  ces articles sont parus dans la série, «Qu'est-ce qu'être français aujourd'hui ?» organisée au mois de juin 2004 par le Figaro.

Vu en ensembles-homocoques, l'article de Chantal Delsol,  met bien en évidence la notion que l'homme est d'abord un être social ( je suis forgé dès mon origine par des groupes, communautés ou sociétés, dont je reçois l'influence) et non un individu qui par contrat constitue par choix une société... de la l'importance de sa famille, de sa cité, de sa patrie, de sa culture, de son peuple , de sa nation, de sa culture, de sa civilisation, de sa religion, ..de ses appartenances  ...... et si comme le souligne l'auteur être français c'est devenue une aventure de l'esprit , alors l'importance du développement de cet esprit est capital. .. et seule une nation souveraine est capable d'en assurer la pérennité d'un esprit français. Mais il est à craindre qu'au contraire on s'attache aujourd'hui, à l'endoctriner... à le déraciner, dans le temps et dans l'espace ... et lui inculquer la vision individualiste et universaliste de notre élite nationale... celle de l'HOMENTRANCHE des droits de l'homme, de la gouvernance mondiale.... à prédominance économique ... consommateurs uniformes .. culpabilisé ... craintif ....  assisté... crétinisé... en stabulation ...

Extraits: 

."Une aventure de l'esprit ". par Chantal Delsol....patrie, lieu de fraternité entre ceux qui partagent un héritage de souvenirs mêlés et un destin d'inquiétudes et d'espérances mêlées.....Famille et patrie se ressemblent par l'établissement de liens non choisis.....C'est là d'abord que le bât blesse, je crois. Car notre contemporain, s'il accepte de se dire membre de telle ou telle communauté ou société, veut au moins la désigner d'avance et rechigne à signer un blanc-seing à un groupe organisé avant lui

....Etre français, c'est donc assumer une appartenance non choisie, qui me précède et me dépasse.....Etre patriote, c'est aimer sa patrie sans la travestir, et sans en avoir honte. Juste parce que c'est elle, et juste parce que c'est moi....

....avoir le courage de désacraliser nos certitudes qui nous entraînent par le fond : l'uniformité et l'égalité, les privilèges des corps, et autres tabernacles. On ne se défait de certitudes sacrées que par la mise en avant d'une valeur plus haute : à savoir, ici, la patrie.

...Etre français, ce n'est plus donner des leçons au monde : c'est devenu une aventure de l'esprit. Il nous faut redessiner sans les perdre les référents qui nous ont construits. Etre français, c'est avoir besoin de ce courage-là.
 

 notre identité réduite à une cause... par Benoît Duteurtre .....dans l'esprit français, c'est cette obsession politique qui veut toujours réduire notre identité à une cause; une obsession qui rapproche les pires ennemis  .... pour les militants, toute la vie – et même l'art – ne sont que des armes au service de leur cause.

  on peut se demander, parfois, si la politique ne s'approprie pas l'identité nationale par des slogans mobilisateurs à peu de frais, toute une propagande verbale sur «l'exception française» permettant de ressouder les foules, pour mieux faire oublier le déclin de cet hypothétique modèle sur le terrain.

 

Reflets: famille, patrie, France, les peuples, le procès de la pensée chinoise face à la création occidentale, Nos NOUS de homocoques ...identité....et

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les droits et devoirs des coques !  juillet 2002
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le veau en stabulation ! septembre 2002

 

 

 
 

 "Une aventure de l'esprit "

Auteur:  CHANTAL DELSOL *

Source: Le Figaro 22.06.04

 

Que signifie être français ? Cela ne va plus de soi. Le changement des temps en égare la définition. Par exemple, être français, c'est sans doute à présent substituer le patriotisme au nationalisme, parce que la nation puissance, en guerre permanente contre ses semblables, a laissé place à des ensembles plus vastes et à des hiérarchies plus subtiles. Qu'on le veuille ou non, l'Etat en tant que puissance régalienne se dissocie lentement de la nation et celle-ci se transforme en patrie, lieu de fraternité entre ceux qui partagent un héritage de souvenirs mêlés et un destin d'inquiétudes et d'espérances mêlées. Parce que la France est devenue un élément d'une puissance continentale, nantie par ailleurs de petites patries qui compensent l'abstraction mondialiste par la proximité, être français, c'est moins aujourd'hui partager la puissance et la gloire que l'affection pour un art de vivre ensemble.

En réalité, c'est d'abord la notion d'appartenance qui elle-même fait problème, au moins quand il s'agit de ce type de groupe nommé patrie. Famille et patrie se ressemblent par l'établissement de liens non choisis. Je ne choisis ni de naître dans telle famille ni de naître français, nonobstant des exceptions. Je nais en un lieu et en un temps qui ne dépendent pas de moi. Et parce que l'enfant humain ne peut accéder à sa véritable humanité qu'à travers une culture, et donc par la transmission, je suis forgé dès mon origine par des groupes, communautés ou sociétés, dont je reçois l'influence pour ainsi dire au hasard. Mes liens les plus primaires, donc essentiels, sont déterminés hors ma volonté. Naturellement il ne s'agit pas de confondre la famille et la société, et il est impossible, surtout dans la modernité individualiste, de ratifier la pensée de Platon selon laquelle il n'y aurait pas de différence entre une grande maison et une petite cité. Pourtant les deux entités se ressemblent en ce qu'elles échappent – l'expérience le démontre à satiété – à la théorie du contrat.

la société civile peut se penser symboliquement sous le mode du contrat, mais nous n'adhérons pas par contrat originel à la patrie qui nous abrite et contribue à nous civiliser, c'est-à-dire à nous humaniser. En tant que Français, nous sommes, que nous le voulions ou non, partie prenante de cette terre aux longues côtes et aux vignobles millénaires, et en tant que Français d'aujourd'hui, nous sommes partie prenante de cette terre avec son histoire spécifique.

C'est là d'abord que le bât blesse, je crois. Car notre contemporain, s'il accepte de se dire membre de telle ou telle communauté ou société, veut au moins la désigner d'avance et rechigne à signer un blanc-seing à un groupe organisé avant lui. Aussi s'affaire-t-il à retirer à la société la plus originelle, la famille, les obligations non liées au contrat, ainsi qu'à enlever aux contrats leur pérennité, les transformant en accords temporaires, même si reconductibles.

Etre français, c'est donc assumer une appartenance non choisie, qui me précède et me dépasse. Cette affirmation s'entend sur plusieurs plans. En premier lieu, être français, c'est assumer le passé de la France : se sentir et se savoir le fils des rois qui ont fait la France et des abbayes bénédictines, des guerres de religion, de l'espérance et de l'intolérance révolutionnaires, de 40 millions de pétainistes et de l'intelligentsia stalinienne. Autrement dit, ce serait ne rien comprendre à la patrie que de vouloir choisir en elle ce qui, aujourd'hui, plaît, et pire encore, de tenter de réécrire le passé qui nous chagrine ou nous indigne : la France sans les racines chrétiennes, comme le voudraient nos gouvernants, voire même l'invention de racines musulmanes, pour faire plaisir au temps présent... Quand on reçoit un héritage, on n'accepte pas le château sans les dettes. Et il en va de même pour le présent. Etre français, c'est se sentir et se savoir le compatriote des immigrés naturalisés, mais aussi des électeurs du Front national. C'est aimer ce pays avec sa cuisine et son élégance qui font pâlir d'envie nos voisins, mais aussi avec ses corporatismes étroits, son refus de la réforme, son aigreur de puissance en perte de puissance. Etre français n'est pas désigner les Français dont nous voulons comme compatriotes, et ceux dont nous ne voulons pas : attitude assez répandue chez un peuple toujours en posture de guerre civile, et qui hérite, il faut le dire, davantage de 93 que de 89.


Etre patriote, ce n'est pas, finalement, reconstruire son pays à l'image de son propre rêve, ni aimer une figure idéale forgée à la mesure de l'utopie. Mais c'est aimer un pays réel, avec ses grandeurs et ses catastrophes, ses erreurs et ses gloires, son charme et ses pesanteurs. C'est s'inscrire dans un passé et dans un présent que nous n'avons pas forcément ratifiés, accepter les conséquences de situations auxquelles nous n'avons point part : répondre de ce dont nous ne sommes pas responsables.


Autrement dit, nous sentir solidaires aussi de tout ce que nous n'avons pas voulu, cette solidarité incluant à la fois l'affection de celui qui aime sans pour autant toujours approuver et la volonté de transformer, dans un esprit de concorde, ce qui nous paraît inacceptable.

Etre patriote, c'est aimer sa patrie sans la travestir, et sans en avoir honte. Juste parce que c'est elle, et juste parce que c'est moi.
Aussi, se sentir français aujourd'hui, c'est apercevoir, sans faux-semblant ni ruse de la raison raisonneuse, que nous héritons d'une patrie en perte de puissance. Que la France a pu être ou se croire le phare du monde mais ne l'est plus. Que ses institutions ont pu servir de modèle mais ne le sont plus, dans un monde où les Etats nations unifiés deviennent obsolètes. Cette puissance désormais moyenne doit se remettre en cause, non parce que ses trouvailles se révéleraient fausses mais parce qu'elles se révèlent dépassées.
 

Etre français aujourd'hui, c'est d'abord un étonnement douloureux, celui qui faisait dire au jeune Périclès, suspendu au manteau du Maître : «Comment se fait-il, Socrate, que notre cité ait ainsi décliné ?» Comment cette patrie si brillante, fille aînée de l'Eglise et de la Révolution, est-elle devenue une puissance si moyenne, si essoufflée, si endettée, si enfermée dans ses propres préjugés ?

Etre français aujourd'hui revient à faire le deuil de ce que nous ne sommes plus, et nous apparaît si enviable. Etre français, c'est une nostalgie, et l'analyse d'un manque irrémédiable, et la lucidité devant les béances laissées par l'histoire dans tous les pays du monde où notre influence se faisait sentir, et ils sont nombreux : les cinquantenaires de l'élite cultivée parlent encore français, les trentenaires parlent anglais... Mais la nostalgie n'est pas une réponse. Elle se transforme aisément en aigreur : celle qui nourrit la haine de l'Amérique, puissance qui monte pendant que nous descendons. Elle peut devenir une grande révolte, dessinant des drapeaux désuets, comme celle qui rappelle des idéologies désertées, celle qui coupe le courant électrique pour conserver ses privilèges. La hargne fait aussi partie du sentiment d'être français

La nostalgie se retourne contre son détenteur et ne transforme pas la réalité regrettable. Il nous faut tout mettre en oeuvre pour la dépasser. Peut-on alors oublier les rêves de puissance ? Se contenter d'une place médiocre ? Accepter la diminution, comme ce sage auquel on a volé une partie de ses capacités et qui rend grâce pour celles qui restent ? Un individu peut faire son deuil de sa grandeur passée parce qu'il se sait vieillissant et mortel. Mais une patrie ? N'a-t-elle pas pour projet l'immortalité, quoi qu'en dise Valéry ? Saurait-elle accepter de vieillir et de mourir ?
 

Certains en veulent tant à la France d'être ce qu'elle est, pour toutes sortes de raisons différentes, qu'ils préfèrent s'éloigner d'elle, saisir une autre appartenance, et parfois la renier brutalement, comme Aragon crachant sur le drapeau. Je n'accepte pas que l'on crache sur le drapeau, pas plus qu'on ne crache sur son père, fût-il sans paternité. Il faut prendre alors le pays fatigué tel qu'il est et combattre pour l'arracher des ornières où il se débat inconsciemment. C'est notre lot si nous acceptons le patriotisme comme une appartenance non choisie, une relation étrangère à toute préférence, tissée hors notre volonté, et façonnée par le sentiment plus que par le contrat rationnel.
 

Il y a aussi les politiciens et les préfets qui nous servent des discours glorieux, visant à noyer la réalité dans l'encre d'un romantisme qui ne trompe personne. Tenant les propos pessimistes pour des injures à la patrie, ils croient décrire une situation en récitant des phrases comme celle de Péguy : «Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre un réservoir sans fin pour des âges nouveaux»... J'admire la poésie de Péguy. Mais nous sommes en train de comprendre que les réservoirs se tarissent : la richesse certes (le poète ne parlait pas de cela), mais surtout la ferveur.
 

Cette inquiétude habite l'esprit de nos générations. Elle n'oublie que les inconscients ou les tricheurs. Certains fuient le pays pour ne pas avoir à la porter, désespérant d'y porter remède.
 

Les Français ne peuvent plus se reposer sur l'héritage : la richesse du pays, ses institutions archétypales, sa langue admirée, sa parole universelle. Tous ces bienfaits sont en voie de dislocation, et nous n'emmènerons plus aucun peuple derrière nous aux paroles de la Marseillaise. Etre français, c'est, par affection pour la France, tâcher de comprendre les ressorts des maladies qui nous minent, oser en dévoiler les symptômes, avoir le courage de désacraliser nos certitudes qui nous entraînent par le fond : l'uniformité et l'égalité, les privilèges des corps, et autres tabernacles. On ne se défait de certitudes sacrées que par la mise en avant d'une valeur plus haute : à savoir, ici, la patrie. En période de calme, la patrie s'identifie à ses institutions et à ses coutumes, à ce point qu'elle se défend par leur simple légitimation. Dans les époques de rupture, la patrie doit, pour se sauver, se défaire de bien des points d'ancrage qui autrefois la maintenaient. Nous en sommes là. Etre français, c'est aimer suffisamment la France pour vouloir la redéfinir, lui proposer d'autres piliers et d'autres rêves.
 

Ce désarroi peut se muer en volonté nouvelle : c'est un défi, aujourd'hui, que d'être français. Car cela consiste à comprendre que la France n'est plus une sinécure, un hôtel 5 étoiles au jeu du Monopoly, un modèle par nature. Elle ne peut plus se reposer sur ses lauriers fanés. Il lui faut s'exposer pour survivre à elle-même. Etre français, pendant longtemps c'était savourer des épopées et jouir de l'influence gagnée par nos ancêtres. Aujourd'hui, être français, c'est se risquer dans l'inconnu d'une métamorphose, penser la rupture, chercher des voies nouvelles par où s'imagineront d'autres forces, encore inconnues.
 

Nous avons longtemps marché dans des sillons millénaires, balisés par la fierté. Il nous faut à présent tailler des chemins dans la forêt. Nous n'en avons pas l'habitude. Nous sommes un peuple heureux, que la fortune a comblé. Longtemps nous nous sommes crus immortels, presque par nature, en tout cas par l'ampleur de l'histoire qui nous enracine dans le sol. Mais l'histoire ne produit pas de miracle. Il nous faudra, comme tous les peuples, nous battre contre nous-mêmes (nos habitudes, nos erreurs) pour conquérir temporairement cette immortalité dont aucun peuple n'a jamais cessé de rêver.
 

Etre français peut signifier ainsi une fin autant qu'un recommencement. Celui-ci exige la lucidité. J'ai honte de ces élites qui cherchent à cacher notre diminution afin de faire vivre le peuple dans un contentement artificiel. Les Français des faubourgs, des villages et des banlieues ressentent cet étonnement et cette diminution, et ont envie de s'accrocher aux basques de Socrate : «Comment se fait-il que notre cité ait ainsi décliné ?» Nos gouvernants les renvoient à leurs affaires : de quoi parles-tu, Périclès ? Notre cité est grande et puissante, seuls nos ennemis la voient petite ; la preuve : tu conserveras tes 35 heures, que tous les étrangers t'envient...
 

Etre français, ce n'est plus donner des leçons au monde : c'est devenu une aventure de l'esprit. Il nous faut redessiner sans les perdre les référents qui nous ont construits. Etre français, c'est avoir besoin de ce courage-là.
 

* Philosophe, professeur de philosophie politique à l'université de Marne-la-Vallée, auteur de La République, une question française (PUF). Publiera prochainement à la Table ronde Justice internationale: l'imposture.


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 notre identité réduite à une cause...

 

Auteur:  BENOÎT DUTEURTRE *

Source: Le Figaro 23.06.04

 

 

....ce que je déteste le plus – au bout du compte –, dans l'esprit français, c'est cette obsession politique qui veut toujours réduire notre identité à une cause; une obsession qui rapproche les pires ennemis. Elle conduisait les révolutionnaires de 93, les va-t-en-guerre nationalistes de 14, comme elle conduit aujourd'hui les propagandistes d'une France plus ouverte, fière de sa capacité d'intégration ou de son modèle culturel. Du drapeau de la nation à celui de l'absence de nation, cette France-là se voit toujours investie d'une mission, comme si notre histoire n'était qu'une quête morale. Des slogans revanchards aux pétitions de la fin du XXe siècle pour l'intelligence, de la «mère patrie» à la «patrie des droits de l'homme», le même combat recommence et se poursuit. Car pour les militants, toute la vie – et même l'art – ne sont que des armes au service de leur cause.

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La posture politique française n'est pas toujours sans courage: on l'a vu, avec les prises de position contre l'agression américaine en Irak. Mais on peut se demander, parfois, si la politique ne s'approprie pas l'identité nationale par des slogans mobilisateurs à peu de frais, toute une propagande verbale sur «l'exception française» permettant de ressouder les foules, pour mieux faire oublier le déclin de cet hypothétique modèle sur le terrain. Cette mobilisation générale des consciences françaises favorise les clichés: une Amérique-Coca-Cola cherche à terrasser la France, transformée en forteresse de la démocratie et de la vraie culture; façon d'oublier que notre repoussoir est, depuis longtemps, notre modèle et que les ghettos de Paris n'ont rien à envier à ceux de New York. Une vaste illusion spectaculaire met en scène les atouts de la société française; le tintamarre idéologique se fait bruyant, tandis que recule la place réelle d'un style français dans le monde.

L'identité européenne – invoquée parfois comme substitut – peine à trouver son sens. Le rêve communautaire, cet élan censé affirmer la singularité du vieux continuent, peine à masquer une machine économique et bureaucratique, devenue le principal ennemi de cette singularité. Les ex-pays communistes ne s'y trompent pas, dans leur entrée bruyamment atlantiste sur la scène européenne, plus lucides que nous sur le rôle actuel de l'institution communautaire: faire adopter définitivement au Vieux Continent des modèles économiques, sociaux et juridiques d'inspiration américaine. La seule défense possible d'une identité européenne n'exigerait-elle pas, au contraire (c'est le paradoxe de notre histoire) de défendre les différentes identités qui font la nature de l'Europe? Ne faudrait-il pas cultiver la richesse de chaque nation, son architecture, sa langue, ses «normes», tout en renonçant aux vaines oppositions politiques nationales? En adoptant exactement le projet contraire (établir une seule «norme», tout en conservant les discours nationaux), nous scellons la faillite de toute identité européenne.
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Mais c'est en voyage que je ressens le plus délicieusement cette «identité»; quand j'oublie ce que mon pays peut avoir de détestable, ses tics, son arrogance, pour me sentir soudain français, largué à New York ou à Pékin. Cela me fait plaisir, dans cette confusion, d'expliquer soudain: «En fait, je suis français», comme si j'évoquais par cette phrase Debussy, la campagne normande, les Halles de Paris, les romans de Balzac, le port du Havre où je suis né, les terrasses de cafés sous les platanes... J'aime aussi les villes francophones – Bruxelles ou Montréal –, parce que l'identité française y perd son poids d'obsessions françaises, d'habitudes étriquées, pour se mettre à flotter, plus confusément, dans la langue, dans l'histoire, dans certains traits communs.


* Ecrivain, auteur de Service clientèle (Gallimard); son nouveau roman, La Rebelle, paraîtra fin août chez Gallimard.

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