Deuxième cause de mortalité chez les jeunes, juste
après les accidents de la circulation, le suicide des adolescents
frappe gravement la France. Il atteint même des records par rapport à
nos voisins européens. Car le nombre de «passages à l'acte»
réussis, selon le terme des spécialistes, a beau diminuer depuis une
dizaine d'années, il baisse deux fois moins vite que toutes les autres
causes de décès. Quand aux tentatives de suicide, leur nombre
progresse encore.
Ce sont les filles qui cherchent le plus souvent à mettre fin à leur
vie – les tentatives de suicides féminines ont bondi de 40% au cours
des dix dernières années. «Tous les indicateurs le montrent, la
situation des jeunes filles s'est considérablement dégradée,
explique Marie Choquet, chercheuse à l'Inserm. La dépression, la
consommation d'alcool et de cannabis, l'absentéisme, etc. augmentent
chez les jeunes femmes. Elles ne vont pas bien.»
Les statistiques montrent que le nombre de morts par suicide augmente
avec l'âge. Autrement dit, plus on est vieux, plus on «réussit» sa
tentative. Le suicide est particulièrement mortel chez les adultes
dans la force de l'âge. Il devient la première cause de mortalité des
35-44 ans. Les hommes, qui utilisent des méthodes plus violentes que
les femmes, sont les plus touchés, souligne l'Union nationale pour la
prévention du suicide (UNPS) qui organise vendredi et samedi à Paris
des journées nationales pour la prévention du suicide.
«La prévention du suicide n'a pas beaucoup avancé en cinquante
ans», estime Nadia Cherkasky, membre de l'UNPS. Et pour une grande
partie des spécialistes, la prévention commence très jeune. «Quand
on interroge les adultes qui ont tenté de mettre fin à leur vie, on
découvre que la quasi-totalité d'entre eux avaient déjà fait des
tentatives de suicide plus jeunes, souligne Marie Choquet. La
première cause, ce sont les pensées suicidaires qui surviennent dès
l'adolescence...» Autrement dit «un geste suicidaire à 40 ans
est la traduction d'un malaise bien antérieur», explique Xavier
Pommereau, psychiatre et fondateur du centre Abadie à Bordeaux, qui
accueille les adolescents qui souffrent de ces affections.
Des adolescents ou même des préadolescents de plus en plus jeunes
veulent aujourd'hui en finir avec la vie. 7% des filles âgées de 12–13
ans et 6% des garçons du même âge ont déjà fait une tentative de
suicide en 2003. Et la plupart d'entre eux ont parlé de leur projet à
leur entourage avant de passer à l'acte.
Les actes suicidaires sont souvent mis en scène. «Auparavant, un
adolescent suicidaire exprimait indirectement son malaise dans une
rédaction – par exemple, à la question qu'est-ce que la liberté ? il
écrivait, «La liberté, c'est la liberté de mourir, parce que le
monde est pourri». Aujourd'hui, les moyens de communication ont
changé, analyse Xavier Pommereau, on
s'exprime sur Internet grâce à un blog, ou par SMS... Mais il s'agit
de la même démarche paradoxale qui consiste à vouloir exister en se
donnant la mort.»