"De Gaulle, la grandeur et le néant "

Dossier : France 

Présentation:

Tout semblait avoir été dit sur le général de Gaulle avant que ne paraisse le livre de Dominique Venner, De Gaulle, la grandeur et le néant (1)

Extraits: 

Quelle fut la part du général dans la mort de notre nation, sa transformation en société anonyme réduite au marché, de surcroît envahie et profanée ? ...je montre que son rêve de grandeur personnelle s'est souvent retourné contre la nation. ....la grandeur d'une nation n'est pas une affaire de jactance. Elle se juge à l'énergie vitale de son peuple, à sa cohésion et à la conscience forte de son identité. .... Homme politique suprêmement doué, il fut l'incarnation de la volonté de puissance.....perversion des postures nietzschéennes

en io-relation ....

 pouvoir, ego, chef, guide, ensemble-HOMENTRANCHE, démocratie, suffrage universel, nation, veaux en stabulation, bipartisme.        .Des coqs-berger ....de Gaulle

 

 

 

 

 

 "De Gaulle, la grandeur et le néant "

Auteur: Dominique Venner

Source: Présent 17.11.04

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Tout semblait avoir été dit sur le général de Gaulle avant que ne paraisse le livre de Dominique Venner, De Gaulle, la grandeur et le néant (1). Un livre qui soulève beaucoup de vagues en dépit du silence effrayé des grands médias. « A vingt ans, écrit Venner, j'ai honni le général de Gaulle au point de vouloir le tuer. A quarante, je me suis presque pris à l'admirer. Aujourd'hui, je m'interroge. » De cette interrogation est né son livre dont on ne sort pas indemne, tant il bouscule ce qui est ressassé sur notre histoire depuis 1940. Rappelons que Dominique Venner est écrivain et historien. On sait qu'il dirige la Nouvelle Revue d'Histoire. Il a publié un grand nombre d'ouvrages dont plusieurs sont consacrés à l'histoire contemporaine, notamment son diptyque bien connu : Histoire critique de la Résistance et Histoire de la Collaboration (Pygmalion, 1995 et 2000). Dans sa jeunesse, à l'époque de la guerre d'Algérie, Dominique Venner avait payé de sa personne et même connu la prison, ce qu'il a raconté dans Le Caeur rebelle (Belles Lettres, 1994). Nous l'avons interrogé.

- Pourquoi ce livre sur De Gaulle et maintenant ? Est-ce une réponse à celui de l'amiral ?

- La réflexion sur le rôle historique du général de Gaulle et les ambiguïtés de son personnage, m'occupe depuis longtemps. Devant les décombres de ma patrie, je m'interroge en historien, m'appuyant sur ce que je sais de l'histoire du XXe siècle. Quelle fut la part du général dans la mort de notre nation, sa transformation en société anonyme réduite au marché, de surcroît envahie et profanée ? Au cours (le leur histoire, les Français ont été un grand peuple, créateur, galant, courageux, raffiné. Qu'en reste-t-il ? Leurs qualités dans le travail et le divertissement, la vie personnelle, familiale et civique, avaient résisté à tout, même à la Révolution. Je constate que c'est à l'époque du général de Gaulle que s'est opéré l'immense changement qualitatif dont nous voyons les effets, et sans les excuses que peuvent avoir d'autres peuples européens.

- Si je comprends bien, vous instruisez le procès du général ?

- Je ne crois pas que mon livre soit manichéen. Je n'aborde le sujet ni en laudateur ni en adversaire. A vrai dire, le personnage me remplit à la fois d'admiration et d'effroi. Je montre ce qui est grand chez lui, mais aussi toute une part mesquine, rancunière et sinistre. Je reconnais à De Gaulle une stature exceptionnelle, mais je montre que son rêve de grandeur personnelle s'est souvent retourné contre la nation.

 - Comment pouvez-vous dire cela d'un homme qui a restauré la France dans sa grandeur après sa défaite de 1940 et qui lui a rendu une place privilégiée entre les nations après 1958 ?

- Vous venez de résumer la légende. Elle comporte bien sûr une part de vérité, mais aussi beaucoup de mensonges. De Gaulle avait de la grandeur de la France une vision à la Déroulède, faite de postures avantageuses, d'effets de scène et de « bluff ». Mais la grandeur d'une nation n'est pas une affaire de jactance. Elle se juge à l'énergie vitale de son peuple, à sa cohésion et à la conscience forte de son identité. Et là, nous savons ce qu'il en est... Pour dire les choses autrement, la France n'est pas une idée, une abstraction, c'est une réalité vivante ou ce n'est rien. Au temps de sa splendeur, c'était une nation enracinée dans une longue histoire, une culture et un peuple, c'est-à-dire une communauté. Le peuple est la substance même de la nation. A ce titre, il est son bien le plus précieux. Cette conception aristotélicienne de la nation est aux antipodes de celle du général. S'il s'intéressait aux électeurs, il ne se soucia jamais des Français. On sait comment il a traité nos compatriotes d'Algérie, livrés sans défense à la violence du FLN après les accords d'Evian de mars 1962.

- Vous avez donc revisité le légende du général...

- Je me suis posé la question de savoir pourquoi ses rêves de grandeur avaient dégénéré, dans quelle mesure son action avait été la source paradoxale de la disparition de la France en tant que nation.

- Et quelle est votre réponse ?

- Par malheur pour notre pays, l'homme exceptionnel qu'était De Gaulle s'est servi de la France pour réaliser l'ambition de toute sa vie jouer un grand rôle et à tout prix. Il a avoué cette ambition dès 1932, alors qu'il était encore un officier inconnu. C'est dans Le Fil de l'épée, ouvrage où il s'est le mieux livré. Il se donnait comme modèles « les ambitieux de premier rang qui ne voient à la vie d'autre raison que d'imprimer leur marque aux événements »... Tout est dit. La raison de vivre de ce militaire n'était pas de se dévouer à la France mais de tout faire pour marquer son époque, laisser un nom. De ce point de vue, il a réussi. Mais à quel prix ?

- Que voulez-vous dire ?

- Il faut d'abord comprendre que le général, médiocre dans les affaires militaires, était un politique et un polémiste exceptionnel, doté d'une foi aveugle dans son propre personnage et d'un culot hors du commun. Il ne fut jamais meilleur que dans la guerre civile. Elle était son élément. Là, il prouva des aptitudes grandioses, jouissant avec gourmandise d'écraser ses adversaires, le plus souvent des officiers français glorieux, Pétain, Giraud ou Salan, qui eux n'étaient pas de taille à ce jeu-là. Ayant assimilé son destin à celui de la France, le général considérait ceux qui lui résistaient comme des traîtres. Par deux fois, en 1940-1944, puis en 1958-1962, pour se hisser au pouvoir, il jeta le pays dans la guerre civile, s'opposant au courant national qui était le sien, mais qui lui faisait l'affront de ne pas le suivre. S'appuyant sur les vieux partis qu'il méprisait et sur la mouvance communiste et gauchiste qui avait beaucoup à se faire pardonner, il anéantit le mouvement de redressement national qui ne l'avait pas suivi. C'est ce que j'ai appelé la « révolution de 1944 », rééditée avec une moindre ampleur en 1962. Tandis que les forces d'une possible révolution conservatrice étaient liquidées politiquement et socialement, leurs journaux interdits, leurs intellectuels fusillés ou diabolisés, le général couvrait ses alliés communistes et gauchistes du voile tricolore de sa grandeur, leur permettant de s'emparer de tous les pouvoirs, notamment dans les médias et l'enseignement où ils sévissent toujours. Ainsi, par un extraordinaire paradoxe, l'homme politique de droite le plus doué des cinquante dernières années liquida-t-il ceux qui auraient pu mettre en oeuvre ses propres idées, favorisant au contraire ceux qui allaient les ruiner. Mais peu lui importait puisque ces gens-là le célébraient à leur façon, flattant son ego. Il faut ajouter que le général, tout en ayant des idées bien arrêtées, ne croyait pas au pouvoir des idées et des idéologies. Il ne croyait qu'en lui-même. On connaît le résultat. Revenu au pouvoir en 1958, porté par une immense vague patriotique et nationale, il fit si bien que, dix ans plus tard, la France tricolore de Mai 58 était devenue celle de Mai 68, la France des drapeaux rouges et de la chienlit. Elle est toujours là.

- Est-ce l'explication du titre de votre essai : « la grandeur et le néant » ?

- Mai 68 marque le naufrage du rêve gaullien et la revanche du réel. Mais le général était imperméable à toute autocritique. Comme tant de fois dans le passé, il s'en est donc pris aux Français qu'il méprisait : « des veaux ! » selon son expression favorite. Mais à qui la faute ? Ceux qui n'étaient pas des veaux, il les avait fait fusiller et ostraciser au cours de féroces épurations, les vouant à une vindicte publique éternelle, faisant d'eux des exclus dans leur propre pays.

- Dans votre conclusion, vous parlez du « nihilisme .> du général. Qu'entendez-vous par là

- Le nihilisme est un concept que j'ai développé dans mon essai Histoire et tradition des Européens (2) et par lequel je désigne la maladie spirituelle qui ronge notre époque. Je l'oppose à ce que j'entends par « tradition », c'est-à-dire la mémoire identitaire qui prémunit contre les tendances morbides, qui donne un sens à la vie et l'oriente, qui porte en elle la conscience du supérieur et de l'inférieur. Dans le nihilisme, tout est soumis à l'utilitaire ou au désir, donc à ce qui est inférieur, aux non-valeurs dont l'une des manifestations est le dévoiement de la volonté de puissance. La vie publique du général de Gaulle montre qu'il fut l'incarnation extrême de ce travers. Dans la même période historique, on voit certains grands chefs au passé glorieux faire don de leur personne à la France jusqu'aux plus grands sacrifices, tel Weygand. A l'inverse, De Gaulle, dont la gloire militaire était modeste, offrit la France à son ambition et à sa vanité. Homme politique suprêmement doué, il fut l'incarnation de la volonté de puissance. Mais au service de quoi et de qui ? Dans ce destin, il y a matière à réfléchir sur la perversion des postures nietzschéennes. C'est ce que j'ai voulu montrer.

Propos recueillis par Catherine Robinson

(1) Dominique Venner, De Gaulle, la grandeur et le néant, éditions du Rocher, 300 pages, 19,90 euros.

(2) Dominique Venner, Histoire et tradition des Européens, nouvelle édition, éditions du Rocher, 2004.

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«Malheur au monde, à cause des scandales » Mt 18,7

« N'aimez ni le monde, ni ce qui est dans le monde ; si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est pas en lui » première épître de Saint-Jean, 2.15

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