ROME, Jeudi 22 septembre 2005 (ZENIT.org)
– « L’heure de la résurrection de l’ONU est arrivée », affirme le
cardinal Sodano dans un entretien publié dans le quotidien italien La
Stampa.
Le cardinal Angelo Sodano, secrétaire
d’Etat a en effet représenté le pape Benoît XVI au sommet de l’ONU du 16
septembre. Il a accordé un entretien à Paolo Mastrolilli.
La Stampa – Eminence, comment le
Saint-Siège juge-t-il les idées de réforme de l’Assemblée générale de
l’ONU?
Card. Sodano :ce sont de très bonnes
propositions. Mieux vaut tard que jamais, dit le proverbe. Soixante ans
ont passé depuis ce 26 juin 1945 qui vit naître cette organisation pour
mettre en œuvre les grands principes énoncés par le préambule de son
statut: sauver les générations futures du fléau de la guerre, réaffirmer
les droits fondamentaux de l’homme, et contribuer au développement des
peuples. Des fruits concrets ont été visibles, mais c’est aussi un
devoir de noter que l’histoire de ces soixante années a encore été
marquée par le fléau des guerres et de crimes contre l’humanité, ainsi
que par la misère et la faim. Je me souviens qu’après la tragédie de la
Bosnie, on a écrit un livre au titre provocateur: « L’ONU est morte à
Sarajevo ». Maintenant l’heure est venue de sa résurrection.
La Stampa – Qu’est ce que le
Saint-Siège souhaiterait comme réforme?
Card. Sodano :Je vois avec plaisir que
le concept d’intervention humanitaire se précise. Maintenant, on veut
créer une commission de construction de la paix (« Peacebuilding
Commission ») pour ramener la paix dans les pays éprouvés par des
rivalités ethniques et par des affrontements armés. Les tragédies
qui ont eu lieu dans les Balkans, au Moyen Orient, et en Afrique ont
fait méditer les responsables des Nations. Dans les différents
documents préparatoires de ce sommet, on a beaucoup parlé de la «
responsabilité de protéger ». C’est un concept juridique et
politique nouveau qui se développe. Le Saint-Siège demande aux Etats
d’avoir le courage d’appliquer les décisions prises à cet égard; On
pourra ainsi porter remède aux situations où les autorités nationales ne
veulent pas ou ne peuvent pas protéger leurs propres populations.
La Stampa – Quelle est la position
du Saint-Siège sur l’invitation à investir 0,7% du produit national brut
des pays riches pour le développement ?
Card. Sodano :Le thème du
développement est important, tout comme celui de la paix. Il y a entre
eux une relation profonde qui avait conduit le regretté pape Paul VI à
répéter souvent: « le développement est le nouveau nom de la paix ». Il
y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. Mais l’ONU n’est pas un
« super-gouvernement ». Elle est plutôt la résultante de la volonté
politique des pays membres. C’est donc des gouvernements, des
parlements, de la culture de la solidarité des différents peuples, que
dépend le fait d’assumer ces engagements. C’est l’un des grands
engagements que les Etats avaient pris en l’an 2000, au début du IIIe
millénaire, dans les fameux « Objectifs de développement du millénaire
». Maintenant le Saint-Siège est favorable à de nouveaux mécanismes
ayant pour but de financer le développement mais ce qui compte, c’est la
volonté des peuples d’accepter de tels sacrifices pour les pays les plus
pauvres. Je me souviens qu’en mars 1995, j’avais aussi participé à la
conférence de Copenhague sur le développement social. Les chefs d’Etat
s’y sont engagés à donner la priorité au développement, sur tous les
objectifs du XXIe siècle. Mais hélas le chemin parcouru a été lent.
La Stampa – Certains remettent en
question le rôle même et l’avenir de l’ONU. Selon le Saint-Siège, l’ONU
est-elle encore utile? Pourquoi?
Card. Sodano :L’ONU est encore utile,
bien sûr! S’il n’existait pas une telle organisation, il faudrait
l’inventer. Le problème est plutôt lié à la nécessité de la renouveler.
Ce ne doit pas être un organisme pétrifié, mais une institution vivante
qui réponde aux besoins des époques. Cela vaut pour le conseil de
sécurité, et pour les autres organismes de l’ONU.
La Stampa – Les forces étrangères
doivent-elles rester en Irak, jusqu’à ce que le pays se stabilise?
Card. Sodano :La loi de la
solidarité oblige les nations du monde à aider l’Irak. Nous souffrons
tous devant la tragédie de ces populations et nous devons maintenant
tous nous sentir solidaires de ces frères et sœurs. Nous devrons
être tous d’accord là-dessus indépendamment du jugement personnel sur
l’histoire de ce pays tourmenté.
La Stampa –Quels sont les éléments
de continuité et de discontinuité dans la politique étrangère du
Saint-Siège entre le pontificat de Jean-Paul II et celui de benoît XVI?
Card. Sodano :Je suis heureux d’avoir
apporté ma collaboration au regretté pape Jean-Paul II et maintenant de
continuer auprès du pape Benoît XVI. Ce furent 15 ans de grandes
initiatives, pour l’Eglise et pour le monde. Mais il y a cette belle
tradition, au Saint-Siège, de la continuité. Comme aux Jeux olympiques,
l’un transmet à l’autre le flambeau. C’est un aspect de la pérennité de
l’Eglise.
La Stampa – Que fera l’Eglise afin
que l’Europe réaffirme sa tradition religieuse dans la constitution?
Card. Sodano :Il est logique que le
Saint-Siège ait une sollicitude particulière pour l’Europe où le
christianisme a plongé ses racines les plus profondes. Du reste, je me
souviens d’une phrase écrite l’an dernier par le philosophe Giovanni
Reale, après la signature de la Charte constitutionnelle de l’Union
européenne: « Sans le christianisme, l’Europe ne serait jamais née!
» Maintenant , la Charte est examinée par les différents Etats. On ne
doit pas se décourager. La Charte n’est qu’un instrument – qu’elle
entre en vigueur ou non – du processus d’intégration européenne. Les
chrétiens - catholiques, réformés, orthodoxes - sont la majorité dans
les 25 Etats de l’Union et ils ne manqueront certainement pas de donner
leur contribution au progrès spirituel du continent.
La Stampa – Comment le Saint-Siège
entend-il agir sur le thème des valeurs, après le référendum italien sur
les questions de la vie?
Card. Sodano :le Saint-Siège
continuera à proclamer le grand principe que le Christ nous a laissé:
« L’homme ne vit pas seulement de pain! » Il y a des valeurs pour
lesquelles il vaut la peine de vivre et de mourir. C’est l’histoire de
toute notre civilisation. Après les récents référendums italiens sur
les questions de la vie, on a vu combien ces valeurs sont importantes
pour notre peuple. Mais cela implique maintenant un effort culturel pour
concilier recherche scientifique et protection de la vie. C’est un défi
pour l’avenir, mais on ne pourra jamais oublier la dignité de tout être
humain, et la nécessité d’un profond respect de la vie, y compris de la
vie à naître.
© La Stampa 2005
[Traduit de l’italien par Zenit]
ZF05092204